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La névralgie pudendale de Martine récidive

Publié le 1 novembre 2018
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Martine C., 64 ans, souffre depuis 5 ans de névralgie pudendale qui touche un nerf profond du bassin. Un neurologue prescrit un nouveau traitement contre ces douleurs d’origine neuropathique.

Ce que je dois savoir

Législation

L’ordonnance respecte la réglementation. Les deux produits sont substituables, Lyrica dans l’indication « douleurs neuropathiques ».

Contexte

C’est quoi ?

• La névralgie pudendale ou syndrome du canal d’Alcock est une douleur neuropathique chronique touchant 1 Français sur 6 000. Débutant en général entre 50 et 70 ans, elle se manifeste par des douleurs d’intensité variable, unilatérales, dans la région du périnée, de l’anus à la verge ou au clitoris, à type de brûlures, tiraillements intenses, décharges électriques, voire sensation de corps étranger. Aggravées par la position assise, qui peut devenir impossible, elles sont calmées la nuit. Elles peuvent être associées à des dysfonctionnements urinaires ou sexuels et irradier vers la fesse. L’origine serait liée à la compression du nerf pudendal (ex-nerf honteux, car il innerve les zones intimes), qui suit un trajet étroit dans le bassin profond, notamment dans un canal dit « d’Alcock ». Microtraumatismes répétés (cyclisme, équitation), accouchement, radiothérapie, chirurgie… sont des circonstances favorisantes parfois retrouvées.

• De par leur mécanisme, lié à un dysfonctionnement ou une lésion du système nerveux périphérique ou central, les douleurs neuropathiques répondent peu aux antalgiques classiques. Le traitement de fond repose sur l’utilisation à dose antalgique d’antiépileptiques ou d’antidépresseurs. Les antalgiques de palier II sont parfois associés pour traiter les accès paroxystiques.

• La névralgie pudendale de Martine C. a été diagnostiquée il y a 5 ans après plusieurs mois de douleurs. Les deux premières crises algiques ont été traitées par l’amitriptyline, antidépresseur tricyclique en traitement de fond, sans grand succès. Quand elles étaient trop sévères, Martine ajoutait du tramadol. Pour cette nouvelle crise, le neurologue tente un autre traitement de fond, pour une meilleure efficacité et éviter le syndrome sérotoninergique (voir encadré) par association d’un antidépresseur tricyclique et du tramadol. Martine craint des effets indésirables.

Objectifs

Le traitement, symptomatique, vise à soulager :

• durablement les douleurs d’origine neuropathiques par un traitement de fond ; il est rare que les douleurs soient soulagées à 100 %, l’objectif est le plus souvent leur diminution ;

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• les accès douloureux paroxystiques par un antalgique de palier II. L’effet est aléatoire, les douleurs neuropathiques répondant mal aux antalgiques classiques.

Prégabaline (Lyrica)

Cet anti-épileptique se lie aux canaux calciques du système nerveux central, diminue les flux calciques et donc la libération de neurotransmetteurs et l’excitabilité des neurones impliqués dans les mécanismes de sensibilité. Il est indiqué dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques et centrales de l’adulte.

Paracétamol/chlorhydrate de tramadol (Ixprim)

Association de deux antalgiques. Le paracétamol, antalgique de palier I, dont le mode d’action vraisemblablement central et périphérique reste mal connu, est indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs d’intensité légère à modérées. Le tramadol, antalgique opioïde de palier II, est un agoniste pur de faible activité des récepteurs morphiniques du système nerveux central qui inhibe la libération de la substance P, neuromédiateur de la douleur. Son effet est renforcé par une action inhibitrice de recapture de la noradrénaline et libératrice de la sérotonine. Il est indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs modérées à intenses.

Repérer les difficultés

• Respecter la phase de titration de Lyrica. S’assurer que Madame C. a bien compris le mode d’instauration progressive afin de limiter le risque d’effets indésirables. Et augmenter les doses trop vite ne serait pas plus efficace. Délivrer les dosages adéquats pour faciliter les prises à chaque palier de posologie.

• Rassurer. En particulier pour Lyrica, rappeler les probables effets indésirables mais insister sur le fait qu’ils sont surtout présents au début. Informer du risque de sédation, potentialisé par les deux antalgiques.

• Pas d’arrêt brutal des médicaments, mais progressivement sous contrôle médical.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Je vois que vos douleurs sont revenues, j’en suis désolé (e). C’est la première fois que vous prenez ce traitement ? », pour conseiller en conséquence. « Qu’avez-vous retenu des explications du médecin ? Savez-vous comment prendre ces traitements ? Avez-vous compris la posologie progressive du Lyrica ? Savez-vous lequel moduler selon la sévérité des douleurs ? », sondent les connaissances. Proposer un planning de prise. « Vous dites craindre les effets indésirables de Lyrica. Que vous en a-t-on dit exactement ? » identifie les craintes, fondées ou non. « Vous pourrez lire sur la notice qu’il s’agit d’un antiépileptique mais qu’il est aussi utilisé comme antidouleur dans les douleurs d’origine nerveuse, comme c’est votre cas » rassure.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

Ce traitement vise à soulager la douleur. Lyrica agit directement sur les nerfs pour diminuer la sensibilité à la douleur, il se prend en continu. Ixprim soulage la douleur quand elle est trop forte selon les besoins, notamment le temps que Lyrica agisse, soit 2 à 3 semaines. Lyrica est instauré progressivement jusqu’à 30 mg par jour, ce dosage pourra être réajusté selon les effets lors de la prochaine consultation.

Mode d’administration

• Lyrica : une gélule à 25 mg matin, midi et soir de J1 à J3 inclus, puis une à 50 mg matin, midi et soir de J4 à J6 inclus, une à 75 mg matin, midi et soir, de J7 à J9 inclus, une gélule à 100 mg matin, midi et soir à partir de J10 et à poursuivre jusqu’à la prochaine visite. Avaler avec un verre d’eau à heures régulières. En cas d’oubli, ne pas compenser par une double dose.

• Ixprim : un comprimé jusque 3 fois par jour selon douleurs. Adapter l’horaire de prise à l’heure où les douleurs sont les plus fortes. La posologie maximale par prise est de 2 comprimés, un intervalle de 6 heures est recommandé entre chaque prise. Les comprimés doivent être avalés entiers avec un verre d’eau

Effets indésirables

• Lyrica: étourdissements, somnolence, céphalées, augmentation de l’appétit, prise de poids, confusion, euphorie, irritabilité, insomnie, désorientation, tremblements, amnésie, troubles de l’attention, paresthésies, sédation, vertiges, vision trouble, nausées, constipation, diarrhées, flatulence, bouche sèche, crampes, arthralgies, dorsalgie, oedèmes, troubles de la marche, chute.

• Ixprim : nausées, vertiges, somnolence, troubles digestifs, sécheresse buccale, céphalées, tremblements, confusion, anxiété, nervosité, troubles du sommeil, état euphorique.

J’accompagne

Organisation

• Faire un planning des prises pour respecter les doses croissantes durant la phase de titration. Mettre des alertes pour les heures de prise.

• Ne pas anticiper les effets indésirables. Même s’ils sont nombreux et assez fréquents, toute personne réagit différemment. Éviter les forums et autres témoignages négatifs. Fatigue, somnolence et vertiges sont fréquents avec les deux traitements ; attention à la conduite ou aux activités qui demandent une forte attention. Éviter l’alcool, qui risque de potentialiser cet effet.

• Persévérer. L’efficacité de Lyrica demande un délai de 2 à 3 semaines et des prises régulières. En cas d’effets indésirables, ne pas abandonner trop vite car ils peuvent disparaître après la phase de titration. Ne jamais arrêter brutalement, un syndrome de sevrage peut survenir avec agitation, anxiété, nervosité, insomnie, tremblements et troubles gastro-intestinaux.

• L’acupuncture ou l’ostéopathie peuvent aider contre les douleurs.

Vente associée

Proposer si besoin un coussin d’assise type bouée et/ou des poches de froid réutilisables qui peuvent soulager davantage.

Prescription

Dr N., neurologue.

Madame Martine C., 64 ans, 55 kg, 1,58 m.

• Lyrica gélules

25 mg matin, midi et soir pendant 3 jours ;

50 mg matin, midi et soir pendant 3 jours ;

75 mg matin, midi et soir pendant 3 jours ;

puis 100 mg matin, midi et soir pendant 1 mois.

• Ixprim comprimés

1 comprimé 3 fois par jour si besoin.

QSP 1 mois.

La patiente me demande

« J’ai entendu à la radio que Lyrica était un traitement pour les toxicomanes… »

Non, Lyrica n’est pas un traitement des dépendances, c’est un produit dont une des indications est les douleurs neuropathiques. Par contre, il fait l’objet d’un mésusage : il est parfois détourné de son usage à des fins récréatives, en association à d’autres produits et à forte dose, par certains patients qui souffrent de dépendances. C’est pourquoi ce médicament fait l’objet d’une surveillance particulière qu’on appelle addictovigilance. C’est sans doute cette information qui a été relayée à la radio.

Info +

→ Le syndrome sérotoninergique désigne un ensemble de symptômes plus ou moins sévères, potentiellement fatals avec diarrhées, agitation, confusion, myoclonies, tremblements, tachycardie, hyperthermie, variations tensionnelles, coma… Il est lié à un excès de sérotonine dans le système nerveux central et périphérique, le plus souvent suite à l’association de médicaments à effet sérotoninergiques tels que les antidépresseurs, notamment inhibiteurs de recapture de la sérotonine et certains tricycliques (clomipramine, imipramine, amytriptiline…), IMAO, millepertuis et du tramadol…