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La réforme du BP a besoin d’arguments
Officinaux et hospitaliers souhaitent une nouvelle formation des préparateurs en pharmacie mais ils ont du mal à se faire entendre par le ministère de la Santé, le catalyseur indispensable pour entamer les travaux. À l’heure de l’universitarisation des formations de santé, ils ont à convaincre le ministère que la refonte du diplôme est une priorité pour les professionnels et pour les nouvelles missions du système de santé.
Le besoin de repenser la formation du préparateur en pharmacie ne date pas d’hier. Cela fait presque 20 ans que l’on entend parler d’une réforme du BP. En 2008, les représentants syndicaux de la pharmacie d’officine, via le CPNE-FP(1), écrivaient à Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports : « Les activités professionnelles définies dans le référentiel de 1997 du brevet professionnel du préparateur en pharmacie ne sont plus adaptées au métier correspondant exercé aujourd’hui en officine. » Ils souhaitaient « en conséquence (…) qu’un nouveau référentiel soit mis en chantier (…). » Or, depuis, rien n’a bougé ou si peu. Aujourd’hui, le contexte de l’universitarisation des formations de santé amène la profession à se positionner parmi les autres filières (voir notre entretien avec Stéphane Le Bouler p. 23).
L’universitarisation d’une formation
Il n’y a pas de définition unique de l’universitarisation. Grosso modo, il s’agit d’intégrer les formations de santé, souvent dispersées, dans un système reconnu et lisible en lien avec l’Université, tout en profitant de cette réorganisation pour actualiser les formations, les adapter aux exigences du milieu professionnel et, en l’occurrence, de l’offre de soins sur des territoires, améliorer la recherche dans les différentes disciplines, optimiser les ressources, etc. Ce qui peut permettre aussi une meilleure reconnaissance des statuts professionnels, et en particulier de lutter contre le manque de visibilité de la qualité de préparateur en pharmacie, et de favoriser les reconversions par des passerelles entre les formations et donc les évolutions de carrière. En 2017, le ministère des Solidarités et de la Santé et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) ont confié à Stéphane Le Bouler la mission de mener à bien cette modernisation de notre système de formation professionnelle dans les métiers de santé en lien avec le ministère de la Santé.
Le bilan de l’existant
En 2017-2018, ce haut fonctionnaire a organisé une centaine d’entretiens auprès de plus de 60 organisations. Des groupes de travail ont été constitués parmi lesquels le « groupe Filières » consacré aux formations délivrées au sein des lycées, des IUT ou des CFA. Les présidents des deux syndicats de titulaires, Philippe Gaertner pour la FSPF(2) et Gilles Bonnefond pour l’USPO(3), ainsi que l’Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière (ANPPH) et un représentant de leurs centres de formation étaient notamment présents, mais pas des préparateurs officinaux. « Il n’y a pas eu d’invités et d’évités, c’était à nous de nous manifester », précise Myriam Merlet, présidente de l’ANPPH. Sans doute une erreur de communication entre syndicats… De son côté, Stéphane Le Bouler précise que « le dispositif de concertation était connu et ouvert à tous ceux qui souhaitaient y participer. Il ne s’agissait que d’une opération de mise à plat de ce qu’il était possible d’envisager dans tel ou tel secteur. Si une phase plus opérationnelle devait être ouverte, nous nous inquiéterions de la représentation de l’ensemble des parties prenantes », et donc des préparateurs salariés.
Durant plusieurs réunions, quatre au total, il s’agissait surtout dans ce groupe Filières de « faire le bilan de l’existant, voire des prospectives, mais pas de la réingénierie (refonte, ndlr) des diplômes », ajoute Béatrice Jamault, présidente du comité d’harmonisation des centres de formation des manipulateurs d’électro-radiologie médicale, rapporteuse des réunions. « Nous avons essayé de voir comment ces professions pouvaient se positionner pour des diplômes de niveau “Bac + 2” et quels étaient leurs souhaits. »
Trois années sinon rien
« Cela fait des années que nous militons pour passer à un diplôme en 3 ans dans le cadre de l’alternance. C’est une volonté de toute la profession », précise Philippe Gaertner. « L’idée est de passer de 2 à 3 ans », confirme Gilles Bonnefond, rejoint sur ce point par Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de FO-Pharmacie. Pour Christelle Degrelle, représentante syndicale CFE-CGC et présidente de la CPNE-FP, il est possible « d’imaginer 2 années communes avec les hospitaliers, puis une année de spécialisation. Un peu comme pour les opticiens qui bénéficient d’un BTS et ont la possibilité de poursuivre par une licence professionnelle ». Faire intervenir les Facultés de pharmacie dans le cursus pour contribuer à l’élaboration d’une licence professionnelle après un BTS, par exemple, lui semble « pertinent ». De son côté, Myriam Merlet, de l’ANPPH, estime que ce cursus en « 2 ans + 1 an » est séduisant, même si « avec une licence pro, il est est très dur d’intégrer un Master classique par la suite ».
Il n’y aura pas un diplôme distinct pour les hospitaliers
« Non. Il n’y aura pas deux diplômes, cela nous a été clairement signifié par les instances chargées de l’universitarisation, explique Philippe Denry, titulaire et vice-président de la CPNE-FP en charge de la formation à la FSPF. « Soit on avance ensemble pour monter le niveau, soit il n’y aura rien. » Des propos confirmés par Christelle Degrelle, pour qui « une démarche indépendante des hospitaliers aboutirait à un refus par les ministères concernés ». Quant à une licence professionnelle, Béatrice Jamault indique qu’« elle devrait être un peu généraliste. Il n’y a pas un kiné en gériatrie, un autre en gynécologie ou en pédiatrie ! » Le Pr Bernard Muller, président de la Conférence des doyens des Facultés de pharmacie, fait une proposition compatible avec les CFA et l’Université, plus précisément avec les Facultés de pharmacie : « 2 ans en alternance dans les CFA, puis une seule licence professionnelle avec un tronc commun et des options, officine, hôpital. Voire d’autres activités. »
Lors de ce groupe Filières dans le cadre des travaux sur l’universitarisation, « nous avons fait un bilan, pris en compte les volontés des deux secteurs d’activité, ville et hôpital. Des préconisations ont été faites, comme la nécessité de travailler en partenariat sur une harmonisation des pratiques ou des formations, pour conduire éventuellement à un exercice gradué », explique Béatrice Jamault. Les préparateurs officinaux et hospitaliers doivent voir ensemble « les troncs communs ».
En 2014, le ministère de la Santé a demandé aux officinaux et aux hospitaliers de travailler ensemble pour lister un socle commun d’activités de ce métier qui s’exerce à l’officine, dans un établissement de santé, mais aussi parfois en industrie. Ils l’ont fait. Ce document serait prêt, mais n’a pas été encore présenté au ministère…
Et pourtant ça bloque
La réingénierie du BP soulève des questions très pratiques. Par exemple, comment augmenter le volume de cours tout en conservant l’alternance dans le cadre d’une formation de type BTS ? « On peut tout à fait imaginer un autre rythme d’alternance. Par contre, cette immersion dans le monde du travail me semble indispensable », souligne Olivier Clarhaut, de FO.
Le blocage semble plutôt venir d’un défaut d’argumentation prouvant l’intérêt d’une refonte du diplôme auprès du ministère de la Santé. Déjà en 2015, la direction en charge des formations au ministère de la Santé avait répondu à Porphyre que les représentants de la profession seraient reçus pour étudier « leurs propositions, une fois finalisées ». Rappelant que le calendrier de ces travaux sur le diplôme de préparateur devrait tenir compte du calendrier plus général des travaux de réingénierie de l’ensemble des professions paramédicales. « Il faut que la profession définisse d’abord les missions du préparateur de demain compte tenu des nouvelles missions qui se dessinent pour les pharmaciens. Le contexte est favorable car la pharmacie est à un tournant », propose le Pr Bernard Muller. Une fois le référentiel métier défini, les Facultés de pharmacie seront en mesure de faire des propositions pour un référentiel formation ».
C’est maintenant aux représentants de la profession de convaincre le ministère de la Santé du besoin et de l’intérêt de réformer le BP de préparateur, en commençant par présenter un projet commun pour la ville et pour l’hôpital. Motivation et disponibilité à agir sont de mise…
(1) La Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle de la pharmacie d’officine, CPNE-FP, regroupe des syndicats de titulaires et de salariés.
(2) FSPF : Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France, premier syndicat patronal représentatif.
(3) USPO : Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine, syndicat patronal.
Est-il vraiment nécessaire de réformer le BP ?
Oui, parce que le nouveau référentiel de 1997 était jugé dépassé dès sa sortie, comme si la formation des préparateurs avait toujours un train de retard (voir Le saviez-vous ? p. 24). Et parce que, à la décharge des responsables du secteur, le monde de la pharmacie bouge vite. Voire très vite. « Depuis la dernière remise à plat du référentiel en 1997, le visage de la pharmacie a complètement changé. On ne peut pas continuer à rester sur un tel contenu de formation et d’examens. La situation du BP de préparateur devient insupportable », s’indigne Philippe Gaertner, titulaire et président de la FSPF(2), syndicat majoritaire des titulaires.
Le saviez-vous ?
→ La loi de 1946 officialise le titre de préparateur en pharmacie avec l’élaboration d’un diplôme et la création d’un statut. L’autorisation leur est accordée de préparer les médicaments.
→ Le BP est créé en 1948. En 1977, les besoins d’une formation théorique plus poussée débouchent sur un nouveau référentiel, puis un autre en 1997 avec davantage d’aspects scientifiques et pharmacologiques.
→ Depuis 1946, les préparateurs sont les seuls à aider le pharmacien et sous son contrôle effectif, mais leur responsabilité pénale est entière.
→ En 1958, moins de 2 % de l’activité officinale est consacrée aux préparations (voir Porphyre n° 500 de mars 2014).
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