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Les dérivés nitrés

Publié le 23 janvier 2019
Par Maïtena Teknetzian
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Ces vasodilatateurs veineux sont utilisés dans l’insuffisance coronarienne. Ils se caractérisent par une faible biodisponibilité orale et par un phénomène de tolérance imposant la mise en place de fenêtres thérapeutiques quotidiennes.

MÉCANISME D’ACTION

Donneurs de NO

Les dérivés nitrés sont des molécules liposolubles qui pénètrent les cellules musculaires lisses où elles subissent des transformations enzymatiques conduisant à la libération de monoxyde d’azote (NO). Ce dernier active la guanylate cyclase induisant la formation de guanosine monophosphate cyclique (GMPc), lequel expulse le calcium à l’extérieur des fibres musculaires lisses. D’où une relaxation musculaire avec un effet vasodilatateur s’exerçant aux niveaux veineux, artériel et coronarien. L’effet veinodilatateur est prédominant.

Les vasodilatations veineuse et artérielle abaissent respectivement la précharge et la postcharge cardiaques, réduisant la consommation en oxygène du cœur ; la vasodilatation coronarienne permet d’augmenter les apports en oxygène au cœur.

Les dérivés nitrés n’ont pas d’effet relaxant sur les muscles squelettiques et cardiaque mais agissent sur les cellules musculaires lisses digestives (diminuant la motilité œsophagienne).

Leur administration au long cours est associée à une diminution de l’intensité de leur effet (tachyphylaxie). Ce phénomène de tolérance impose d’aménager quotidiennement des fenêtres thérapeutiques de 8 à 12 heures (en pratique les patchs sont retirés la nuit).

PHARMACOCINÉTIQUE

Fort effet de 1er passage hépatique

Un important effet de 1er passage hépatique explique la très faible biodisponibilité orale (10 à 20 %) de la trinitrine et du dinitrate d’isosorbide. Les voies sublinguales, transdermiques et injectables (intraveineuse ou intracoronarienne, réservées à l’usage hospitalier) permettent de s’affranchir de cet inconvénient.

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La trinitrine est métabolisée en dérivés di- et mononitrés, puis éliminée par voie urinaire. Le dinitrate d’isosorbide est métabolisé par les glutathion-S-transférases en mononitrate d’isosorbide. Il est éliminé principalement par les reins.

La demi-vie de la trinitrine et celle du dinitrate d’isosorbide sont très courtes (respectivement quelques minutes et quelques dizaines de minutes). Une heure environ après le retrait des patchs, les taux plasmatiques de trinitrine sont négligeables. Par voie orale, le recours à une forme de durée d’action prolongée permet d’allonger la demi-vie.

INDICATIONS

Maladie coronarienne

Ayant un effet sur la diminution des besoins en oxygène du cœur et sur l’augmentation du débit coronarien, les dérivés nitrés sont largement utilisés dans ce type de maladie.

Les formes orales et transdermiques sont utilisées pour une action prolongée dans le traitement de fond de l’angor. Le dinitrate d’isosorbide oral (Risordan) a également une indication dans le traitement de l’insuffisance cardiaque gauche ou globale (la diminution du retour veineux cardiaque permet d’abaisser les pressions des capillaires pulmonaires).

Les voies sublinguale et injectable sont utilisées pour une action immédiate. Les formes sublinguales sont indiquées dans le traitement curatif ou préventif à très court terme (avant un exercice physique) de la crise d’angor ; la trinitrine 30 µg en spray sublingual a une indication dans l’œdème aigu du poumon. Les formes injectables sont utilisées à l’hôpital dans l’œdème aigu du poumon, l’angor instable (voie IV) ou pour lever un spasme coronarien (voie intracoronarienne).

EFFETS INDÉSIRABLES

Liés à la vasodilatation

Les dérivés nitrés sont principalement responsables de céphalées, bouffées de chaleur, flush facial (liés à la vasodilatation cutanée) et d’hypotension orthostatique (justifiant une administration des formes sublinguales en position assise ou semi-allongée) associée à une tachycardie réflexe.

Ils peuvent aussi induire des troubles digestifs associant des nausées et des vomissements.

CONTRE-INDICATIONS

Hypotension

Ils sont contre-indiqués en cas d’hypotension sévère et lors d’un état de choc.

INTERACTIONS

Potentialisation de l’hypotension

L’association aux inhibiteurs de phosphodiestérase de type 5 (sildénafil, tadalafil, vardénafil), qui empêchent la dégradation physiologique du GMPc, est contre-indiquée. Elle expose à un risque d’hypotension artérielle importante pouvant aggraver les troubles ischémiques cardiaques et provoquer un accident coronarien aigu.

L’association aux médicaments diminuant la pression artérielle (antihypertenseurs, antiparkinsoniens, alphabloquants urinaires…) est à prendre en compte. 

  • Sources : « Dérivés nitrés et apparentés », site du Collège national de pharmacologie médicale, pharmacomedicale.org ; dictionnaire Vidal en ligne, vidal.fr ; « Patients ayant un angor », Guide des interactions médicamenteuses, Prescrire, 2017 ; « Vasodilatateurs », site de la faculté de médecine Sorbonne université, chups.jussieu.fr ; Guide de pharmacologie clinique, Les éditions du Moniteur des pharmacies, 5 e édition.

ALLER PLUS LOIN

Autres antiangoreux

•La molsidomine (Corvasal) libère du monoxyde d’azote sans biotransformation préalable, à la différence des dérivés nitrés, . Elle présente des propriétés vasodilatatrices veineuses et coronariennes, sans exposer au phénomène de tachyphylaxie.

•Le nicorandil (Adancor, Ikorel) a un mode d’action double : il augmente les concentrations de GMPc (effet vasodilatateur veineux prédominant) et ouvre les canaux potassiques (assurant une vasodilatation artérielle).

•Non soumises à l’effet de premier passage hépatique, ces molécules s’administrent par voie orale et exposent aux mêmes effets indésirables et interactions que les dérivés nitrés. Le nicorandil est en outre associé à un risque d’ulcérations cutanées et gastro-intestinales sévères.