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L’autodépistage du cancer du col est une piste
40 % des femmes passent encore à travers les mailles du dépistage organisé du cancer du col de l’utérus. Miser sur l’auto-prélèvement pourrait, selon la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV), améliorer la couverture.
Six femmes sur dix âgées de 25 à 65 ans ciblées par le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus (DOCCU) se font dépister spontanément.« Comparé à d’autres cancers, c’est mieux », observe le Dr Christine Bergeron, ancienne présidente de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV). Mais encore loin de l’objectif fixé à 80 %. Il faut progresser, intime le Pr Xavier Carcopino, chef du service de gynécologie obstétrique de l’Hôpital Nord à Marseille (13) et actuel président de la SFCPCV, car ce cancer, dû à une infection persistante causée par un ou plusieurs papillomavirus humains (HPV), « reste, en France, une maladie grave. C’est 3 000 cas et 1 000 décès chaque année », rappelle le Pr Xavier Carcopino. Les pistes de presse de la SFCPCV pour améliorer ce dépistage organisé ont été discutées le 11 janvier 2024 lors d’une conférence de presse.
Le dépistage organisé avait pourtant mis les moyens
Lancé en 2019-2020, le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus donnait – sur le papier – des raisons d’être « hyperoptimistes », se remémore le Dr Bergeron.
Son ambition était d’augmenter de 20 points la couverture, en invitant les femmes non dépistées dans les délais (voir encadré ci-contre) à consulter avec une prise en charge à 100 %. Et ainsi de réduire l’incidence et la mortalité de 30 %.
Autre raison de se réjouir, le dépistage reposait sur des recommandations actualisées de la Haute autorité de santé de 2019, afin de proposer l’examen le plus adapté selon l’âge, souligne l’experte. Chez les 30-65 ans, le très sensible test HPV – qui recherche la présence de virus HPV à haut risque –, est recommandé en première intention.
Chez les 25-29 ans, c’est la cytologie – l’analyse des cellules du col – qui est préconisée, car un test HPV dans cette tranche d’âge, où la prévalence des infections à HPV transitoires est très élevée, entraînerait un risque de surdiagnostic et de surtraitement.
Enfin, les moyens engagés étaient très importants. Une énorme machine a été mise en branle pour soutenir les trois dépistages organisés, sein, côlon et col impliquant de nombreux acteurs : l’INCa, Santé publique France et la Cnam – organisme payeur – au niveau national, les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) au niveau régional et les effecteurs locaux habituels : gynécologues, sages-femmes, généralistes, avec au total. 600 millions d’euros engagés.
Les rouages organisés de la machine se sont grippés
Le système de dépistage avait été conçu pour être plus performant dans le traitement des données, mais les remontées des résultats, par exemple, ont souvent été bloquées par le RGPD, peu de praticiens ayant fait cocher sur la feuille d’examen la case attestant de l’accord de la patiente, relève le Dr Bergeron.
Autre obstacle ou « travers », le co-testing, pratiqué chez les + de 30 ans par certains professionnels, soulève l’anatomo-cyto-pathologiste. Ils ont non seulement effectué le test HPV préconisé en première intention, mais aussi une cytologie. Le hic est que cette pratique « n’améliore en rien la performance du dépistage », précise la praticienne. Elle peut même créer des discordances inquiétantes pour les patientes, susceptibles de se retrouver avec des anomalies cytologiques alors que l’HPV est négatif, induire des colposcopies superflues et susciter des dépenses inutiles.
Heureusement, tous ces problèmes se règlent petit à petit. Les effecteurs ont intégré les recommandations, l’accord est désormais donné par défaut pour la transmission des résultats, sauf opposition signalée de la patiente… Le Dr Bergeron espère que « ça va mieux marcher dans les années à venir. Qu’on va finir par toucher ces 40 % d’une manière ou d’une autre ».
L’auto-prélèvement HPV, possible booster de dépistage
Pour la SFCPCV, l’une des clés pour atteindre les 40 % restants est l’auto-prélèvement HPV (APV), « la possibilité pour une femme de faire elle-même le prélèvement avec un écouvillon vaginal », explicite le Pr Xavier Carcopino. Pour l’instant, cet autotest relève « d’une démarche individuelle », les femmes pouvant se procurer un kit auprès de laboratoires d’analyses ou de certaines pharmacies.
L’inclusion de cet autotest dans le dépistage organisé est néanmoins « ce qui se profile dans les mois à venir », assure Xavier Carcopino, car cela a été acté par la HAS et l’INCa. Le kit sera fourni uniquement aux femmes non répondeuses âgées de 30 à 65 ans (80 % de la cible), probablement par voie postale. Une fois l’autoprélèvement vaginal réalisé, elles l’adresseront sous pli postal pré-affranchi au laboratoire. Il ne manque plus que « la publication d’un arrêté au Journal officiel » pour que ce soit effectif.
« La force de cet autoprélèvement, met en lumière l’expert, études à l’appui, est de permettre à une femme qui n’a pas accès à une consultation médicale, qui ne souhaite pas consulter […] de faire ce test », et donc d’augmenter la couverture. « Les travaux soulignent des niveaux de preuve importants, montrant que l’APV “fonctionne” et que sa sensibilité, comparée à celle d’un test fait par un praticien, est grosso modo la même. »
L’autotest est une alternative, mais pas une solution miracle
L’autotest HPV « ne va pas tout permettre », prévient le Pr Carcopino. Impossible, par exemple, en cas de positivité, de réaliser une cytologie de triage, car celle-ci requiert un prélèvement sur le col, tandis que l’APV ne recueille que des sécrétions vaginales. Il nécessite de consulter, ce que peu de femmes font. « On est globalement en dessous de 50 % », observe le Pr Carcopino. Ensuite, en passant par l’APV, les femmes « ne bénéficient pas d’une information d’un médecin. Qui va leur dire : “On fait ce test. On recherche cela. Si c’est positif, voilà ce que ça veut dire”. Or, on sait que l’annonce d’un test HPV+ est source de grande angoisse ».
Sans interaction avec un professionnel de santé, les femmes n’accèdent pas non plus aux autres aspects de la prévention, comme le dépistage des infections sexuellement transmissibles, des informations sur la contraception ou le suivi gynécologique. L’APV est donc un « moindre mal ». Ce dispositif « ne permettra jamais d’atteindre 100 % de la population », avance le gynécologue-obstétricien marseillais, pragmatique, mais il pourrait « peut-être nous permettre de gagner 10 %. 10 %, ce sont des milliers de patientes dépistées, des cancers évités ».
Les modalités du dépistage organisé
Le test de dépistage du col utilisé en dépistage primaire et sa fréquence diffèrent selon l’âge de la femme.
→ De 25 à 29 ans : cytologie tous les 3 ans après deux tests négatifs à l’examen cytologique à un an d’intervalle.
→ De 30 ans à 65 ans : test HPV-HR tous les 5 ans, à débuter 3 ans après le dernier examen cytologique dont le résultat était normal. En l’absence d’examen cytologique antérieur, test HPV HR dès 30 ans.
La Cnam reprend les invitations
Depuis janvier 2024, la Caisse nationale d’Assurance maladie a en charge la mise en œuvre des invitations aux dépistages et des relances pour les trois cancers faisant l’objet d’un dépistage organisé, sein, côlon, col de l’utérus, auparavant confiée aux Centres régionaux du dépistage du cancer (CRCDC). Elle prévoit d’envoyer 10,4 millions d’invitations à réaliser un dépistage du cancer du col. Et d’actions d’allervers auprès des populations les plus fragiles et éloignées du système de santé via des appels téléphoniques.
Plus de 1,4 million de personnes devraient être contactées par une centaine de téléconseillers pour les aider à prendre rendezvous. Les Caisses doivent aussi donner aux médecins traitants la liste de leurs patients éligibles et non dépistés. L’ambition est d’atteindre un million de dépistages supplémentaires à l’horizon 2025.
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