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Les emplois du temps

Publié le 23 février 2024
Par Anne-Charlotte Navarro
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Travailler le dimanche ou avoir son samedi sont des questions très présentes lors des entretiens de recrutement. Outre le salaire, le planning est très important pour le salarié car il lui permet de concilier vie professionnelle et vie privée. Le point sur cet élément du quotidien très encadré par la législation.

S’il y a bien un sujet qui crispe les équipes, c’est bien celui de la répartition du temps de travail sur les jours de la semaine. Pourquoi je n’ai pas mon mercredi alors que ma collègue ne travaille pas ? Pourquoi je ne fais pas d’heures le samedi ? Pourquoi c’est moi qui fais la caisse tous les jours et finis tard ?

La question du planning est compliquée à gérer. Technique juridique et rapports humains doivent être conciliés. Salariés comme employeurs doivent avoir en tête que l’établissement et la modification du planning répondent à des règles strictes. Mais le dialogue reste nécessaire entre titulaires et salariés !

Quel temps de travail ?

En France, depuis la loi dite Aubry II du 19 janvier 2000, la durée légale du temps de travail est de 35 heures par semaine. Pour autant, le salarié peut effectuer plus d’heures en réalisant des heures supplémentaires ou moins d’heures en étant à temps partiel. Cette durée de travail correspond au volume horaire que devra réaliser le salarié pour obtenir le paiement de son salaire.

LA DURÉE DU TRAVAIL

L’article 13 de la Convention collective complète les dispositions du Code du travail fixant les règles relatives au planning.

Une journée de travail d’un préparateur ne doit pas excéder 10 heures de travail effectif. L’amplitude horaire d’une journée doit être inférieure à 12 heures. Le texte négocié par les partenaires sociaux ajoute que « l’horaire de travail d’un même salarié ne peut comporter au cours d’une même journée une interruption d’activité supérieure à 3 heures, sauf accord exprès des parties ». Cette règle ne s’applique pas aux personnels d’entretien, affectés à des tâches administratives ou de manutention.

Pour les salariés à temps partiel, l’article 13 bis de la Convention collective dispose que le contrat doit prévoir au moins 16 heures de travail par semaine. Cette règle connaît des exceptions, par exemple si le salarié demande une durée inférieure pour assurer une charge familiale.

LE MAXIMUM EST FIXÉ

La semaine d’un salarié comporte au maximum 46 heures et en moyenne 44 heures de travail sur une période quelconque de 12 semaines consécutives. Le préparateur ne peut pas travailler plus de 6 jours par semaine.

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Qui fait le planning ?

UNE PRÉROGATIVE DE L’EMPLOYEUR

La jurisprudence considère qu’il revient à l’employeur d’établir le planning en vertu de son pouvoir de direction. Le pharmacien titulaire d’une licence d’officine est chef d’entreprise. À ce titre, il détient le pouvoir de direction dans sa société. Il est ainsi responsable de l’organisation et de la bonne marche de la structure. Ses décisions engagent l’avenir de la pharmacie. Elles doivent être prises dans l’intérêt de l’entreprise.

Établissement ou modification des plannings

L’employeur doit agir en prenant d’abord en compte l’intérêt de l’entreprise. En pratique, il doit par exemple s’assurer que l’ouverture de la pharmacie se fait en présence d’au moins un pharmacien, conformément aux exigences du Code de la santé publique. Il peut également décider que l’intérêt de la pharmacie n’est pas de rester ouverte en continu pour servir peu de patients mais d’ouvrir jusqu’à 20 heures pour accompagner les patients après leur journée de travail, etc. Comme en matière de congés payés, c’est l’employeur qui a le dernier mot.

Les règles posées par la Convention collective

Si l’établissement ou la modification du planning ne peuvent pas être justifiés par l’intérêt de l’entreprise, la décision de l’employeur peut être considérée comme discriminatoire, voire un élément caractérisant des faits de harcèlement moral.

Mais attention, quand le salarié saisit les juges d’une affaire relative à un changement de ses conditions de travail, la bonne foi de l’employeur est présumée. Celui-ci n’a pas à justifier sa décision de changer les conditions de travail. Le juge n’a pas à rechercher si sa décision est conforme à l’intérêt de l’entreprise. Le cas échéant, il appartient au salarié de prouver que la décision de l’employeur a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise.

Au-delà de l’intérêt de l’entreprise, l’établissement des plannings répond à des règles strictes édictées par le Code du travail et la Convention collective.

Quid des repos ?

L’article 13 de la Convention collective fixe également les périodes de repos du salarié.

Le préparateur doit travailler 6 jours par semaine maximum, soit du lundi 00 h au dimanche suivant 24 h.

Le préparateur doit bénéficier d’un repos de 11 heures par jour.

LE REPOS HEBDOMADAIRE, LE DIMANCHE, SAUF EXCEPTION

Comme le prévoit le Code du travail, l’article 13 de la Convention collective dispose que « le repos hebdomadaire est donné le dimanche. Sa durée est de 1 jour et demi consécutif au moins, soit 36 heures, dont 1 demi-journée accolée au dimanche. Cette demi-journée s’entend comme ayant une durée de 12 heures consécutives qui ne peuvent être fractionnées de part et d’autre de la journée du dimanche ».

En pratique, le repos hebdomadaire d’un préparateur est donc automatiquement soit le samedi après-midi et le dimanche toute la journée, soit le dimanche toute la journée et le lundi matin.

Cette règle peut être contournée en octroyant au salarié deux jours de repos consécutifs dans la semaine (voir cas pratique de Pierre page ci-contre).

EN GARDE

Cependant, la pharmacie est l’un des commerces qui disposent d’une dérogation pour ouvrir le dimanche pour notamment assurer les gardes. Il faut alors que le contrat du salarié le précise explicitement.

Dans ce cas, l’article 13 de la Convention collective stipule que « les salariés concernés bénéficient de leur repos hebdomadaire par roulement dans le cadre de l’application des règles relatives à l’indemnisation des salariés qui participent aux services de garde ou d’urgence ». L’accord du 23 mars 2000 prévoit que le salarié réalisant une garde à volet ouvert ou fermé un dimanche obtient un repos compensateur d’une durée égale à celle de la garde en plus de sa rémunération. Cette garde ne doit pas faire travailler le salarié plus de 6 jours par semaine.

LE DIMANCHE HORS GARDE

Depuis plusieurs années, des pharmacies ouvrent le dimanche hors services de garde. À condition que cela soit possible au regard notamment du Code de la santé publique, les heures réalisées par le salarié sont dans ce cas considérées comme des heures « normales » par la jurisprudence.

Le salarié n’a pas droit à un jour de repos compensateur.

LA PAUSE DÉJEUNER

Chaque fois que le salarié assure 6 heures de travail, il doit bénéficier d’une pause de vingt minutes minimum. Cette pause peut être donnée de façon anticipée pour être la pause déjeuner du salarié.

Pendant ce temps, il peut sortir de l’officine, aller faire des courses, lire un livre, mener la vie qu’il souhaite.

Semaines A et B, bonne ou mauvaise idée ?

Le Code du travail autorise l’entreprise à moduler le temps de travail avec des semaines à plus de 35 heures et d’autres à moins de 35 heures quand un accord collectif le prévoit. Or, la Convention collective de la pharmacie d’officine est silencieuse sur ce point. Le Code du travail autorise l’employeur à proposer au salarié un accord propre à sa pharmacie, mais il faut respecter une procédure stricte.

UNE VARIATION ENCADRÉE

À titre dérogatoire quand il n’y a ni accord collectif ni accord d’entreprise, le Code du travail prévoit que l’employeur peut décider seul de faire varier les plannings sur une période maximale de 9 semaines si la pharmacie emploie moins de 50 salariés. « Cette possibilité ne doit être utilisée que lorsque l’activité de la pharmacie est très saisonnière et fait face à de véritables pics d’activités. Pour donner un exemple, dans un autre secteur, cette modulation est utilisée dans les grandes surfaces pour faire face aux pics saisonniers de certains rayons comme Noël au rayon jouet, ou l’été au rayon jardinage. À de très rares exceptions, l’activité de la pharmacie est lissée sur l’année, ce qui empêche les pharmaciens de moduler le temps de travail », met en garde Olivier Delétoille, expert-comptable au cabinet Adequa. Les risques de contentieux sont donc très importants. D’autant plus quand la modulation concerne des salariés à temps partiel.

ATTENTION AUX TEMPS PARTIELS

Quand la modulation concerne des salariés à temps partiel, la loi et la Convention collective imposent d’indiquer clairement le volume horaire que le salarié doit effectuer ainsi que son planning qui ne peut varier que dans des cas précis. « La modulation implique de sortir de ces règles car, par essence, le volume horaire varie. L’activité de la pharmacie étant lissée sur l’année, le risque de voir le contrat requalifié en contrat à temps plein n’est pas négligeable », précise Olivier Delétoille.

Si le contrat du salarié est requalifié, l’employeur devra verser en plus des dommages-intérêts, un rappel de salaire égal au delta entre les heures effectuées et 35 heures. Cette somme peut vite s’envoler. « Faire de cette modulation un mode d’organisation de l’officine est très compliqué à justifier au regard des règles de droit. La modulation doit rester l’exception », conclut l’expert-comptable.

Qui peut modifier le planning ?

SALARIÉ À TEMPS COMPLET

Contrairement à l’hypothèse précédente, le salarié réalise chaque semaine le volume horaire prévu dans son contrat, mais la répartition des heures entre les jours de la semaine change. En principe le salarié à temps complet ne peut pas refuser cette modification.

L’employeur peut imposer le nouveau planning au salarié à condition que cette modification soit justifiée par l’intérêt de l’entreprise et que la modification ne porte pas une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos.

La notion d’atteinte excessive au droit au respect de la vie personnelle et familiale est à manier avec précaution, car en cas de litige, le salarié devra démontrer par des preuves objectives en quoi le changement des horaires porte une atteinte excessive à sa vie personnelle. Le caractère excessif n’est pas facile à démontrer. Par exemple, la jurisprudence retient que le refus est justifié quand le changement des horaires conduit le salarié à travailler 2 dimanches sur 3 et non plus 1 dimanche sur 2 (cass. soc. 17 novembre 2004, n° 02-46100). La jurisprudence considère que si les parties ont souhaité contractualiser les horaires de travail en les indiquant dans le contrat de travail, leur modification ne peut se faire qu’avec l’accord du salarié. Ainsi, si le planning est précisé dans le contrat, c’est comme s’il était gravé dans le marbre. Le salarié devra accepter par un avenant la modification de son emploi du temps. Toutefois, afin de limiter l’application de cette règle, la jurisprudence admet que le contrat puisse stipuler que le planning indiqué puisse être modifié pour des raisons ou des contraintes de service. Dans ce cas, et à condition que la clause soit suffisamment claire et précise, l’accord du salarié n’est plus nécessaire.

SALARIÉ À TEMPS PARTIEL

Contrairement à celui du salarié à temps complet, l’employeur ne peut modifier unilatéralement le planning des salariés à temps partiel que si une clause du contrat le prévoit expressément. Si le contrat ne prévoit rien, le salarié doit donner son accord à son nouveau planning. Comme à chaque fois que l’accord du salarié est requis, son refus n’est pas constitutif d’une faute.

Cas pratiques

Léni, préparatrice, cherche un poste. Lors d’un entretien, l’employeur lui indique que dans la pharmacie, chaque salarié réalise une journée complète de 8 h à 20 h avec une pause de 30 minutes à midi. Cette organisation assure selon lui une bonne transmission entre les autres membres de l’équipe de la journée. Est-ce possible ?

Porphyre répond

Dans cette journée complète, Léni fera 12 heures de travail effectif. Il faut retirer le temps de pause de 30 minutes, soit 11 h 30.

Cette journée n’est pas compatible avec les règles de la Convention collective à plusieurs titres : la journée d’un salarié ne doit pas excéder 10 heures de travail effectif, le préparateur doit bénéficier de 20 minutes de pause par tranche de 6 heures de travail. Léni peut donc proposer à son employeur de revoir la durée horaire de cette journée.

La pharmacie où Pierre, préparateur expérimenté, travaille depuis 10 ans a été vendue. Le nouveau patron lui indique qu’il doit modifier son emploi du temps. Pierre est de repos le dimanche et le lundi. Cet avantage lui avait été accordé par son ancienne patronne car il était le plus ancien salarié. Le nouvel employeur de Pierre peut-il revenir sur cet avantage ?

Porphyre répond

L’article 13 de la Convention collective stipule que « lorsque, en raison de la répartition du travail dans la semaine, le salarié bénéficie de 2 jours de repos hebdomadaires, la demi-journée de repos complémentaire peut être attribuée un jour quelconque de la semaine étant entendu que, si le salarié bénéficie dans l’entreprise de 2 jours de repos consécutifs, cet avantage lui reste acquis ». Donc, sauf accord de Pierre pour modifier son planning, l’employeur ne peut pas revenir sur ses jours de repos.

Les règles sur le temps de travail et de repos

Voici les points clés pour le salarié de l’officine :

→ 10 heures de travail maximum par jour dans une amplitude horaire de 12 heures.

→ Au moins 20 minutes de pause par tranche de 6 heures.

→ 2 h 59 de pause maximum par jour pour les salariés à temps complet, sauf accord des parties et cas particuliers (personnel de ménage, administratif).

→ Pas plus de 46 heures de travail par semaine et 44 heures sur une période de 12 semaines.

→ 16 heures de travail par semaine au moins pour un salarié à temps partiel, sauf accord des parties, et 5 heures par semaine au moins pour le personnel de nettoyage.

→ 1 h 59 de pause maximum par jour pour les salariés à temps partiel.

→ Un jour de repos obligatoire par semaine, même en période de garde.

Cas pratiques

Amélia, maman célibataire, ne travaille pas le mercredi pour s’occuper de ses jumelles. À la suite du rachat de l’officine, le nouvel employeur souhaite qu’elle travaille le mercredi. Son contrat n’indique pas son emploi du temps. La pharmacie est située à côté d’un centre de loisir et le mercredi est l’une des journées les plus importantes en termes de chiffres d’affaires. Amélia doit-elle donner son accord à cette modification ?

Porphyre répond

L’employeur est libre de fixer le nouvel emploi du temps dans l’intérêt de la pharmacie. En l’espèce, il paraît cohérent que l’ensemble du personnel soit présent puisque la journée du mercredi représente une grande part du chiffre d’affaires. Si Amélia considère que ce changement porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie personnelle et familiale, elle peut refuser cette modification. En cas de désaccord persistant, le juge appréciera la situation.

Dans la pharmacie d’Axel, le planning change tous les mois. Chaque salarié est informé l’avantdernier jour du mois précédent pour une mise en place au 1er du mois suivant. Axel est fatigué de ses changements car il ne peut rien prévoir d’un mois à l’autre. L’employeur doit-il respecter un délai pour communiquer le planning ?

Porphyre répond

Le Code du travail ne prévoit pas de délai de communication du nouveau planning avant sa mise en place. La jurisprudence considère qu’elle doit être réalisée dans « un délai raisonnable ».

L’article 13 bis de la Convention collective dispose que le nouveau planning d’un salarié à temps partiel doit lui être communiqué au moins 7 jours ouvrés avant sa mise en place. Les jours ouvrés sont les jours de la semaine hors samedi, dimanche et jour férié. Il est prudent de respecter ce délai tant pour les salariés à temps complet que ceux à temps partiel, car il est plus que probable que les juges estiment que ce délai raisonnable pour les salariés à temps partiel le soit aussi pour les salariés à temps complet. Si ce délai n’est pas respecté, le salarié peut refuser de respecter le nouveau planning sans se mettre en faute.

Heures supplémentaires/complémentaires

L’employeur peut décider de faire réaliser des heures en plus au salarié.

Si le préparateur est à temps complet, elles seront considérées comme des heures supplémentaires. Le préparateur est obligé de les réaliser dans la limite de 150 heures par an et à condition qu’elles soient payées de façon majorée. Il doit être informé dans un délai raisonnable. Il est prudent de respecter le même délai que pour les salariés à temps partiel, soit 3 jours ouvrés. À temps partiel, le préparateur effectue des heures complémentaires. Elles ne peuvent lui être imposées que si son contrat de travail le prévoit. Il doit être informé au moins 3 jours ouvrés avant la date de réalisation de ces heures. Si ce délai n’est pas respecté, le salarié peut refuser de faire ces heures en plus.