Licenciement Réservé aux abonnés

Une clause de non-concurrence imprécise est nulle

Publié le 31 mai 2019
Par Anne-Charlotte Navarro
Mettre en favori

De plus en plus d’employeurs sont tentés de compléter l’obligation déontologique de non-concurrence imposée aux pharmaciens adjoints par l’ajout dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence. La validité de cette clause est toutefois subordonnée au respect de conditions strictes rappelées par la Cour de cassation le 13 mars.

LES FAITS

M. L. a été engagé le 3 mai 2007 en qualité de conseiller clientèle par la société C. Le 24 avril 2008, M. L. et la société C. ont convenu de l’insertion d’une clause de non-concurrence dans le contrat de travail qui contenait également une clause de mobilité permettant à l’employeur de déplacer le lieu d’exercice du salarié sans que son accord soit nécessaire.

Le 3 juillet 2009, le salarié a démissionné. A l’issue du préavis, la société C a versé l’indemnité prévue par la clause, mais, estimant que M. L. a violé sa clause de non-concurrence, elle saisit la juridiction prud’homale le 29 janvier 2010.

LE DÉBAT

Depuis le 10 juillet 2002, la Cour de cassation considère que la clause de non-concurrence est valable à 4 conditions cumulatives : il faut qu’elle soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ; limitée dans le temps et dans l’espace ; assujettie à une contrepartie financière ; et conforme aux spécificités de l’emploi réel du salarié.

En l’espèce, le contrat de M. L. indiquait qu’il lui était interdit de travailler sur «   le territoire du ou des départements sur lequel ou sur lesquels [il sera] intervenu au cours de l’année précédant la cessation du présent contrat sur une zone géographique comprise entre les limites de ce ou de ces départements et une distance de 50   km   ». La clause lui interdisait d’exercer des missions de démarchage des clients avec lesquels il était en contact au sein de la société C. Le salarié estimait que ces 2 points n’étaient pas conformes à la réglementation et arguait que la lecture de la clause de non-concurrence croisée avec la clause de mobilité lui interdisait de travailler de façon générale. La cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le 24 mai 2016, considère que la clause est nulle. Les magistrats retiennent l’argumentaire du salarié et notent que l’employeur n’avait pas justifié en quoi cette clause était indispensable pour protéger les intérêts de l’entreprise. Ils considèrent qu’à la date de signature de l’avenant, le salarié ne pouvait pas connaître l’étendue territoriale de son interdiction de travail. La société C. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 13 mars 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation décide que la clause litigieuse était imprécise et avait pour effet de mettre le salarié dans l’impossibilité d’exercer une activité normale conforme à son expérience professionnelle. Les magistrats annulent la clause : impossibilité pour le salarié d’apprécier le périmètre réel de sa zone d’exclusion, d’exercer ses fonctions de conseiller en clientèle dans le secteur bancaire mais également dans les secteurs connexes de l’assurance et de la prévoyance. Or les formations, diplômes et expériences professionnelles de ce salarié ne relevaient que de ces domaines. A l’officine, si une clause de non-concurrence interdisait à un adjoint ou à un préparateur l’exercice dans un laboratoire, celle-ci serait illégale car non conforme à l’intérêt de l’entreprise.

Publicité

Pour mémoire, le code de déontologie impose à un adjoint le respect d’une clause de non-concurrence formulée ainsi : «   Un pharmacien qui, soit pendant, soit après ses études, a remplacé, assisté ou secondé un de ses confrères durant une période d’au moins 6 mois consécutifs ne peut, à l’issue de cette période et pendant 2 ans, entreprendre l’exploitation d’une officine ou d’un laboratoire d’analyses de biologie médicale où sa présence permette de concurrencer directement le confrère remplacé, assisté ou secondé, sauf accord express de ce dernier.   » Si l’adjoint ne respecte pas cette obligation, il engage sa responsabilité disciplinaire. 

  • Source : Cass. soc., 13 mars 2019, n°   17-11197.

À RETENIR


•   Le contrat de travail peut prévoir une clause de non-concurrence mais, pour être valable, elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace.

•  Le salarié doit pouvoir connaître lors de la signature de la clause la zone géographique dans laquelle il ne pourra pas travailler.

•  L’interdiction de travail ne doit pas avoir pour effet d’empêcher le salarié d’exercer une activité normale conforme à son expérience professionnelle.

•  L’entreprise doit pouvoir justifier d’un intérêt à la mise en œuvre de cette clause, par exemple conserver sa clientèle.