- Accueil ›
- Préparateurs ›
- Métier ›
- Nouvelles missions, et moi, et moi ?
Nouvelles missions, et moi, et moi ?
Les pharmaciens réalisent de nouvelles missions comme les entretiens pharmaceutiques et la vaccination depuis 2013. Dans ce nouveau contexte, le rôle des préparateurs n’est pas défini, mais certains seraient favorables à leur participation. À la condition que leur formation soit rénovée.
Est-ce que les préparateurs pourraient eux aussi effectuer les nouvelles missions officinales ? Quel serait alors leur rôle ? Est-ce que leur formation est adaptée ? Surtout, ne faudrait-il pas enfin la faire évoluer ? Toutes ces questions sont plus que jamais passées à l’avant-scène depuis que l’officine s’est engagée dans les nouvelles missions pharmaceutiques. Préparateurs, pharmaciens, enseignants et syndicalistes, tous reconnaissent l’urgence de énover le BP. La plupart ont également une idée de la place que pourrait prendre le préparateur dans le cadre de la vaccination ou de la réalisation du test angine.
Missions d’officine
Elle est le début du vrai changement. La signature de l’avenant n° 1 à la convention pharmaceutique, le 10 janvier 2013, entre les syndicats de titulaires et l’Assurance maladie, a marqué une évolution notable pour les pharmaciens. Ce texte a introduit les premières nouvelles missions pharmaceutiques, en l’occurrence les entretiens pharmaceutiques pour les patients sous traitement par des antivitamines K (AVK). Depuis six ans, d’autres missions ont été mises en place : des entretiens pour les patients asthmatiques et pour ceux sous anticoagulants oraux, le bilan partagé de médication, la vaccination antigrippale, la téléconsultation réa et dernièrement, pour janvier 2020, la réalisation du test rapide d’orientation diagnostique (Trod) angine (voir encadré).
Ces nouvelles missions sont réservées aux pharmaciens, titulaires et adjoints. Elles ont été négociées par les représentants des pharmaciens pour les pharmaciens. Dans ce contexte, les préparateurs ont, jusqu’à présent, un rôle d’orientation des patients. En clair, selon le profil du patient, le préparateur va lui conseiller de voir le pharmacien pour réaliser soit un entretien pharmaceutique, soit un bilan partagé de médication. Il en est de même pour la vaccination contre la grippe ou, bientôt, pour la réalisation d’un Trod angine. Est-ce que ce rôle leur suffit ? Les préparateurs seraient-ils prêts à s’investir eux aussi dans ces nouvelles missions ? Et sous quelles conditions ?
Des préparateurs prêts à s’engager
Pour en avoir le cœur net, Porphyre a lancé un sondage sur sa page Facebook. Les résultats, certes non exhaustifs, laissent entrevoir la vision de certains. Plus d’une trentaine de préparatrices et préparateurs ont répondu. Parmi eux, 23 estiment qu’ils pourraient participer aux nouvelles missions pharmaceutiques. « Étant autant au comptoir que nos collègues pharmaciens, nous devrions pouvoir effectuer ces missions », écrit une préparatrice. « Je pense que nous sommes des acteurs incontournables du système de santé, au même titre que les pharmaciens », déclare une autre préparatrice. « Avec de la formation, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas réaliser les mêmes choses que les pharmaciens », affirme une internaute.
Si dans l’ensemble les préparateurs sont partants pour vacciner ou réaliser des Trod, deux ou trois sont plus nuancés en ce qui concerne les entretiens pharmaceutiques. « Si le patient nous pose des questions complexes, nous ne pouvons pas répondre aussi bien qu’un pharmacien qualifié qui a fait 6 ans d’études », observe une préparatrice. « Je pense que les entretiens restent du domaine du pharmacien », estime une autre professionnelle. « Je ne souhaite pas faire les entretiens individuels, car je pense qu’ils sont de la compétence du pharmacien et que c’est une façon de valoriser leur diplôme par rapport à celui du préparateur », remarque une préparatrice diplômée depuis 15 ans. Christine Izambert, directrice du CFA de Toulouse, a pris le temps d’échanger sur ce sujet avec des préparateurs fraîchement diplômés ou plus expérimentés qui suivent une formation de CQP de dermo-cosmétique. Si tous se disent intéressés par la vaccination et le dépistage, ils ne se voient pas, en revanche, réaliser des entretiens avec les patients.
Des pharmaciens plus nuancés, mais pas opposés
Quant aux pharmaciens, seraient-ils prêts à laisser les préparateurs s’emparer des missions pharmaceutiques ? « Cela fait deux ans que les pharmaciens vaccinent. C’est un acte technique. Il est aussi réalisé par les médecins et les infirmiers libéraux qui n’ont pas plus de connaissances physiologiques que les préparateurs. Les infirmiers voient leur métier évoluer. Il faut aussi redéfinir celui de préparateur. Pourquoi ne pourrait-il pas faire une injection ? », commente Jean-Luc Marié, pharmacien titulaire à Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime). « Il faut que les pharmaciens puissent se faire aider correctement. Dans les petites structures, le rôle des préparateurs doit évoluer, abonde Bernard Botella, titulaire à La Ciotat (Bouches-du-Rhône). Il y a urgence, car dans le cadre des nouvelles missions, le rôle des préparateurs est de plus en plus restreint. Le métier risque de disparaître. Or, certains de nos préparateurs seraient intéressés par ces missions. » Stéphanie Satger, pharmacienne à Loriol-du-Comtat (Vaucluse), partage ce point de vue : « Le préparateur peut participer à certaines nouvelles missions comme la vaccination ou la réalisation de Trod. Après, il faut respecter les appétences de chacun, mais cela pourrait être très motivant et donner plus d’intérêt et d’importance au métier de préparateur. » Sylvie Guillot, pharmacienne et enseignante au CFA d’Avignon (Vaucluse), va plus loin : « L’idée que le préparateur puisse être réellement le bras droit du pharmacien me paraît indispensable. » Christiane Izambert imagine même que les préparateurs, à condition d’être formés, pourraient jouer un rôle semblable à celui des orthoptistes auprès des ophtalmologistes. Christelle Degrelle, préparatrice et représentante syndicale CFE-CGC, estime que « les pharmaciens sont d’accord pour que les préparateurs prennent une place plus importante. Ils ont besoin de nous ».
Si les pharmaciens s’accordent sur le fait que les tâches et les responsabilités des préparateurs doivent être élargies, ils sont plus réservés sur les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication. Certains comme Philippe Denry, titulaire et vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui représente les pharmaciens d’officine, pensent pourtant que les préparateurs pourraient effectuer les entretiens de suivi avec les patients dans le cadre des différents entretiens pharmaceutiques. Stéphanie Satger, titulaire et enseignante en CFA, estime que les préparateurs « seraient capables de réaliser un entretien de recueil d’informations auprès des patients. En revanche, l’analyse du bilan partagé de médication paraît plus compliquée à mener par un préparateur qui n’a peut-être pas toutes les connaissances nécessaires, notamment en matière d’iatrogénie ». Quoi qu’il en soit, un même argument revient dans les discours des préparateurs et des pharmaciens. Celui de la formation.
Une formation insuffisante des préparateurs
C’est un constat partagé par tous. La formation ne répond pas aux besoins du métier de préparateur dans l’officine d’aujourd’hui. « Notre formation actuelle ne nous permet vraiment pas de participer à ces missions ! », s’exclame une préparatrice sur Facebook. « Je pense que l’on a vraiment notre place, mais le cursus du BP n’y forme pas. Il faudrait vraiment revoir ce BP, plus du tout d’actualité ! », commente une autre préparatrice. Si les préparateurs expriment l’envie de participer aux nouvelles missions et de voir leur métier évoluer, ils conditionnent ce souhait à la formation initiale, mais aussi continue, qu’ils devraient avoir. « Le préparateur manque de formations. Nous devrions en bénéficier comme le pharmacien. Ce qui nous permettrait de faire progresser notre profession », observe un préparateur sur les réseaux sociaux.
Des cours loin du terrain et des niveaux disparates
Les pharmaciens tiennent un discours identique. « Il faut revoir la formation initiale. C’est essentiel », résume Bernard Botella, titulaire ciotaden. Du côté des CFA, le constat est le même. « Le diplôme n’est plus en adéquation avec le métier, remarque Florence Florentin, responsable de la formation continue et du tutorat au CFA de Paris, rue Planchat. La format ion est uniquement théor ique. Aujourd’hui, il n’y a que des épreuves écrites. Les oraux ont été supprimés. Par exemple, pour réaliser les entretiens, il faudrait dispenser des cours sur l’accueil des patients, l’écoute, le suivi. » Pour sa part, Stéphanie Satger estime nécessaire de « faire plus de commentaires d’ordonnance dans la formation. Le problème est que les étudiants manquent de recul pour “digérer” toutes les connaissances » et « qu’il aprennent par cœur pour l’examen ». La conclusion est unanime. La formation est insuffisante et le référentiel actuel, qui date de 1997, est obsolète.
L’autre problème soulevé par les CFA est l’hétérogénéité du niveau des étudiants. « Tous ne pourront pas réaliser des entretiens. Certains en seront capables, d’autres non », estime une enseignante. « Les apprentis n’ont plus les connaissances de base et encore moins les nouvelles qu’il leur faudrait pour bien débuter dans le métier », tranche une internaute.
Quant à la formation continue, elle représente aussi un problème selon Olivier Clarhaut, préparateur et secrétaire fédéral de la branche Officine du syndicat Force ouvrière : « Les nouvelles orientations du développement professionnel continu (DPC) ne prennent en compte que le point de vue du pharmacien. Nous ne sommes jamais consultés. » À cela s’ajoute la difficulté, pour de nombreux préparateurs, de suivre des formations. « Ce serait bien également que les titulaires ne mettent pas les préparateurs de côté, d’autant qu’ils nous demandent de nous investir dans certaines missions, notamment le recrutement de patients pour les entretiens ou la quête de nouvelles idées », s’insurge une préparatrice.
La formation initiale à revoir de toute urgence
La formation initiale devrait évoluer. Reste que depuis plus de dix ans, le sujet est régulièrement évoqué sans être suivi d’effets. « Les préparateurs sont toujours les laissés-pour-compte », se désole Olivier Clarhaut.
La réflexion a malgré tout avancé. Un nouveau référentiel a été élaboré au sein de la Commission paritaire nationale de l’emploi (CPNE) de la profession, même si pour l’heure, il reste dans un tiroir. Les pharmaciens envisagent également un nouveau cursus. Bernard Botella, titulaire et Stéphanie Satger, titulaire et enseignante en CFA évoquent, comme d’autres, une formation commune de deux ans, suivie d’une formation spécialisée d’un an permettant aux préparateurs de travailler soit à l’hôpital, soit en officine. « Il faut à la fois raccrocher les préparateurs au système LMD, licencemaster-doctorat, créer une voie pour leur permettre d’exercer en officine et mettre en place des passerelles, explique Philippe Denry, pharmacien et en charge des questions de formation à la FSPF pour la branche officine. Nous souhaitons une évolution vers un niveau de licence, car les médicaments sont de plus en plus techniques, notamment ceux de chimiothérapie orale et les biosimilaires. » Pour Daniel Burlet, de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo), se pose néanmoins la question de l’alternance dans un tel cadre d’études : « Le système de l’apprentissage permet de réguler l’emploi dans le secteur. Nous n’avons pas de chômage chez les préparateurs. » Il faut pourtant bien régler ce problème de formation initiale.
Le BP de préparateur en pharmacie constitue aussi une étrangeté. Il est accessible aux bacheliers, mais débouche sur un diplôme de niveau bac après deux ans d’études… Dans le cadre de la loi de transformation du système de santé, des universités devraient lancer des expérimentations afin de faire évoluer le contenu de la formation et sa durée (voir actu p. 6). Ces tests, dont certains seraient peut-être mis en œuvre à la prochaine rentrée, pourraient apporter un début de solution. Affaire à suivre donc, mais il est certain qu’il faudra attendre encore quelques années pour que la situation de fond change, même si la FSPF est montée au créneau auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé en expliquant qu’« une évolution de la formation des préparateurs devient urgente ».
Revaloriser le métier, une nécessité
Si la formation initiale évolue, cela implique une modification de la grille des salaires. D’ores et déjà, dans leurs commentaires sur Facebook, certains préparateurs soulignent cet aspect s’ils devaient en faire plus. « N’oublions pas pour tout ça de revoir notre rémunération ! », s’exclame ainsi une préparatrice. Les pharmaciens entendent cette demande de revalorisation des salaires. « La grille salariale est liée à l’ancienneté (ndlr : dans le sens des années de pratique), explique Jean-Luc Marié, titulaire en Charente-Maritime. On pourrait imaginer que d’autres critères entrent en ligne de compte afin de valoriser les compétences qu’un préparateur a développées. » Cependant, la rémunération n’est pas le seul élément de revalorisation du métier. La reconnaissance des préparateurs, les perspectives professionnelles, l’organisation et le management y participent largement. Des dimensions qui manquent actuellement. « Le management, la gestion de l’équipe, tout est lié, note Marie-Valérie Verquiere, pharmacien et directrice du CFA du Var à Toulon. Il faudrait inciter le pharmacien à réfléchir à son équipe pour que tout le monde trouve son intérêt dans une évolution du rôle des préparateurs, y compris sur le plan de l’économie officinale. » Sylvie Guillot résume bien la problématique : « Les préparateurs ont un problème d’existence au sein de la pharmacie. » Finalement, la véritable question porte sur la redéfinition du métier, dans un contexte où le système de santé et par conséquent l’officine évoluent, et où le métier de pharmacien connaît des bouleversements. Quels doivent être aujourd’hui et demain le rôle, les missions, les responsabilités, les compétences et les connaissances des préparateurs ? « Il faut ouvrir le débat », conclut Marie-Valérie Verquiere.
Les nouvelles missions pharmaceutiques
C’est acté avec l’Assurance maladie. Toutes les nouvelles missions pharmaceutiques ont été négociées par les syndicats de pharmaciens avec l’Assurance maladie. Elles figurent donc dans les avenants à la convention pharmaceutique. Le dispositif initial a été modifié en 2017 (avenant 11). Désormais, l’accompagnement des patients chroniques, quelle que soit la maladie, comprend deux entretiens : un entretien d’évaluation pour estimer les connaissances du patient, ses points forts et ses points faibles, et permettre ainsi d’identifier le ou les axes d’accompagnement à mettre en œuvre ; un programme d’entretiens thématiques adaptés aux besoins du patient. Le pharmacien doit rédiger une conclusion sur l’évolution des acquis après chaque entretien et en faire une synthèse à la fin de l’accompagnement.
Un peu d’histoire…
→ En 2013, les premiers entretiens pharmaceutiques sont mis en œuvre (avenant 1) et concernent les patients qui suivent un traitement par AVK.
→ En 2014, l’avenant 4 acte l’accompagnement des patients asthmatiques.
→ En 2016, l’avenant 8 concerne l’accompagnement des patients sous anticoagulants oraux d’action directe (AOD).
→ En 2017, l’avenant 11 instaure le bilan partagé de médication dont les modalités sont précisées par l’avenant 12 de 2018. Ce bilan concerne les patients de plus de 65 ans souffrant de maladies chroniques ou de plus de 75 ans, et qui sont polymédiqués.
Son objectif est la lutte contre la iatrogénie. Le bilan partagé de médication comprend : un entretien de recueil des traitements pouvant s’appuyer sur le dossier médical partagé (DMP) ; une analyse des traitements du patient avec transmission de la conclusion du pharmacien au médecin traitant puis enregistrement dans le DMP ; un entretienconseil qui permet au pharmacien de donner au patient ses conclusions et des recommandations sous forme de plan d’accompagnement pour le bon usage de ses médicaments ; des entretiens de suivi d’observance.
→ Le 2 décembre 2018, l’avenant 15 met en place la télémédecine au sein de l’officine.
→ L’arrêté du 2 septembre 2019 approuve l’avenant 16 sur la vaccination antigrippale par les pharmaciens.
→ Le 18 septembre 2019, les syndicats et l’Assurance maladie signent l’avenant 18 relatif à la réalisation des Trod angine en pharmacie.
- Formation à la vaccination : pas de DPC pour les préparateurs en 2025
- [VIDÉO] De la grossesse à la naissance : un accompagnement en officine personnalisé proposé par Amandine Greco, préparatrice
- [VIDÉO] Accompagnement post-natal en officine : les papas aussi !
- Entretiens pharmaceutiques en oncologie : tous concernés !
- Coqueluche : « Les bénéfices de la vaccination pendant la grossesse sont incontestables »
- Ménopause : qu’attendre des traitements laser contre la sécheresse vaginale ?
- Nature Care, gamme naturelle pour le soin des plaies
- Pharmaciens et IA : l’ère du professionnel augmenté
- Maladie de Charcot : le Parlement vote une amélioration de la prise en charge
- Médicament contre la douleur : une alternative aux opioïdes