- Accueil ›
- Profession ›
- Interpro ›
- CPTS, mode d’emploi
CPTS, mode d’emploi
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ne sont pas seulement un sigle de plus. Si elles demeurent un objet non identifié pour beaucoup de professionnels de santé, elles s’apprêtent à devenir incontournables pour la mise en place de futures missions. Incontournable comme le rôle que peuvent y jouer les pharmaciens. En y trouvant leur compte.
On en parle beaucoup depuis un an, mais les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ne sont pas nouvelles. C’est en effet la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui instaure ces structures. Il faut cependant attendre le plan « Ma santé 2022 », présenté en septembre 2018, pour que les CPTS deviennent visibles, puisque le gouvernement souhaite que 1 000 communautés soient créées d’ici 2022. En septembre, 400 projets de CPTS étaient d’ailleurs recensés. Pour autant, le sigle demeure bien mystérieux pour nombre de professionnels de santé. Concrètement, une CPTS regroupe, sur un territoire défini, des professionnels de santé libéraux (médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, etc.), auxquels peuvent s’ajouter des spécialistes (cardiologues, ophtalmologistes, etc.) mais également des acteurs sanitaires, médicosociaux ou sociaux : hôpitaux de proximité, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA), etc. Ce sont les professionnels de santé libéraux du terrain qui créent les CPTS.
La notion de territoire est aussi essentielle. La logique est de répondre aux besoins d’une population donnée. Autre point primordial : les professionnels de santé ne se regroupent pas physiquement dans un même lieu. Ils continuent d’exercer là où ils sont. Dernière précision : la CPTS « chapeaute » les équipes de soins primaires (EPS) et les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Une communauté professionnelle peut en effet comprendre une ou plusieurs EPS et MSP. « Les communautés ont pour objectif de concourir à l’amélioration de la prise en charge des patients dans un souci de continuité, de cohérence, de qualité et de sécurité des services de santé, par une meilleure coordination des acteurs qui la composent », expliquent les agences régionales de santé (ARS). En fait, l’idée est d’étendre, de façon cohérente, la coordination des professionnels au-delà de la patientèle des EPS et des MSP à l’échelle d’un territoire plus vaste qu’un quartier, qu’une, deux ou trois communes.
Trois missions obligatoires
Les missions négociées dans le cadre de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) du 20 juin apportent un éclairage sur les objectifs des CPTS. L’ACI distingue trois missions prioritaires, obligatoires, dites « missions socles ». Les premières favorisent l’accès aux soins, notamment en facilitant l’accès à un médecin traitant, en améliorant l’accès à des soins non programmés en ville et en contribuant au développement de la télémédecine et du télésoin.
La deuxième mission socle porte sur l’organisation de parcours pluriprofessionnels autour du patient : parcours pour gérer les patients en situations complexes, en risque de fragilité ou en situation de handicap, parcours en faveur d’une meilleure prise en charge des personnes âgées pour faciliter le maintien à domicile, etc.
Enfin, la dernière mission obligatoire a trait au développement des actions territoriales de prévention : promotion auprès des patients de la vaccination et des recommandations délivrées par les autorités sanitaires en cas de risque particulier ; prévention des addictions, des risques iatrogènes, de la perte d’autonomie, des violences intrafamiliales ; mise en place d’une organisation permettant le recueil des événements indésirables associés aux soins et le signalement aux autorités ; participation à un réseau de surveillance ou de vigilance labellisé par l’agence régionale de santé comme le réseau Sentinelles, dépistages, etc.
Quant aux missions optionnelles, elles s’articulent autour de deux axes : les actions en faveur du développement de la qualité et de la pertinence des soins (échanges sur les pratiques, organisation de concertations autour de cas patients, retours d’expérience, harmonisation des pratiques) et les actions en faveur de l’accompagnement des professionnels de santé sur le territoire (présentation de l’offre de santé du territoire, accueil de stagiaires, etc.).
Contacter, convaincre et construire
Mais comment construire une CPTS ? Généralement, ces structures ne surgissent pas ex nihilo. Les professionnels qui en sont à l’initiative appartiennent souvent à une ou plusieurs MSP. Ils prennent ensuite leur bâton de pèlerin pour contacter les autres professionnels, organiser des réunions et convaincre. Une fois qu’un certain nombre de professionnels sont réunis, la deuxième étape est le travail sur le territoire. Selon le guide réalisé par les unions régionales des professionnels de santé (URPS) des Hauts-de-France, « les limites du territoire sont définies en fonction des besoins de la population identifiés par les professionnels ». Il peut s’agir de répondre à un besoin de continuité des soins, en particulier le week-end, à un manque de coordination ville-hôpital, aux problématiques de prise en charge et de maintien à domicile des personnes âgées, etc. Un diagnostic territorial de santé (données socio- économiques, de santé, sur l’offre de soins, etc.) peut appuyer la définition du territoire. L’ACI fixe néanmoins quatre « tailles » de territoire : moins de 40 000 habitants, de 40 000 à 80 000 habitants, de 80 000 à 175 000 habitants et plus de 175 000 habitants.
Il convient ensuite de choisir la structure de la CPTS. Dans la quasi-totalité des cas, les professionnels optent pour une association loi 1901. La dernière étape avant le dépôt du dossier auprès de l’ARS consiste à rédiger le projet de santé. Celui-ci est obligatoire pour signer un contrat avec l’agence de santé. « Ce projet fixe un territoire, les modalités de coordination et les actions projetées par les professionnels », précise le guide des URPS. Ces actions doivent être intégrées dans les missions fixées par l’ACI. Il faut aussi savoir que les missions ne doivent pas être obligatoirement déployées dès que la CPTS fonctionne. La communauté professionnelle doit démarrer la mission en faveur de l’amélioration de l’accès aux soins au plus tard six mois après la signature du contrat et les deux autres missions socles au plus tard douze mois après. « Si le projet de santé n’est pas complètement ficelé, ce n’est pas trop grave. On peut faire des avenants », a remarqué Claude Gady-Cherrier, directrice régionale du service médical de l’Assurance maladie, durant la 1re Journée des CPTS, organisée à Lille (Nord) par les URPS des Hauts-de-France, le 7 novembre.
Entre part fixe et part variable
La question des financements des CPTS est évidemment centrale. Déjà, les professionnels et les structures qui sont membres d’une CPTS gardent leurs rémunérations et financements habituels. Ensuite, l’ACI prévoit le versement de sommes en fonction de la taille des CPTS et des missions réalisées (voir Repères page ci-contre). Outre les montants annuels répartis en part fixe et en part variable « au regard des résultats observés » (des critères d’évaluation et des indicateurs doivent figurer dans le contrat), la CPTS bénéficie, dès la signature du contrat, d’une somme pour couvrir ses besoins dont le montant est équivalent au financement du fonctionnement versé chaque année. A noter que les CPTS ont la possibilité, et non l’obligation, de mettre en place un dispositif de traitement et d’orientation des demandes de soins non programmés, qui peut être mutualisé avec d’autres CPTS. Le financement de ce dispositif n’est donc pas compris dans le total des sommes annuelles.
A ces montants peuvent s’ajouter, pour des actions spécifiques de santé, des financements de l’ARS via le Fonds d’intervention régional (FIR).
LA VALEUR AJOUTÉE DES PHARMACIENS
De nombreux pharmaciens sont les initiateurs de CPTS. Ce n’est pas par hasard. « Le pharmacien a un rôle énorme. Déjà, par la pharmacie, il a un rôle d’ancrage dans le territoire. Ensuite, c’est un chef d’entreprise qui a la capacité de gérer et de manager. Les médecins ne savent pas faire et il faut les rassurer », explique Saliha Grévin, pharmacienne à Douai (Nord), qui a initié la CPTS Grand-Douai regroupant 60 professionnels pour un territoire de 130 000 habitants. « Les pharmaciens ont l’avantage d’avoir une équipe, un comptable, un juriste. Nous avons une façon de travailler plus entrepreneuriale que les autres professionnels de santé », complète Christophe Enderlé, pharmacien à Bertry (Nord), président de la CPTS Haut-Escaut, qui compte six pharmaciens, cinq médecins, des infirmiers, des kinés, un podologue et un nutritionniste pour environ 30 000 habitants. Et tous deux ne manquent pas d’idées. « Sur les soins programmés, nous allons élaborer des protocoles pluriprofessionnels sur la cystite pour les pharmaciens et les plaies pour les infirmiers. Nous envisageons un accès direct aux kinés pour les entorses et les lombalgies », détaille Saliha Grévin. « Nous avons trois sujets en prévention : l’obésité, les addictions et les personnes isolées qui n’ont pas de médecin traitant et peuvent renoncer aux soins, ce qui nécessite une vigilance de tous les acteurs », précise Christophe Enderlé.
À RETENIR
• Une CPTS regroupe, sur un territoire défini, des professionnels de santé libéraux de premier et de second recours, mais aussi des acteurs sanitaires, sociaux-médicaux ou sociaux.
• Elle a trois missions obligatoires (accès aux soins, parcours pluriprofessionnels et prévention) et doit élaborer un projet de santé qui sera validé par l’ARS.
• Les financements sont fonction de la taille de la CPTS et peuvent atteindre 380 000 € pour les plus grandes.
REPÈRES
COMBIEN RAPPORTE UNE CPTS ?
Par Magali Clausener
DES RESSOURCES POUR VOUS AIDER
Les porteurs de projets disposent de diverses ressources afin de les aider : les URPS (dans les Hauts-de-France, l’inter-URPS a délégué à l’URPS des médecins l’accompagnement des CPTS), les agences régionales de santé, les caisses primaires d’assurance maladie (en particulier pour le diagnostic de santé).
L’association AvecSanté (ex-FFMPS) propose aussi un accompagnement sur le terrain, ainsi qu’un guide sur les CPTS téléchargeable sur son site internet, avecsante.fr.
Un guide méthodologique est aussi disponible sur le site internet de l’URPS pharmaciens Hauts-de-France (urps-pharmaciens-hdf.fr/aides-pratiques-professionnelles/cpts).
Le texte de l’ACI fournit également de nombreuses informations.
- Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose
- Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?
- Prescription des analogues du GLP-1 : les médecins appellent au boycott du dispositif imposé
- Bon usage du médicament : doit-on oublier la dispensation adaptée ?
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
![Bilans de prévention : pas si simples !](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/07/article-defaults-visuel-680x320.jpg)