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Dans l’AVC, le temps, c’est du cerveau

Publié le 27 novembre 2019
Par Caroline Bouhala
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« Dans l’AVC ischémique, plus nous attendons, plus nous perdons des neurones », a alerté le Dr Michael Obadia, chef de l’unité neurovasculaire de la fondation Rothschild, établissement parisien spécialisé dans les affections de la tête et du cou, le 19 octobre 2019. « Environ 2 millions de neurones sont perdus chaque minute. C’est la première cause de décès chez la femme avant le cancer du sein, la troisième chez l’homme, et la première cause de handicap acquis de l’adulte. » Une course contre la montre pour environ 140 000 personnes en France chaque année, avec 1 accident vasculaire cérébral (AVC) toutes les 4 minutes. Optimiser la prise en charge est essentiel. Il faut rappeler à la population les signes évocateurs(1) et faciliter l’orientation vers une structure adaptée. « Hospitaliser ces patients dans une unité spécialisée dans la prise en charge des AVC diminue de 20 % la morbi-mortalité, indépendamment des traitements », explique le Dr Obadia.

Vers une médecine personnalisée de l’AVC

Des avancées thérapeutiques importantes ont vu le jour ces 20 dernières années. D’abord, la thrombolyse en cas d’AVC ischémique (80 % des AVC) causé par un caillot obstruant une artère cérébrale. À réaliser dans les 4 heures et demie suivant le début de l’AVC, elle est parfois contre-indiquée et des caillots peuvent lui résister. Depuis 2015, un nouveau traitement consiste à aller chercher le caillot à l’aide d’un cathéter pour l’évacuer. Cette thrombectomie mécanique, proposée par 35 établissements en France, « est le traitement le plus efficace », selon le Dr Obadia. L’avantage est de pouvoir la réaliser 6 heures et jusqu’à 24 heures après le début de l’AVC. Elle est souvent associée à la thrombolyse, pour un effet synergique, mais peut être effectuée seule en cas de contre-indication de cette dernière. Grâce à cette technique, 1 patient sur 3 vit sans séquelle 3 mois après un AVC, versus 1 sur 5 auparavant. « C’est une grosse révolution », estime le Dr Michel Piotin, chef du service de neuroradiologie interventionnelle, mais elle a des limites. Le caillot doit se situer dans des vaisseaux de 1,5 à 4 mm de diamètre et l’acte nécessite un plateau technique de pointe et une expertise médicale. Ces traitements efficaces sont utilisables chez 15 % des patients pour la thrombolyse et 5 % pour la thrombectomie, d’où l’importance de la recherche à laquelle participe la fondation Rothschild. Une biobanque regroupe les observations des caillots collectés durant les thrombectomies, afin de mieux comprendre les résistances de certains à la thrombolyse et trouver des solutions thérapeutiques plus efficaces. D’autres axes de recherche sont explorés, comme la création de dispositifs médicaux facilitant la thrombectomie, l’étude de marqueurs biologiques, etc. L’objectif étant une médecine personnalisée de l’AVC.

(1) Déformation de la bouche, faiblesse d’un côté du corps, bras ou jambe, troubles de la parole. Appeler le 15.

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