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“J’ai mal à la gorge”

Publié le 20 janvier 2020
Par Nathalie Belin
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1 Je questionne

Préciser la demande

« La douleur est-elle importante, augmentée par la déglutition ? », « Avez-vous de la fièvre ? », « Une toux, des ganglions douloureux au niveau du cou, un rhume ? » et « Quel âge avez-vous ? » ou « Quel âge a l’enfant ? » aident à identifier la probabilité d’une angine à streptocoque et à la décision de proposer un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) angine.

Rechercher certains critères

« Avez-vous déjà pris quelque chose pour vous soulager ? », « Pas d’allergies particulières aux pollens, aux produits de la ruche…? » et, selon le cas, « Pas de grossesse en cours ? » orientent le conseil.

2 J’évalue

En majorité bénins, les maux de gorge ont souvent une origine infectieuse. Des conseils et des produits locaux peuvent soulager l’inconfort. Malgré leur évolution en général favorable, les angines à streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SGA), fréquentes en hiver et en début de printemps, nécessitent une antibiothérapie pour éviter tout risque de complication. Un Trod angine est recommandé chez l’enfant et l’adolescent et chez l’adulte dans certains cas (voir encadré ci-contre). Un avis médical s’impose en cas de Trod positif, de Trod négatif avec douleur intense, fièvre, problème dentaire car d’autres bactéries donnent des angines, et de situations suspectes d’angine à SGA : enfant de 3 à 15 ans, fièvre brutale supérieur à 38 °C et/ou douleur intense et/ou ganglions sensibles au toucher, absence de toux ou de rhinorrhée.

3 Je passe en revue

Les antalgiques

• Paracétamol. Antalgique et antipyrétique par voie générale de première intention. Son efficacité est moins rapide que celle des traitements locaux. En pratique : 500 à 1 000 mg par prise chez l’adulte et l’enfant de plus de 50 kg (15 ans environ), à renouveler au bout de quatre heures minimum et sans dépasser 3 g par jour, voire 4 g si douleurs importantes et en l’absence de contre-indications (insuffisance rénale sévère ou hépatique, alcoolisme chronique). Pour les moins de 50 kg : 60 mg/kg par jour à répartir toutes les quatre ou six heures, avec 15 mg/kg par prise maximum, sans dépasser 3 g par jour. Précautions : attention au surdosage et au risque d’atteinte hépatique. L’alcool, à éviter, majore la toxicité hépatique.

• Anesthésiques locaux. Lidocaïne, tétracaïne, ambroxol, aussi anti-inflammatoire, ont une action antalgique rapide mais brève incitant à renouveler les prises. Précautions : ils peuvent induire des fausses-routes, donc à déconseiller en cas de troubles de la déglutition. Selon les références, ils sont contre-indiqués avant 6, 12 ou 15 ans et à utiliser avec précaution avant 12 ans dans tous les cas. L’ambroxol peut entraîner choc anaphylactique et réactions cutanées graves.

Les antiseptiques

• Antiseptiques locaux. Chlorhexidine, biclotymol, cétylpyridinium, hexamidine… visent à limiter le développement microbien mais n’accélèrent pas la guérison. Précautions : ils déstabilisent la flore locale lors de traitements prolongés. La chlorhexidine peut colorer transitoirement en brun la langue et des dents.

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• Plantes et huiles essentielles. Sauge, thym, pin sylvestre en plantes… et/ou les huiles essentielles de thym, origan, eucalyptus, sapin, ravintsara… à action antiseptique et décongestionnante sont proposés par voie locale. Exemples : Olioseptil pastilles gorge-larynx, Naturactive spray gorge aux essences, Phytosun Arôms pastilles, Le Comptoir Aroma spray gorge… On les trouve aussi dans des formules par voie générale anti-rhume. Exemples : Granions nez-gorge gélules jour et comprimés nuit, Aromadoses capsules nez et gorge, Clariver nez/gorge, Olioseptil gélules nezgorge, Vendivair nez/gorge… Précautions : utiliser les huiles essentielles avec prudence avant l’âge de 6 ans, en cas d’asthme ou d’antécédents de convulsion. À proscrire en cas de grossesse.

Les anti-inflammatoires

• Corticoïde local : le tixocortol dès 6 ans (Thiovalone, RhinAdvil Tixocortol/chlorhexidine…) peut induire des réactions allergiques. Il est contre-indiqué en cas de candidose ou d’herpès buccal.

• Enzyme : l’alpha-amylase (Maxilase…) peut engendrer une hypersensibilité cutanée sévère (urticaire, angio-œdème, bronchospasme…). Éruption, difficultés respiratoires ou gonflement du visage impliquent l’arrêt et une consultation rapide. Vérifier l’absence d’antécédents d’hypersensibilité avant de le conseiller.

• Plantes émollientes et anti-inflammatoires. Plantain, mauve, guimauve, réglisse, matricaire, érysimum, également antispasmodique, sont traditionnellement utilisés pour soulager les maux de gorge. On les retrouve dans des dispositifs médicaux et associés à des plantes ou huiles essentielles antiseptiques ou à de la propolis. Exemples : Almavox sirop, Gommes propolis-réglisse, Activox spray gorge, Clariver maux de gorge, pastilles Euphon, Naturactive VoxylTabs…

• La propolis, aux propriétés antimicrobiennes et anti-inflammatoires démontrées, est utilisée en pastilles et collutoires, souvent avec des plantes et/ou du miel ou de la gelée royale. Exemples : gamme Oropolis, Spray bio propolis Ladrôme, 3 Chênes propolis spray gorge, Aroma Celte spray propolis, Arkoroyal pastilles propolis… Précautions : elle peut induire des réactions d’hypersensibilité comme la gelée royale. Éviter en cas d’allergie aux pollens ou de prédisposition aux allergies ou à l’asthme. Beaucoup de collutoires avec propolis renferment de l’alcool.

Les protecteurs locaux

Ce sont des dispositifs médicaux (DM) avec acide hyaluronique, glycérol ou extraits végétaux (gommes…) formant un film muco-adhésif qui tapisse l’oropharynx afin de l’hydrater et de le protéger des agents pathogènes et/ou des irritants. Exemples : Hexatoux, Salvigorge 2Act, Arkovox, Belivair Mal de gorge, Phytosun Arôms spray mal de gorge, Pharyndol spray… Précautions : certaines références renferment des huiles essentielles ou de la propolis.

4 Je choisis

Selon les symptômes

• Douleurs légères à modérées : antiseptiques, plantes ou DM, et/ou paracétamol.

• Douleurs importantes : anesthésique ou plantes + propolis ou DM + paracétamol.

• Avec rhume : plantes et huiles essentielles.

Selon les galéniques

• Les pastilles lubrifient les muqueuses, ce qui soulage. Préférez-les non sucrées pour limiter les caries et en cas de diabète.

• Les collutoires tapissent instantanément la muqueuse oropharyngée. Attention, certaines références renferment de l’alcool. Éventuellement associer les deux formes en choisissant des actifs complémentaires, mais pas deux anesthésiants par exemple.

En fonction du patient

• Âge. Pas de pastilles avant 6 ans en raison du risque de fausse-route, ni de collutoires avant 30 mois car risque de laryngospasme. Pas d’anesthésiques locaux avant 6 ans et avec prudence avant 12 ans.

• Antécédents d’allergie (pollens, asthme…) : éviter la propolis. Prudence avec les huiles essentielles.

• Patients âgés : éviter les anesthésiques locaux si risque de fausse-route.

• Femmes enceintes : privilégier le paracétamol. Pas de plantes ni d’huiles essentielles. Certains DM sont autorisés.

5 J’explique

Les maux de gorge guérissent en trois à quatre jours. Le traitement est symptomatique. Si la douleur et/ou la fièvre persistent ou s’aggravent dans les deux à trois jours, consulter même en cas de Trod négatif.

6 Je conseille

Modalités de prise

• Prendre les traitements locaux à distance des repas ou des boissons pour optimiser l’action, et durant pas plus de cinq jours. Pour ceux avec anesthésiques locaux, ne pas manger ni boire dans l’heure suivant la prise pour éviter une fausse-route.

• Pas d’AINS dans les maux de gorge ! Ils peuvent favoriser des complications, notamment un phlegmon de l’amygdale. Lié à l’accumulation de pus au niveau de l’amygdale, le phlegmon est à l’origine d’une hypersialorrhée (sécrétion augmentée de salive), d’une douleur importante, d’une haleine fétide et d’une contraction des muscles de la mâchoire empêchant son ouverture correcte. Il est favorisé par l’immunodépression ou des corticoïdes ou AINS en automédication.

Alimentation et environnement

• Hydrater les muqueuses lubrifie et apaise l’inflammation : boire suffisamment en préférant des boissons froides si la douleur est importante, sucer des bonbons sans sucre pour hydrater. Humidifier l’air de la chambre et ne pas surchauffer.

• Éviter de fumer et les atmosphères enfumées qui augmentent l’irritation, ainsi que les aliments acides, trop épicés ou trop durs.

Prévention

Les angines microbiennes se transmettent via les sécrétions oropharyngées ou respiratoires. Tousser ou se moucher dans un mouchoir en papier, à jeter dans une poubelle fermée, se laver les mains avant les repas, ne pas échanger les brosses à dents, les couverts…

Trod angine ou pas chez l’adulte ?

• Le test rapide d’orientation diagnostique de l’angine est effectué chez l’adulte en cas de suspicion d’une angine à SGA basée sur le score de Mac Isaac, qui prend en compte plusieurs paramètres cliniques. Ce score n’est pas utilisable chez l’enfant.

Le contexte

Les maux de gorge peuvent avoir diverses origines (atmosphère enfumée, sollicitation excessive des cordes vocales, allergies, substances irritantes…), mais la cause est le plus souvent infectieuse.

• Les angines virales sont les plus fréquentes, souvent dans le cadre d’une rhinopharyngite.

• Les angines bactériennes sont le plus souvent dues au streptocoque bêta-hémolytique. Rares avant l’âge de 3 ans, elles ont un pic d’incidence entre 5 et 15 ans. L’angine de Vincent, plus rare, est favorisée par une mauvaise hygiène bucco-dentaire.

• Clinique : douleur pharyngée et +/- fièvre, rhinorrhée, toux, syndrome pseudo-grippal, otalgie réflexe. Toux, rhinorrhée, peu de fièvre sont plutôt en faveur d’un virus.

• Seules les bactériennes peuvent se compliquer : phlegmon amygdalien (voir texte) ; pour le SGA : rhumatisme articulaire et glomérulonéphrite aigüs.