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Agressés à l’officine, ils s’expriment !
Agressions, braquages… des titulaires ayant été confrontés à ces situations violentes racontent comment ils les ont vécues, et quelles mesures ils ont pris pour prévenir ce type d’incidents.
Titulaire de la pharmacie du 14 juillet à Rochefort, Emilie de Fleurian se souviendra longtemps de cette soirée de novembre 2019. « J’étais de garde. Il était 20h40. Je venais de servir des patients envoyés par le commissariat quand on a sonné. Comme j’attendais d’autres personnes, je ne me suis pas méfiée et j’ai ouvert la porte. » Un homme avec une capuche sur la tête entre et pointe une arme sur elle. « Tout est allé très vite, se souvient la pharmacienne . Il n’a en effet pas eu le temps de dire un mot car mon mari, qui avait vu la scène, s’est jeté sur lui pour lui asséner des coups de poing et l’a poursuivi dans la rue pour essayer de le rattraper. » Prévenue, la police récupère le sac à dos que l’homme a perdu dans la bagarre. « Le surlendemain, nous avons été convoqués au commissariat pour une identification car l’agresseur s’était rendu, précise Emilie de Fleurian. Nous avons alors appris qu’il était toxicomane et que l’arme était fausse puisqu’il l’avait achetée dans un magasin de jouets. »
EN MOINS de 2 min.
Le 29 novembre dernier, Gérald Bouillé, titulaire de la pharmacie Monte Cristo dans le 20ème arrondissement à Paris, a, lui aussi, été confronté à une situation violente qu’il n’est pas près d’oublier. « Il était 19h37. J’étais dans mon bureau quand deux individus gantés et casqués sont entrés et ont demandé la caisse à une collègue et une patiente présentes au comptoir, en les braquant avec des bombes lacrymogènes. Je suis tout de suite allé vers eux, en leur expliquant que j’étais le titulaire et qu’il devait s’adresser à moi. » Pour faire retomber la pression, Gérald Bouillé obtempère. Il leur remet la caisse qui contient quelques centaines d’euros. « Lorsqu’ils ont vu leur maigre butin, ils se sont énervés. L’un des braqueurs est passé derrière le comptoir pour menacer la collègue et l’asperger de gaz. Puis, il est passé dans la réserve pour demander à mon adjoint de lui montrer le stock de stupéfiants. J’ai alors proposé à celui qui était resté près de moi de lui donner le code, mais il n’en a pas voulu car ils étaient venus pour l’argent. Après lui avoir répété que je lui avais tout donné, car j’avais effectué un dépôt à la banque dans l’après-midi, ils sont finalement partis en prenant le soin de me gazer aussi, pour que je ne puisse pas appeler la police rapidement. » Au final, les deux agresseurs ne sont pas restés plus de deux minutes dans la pharmacie.
LA BONNE réaction.
Pour Alain Marcillac, le référent sécurité du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (Cnop), Gérald Bouillé a eu la bonne réaction. « Lorsque l’on est confronté à un braquage, il faut essayer de rester calme et diplomate et, surtout, donné tout de suite aux agresseurs ce qu’ils demandent pour qu’ils repartent le plus vite possible. Opposer de la résistance pourrait mettre en danger la vie des patients et de l’équipe. » Pendant le braquage, Emilie de Fleurian reconnaît qu’elle n’a pas eu le temps d’avoir peur. « Tout est allé très vite, et s’est bien terminé. J’ai donc continué à assurer ma garde comme si de rien n’était et je n’ai pas éprouvé le besoin d’aller consulter le psychologue que les policiers m’avaient conseillé. Mais si mon mari n’avait pas été là, je ne sais pas comment j’aurais réagi. » Gérald Bouillé a, lui, essayé de garder son sang-froid. « Je suis installé dans le 20ème, dans un quartier populaire. Je savais qu’un jour, ce genre d’incident arriverait. Je m’étais donc préparé psychologiquement, et cela m’a probablement aidé à aller au-devant des agresseurs pour protéger mon équipe. Et comme je suis d’une nature plutôt flegmatique, j’ai répondu calmement à leurs questions afin de faire retomber la tension, tout en n’opposant pas de résistance. »
LES MESURES pour se protéger.
Après cet incident violent, le premier en dix ans d’installation, Gérald Bouillé n’envisage pas de prendre des mesures particulières. « J’ai déjà installé un système de vidéo surveillance, mais il n’a pas servi à grand-chose puisque les agresseurs étaient gantés et masqués. Il n’y avait pas un centimètre de peau qui dépassait. » Par ailleurs, son assurance lui a remboursé le préjudice. Titulaire de la Grande Pharmacie de Paris à Lille, Fabien Florack a, lui, dû se résoudre à employer les grands moyens. « Je suis installé sur la place de la gare où règne un climat d’insécurité, précise le pharmacien. Nous étions donc quotidiennement confrontés à des agressions verbales, à des violences liées aux stupéfiants, à des vols à l’étalage… » Pour le titulaire, ce quotidien violent s’est traduit par deux côtes fêlées, un tympan percé « et plein de petites choses que l’on oublie, comme les crachats… », ajoute-t-il. Afin de mettre un terme à ce climat d’insécurité et protéger ses collaborateurs, il a donc décidé il y a deux ans, d’installer un portique et des caméras et de faire appel à un vigile. Un investissement qui a porté ses fruits. « Le nombre de vols à l’étalage a baissé de manière significative. Et si nous sommes toujours confrontés à des incivilités et à des agressions verbales, c’est désormais le vigile qui les gère. Et en général, il arrive rapidement à apaiser les tensions. » Grâce à ces mesures, Fabien Florack et son équipe travaillent désormais dans une atmosphère beaucoup plus sereine.
L’ESSENTIEL
→ Ne jamais fermer seul la pharmacie.
→ Faites des dépôts quotidiens à la banque pour éviter d’avoir trop d’argent dans les caisses.
→ En cas de braquage, restez calme et n’opposez pas de résistance. Donnez aux agresseurs ce qu’ils demandent pour qu’ils repartent le plus vite possible.
→ Après une agression grave ou un braquage, déposez plainte et effectuez une déclaration sur le site du Cnop.
→ Le Cnop publie sur l’espace pharmacien de son site Internet, une fiche réflexe en cas d’agression qui détaille les démarches à effectuer.
PréventionLes règles du CNOP
Pour éviter les braquages, des mesures simples de prévention peuvent être envisagées. « La base, c’est de ne jamais fermer la pharmacie seul ! Et la meilleure des protections reste les dépôts quotidiens à la banque. Moins il y a d’argent dans la caisse, moins il y aura de cambriolage, rappelle Alain Marcillac, le référent sécurité du Cnop, pour qui investir dans un coffre-fort peut se révéler contre-productif. Lorsque les voleurs s’aperçoivent qu’il y en a un, ils vont vouloir prendre tout ce qu’il y a dedans. Du coup, cela retarde leur départ. » Après ce type d’incident, il est conseillé de porter plainte et d’effectuer une déclaration auprès de l’Ordre. « Les pharmaciens disposent désormais sur notre site Internet d’un module qui permet de le faire en quelques clics. Cela nous permet d’avoir des statistiques plus fiables et d’intervenir dans les cas les plus graves, en se portant partie civile en soutien des pharmaciens agressés », conclut Alain Marcillac.
35 % des déclarations d’actes d’incivilité et de violence portent sur le refus de délivrance pour ordonnance non conforme. Les injures et les menaces représentent la moitié des agressions déclarées.
POUR LA BONNE CAUSE
Pour prévenir les agressions liées aux stupéfiants, Fabien Florack participe au programme d’échanges de seringues de l’association Aides. « Nous donnons aux toxicomanes des kits de seringues avec un Dasri, à condition qu’ils les rapportent à la pharmacie une fois utilisées. Grâce à ce dispositif, nous limitons les transmissions infectieuses et nos relations avec eux se sont vraiment apaisées », assure le titulaire.
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