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L’endométriose
L’endométriose se caractérise par la présence de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine. Elle provoque des douleurs, voire une infertilité. Les traitements hormonaux, à la base de la prise en charge, visent à induire une atrophie des lésions, le plus souvent via une aménorrhée. La chirurgie s’envisage au cas par cas.
La maladie
Rappels de physiologie
Anatomie
L’utérus est constitué du myomètre, un tissu musculaire lisse et épais qui assure l’expulsion du fœtus lors de l’accouchement, et de l’endomètre, une muqueuse qui tapisse la face interne de la cavité utérine.
Influence des hormones
Sous l’influence des estrogènes durant la première partie du cycle, la muqueuse utérine prolifère et s’épaissit. À partir de l’ovulation, dans la deuxième partie du cycle, la progestérone rend l’endomètre propre à la nidation éventuelle. En l’absence de nidation, la chute des hormones ovariennes induit une nécrose de l’endomètre et l’apparition des règles, c’est l’hémorragie de privation.
Régulation hormonale ovarienne
L’hypothalamus libère de manière pulsatile la gonadoréline ou GnRH (gonadotropin releazing-hormone, appelée aussi luteinizing hormone releazing hormone ou LHRH ) qui stimule, au niveau de l’hypophyse, la sécrétion pulsatile également de deux gonadotropines :
→ la FSH (follicle stimulating hormone) qui, au niveau de l’ovaire, induit la sécrétion d’estrogènes et le développement d’un follicule mature avec libération d’un ovocyte ou ovule ;
→ la LH (luteinizing hormone) dont le pic provoque l’ovulation et la sécrétion de progestérone par le follicule devenu corps jaune après l’expulsion de l’ovocyte.
Physiopathologie
Définition
L’endométriose se caractérise par la présence de tissu endométrial, c’est-à-dire des « îlots » de muqueuse utérine, en dehors de la cavité utérine. Le reflux de fragments d’endomètre vers la cavité péritonéale au cours des règles concerne toutes les femmes, « mais ils ne s’implantent et ne se développent sur ces organes que chez certaines d’entre elles », souligne le Dr Isabella Chanavaz-Lacheray, gynécologue obstétricienne au centre d’endométriose de la clinique Tivoli Ducos à Bordeaux (33).
Localisations des lésions endométriosiques
Des fragments de muqueuse utérine peuvent migrer en dehors de la cavité utérine et constituer des foyers endométriosiques, qui réagissent aux sécrétions hormonales.
• Les lésions endométriosiques prédominent dans la cavité pelvienne, mais peuvent être observées au niveau de la cavité abdominale ou du diaphragme, voire de façon exceptionnelle dans le poumon, le foie ou le cerveau.
• Trois formes d’endométriose sont distinguées, parfois associées à des degrés variables :
• l’endométriose péritonéale superficielle, dite aussi endométriose péritonéale, désigne la présence de lésions endométriales à la surface du péritoine : cul-de-sac de Douglas et ligaments larges notamment (voir Dico+ ci-contre) ;
→ l’endométriose ovarienne, ou endométriome, se présente sous la forme d’un kyste de l’ovaire ;
→ l’endométriose profonde, ou sous-péritonéale, correspond aux lésions qui s’infiltrent en profondeur sous la surface du péritoine. Elles concernent les ligaments utéro-sacrés dans la moitié des cas, le vagin, l’intestin, la vessie, les uretères ou encore le côlon et le rectum.
Implantation et croissance des lésions
Le développement des lésions endométriosiques semble favorisé par certaines anomalies notamment une biosynthèse anormale des hormones stéroïdiennes et une réponse inflammatoire importante à l’origine des douleurs. Ces lésions prolifèrent et saignent sous l’influence des sécrétions estroprogestatives, entraînant à la longue des cicatrices fibreuses et des adhérences (voir Dico+ ci-contre) qui, selon leur localisation, peuvent induire une infertilité.
Étiologie
Plusieurs théories sont avancées pour établir la genèse des foyers endométriosiques.
• La théorie du reflux menstruel permet d’expliquer les localisations péritonéales de la maladie. Au cours des règles, des fragments d’endomètre refluent par les trompes dans la cavité péritonéale où ils vont s’implanter et se développer.
• La théorie de la métaplasie expliquerait certaines lésions profondes ou l’adénomyose, une forme particulière de la maladie (voir Info+ cicontre). Issues d’une même origine embryologique, certaines cellules se transformeraient ainsi en cellules endométriales.
• La théorie des emboles justifie les localisations moins fréquentes des lésions (cerveau, poumon) par une dissémination des foyers, via la voie veineuse ou lymphatique.
Facteurs de risque
L’origine de la maladie est multifactorielle, combinant des facteurs génétiques, environnementaux et liés aux menstruations.
• Le risque de développer une endométriose, pour les apparentées au 1er degré, est cinq fois plus élevé que dans la population générale.
• L’impact des perturbateurs endocriniens, tels que dioxine, phtalates, pesticides, etc., est démontré sur des modèles animaux, mais pas chez l’homme à l’heure actuelle.
• Tous les facteurs d’amplification du flux menstruel augmentent les risques d’endométriose : premières règles précoces, cycles menstruels courts, saignements abondants et prolongés.
Signes cliniques
L’endométriose entraîne douleurs et/ou infertilité. Il n’y a pas de corrélation entre l’importance de la douleur et l’étendue des lésions. Des femmes souffrent d’atteintes sévères avec peu ou pas de douleurs et restent fertiles, et « inversement, des lésions superficielles, non visibles à l’imagerie, peuvent provoquer de fortes douleurs », indique le Dr Chanavaz-Lacheray.
Douleurs
La typologie des douleurs, digestives, lors des rapports sexuels ou en urinant, peut être corrélée à la localisation des lésions. Toutefois, les douleurs pelviennes, principale manifestation clinique, ne sont pas spécifiques.
• Les douleurs pelviennes les plus évocatrices d’une endométriose sont :
→ les dysménorrhées. Les douleurs liées aux règles débutent souvent à l’adolescence, lors des premières menstruations. Parfois intenses, elles commencent en général dès le premier jour des règles, voire les jours précédents ;
→ les dyspareunies profondes. Ces douleurs lors des rapports sexuels évoquent une endométriose profonde avec, par exemple, une atteinte des ligaments utéro-sacrés ;
→ les douleurs pelviennes chroniques.
• D’autres symptômes, comme des douleurs à la défécation (dyschésie) ou à la miction (dysurie), qui surviennent ou s’accentuent lors des règles, évoquent des lésions profondes, rectales ou vésicales, ou une atteinte des nerfs de ces organes. « Des brûlures vaginales peuvent apparaître du fait de la dysesthésie liée aux atteintes neuropathiques, indique le Dr Pierre Panel, chef du service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier de Versailles (78). D’une manière générale, toute douleur cyclique doit attirer l’attention. Une douleur à l’épaule droite au moment des règles peut ainsi témoigner d’une atteinte diaphragmatique droite, relativement fréquente. » Chez certaines femmes, les douleurs ont parfois une composante neuropathique.
Infertilité
Lors d’infertilité avérée, les causes sont souvent multiples.
• L’inflammation chronique interfère sur les interactions entre le sperme et l’ovocyte.
• Une altération de la fonction ovarienne peut survenir, induisant aussi une difficulté de réponse aux stimulations ovariennes réalisées lors des fécondations in vitro.
• Une atteinte utérine peut également être en cause. L’endomètre présente des anomalies perturbant les capacités de nidation de l’œuf.
Évolution
• L’évolution naturelle de la maladie est mal connue en raison de l’influence de multiples facteurs : chirurgie, traitement hormonal, grossesse, etc. Les récidives sont toutefois fréquentes après l’arrêt des traitements ou après l’intervention chirurgicale.
• Globalement, les dysménorrhées fluctuent avec le temps. En général, elles diminuent ou disparaissent pendant la grossesse, du fait d’un climat progestatif dominant, et cessent à la ménopause, en lien avec la chute des concentrations en estrogènes. En revanche, un traitement hormonal de substitution peut réactiver la maladie !
• Un changement de contraception majore parfois les douleurs. « C’est typiquement le cas chez une femme trentenaire, qui a été sous pilule, a eu des enfants, puis opte pour la pose d’un stérilet au cuivre. Ce dernier fait alors « flamber » la maladie », souligne le Dr Chanavaz-Lacheray.
• Les douleurs ont souvent des répercussions importantes sur la qualité de vie, sur les plans physique, psychique et social. Exceptionnellement, les lésions profondes peuvent se compliquer d’une occlusion digestive ou de l’obstruction d’un uretère avec risque de perte du rein.
Diagnostic
Généralités
• Le diagnostic est souvent établi avec retard, en moyenne 6 ou 7 ans après les premiers symptômes, car ils sont souvent banalisés par les patientes elles-mêmes ou leur entourage et/ou par le corps médical. Trois situations cliniques sont évocatrices d’une endométriose : les douleurs pelviennes chroniques, l’infertilité ou la découverte d’un kyste ovarien.
• L’endométriose est suspectée lorsque les douleurs pelviennes sont intenses et aggravées par les règles ou les rapports sexuels, mais un diagnostic de certitude n’est pas toujours nécessaire. C’est le cas par exemple chez l’adolescente, l’examen d’imagerie étant presque toujours normal. « Dans cette situation, le traitement hormonal constitue un test. S’il est efficace, il y a de grandes chances pour que les douleurs soient dues à une endométriose », explique le Dr Chanavaz-Lacheray.
• En revanche, des signes urinaires ou digestifs évocateurs d’une endométriose profonde, ou encore une infertilité, conduisent à réaliser des examens complémentaires pour en rechercher l’origine.
Examens de première intention
• L’examen gynécologique peut révéler des lésions vaginales bleutées, une douleur à la mobilisation de l’utérus, des nodules douloureux au niveau du cul-de-sac de Douglas ou des ligaments utéro-sacrés. Il est complété par un toucher rectal en cas de suspicion d’une localisation colorectale.
• L’échographie pelvienne permet d’identifier une atteinte ovarienne ou un endométriome.
Explorations complémentaires
Elles sont menées par des praticiens référents.
• L’échographie endovaginale et/ou l’IRM pelvienne peuvent confirmer l’existence d’un endométriome et montrer des lésions profondes. D’autres examens, comme le coloscanner, sont parfois nécessaires pour préciser le diagnostic, par exemple lors d’atteintes digestives.
• La coelioscopie permet de visualiser des lésions non visibles à l’imagerie. Elle n’est cependant pas recommandée à titre diagnostique, mais doit s’insérer dans une stratégie de prise en charge des douleurs et/ou de l’infertilité passant par l’exérèse des lésions endométriales.
• Des classifications existent pour distinguer les stades de sévérité de la maladie, mais elles sont souvent imparfaites. C’est le cas de la classification de l’American Society for Reproductive Medicine (ASRM), autrefois nommée American Fertility Society ( AFS), qui va du stade I, minime, au stade IV, sévère. Elle « prend en compte la notion d’infertilité, mais n’intègre pas toutes les localisations de l’endométriose, précise le Dr Chanavaz-Lacheray. Or celle-ci peut être sévère sans induire de problème de fertilité. »
Suivi
Un suivi est nécessaire pour adapter ou modifier le traitement hormonal selon le contexte, notamment en cas de réapparition des douleurs ou en période périménopausique, ou encore pour l’interrompre sur une courte période en vue d’une grossesse.
Il n’y a pas de suivi particulier. La surveillance systématique par imagerie des patientes traitées et asymptomatiques n’est pas recommandée. Une contraception hormonale efficace sur les douleurs ne conduit qu’à la surveillance éventuelle de cette contraception : biologique, du risque de maladie thromboembolique, par exemple sous estroprogestatif (voir Traitement ci-dessous).
Le traitement
Objectif
Le traitement de l’endométriose est symptomatique. Il vise à soulager les douleurs et, le cas échéant, à traiter l’infertilité. Il intègre souvent une prise en charge multidisciplinaire : chirurgien, gynécologue, médecin de la douleur, psychologue, sexologue, etc.
Stratégie thérapeutique
La prise en charge s’effectue en tenant compte d’un projet de grossesse, les traitements hormonaux contraceptifs devant alors être interrompus, de douleurs mal soulagées par le traitement hormonal, et dans ce cas la chirurgie peut être envisagée, et d’une infertilité associée.
Gestion de la douleur
Les antalgiques, en particulier les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), constituent le premier traitement, en général essayé en automédication ou prescrit pour soulager les dysménorrhées. Les antalgiques se révèlent toutefois souvent insuffisants et/ou inadaptés pour soulager les douleurs chroniques. La prise en charge s’oriente alors rapidement vers un traitement hormonal visant à modifier le climat estrogénique, en induisant une atrophie des lésions, le plus souvent grâce à l’obtention d’une aménorrhée.
Antalgiques classiquesLe paracétamol est l’antalgique de premier choix utilisable au long cours, mais son efficacité est faible pour soulager les douleurs de l’endométriose. Les AINS sont plus efficaces, mais ne sont pas recommandés à long terme en prise continue en raison de leurs effets indésirables. Ils peuvent néanmoins être utilisés ponctuellement, pendant quelques jours si besoin, associés au traitement hormonal.
Traitement hormonalComme les lésions endométriosiques prolifèrent sous l’action des estrogènes, le traitement hormonal a pour objectif de limiter leur action, donc, le plus souvent, d’induire une aménorrhée. Tous les traitements ont une action contraceptive et sont donc utilisables en l’absence de projet de grossesse.
• En première intention. Une contraception estroprogestative ou un dispositif intra-utérin (DIU) au lévonorgestrel à 52 mg (Mirena) sont les traitements de première intention, selon les dernières recommandations de la Haute autorité de santé (voir En savoir+ p. 39), du fait d’une action démontrée pour soulager les douleurs et d’une bonne tolérance. « Mais le DIU ne convient pas à toutes les femmes et est moins efficace en cas d’endométriome, car il ne bloque pas l’ovulation », souligne le Dr Chanavaz-Lacheray. L’estroprogestatif pris en discontinu, avec aménorrhée de privation, peut déjà être efficace, car il modifie le climat hormonal. Sinon, une prise en continu, visant à obtenir une aménorrhée, est envisagée et devient même le plus souvent nécessaire au fil du temps. « Après une intervention chirurgicale, un schéma d’administration continue a prouvé en revanche son efficacité pour limiter une récidive des lésions », précise la gynécologue.
• En cas de contre-indication, la contraception microprogestative orale au désogestrel (Cérazette) ou l’implant à l’étonogestrel sont des options, comme le diénogest (Visanne), toutefois peu prescrit en pratique car non remboursé et sans autorisation de mise sur le marché (AMM) en tant que contraceptif.
• Les autres macroprogestatifs (voir Info+ p. 37), dont certains ont une AMM pour l’endométriose, ne sont pas cités dans les recommandations en raison d’un manque de données récentes, « mais soulagent pourtant de nombreuses femmes, là encore pris le plus souvent en continu pour induire une aménorrhée, ajoute le Dr Chanavaz-Lacheray. En revanche, la dydrogestérone (Duphaston), un progestatif naturel ayant une AMM pour l’endométriose, n’est pas efficace ».
• En cas d’échec de ces traitements, les analogues de la GnRH peuvent être proposés, avec une utilisation limitée à six mois, ou un an pour la leuproréline (Enantone), en raison de leurs effets indésirables : bouffées de chaleur, et risque de diminution de la masse osseuse notamment. Pour prévenir ces effets secondaires, il est recommandé de les associer à une « add-back thérapie », c’est-à-dire un traitement compensateur par des estrogènes. En pratique, une contraception estroprogestative fait souvent office d’add back thérapie. « Des cures répétées d’analogues de la GnRH sont parfois nécessaires pour stabiliser la maladie, mais ces situations doivent rester exceptionnelles », explique l’experte.
Traitement chirurgical
L’éxérèse des lésions, pratiquée par coelioscopie le plus souvent, est décidée au cas par cas, en association avec un traitement médical pour soulager les douleurs et/ou traiter l’infertilité (voir Interview p. 35).
En cas d’endométriose ovarienne (endométriome), l’intervention chirurgicale peut réduire la réserve ovarienne, une congélation des ovocytes est alors proposée.
• En l’absence de désir de grossesse, un traitement hormonal postopératoire, induisant une aménorrhée, est recommandé pour réduire les risques de récidive douloureuse.
• Chez la femme qui ne désire plus d’enfant, une opération plus radicale, avec ablation de l’utérus, des ovaires ou des foyers endométriosiques, peut être une solution.
Prise en charge de l’infertilité
L’infertilité peut nécessiter de recourir à la chirurgie et/ou aux techniques d’assistance médicale à la procréation, en particulier une fécondat ion in vi t ro (FIV). Dans ce cas, un pré-traitement par contraception estroprogestative ou analogue, en général de 3 à 6 mois, est recommandé, car il améliore significativement les résultats de la FIV.
Médicaments
Hormis les analogues de la GnRH et le diénogest, les traitements hormonaux recommandés par la Haute autorité de santé dans l’endométriose n’ont pas d’AMM spécifique dans cette pathologie.
Les estroprogestatifs
• Critères de choix. Le dosage d’éthynilestradiol 20 µg versus 35 µg n’influence pas l’efficacité sur la douleur. Le choix tient compte du risque thromboembolique. Les « pilules » de 2e génération avec du lévonorgestrel sont privilégiées en raison du surcroît de risque thromboembolique veineux avec celles de 3e et 4e générations, gestodène, désogestrel, drospirénone notamment. Patchs et anneaux sont aussi des choix de seconde intention par rapport à une pilule de 2e génération.
• Mode d’action : effet antigonadotrope entraînant un blocage de l’ovulation et une réduction ou une suppression en cas d’administration continue du flux menstruel. Des spotting, c’està-dire des petits saignements utérins en dehors des règles sont toutefois possibles.
• Effets indésirables : à des degrés variables nausées, tension mammaire, céphalées, notamment pour les estroprogestatifs les plus fortement dosés en estrogène (> 20 µg d’éthinylestradiol). Des spotting sont fréquents en prise continue. Les risques thromboemboliques veineux (thrombose veineuse, embolie pulmonaire) et artériels (AVC, infarctus du myocarde) sont rares mais justifient de tenir compte des autres facteurs de risque thromboemboliques : tabagisme, obésité, HTA, diabète, etc.
• Surveillance : bilan biologique avec cholestérol, triglycérides, glycémie à jeun sont à réaliser dans les 3 à 6 mois suivant l’initiation de la contraception en l’absence de facteurs thromboemboliques particuliers, puis tous les 5 ans.
Dispositif intra-utérin hormonal
Le DIU dosé à 52 mg de lévonorgestrel libère 20 µg par 24 heures de ce progestatif. Son efficacité est démontrée pour soulager les douleurs endométriosiques. Le DIU à 19,5 mg de lévonorgestrel (Kyleena) n’a pas prouvé son efficacité lors d’endométriose.
• Mode d’action : le progestatif freine la prolifération des cellules endométriales et induit leur atrophie.
• Effets indésirables : saignements irréguliers ou spotting les premiers mois, en général suivis d’une aménorrhée ou d’une oligoménorrhée, douleurs abdominales ou pelviennes au moment de la pose et les jours suivants, céphalées, acné, troubles de l’humeur, douleurs mammaires, prise de poids.
Contraception microprogestative au désogestrel
• Mode d’action : freine la sécrétion des gonadotropines hypophysaires, de façon moins marquée toutefois que les estroprogestatifs, et induit une atrophie des lésions endométriales.
• Effets indésirables : troubles menstruels tels que saignements, spotting ou aménorrhée, parfois acné, céphalées, modification de l’humeur, mastodynie.
Autres progestatifs
Implant à l’étonogestrel et diénogest• Mode d’action : similaire à celui du désogestrel. Notons que le diénogest inhibe l’ovulation chez la majorité des patientes, mais n’a pas d’indication comme contraceptif et ne peut pas être associé à une contraception hormonale selon l’AMM. Si une contraception est nécessaire, une méthode non hormonale doit être utilisée.
• Effets indésirables. Sous implant : céphalées, acné, tension mammaire et prise de poids sont très fréquents ; risque de migration dans les vaisseaux du bras ou de la cage thoracique ; fourmillements ou troubles de la sensibilité de la main nécessitant de consulter. Sous diénogest : céphalées, gênes mammaires, troubles de l’humeur, acné, perturbations du cycle menstruel les premiers mois diminuant généralement avec la poursuite du traitement, prise de poids.
Analogues de la GnRH• Molécules : leuproréline et triptoréline par voie injectable ; nafaréline par voie endonasale.
• Mode d’action en deux temps. Après l’élévation des taux de LH et d’hormone folliculo-stimulante (FSH) à l’origine d’une hausse initiale du taux d’estradiol (effet « flare-up » les 1 à 2 premières semaines), la poursuite du traitement entraîne une baisse de la LH et de la FSH, donc une chute du taux d’estradiol notamment. Cette « castration estrogénique », réversible à l’arrêt du traitement, induit une atrophie du tissu endométrial. En raison de l’action retard des analogues de la GnRH, une contraception est nécessaire durant le premier mois de traitement.
• Effets indésirables. Liés à la castration estrogénique : bouffées de chaleur, céphalées, sécheresse vaginale, baisse de la libido, troubles de l’humeur, et au long cours perte osseuse, risque d’allongement de l’intervalle QT. Pour corriger ces effets indésirables, une « add-back thérapie » est recommandée. Elle améliore la qualité de vie sans réduire l’effet thérapeutique. L’AMM de la leuproréline précise les modalités de cette hormonothérapie de substitution (voir tableau p. 36). Sous nafaréline : irritations possibles de la muqueuse nasale.
• Surveillance : pas de suivi particulier, mais en raison du risque de déminéralisation osseuse, la durée du traitement est limitée à 6 mois, ou 12 mois pour la leuproréline.
Conseils aux patientes
Observance
Prise régulière
Pour une efficacité antalgique et contraceptive optimale, les traitements hormonaux doivent être pris avec régularité, chaque jour à peu près à la même heure. Il faut au moins trois mois d’utilisation pour évaluer l’impact du traitement sur les douleurs.
Modalités
• Estroprogestatifs : une prise en continu est souvent recommandée afin de supprimer ou d’espacer les hémorragies de privation. Cependant, une utilisation discontinue, 21 jours sur 28, peut déjà avoir un effet bénéfique chez certaines femmes. Une prise sans interruption n’augmente pas le risque thromboembolique par rapport à une prise discontinue.
• Estroprogestatifs et contraception au désogestrel (Cerazette) : tout oubli doit être rattrapé. S’il est supérieur à 12 heures, l’action contraceptive n’est plus assurée et une contraception mécanique doit être utilisée durant 7 jours.
• Analogues de la GnRH : certaines formes retard permettent une administration une fois tous les 3 mois, en général par l’infirmière. L’effet retard rend la contraception nécessaire durant le premier mois de traitement. Par voie nasale : une observance rigoureuse, biquotidienne, s’impose, y compris en cas de rhume.
• Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Rappeler leur « bon usage », sur quelques jours uniquement, durant les règles par exemple, de préférence lors du repas ou avec une collation. Des prises régulières, en respectant la posologie maximale recommandée, peuvent être conseillées pour prévenir le retour des douleurs. Pour l’ibuprofène : 400 mg trois fois par jour, voire quatre fois (AMM pour Brufen, Antarène, etc.).
Automédication
• Proscrire les inducteurs enzymatiques. Mieux vaut éviter le millepertuis en automédication qui peut diminuer l’action des progestatifs oraux et des estroprogestatifs
• AINS. Attention à ne pas cumuler un traitement en automédication avec les anti-inflammatoires prescrits par le médecin. Il convient d’inciter à bien respecter les doses recommandées et à limiter les prises à 5 jours au maximum. « De nombreuses patientes qui débutent une contraception hormonale diminuent considérablement les prises d’AINS », souligne le Dr Chanavaz-Lacheray.
Vie quotidienne
Gérer les effets indésirables
• Sous estroprogestatifs et progestatifs, tous les signes évoquant une atteinte vasculaire nécessitent une consultation médicale rapide : douleur ou crampe inexpliquée, œdème ou sensation de chaleur au niveau d’une jambe, douleurs thoraciques, difficultés respiratoires, etc.
• Sous analogue de la GnRH, les effets indésirables liés à la castration estrogénique, notamment les bouffées de chaleur, sont fortement améliorés grâce à l’add-back thérapie. Si besoin, des lubrifiants peuvent être proposés pour pallier la sécheresse vaginale : Replens Gel vaginal, Saugella, Hydralin, etc.
Atténuer la douleur
• Il peut être nécessaire de recourir à une consultation spécialisée dans un centre antidouleur. Les traitements hormonaux ne suffisent pas toujours à calmer complètement les douleurs.
• Encourager les patientes à se rapprocher des associations de patients qui, outre une écoute ou des conseils, peuvent orienter vers des professionnels de santé « experts » de l’endométriose, ou leur conseiller le site EndoFrance.
• Outre l’application de chaud (bouillote, patch chauffant), connue mais qui peut être rappelée, plusieurs thérapeutiques non médicamenteuses donnent de bons résultats chez certaines femmes et peuvent être tentées.
→ Le yoga, l’acupuncture et l’ostéopathie ont notamment fait l’objet d’études montrant l’amélioration de la qualité de vie des patientes.
→ L’hypnose et la méditation pleine conscience ont montré un bénéfice dans d’autres cas de douleurs chroniques ou lors de dysménorrhées en général. La méditation pleine conscience, ou mindfulness, vise à se focaliser sur l’instant présent, sur la respiration, les sensations corporelles… sans se laisser distraire par diverses pensées. Elle s’est révélée efficace pour soulager certaines douleurs.
• Les appareils de neurostimulation transcutanée peuvent également avoir une certaine efficacité pour soulager les douleurs. Toutefois, la pose des électrodes sur l’abdomen d’une femme enceinte est contre-indiquée.
• Des cures thermales à visée antalgique sont parfois prises en charge par la Sécurité sociale, sur prescription médicale, par exemple à Challes-les-Eaux près de Chambéry (73).
Fatigue, anxiété, baisse de la libido
• Les conseils de professionnels, psychologue, sexologue, etc., peuvent se révéler utiles. L’endométriose est une maladie chronique qui a des répercussions sur la vie familiale, le couple et la sexualité, mais aussi sur le plan social ou professionnel.
• Lorsque les douleurs se manifestent, il est bienvenu de se ménager et de se réser ver des moments de repos en reportant dans la mesure du possible les tâches quotidiennes. Un rendez-vous avec le médecin du travail permet dans certains cas des aménagements de poste pour éviter la station debout prolongées, des déplacements trop fréquents, etc.
• Une activité physique, comme la marche, la natation, le vélo, la danse, la gymnastique, pratiquée à son rythme, mais régulièrement, améliore l’humeur, réduit la fatigue, participe à l’oxygénation des tissus et a généralement un effet bénéfique sur la douleur.
Désir d’enfants
Il faut rassurer les jeunes femmes, car l’endométriose n’est pas nécessairement synonyme d’infertilité. « Celle-ci ne concerne en réalité qu’une minorité de patientes. En revanche, chez les femmes infertiles, une endométriose est diagnostiquée dans un cas sur trois », indique le Dr Chanavaz-Lacheray. Dans cette situation, il peut être nécessaire de recourir aux techniques d’assistance médicale à la procréation, et notamment à une fécondation in vitro
Avec l’aimable participation d’Isabella Chanavaz-Lacheray, gynécologue obstétricienne au centre d’endométriose de la clinique Tivoli Ducos à Bordeaux (33) et membre du comité scientifique de l’association EndoFrance.
Dico +
→ Cul-de-sac de Douglas : repli du péritoine entre le rectum et l’utérus.
→ Ligaments larges : cloison transversale reliant l’utérus et les trompes aux parois latérales du pelvis.
Info +
→ L’adénomyose est une forme particulière d’endométriose, caractérisée par la présence de fragments d’endomètre dans le muscle utérin qui migrent par contact direct depuis la cavité utérine. Elle peut être associée à une endométriose.
Dico +
→ Adhérences : tissu cicatriciel qui résulte de l’inflammation locale, favorisant les manifestations douloureuses chroniques et jouant un rôle important dans l’infertilité.
Info +
→ Il existe une association épidémiologique entre l’endométriose et certains sous-types rares du cancer de l’ovaire (risque relatif très modéré, autour de 1,3), mais sans lien de causalité démontré.
Info +
→ Des antalgiques opioïdes faibles, comme la codéine, le tramadol, voire des antalgiques de palier 3, sont parfois prescrits pour soulager des douleurs importantes.
Les principales contre-indications
→ Communes aux traitements hormonaux : hémorragies génitales inexpliquées, accident thromboembolique veineux évolutif, infection hépatique sévère.
→ Contraception estroprogestative : antécédent thromboembolique artériel ou veineux, ou prédisposition connue, ou risque élevé dû au cumul de plusieurs facteurs (âge supérieur à 35 ans, tabagisme, obésité, etc.) ; accident vasculaire cérébral (AVC), angor, hypertension artérielle sévère, diabète avec complications, dyslipoprotéinémie sévère, migraine avec aura ; affection hépatique sévère ; cancer hormonodépendant.
→ DIU au lévonorgestrel : grossesse, infection génitale, avortement septique, anomalies congénitales ou acquises de l’utérus ; tumeurs sensibles aux progestatifs.
→ Microprogestatifs : tumeurs malignes sensibles aux stéroïdes sexuels.
→ Diénogest : affection cardiovasculaire (AVC, angor, infarctus du myocarde), diabète avec atteinte vasculaire, présence ou antécédents de tumeurs hépatiques bénignes ou malignes ; cancer hormonodépendant.
→ Analogues de la GnRH : grossesse et allaitement.
Interview“Il n’est pas normal d’avoir des douleurs de règles au point de ne pas pouvoir se lever.”
Dr Isabella Chanavaz-Lacheray, gynécologue obstétricienne au centre d’endométriose de la clinique Tivoli Ducos à Bordeaux (33) et membre du comité scientifique de l’association EndoFrance
Traiter précocement permetil de contrôler la maladie ?
Oui, en tout cas on le pense. Mettre en place un traitement hormonal tôt permet sans doute de limiter le développement des lésions et de stabiliser l’évolution de la maladie. C’est impossible à démontrer puisqu’il faudrait pour cela faire régulièrement des examens d’imagerie, dès l’adolescence. Or à ce stade, les atteintes ne sont pas visibles alors que la douleur est présente. En revanche, chez des patientes opérées, un traitement hormonal induisant une aménorrhée limite les récidives. Donc un bénéfice existe. Le problème, c’est que l’endométriose étant une maladie chronique, cet état d’aménorrhée doit être maintenu au long cours, en tout cas tant qu’il n’y a pas de désir de grossesse. Or certaines femmes supportent mal les hormones et on peut avoir du mal à trouver le bon traitement, d’autres sont ou deviennent « anti-hormones ».
Malheureusement, c’est leur choix. On ne peut que rappeler que le rapport bénéfice/risque des traitements hormonaux est bien établi et que de nombreuses femmes prennent la pilule très jeunes et pendant des années.
Il faut donc toujours sensibiliser les femmes et notamment les parents d’adolescentes ?
Oui, et les médecins également. Il n’est pas normal d’avoir des douleurs de règles systématiquement au point de ne pas pouvoir se lever, aller en cours ou à son travail. Presque toujours, lorsque la maladie est diagnostiquée chez une femme adulte, on retrouve des antécédents de règles douloureuses qui datent du collège ou du lycée. Les AINS sont une solution transitoire en raison de leurs effets indésirables gastrointestinaux. Rapidement, la prescription d’une pilule apporte un réel soulagement à ces adolescentes, et diminue considérablement le recours aux AINS.
Quand recourir à la chirurgie ?
L’opération est vraiment décidée au cas par cas, sans que ce soit forcément un dernier recours, soit chez des patientes qui présentent des douleurs, soit en raison d’un problème d’infertilité. Il faut idéalement éliminer tous les foyers endométriosiques pour éviter les récidives, ce qui nécessite au préalable un bilan précis de la localisation des lésions grâce à un examen d’IRM de bonne qualité.
Info +
→ Les macroprogestatifs avec une AMM pour l’endométriose sont la chlormadinone (Luteran), la médrogestone (Colprone) et la médroxyprogestérone (Depo-Provera, peu utilisée en raison d’effets androgéniques marqués). D’autres sont employés hors AMM : nomégestrol (Lutenyl), promégestone (Surgestone), etc.
→ Le danazol, aux effets androgéniques importants, n’est quasiment plus utilisé.
→ Le diénogest est également présent dans des contraceptifs oraux, associé avec un estrogène (Misolfa, Oedien, etc.).
Info +
→ Pour les cures thermales, il convient de consulter le médecin au moins trois mois avant le départ. Se renseigner aussi sur www.chainethermale.fr
À RETENIR
SUR LA MALADIE
→ L’endométriose est due à la présence de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine. Sous l’influence des sécrétions hormonales, ces foyers endométriosiques sont à l’origine d’une inflammation pelvienne responsable de douleurs et, parfois, d’une infertilité. Il existe des localisations superficielles, ovariennes ou profondes, pouvant atteindre la vessie, le vagin ou le côlon.
→ Les douleurs les plus évocatrices sont celles durant les règles et les rapports sexuels, et les douleurs pelviennes chroniques. Des douleurs urologiques ou digestives, associées à une constipation ou lors de la défécation, peuvent aussi survenir, selon la localisation des lésions. Leur recrudescence durant les règles est un signe évocateur.
→ L’évolution est imprévisible. La douleur peut fluctuer avec le temps, avec des périodes d’accalmie, ou au contraire s’aggraver.
SUR SON TRAITEMENT
→ Le traitement vise à induire une atrophie des lésions, le plus souvent grâce à l’obtention d’une aménorrhée, via l’usage d’estroprogestatifs (le plus souvent en continu), de microprogestatifs (Cerazette), de DIU au lévonorgestrel à 52 mg (Mirena), de macroprogestatifs (Luteran, Colprone, etc.) bien que non cités dans les recommandations faute d’études récentes, et de diénogest (Visanne).
En cas d’échec, les analogues de la GnRH sont proposés en association à une « addback thérapie », un traitement hormonal de substitution à base d’estrogènes visant à limiter leurs effets indésirables liés à la carence estrogénique (bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, perte de masse osseuse, etc.). Selon les AMM, la durée du traitement est limitée à 6 mois, voire 12 pour la leuproréline.
→ L’action antalgique n’étant parfois que partielle, les AINS apportent ponctuellement un soulagement. D’autres solutions non médicamenteuses sont à essayer : le yoga, l’acupuncture, l’ostéopathie (des études montrent leur efficacité pour soulager les douleurs liées à l’endométriose), mais aussi l’hypnose, la méditation pleine conscience, la neurostimulation transcutanée ou encore les cures thermales
En savoir +
→ Haute autorité de santé has-sante.fr Les recommandations de bonnes pratiques de « Prise en charge de l’endométriose » datent de 2017.
→ EndoFrance, l’Association française de lutte contre l’endométriose endofrance.org Les informations destinées aux patientes sont également utiles pour les professionnels de santé. L’onglet « Contact » recense les antennes régionales qui proposent un soutien de proximité et peuvent aider à orienter vers des spécialistes.
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