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La narcolepsie

Publié le 23 mars 2024
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Méconnue du grand public mais aussi des professionnels de santé, la narcolepsie est vraisemblablement sous diagnostiquée. Caractérisée par une somnolence diurne excessive, cette pathologie chronique entraîne une altération considérable de la qualité de vie.

 

PATHOLOGIE/LA NARCOLEPSIE EN 4 QUESTIONS

1 De quoi s’agit-il ?

La narcolepsie, ou maladie de Gélineau (du nom du premier médecin à en donner une description en 1880), est une maladie neurologique chronique appartenant au groupe des hypersomnolences rares d’origine centrale. Deux entités sont distinguées : la narcolepsie de type 1 (NT1) et celle de type 2 (NT2).

La NT1, anciennement nommée narcolepsie avec cataplexie (voir ci-dessous), est bien caractérisée sur le plan physiopathologique. La NT2 partage les mêmes symptômes que la NT1 mais sans cataplexie. Les symptômes peuvent également être moins marqués : c’est le cas du sommeil de nuit, moins fragmenté que dans la NT1, et de la prise de poids, que la NT2 n’entraîne pas aussi souvent.

2 Quels sont les signes cliniques ?

Hypersomnolence dans la journée

La narcolepsie est caractérisée par une somnolence diurne excessive avec des endormissements soudains, irrépressibles et réparateurs, pouvant se déclencher à n’importe quel moment de la journée. Leur durée varie de quelques secondes à plus de 1 heure. Ils surviennent souvent lors d’activités monotones, mais aussi, pour les formes les plus sévères, au cours d’une conversation, d’un repas, d’une tâche cognitive, etc.

Hallucinations

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Visuelles, auditives ou sensitives, elles apparaissent au moment de l’endormissement ou du réveil. Non spécifiques de la maladie, elles sont néanmoins plus fréquentes voire plus effrayantes chez les patients narcoleptiques que dans la population générale.

Paralysies du sommeil

Elles ne caractérisent pas la maladie mais sont plus fréquentes et sévères chez les patients narcoleptiques. Il s’agit de pertes du tonus musculaire, durant quelques minutes, qui surviennent à l’endormissement ou au réveil et souvent associées à une hallucination. Le patient ne peut plus se mouvoir, parler, ou même ouvrir les yeux, alors qu’il est éveillé et parfaitement conscient.

Autres symptômes

Un mauvais sommeil de nuit (réveils fréquents, cauchemars) est courant, notamment dans la NT1. Un syndrome des jambes sans repos est également plus souvent observé dans la NT1 qu’en population générale.

Une prise de poids est généralement présente, surtout dans la NT1. L’obésité concerne 30 % des adultes et jusqu’à 50 % des enfants souffrant de narcolepsie de type 1.

Des comportements inadaptés à une situation – appelés comportements automatiques –, effectués dans un état semi-conscient avec amnésie du phénomène, surviennent parfois : paroles ou actes hors contexte, rangements insolites, délaçage de ses chaussures dans la rue, etc.

Cataplexie dans la NT1

La cataplexie est une perte brutale du tonus musculaire, sans altération de la conscience, qui survient en cas d’émotion forte (le plus souvent avec le rire, mais aussi, par exemple, la colère, la surprise). D’une durée de quelques secondes à quelques minutes, ces épisodes peuvent être rares (moins d’un par an) ou survenir plusieurs fois par jour. La cataplexie ne touche le plus souvent qu’une partie du corps (elle est dite partielle) : mâchoire s’affaissant, entraînant une expression étrange avec des difficultés à articuler, des bégaiements ; tête tombant vers l’avant ; genoux qui cèdent, etc. Plus rarement, elle touche l’ensemble des muscles exposant à des chutes.

La cataplexie peut être absente au début de la maladie et survenir plus tard.

Chez l’enfant

Un besoin de reprendre régulièrement la sieste, pourtant abandonnée antérieurement, peut s’observer. Inversement, il arrive que l’enfant lutte contre la somnolence et présente des troubles comportementaux à type d’hyperactivité. Il est par ailleurs décrit un faciès cataplectique typique de l’enfant, avec un relâchement des muscles du visage et une protrusion de la langue. Une prise de poids brutale au début de la maladie ainsi qu’une puberté précoce sont également notées.

3 Comment diagnostiquer la narcolepsie ?

Le diagnostic, suspecté par le médecin généraliste, est établi par un médecin spécialiste du sommeil au cours d’un bilan réalisé le plus souvent dans un centre de référence maladies rares (CRMR) narcolepsie et hypersomnies. Dans le cadre d’une narcolepsie de type 2, la réévaluation du diagnostic et du traitement est à prévoir régulièrement.  

Interrogatoire

Il caractérise la somnolence, recherche des cataplexies et des troubles du sommeil de nuit. Des autoquestionnaires sont utilisés pour définir la sévérité de la narcolepsie ou évaluer la somnolence dans différentes situations de la vie quotidienne (échelle d’Epworth).

Un délai de 3 mois d’évolution de la somnolence est requis pour poser le diagnostic, sauf si des cataplexies suffisamment caractéristiques sont observées ou si l’enfant présente un faciès cataplectique.

Biologie

Un taux anormalement bas d’hypocrétine 1 dans le liquide céphalorachidien (moins de 110 pg/ml) fait partie des critères diagnostiques de la narcolepsie de type 1.

Le génotypage HLA à la recherche de l’allèle DQB1*0602, gène de prédisposition de la NT1, peut être utile : son absence élimine le plus souvent une narcolepsie de type 1.

Examens de référence

Ils sont réalisés en centre du sommeil.

La polysomnographie nocturne permet de mesurer durant toute une nuit divers paramètres (par électroencéphalogramme, électromyogramme, électrocardiogramme et appareil de mesure du rythme respiratoire) afin de détecter les anomalies du sommeil. Le lendemain de la polysomnographie, les capteurs sont laissés en place pour pouvoir réaliser le Tile.

Le test itératif de latence d’endormissement (Tile) recherche en journée la présence d’endormissements anormaux en sommeil paradoxal et la « capacité » à s’endormir rapidement. Plusieurs tests sont réalisés au cours de la journée (pour ce faire, la personne est placée dans des conditions favorables au sommeil : au calme, allongée, etc.) et, en cas d’endormissement du patient, une sieste de 20 minutes au maximum est autorisée.

Interprétation. Deux endormissements en sommeil paradoxal le jour avec un délai d’endormissement inférieur ou égal à 8 minutes sont en faveur d’une narcolepsie. Le diagnostic est aussi établi en présence d’un seul endormissement de ce type en journée associé à un endormissement en sommeil paradoxal la nuit en moins de 15 minutes.

Autres

Des comorbidités sont recherchées : cardiovasculaires et métaboliques notamment (hypertension artérielle, troubles cardiaques, surpoids, diabète de type 2, dyslipidémie, entre autres) conditionnant le choix du traitement, mais aussi neuropsychiatriques (anxiété, syndrome dépressif, etc.), ainsi que d’autres causes de troubles du sommeil (syndrome d’apnées du sommeil en particulier) afin d’éliminer notamment d’autres pathologies (ou traitements) responsables de somnolence ou parfois associées à la narcolepsie.

4 Comment évolue la maladie ?

La somnolence diurne excessive est le premier signe clinique à apparaître, les autres symptômes surviennent au fil des années. Handicapante au quotidien, la maladie expose aussi à des accidents potentiellement mortels, notamment lors de la conduite automobile.

L’évolution de la narcolepsie est très variable d’un individu à l’autre. Dans la NT1, la somnolence et la cataplexie tendent à diminuer avec le temps grâce généralement aux traitements et/ou à l’apprentissage du contrôle des émotions pour les cataplexies. A l’inverse, le mauvais sommeil de nuit a tendance à s’aggraver au fil des années. Dans la NT2, l’hypersomnolence est d’intensité variable, voire réversible.

La maladie est associée à un plus grand risque de troubles anxieux et de dépression.

PHYSIOPATHOLOGIE ET PHARMACODYNAMIE

La narcolepsie de type 1 est liée à une perte sélective des neurones à hypocrétine de l’hypothalamus, vraisemblablement en lien avec un processus auto-immun et des facteurs environnementaux. La physiopathologie de la narcolepsie de type 2 reste inconnue. L’arsenal thérapeutique se compose de quelques molécules, d’action symptomatique, dont le mécanisme n’est pas toujours élucidé.

La physiopathologie

Rappel. Le sommeil normal se divise en 4 à 6 cycles par nuit d’environ 90 minutes, et se compose successivement, après l’endormissement (stade 1), du sommeil à ondes lentes (stade 2 : sommeil léger, stade 3 : sommeil profond), puis du sommeil paradoxal caractérisé par des ondes cérébrales rapides et saccadées. Cette chronologie est importante pour l’obtention d’un sommeil réparateur.

Chez les narcoleptiques, il est décrit des instabilités dans les transitions veille/sommeil et sommeil à ondes lentes/sommeil paradoxal : la nuit, le sommeil paradoxal apparaît rapidement après l’endormissement, et lors de la journée, le patient s’endort également en sommeil paradoxal. Les autres symptômes (tonus musculaire aboli – survenue des cataplexies –, période de rêves, d’hallucinations visuelles) correspondent également à ce qui est observé au cours du sommeil paradoxal.

Destruction auto-immune des neurones hypocrétinergiques. L’hypocrétine-1 (ou orexine A), produite par les neurones hypocrétinergiques au niveau de l’hypothalamus, régule la sécrétion d’autres neurotransmetteurs stimulant l’éveil et inhibant le sommeil paradoxal, parmi lesquels la dopamine, la noradrénaline, la sérotonine et l’histamine. Elle est aussi impliquée dans la stimulation de l’appétit. La narcolepsie de type 1 est liée à une perte des neurones à hypocrétine, vraisemblablement d’origine auto-immune et s’associant à l’allèle HLA DQB1*0602, retrouvée chez 98 % des patients narcoleptiques de type 1 contre 25 % en population générale.

Facteurs environnementaux. Le stress, les infections à streptocoques, la grippe H1N1 et un vaccin antigrippal avec adjuvant (Adjuvant System O3 dans Pandemrix) employé lors de la pandémie de 2009 pourraient être impliqués dans cette destruction auto-immune, irréversible. Certaines pathologies entraînant la destruction des neurones hypocrétinergiques sont parfois associées à une narcolepsie avec cataplexie, dont la sclérose en plaques et la tumeur cérébrale. On parle alors de narcolepsie secondaire.

Les traitements de la narcolepsie

Stimulants de l’éveil

Modafinil. Il inhibe la recapture de la dopamine et potentialise l’activité α1-adrénergique cérébrale.

Pitolisant. C’est un antagoniste/agoniste inverse des récepteurs présynaptiques histaminergiques H3 (qui contrôlent l’activité de ces neurones par auto-inhibition) présents uniquement dans le système nerveux central. Le pitolisant accroît ainsi la libération d’histamine au niveau central, jouant un rôle d’éveil majeur. Il module également d’autres neurotransmetteurs (acétylcholine, noradrénaline, dopamine) et a une certaine action sur les cataplexies.

Méthylphénidate et solriamfetol. Ils inhibent la recapture de la dopamine et de la noradrénaline au niveau des neurones présynaptiques, augmentant la concentration de ces neurotransmetteurs dans la fente synaptique.

Dépresseur du système nerveux central

Oxybate de sodium (à l’hôpital). Ayant une probable action agoniste des récepteurs GABA B, l’oxybate de sodium s’administre au moment du coucher. Il favorise le sommeil à ondes lentes, en étend la durée et réduit la fréquence des épisodes d’endormissement en sommeil paradoxal. En favorisant le sommeil nocturne, il réduit la somnolence diurne et les cataplexies.

Antidépresseurs (hors autorisation de mise sur le marché)

En élevant le taux de sérotonine et/ou de noradrénaline, ils réduisent le sommeil paradoxal, ce qui leur permet de traiter les cataplexies.

THÉRAPEUTIQUE/COMMENT PRENDRE EN CHARGE LA NARCOLEPSIE ?

La prise en charge de la narcolepsie est symptomatique et repose sur une coopération pluridisciplinaire, coordonnée par un médecin spécialiste exerçant dans un centre de référence ou en lien avec un centre de référence, neurologue ou médecin du sommeil.

Stratégie thérapeutique

Objectifs

La prise en charge médicamenteuse repose sur une stratégie définie dans un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) élaboré en 2021. Elle vise à diminuer les symptômes en intensité et en fréquence afin d’offrir une meilleure qualité de vie aux patients. L’éducation thérapeutique y occupe une place importante (voir page X).

Instauration du traitement

Quatre traitements peuvent être proposés en première intention en monothérapie :

– trois traitements stimulants l’éveil (modafinil, pitolisant et solriamfétol), indiqués dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie.

– et l’oxybate de sodium, médicament hospitalier sédatif, indiqué dans la narcolepsie avec cataplexie.

Le choix de la molécule dépend de la sévérité de la somnolence, de la présence ou non de cataplexies et de leur sévérité, et de certaines comorbidités.

Dans la narcolepsie de type 1 (NT1), en cas de cataplexies entraînant un handicap important, l’oxybate de sodium peut être un choix de première intention. Il est également possible d’instaurer d’abord un traitement de la somnolence diurne excessive (modafinil, pitolisant et solriamfétol) puis d’évaluer son retentissement sur les cataplexies qui seront prises en charge si besoin dans un second temps par un traitement plus efficace sur ces dernières : pitolisant (s’il n’a pas été utilisé précédemment), oxybate de sodium ou, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), antidépresseurs. Parmi ces derniers, la venlafaxine est un traitement de première ligne. Les antidépresseurs peuvent aussi améliorer des troubles de l’humeur associés.

Dans la narcolepsie de type 2 (NT2), la prise en charge cible la somnolence diurne, les cataplexies étant absentes.

En seconde ligne

En cas d’échec du traitement de la somnolence diurne excessive, une association de plusieurs molécules ou une monothérapie par méthylphénidate (traitement de deuxième intention en raison de ses effets indésirables) peut être proposée. Il est également possible, si besoin, d’associer le méthylphénidate au pitolisant ou à l’oxybate de sodium. En cas de réponse thérapeutique insuffisante à différentes stratégies, la dexamphétamine est un recours.

En cas de cataplexies pharmacorésistantes, il est proposé un changement de classe pharmacologique (par exemple, la venlafaxine si l’oxybate de sodium a été choisi en première ligne) ou de molécule parmi les antidépresseurs. La posologie de ce dernier peut également être augmentée ou il peut être associé à l’oxybate de sodium.

Les avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) divergent du PNDS quant à la place de ces molécules. La HAS considère en effet que le modafinil est le traitement de première intention des narcolepsies et que le méthylphénidate, voire la dexamphétamine, peut être préconisé en cas d’inefficacité du modéfinil ou d’intolérance. Lors de pharmacorésistance, une combinaison de plusieurs molécules est parfois indiquée : antidépresseurs hors AMM, oxybate de sodium ou pitolisant. Le solriamfétol est une option en cas d’échec, d’intolérance ou de contre-indications de ces traitements.

Critères de choix des molécules

Outre la sévérité des symptômes, le choix des molécules prend en compte les comorbidités associées ou le risque de grossesse.

Comorbidités. Un syndrome d’apnées du sommeil non traité contre-indique l’oxybate de sodium. En cas de comorbidités cardiovasculaires, le pitolisant est préféré. Les psychostimulants à tropisme catécholaminergique augmentent en revanche le risque cardiovasculaire. En cas de pathologies psychiatriques, le pitolisant est la molécule qui présente le moins d’effets indésirables psychiatriques.
Femme en âge de procréer. En raison de la tératogénicité potentielle de tous les médicaments de la narcolepsie, une contraception efficace est recommandée et il est fortement conseillé d’arrêter le traitement si une grossesse est planifiée.

Autres. Les hallucinations et paralysies du sommeil peuvent être améliorées par l’oxybate de sodium, le pitolisant ou parfois des antidépresseurs. Le mauvais sommeil de nuit est amélioré par l’oxybate de sodium.

Suivi

L’efficacité du traitement est évaluée via l’échelle de somnolence d’Epworth, le test de maintien de l’éveil [GLOSSAIRE], ainsi que l’échelle de sévérité de la narcolepsie, autoquestionnaire court évaluant la fréquence, l’intensité, la sévérité et le retentissement de l’ensemble des symptômes.

Chez l’enfant

En pratique, les experts prescrivent les mêmes traitements que chez l’adulte mais seuls le pitolisant, le méthylphénidate (à partir de 6 ans) et l’oxybate de sodium (à partir de 7 ans) ont une AMM chez l’enfant.

Traitements

Modafinil

Suspecté d’être à l’origine de malformations congénitales, il impose une contraception efficace à poursuivre jusqu’à 2 mois après l’arrêt du traitement selon la monographie, en sachant qu’il diminue l’efficacité des contraceptifs hormonaux. Il est interdit aux sportifs en compétition (contrôle antidopage positif aux stimulants).

Principaux effets indésirables. Essentiellement des céphalées en début de traitement. Insomnie, troubles digestifs (nausées, douleurs abdominales, etc.) et tachycardie sont fréquents. Des troubles du rythme cardiaque et des affections oculaires (troubles de la vue, sécheresse oculaire, par exemple) sont possibles. Exceptionnelle mais grave, la survenue de troubles cutanés, dont le syndrome de Stevens-Johnson (Dress : éruption médicamenteuse avec éosinophilie et symptômes systémiques), ou psychiatriques (idées suicidaires, manies, hallucinations, etc.) imposent l’arrêt du traitement. Un risque de dépendance, d’abus et de mésusage est potentiellement à surveiller.

Surveillance. Un électrocardiogramme et la recherche de troubles du rythme ou d’une cardiopathie sont recommandés avant l’instauration du traitement. La pression artérielle et la fréquence cardiaque doivent être régulièrement surveillées.

Interactions. Le modafinil peut augmenter en particulier le métabolisme des contraceptifs hormonaux et de la ciclosporine (voir tableau).

Condition de prescription et de délivrance. Médicament d’exception. La prescription initiale annuelle est réservée aux spécialistes en neurologie ou aux médecins exerçant en centre du sommeil, le renouvellement est non restreint.

Pilolisant

Le pitolisant n’est pas recommandé durant la grossesse par manque de données : une contraception efficace est nécessaire durant le traitement et jusqu’à au moins 21 jours après son arrêt selon la monographie.

Principaux effets indésirables. Insomnies et céphalées nécessitent de diminuer la dose ou d’arrêter le traitement s’ils persistent. Irritabilité, sensations vertigineuses sont possibles, parfois une prise de poids et des troubles gastriques (nausées, dyspepsies, etc.). A des doses suprathérapeutiques, un allongement de l’intervalle QT a été rapporté par certaines études.

Interactions. Le pitolisant peut réduire l’effet de certains médicaments, dont les contraceptifs hormonaux et plusieurs médicaments à marge thérapeutique étroite (voir tableau). Des inducteurs enzymatiques (dont le millepertuis) sont suceptibles de diminuer son action et les inhibiteurs du cytochrome P450 (CYP) 2D6 (paroxétine, duloxétine, etc.) de l’augmenter. L’association avec les médicaments qui allongent l’intervalle QT impose une surveillance étroite. Les antidépresseurs tricycliques et les anti-H1 traversant la barrière hématoencéphalique (doxylamine, phéniramine, prométhazine, etc.) peuvent atténuer l’efficacité du pitolisant.

Conditions de prescription et de délivrance. Prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie ou aux médecins qui exercent en centre du sommeil. Renouvellement non restreint.

Solriamfétol

Le solriamfétol est interdit aux sportifs en compétition.

Principaux effets indésirables. Céphalées, nausées, baisse de l’appétit et effets indésirables psychiatriques (anxiété, insomnie, irritabilité) se résolvent le plus souvent dans un délai d’environ 2 semaines. Leur persistance ou aggravation peut nécessiter de diminuer la posologie ou d’arrêter le traitement. Le solriamfétol accroît la pression artérielle et la fréquence cardiaque de façon dose-dépendante ; le cas échéant, il convient d’adapter le traitement. Le risque d’abus médicamenteux est faible, mais à surveiller en cas d’antécédents d’addictions.

Surveillance. Pression artérielle et fréquence cardiaque doivent être régulièrement surveillées.

Interactions. Prudence avec les médicaments augmentant la pression artérielle.

Conditions de délivrance. Prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux spécialistes en neurologie et en pneumologie, ainsi qu’aux médecins spécialistes du sommeil. Renouvellement non restreint.

Méthylphénidate

Le méthylphénidate est interdit aux sportifs en compétition.

Principaux effets indésirables. Les plus fréquents : baisse d’appétit, nausées, céphalées, irritabilité, insomnies et troubles cardiovasculaires (tachycardie, arythmie, hypertension artérielle, notamment). Des affections respiratoires (rhinopharyngites, toux, etc.), de la peau ou des tissus sous-cutanés (alopécie, hyperhydrose, entre autres) peuvent survenir, ainsi que des troubles psychiatriques (agressivité, agitation, anxiété, dépression, etc.). Le risque de mésusage ou d’abus doit être surveillé.

Surveillance : du poids et de la taille chez l’enfant, de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque de façon régulière, ainsi que de l’apparition de troubles psychiatriques. Palpitations, douleurs thoraciques à l’effort, dyspnée doivent amener à consulter.

Interactions. La prudence est recommandée en association avec des médicaments qui risquent d’augmenter la pression artérielle (Voir tableau).

Condition de prescription et délivrance. Médicament stupéfiant dont la prescription sur ordonnance sécurisée est limitée à 28 jours. Prescription initiale annuelle réservée aux neurologues, aux psychiatres, aux pédiatres et aux médecins exerçant dans un centre du sommeil. Renouvellement non restreint. La prise en charge par l’Assurance maladie n’est possible que si le médecin mentionne le nom de la pharmacie dispensatrice sur l’ordonnance.

Oxybate de sodium

Médicament stupéfiant (Xyrem, à l’hôpital), dépresseur du système nerveux central, il s’agit du sel de sodium du ɣ-hydroxybutyrate (GHB), présentant un risque connu de détournement d’usage à des fins festives, de dopage, d’abus et de soumission chimique (le GHB est la « drogue du violeur »). Ses contraintes de prise (au coucher puis 2 h 30 à 4 heures plus tard) nécessitent une bonne adhésion de la part du patient.

Principaux effets indésirables. Les plus fréquents : nausées, vertiges, céphalées et énurésie nocturne chez l’enfant. Il existe un risque de dépression respiratoire et d’apparition de troubles psychiatriques (dépression, anxiété, hallucinations, psychoses, notamment). Les patients ne doivent pas conduire ou entreprendre une activité qui nécessite de la vigilance et de la coordination motrice durant les 6 heures suivant la prise.

Interactions. L’association aux dépresseurs du système nerveux central est déconseillée.

Antidépresseurs

Sont utilisés en première intention les inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), comme la venlafaxine (37,5 mg à 300 mg par jour) ou les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS : notamment, la fluoxétine, 20 mg à 60 mg par jour). Les antidépresseurs tricycliques comme la clomipramine (10 mg à 75 mg par jour) sont peu utilisés en raison de propriétés sédatives (ils peuvent aggraver la somnolence diurne) et de leurs autres effets indésirables (prise de poids, troubles de la libido, effets anticholinergiques). Efficaces dès les premières prises sur les cataplexies, ils nécessitent une observance rigoureuse au risque, en cas d’oubli, de développer un « mal cataplectique » caractérisé par des cataplexies particulièrement fréquentes et de longue durée.

Effets indésirables. La venlafaxine, la plus fréquemment prescrite, peut induire des nausées, des sensations vertigineuses et une irritabilité surtout en début de traitement, une baisse de la libido et une prise de poids.

Interactions. L’association aux IMAO est contre-indiquée ou déconseillée (voir tableau). Prudence en cas d’association avec certains médicaments sérotoninergiques (triptans, tramadol, compléments alimentaires renfermant du tryptophane, par exemple) en raison d’un risque de syndrome sérotoninergique (agitation, hallucination, tachycardie, hyperthermie, nausées, vomissements, notamment).

ANALYSE D’ORDONNANCE/UN DIAGNOSTIC ET UN TRAITEMENT POUR LEHNA

Lehna N., 25 ans, a toujours ressenti le besoin de dormir dans la journée. Dernièrement, ses accès de somnolence diurne sont plus fréquents et, surtout, de brèves pertes de tonus musculaire de quelques secondes sont apparues. Son médecin généraliste l’a orienté vers un spécialiste des troubles du sommeil, qui, après réalisation de différents examens (polysomnographie et test itératif de latence d’endormissement, ou Tile) et exclusion de tout autre trouble ou médicament justifiant la somnolence diurne excessive, a établi le diagnostic de narcolepsie de type 1 (NT1). Un traitement a été instauré.

Quel est le contexte de l’ordonnance ?

Quel était le motif de la consultation ?

Mme N. est une patiente occasionnelle de la pharmacie, qui vient régulièrement pour la délivrance d’une pilule œstroprogestative. Elle souffre depuis l’adolescence d’accès de somnolence en journée et d’un sommeil fragmenté la nuit, symptômes qui se sont intensifiés ces derniers temps mais qu’elle mettait sur le compte de la fatigue professionnelle. Elle se plaint également de réveils fréquents la nuit et a subi récemment deux pertes soudaines de tonus musculaire, avec un affaissement de la mâchoire, sans perte de connaissance, à chaque fois déclenchées par des fous rires. Son médecin l’a orientée vers une consultation dans un centre du sommeil.

Qu’a dit le médecin spécialiste ?

Les examens ont permis d’établir le diagnostic de narcolepsie de type 1. Le neurologue a expliqué qu’il s’agissait d’une maladie certes invalidante, mais pour laquelle on disposait de différents traitements pour augmenter la vigilance et stabiliser les crises de cataplexie. Il a instauré un traitement avec un suivi dans 1 mois pour en évaluer l’efficacité et la tolérance.

Le neurologue a mis en garde la patiente sur le risque potentiellement tératogène du pitolisant : il a insisté sur la nécessité d’utiliser une contraception mécanique à chaque rapport pour « anticiper » tout oubli ou échec de la pilule, le temps de faire le point avec un gynécologue pour changer éventuellement de méthode contraceptive.

La prescription est-elle cohérente ?

Que comporte la prescription ?

Le pitolisant est un médicament stimulant l’éveil, indiqué dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie. Il renforce notamment l’activité histaminergique au niveau cérébral.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Le pitolisant est soumis à une prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie ou aux médecins exerçant dans un centre du sommeil. L’ordonnance est donc conforme.

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

Oui. Une monothérapie par pitolisant est notamment recommandée en cas de somnolence diurne excessive associée à des cataplexies modérées, selon le protocole national de diagnostic et de soins « Narcolepsie de types 1 et 2 » (voir page 6)*.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Selon la monographie, le traitement par pitolisant doit être instauré à la dose de 9 mg augmentée à 18 mg au bout de 1 semaine. Toutefois, le traitement est couramment débuté à 18 mg par jour chez l’adulte, dose minimale efficace sur les cataplexies. En fonction du résultat, la posologie peut être augmentée jusqu’à 36 mg par jour.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

Mme N. devrait observer une amélioration progressive des somnolences diurnes et des cataplexies en intensité et en fréquence, voire une disparition des cataplexies, dès le premier mois de traitement.

Le rendez-vous médical dans 1 mois permettra de vérifier la tolérance du traitement et l’éventuelle nécessité d’en augmenter la posologie.

Quels conseils de prise donner ?

Quand commencer le traitement ?

Du fait de son action stimulant l’éveil, il est recommandé de prendre le pitolisant le matin au petit déjeuner et avant midi, au risque de perturber le sommeil. La patiente s’étant présentée à la pharmacie dans la soirée, le pharmacien lui conseille de commencer son traitement le lendemain matin.

Que faire en cas d’oubli ?

Si l’oubli est constaté avant midi, le comprimé omis peut être pris. Sinon, le traitement doit être poursuivis le lendemain sans rattraper la dose manquée.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Les plus fréquents sont des insomnies, des céphalées et des nausées. Une irritabilité, des sensations vertigineuses, des troubles du sommeil ou une prise de poids sont plus rares.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

Les céphalées peuvent être soulagées par la prise de paracétamol. Si elles persistent, recommander de contacter le médecin pour une éventuelle diminution de la dose, voire un changement de traitement.

Les nausées sont généralement transitoires. Si elles sont gênantes, les signaler au médecin pour envisager la prescription d’un antiémétique.

Pour limiter la prise de poids, rappeler quelques conseils de bon sens : ne pas sauter de repas (au risque de compenser en « se jetant » sur la nourriture au suivant !), écarter les plats gras, en sauce et les sucreries, limiter la charcuterie ou le fromage, privilégier les viandes ou poissons grillés ou à la vapeur, les fruits et légumes, mais aussi les légumineuses et les féculents pour leur action rassasiante. Manger lentement pour ressentir la sensation de satiété qui survient progressivement.

CONSEILS ASSOCIÉS/ACCOMPAGNER LE PATIENT

Pathologie invalidante, la narcolepsie implique un accompagnement du patient pour cerner les problèmes susceptibles de se présenter, prévenir leur survenue et les prendre en charge.

La narcolepsie vue par les patients

Impact psychologique

La narcolepsie a un retentissement majeur sur la qualité de vie, pouvant occasionner anxiété et dépression. Avant le diagnostic, les patients sont incompris et le regard de l’entourage devant quelqu’un s’endormant n’importe où, n’importe quand, entraîne des difficultés relationnelles, parfois un sentiment de culpabilité. La prise de poids associée à la narcolepsie de type 1 peut être également mal vécue par les patients.

Le risque de chute lié aux cataplexies est particulièrement anxiogène. Les patients risquent d’appréhender ces épisodes et de refuser des invitations familiales, sociales ou professionnelles : perte de confiance en soi, isolement, troubles de l’humeur peuvent en découler.

Rester éveillé peut aussi devenir un vrai combat : certains patients essaient de compenser les accès de somnolence par une hyperactivité mentale ou motrice, en parlant beaucoup, en faisant les cent pas, en consommant des stimulants comme le café, etc. Mais finissent par s’épuiser !

Impact professionnel et scolaire

Baisse de vigilance, lenteur dans l’exécution des tâches, difficultés de concentration nécessitent, le cas échéant, un aménagement des horaires de travail avec notamment la mise en place de temps de siestes. Les postes qui imposent un état de vigilance soutenue, tels que celui de chauffeur, obligent à vérifier annuellement l’efficacité du traitement sur la somnolence. Les patients peuvent acquérir auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) le statut de travailleur handicapé afin de favoriser leur insertion professionnelle (subvention de l’employeur pour aménager le poste, par exemple).

Une centaine d’enfants et d’adolescents sont diagnostiqués narcoleptiques en France. La mise en place d’un projet d’accueil individualisé (PAI) permet de favoriser l’intégration de ces élèves. 

A dire aux patients ou à l’entourage

A propos de la pathologie

Hygiène de sommeil. Conserver des horaires de coucher réguliers. Une durée de sommeil suffisante est également indispensable. Des siestes préventives dans la journée, courtes (environ 15 minutes) et, si nécessaire, fréquentes, permettent de restaurer la vigilance pour quelques heures et évitent les accès d’endormissement involontaires (risque de chute). La tenue d’un agenda du sommeil est souvent demandée par le médecin : il est important de s’atteler à bien le remplir (noter les heures de lever et coucher, les réveils nocturnes, les siestes, etc.) pour affiner le diagnostic ou évaluer un traitement. Afin de favoriser le sommeil de nuit, les conseils de bon sens valables pour tous s’appliquent : rythme de lever et de coucher régulier, activité physique suffisante dans la journée, repas léger le soir, entre autres. Peu avant le coucher, prévoir des conditions favorables au sommeil : lumière tamisée, pas d’activités stimulantes intellectuellement ou physiquement, proscrire les bains chauds qui augmentent la température corporelle (alors que le corps se refroidit lorsqu’il se prépare au sommeil), température de la chambre inférieure ou égale à + 19 °C, etc.

Gestion des symptômes. Le patient et surtout son entourage doivent savoir comment réagir dans diverses situations. En cas d’accès de sommeil, éviter de réveiller le patient car le sommeil est réparateur. En cas de cataplexie, identifier les circonstances déclenchant ces crises afin de les éviter (émotions fortes liées à des bruits forts, par exemple) sans tomber dans l’extrême de vouloir tout maîtriser au risque d’aboutir à un isolement social. Des pratiques psychocomportementales sont parfois utiles pour aider à gérer les tensions et les émotions déclenchant les épisodes de cataplexie : cohérence cardiaque, méditation, yoga, etc. En cas de cataplexie totale entraînant un risque important de chute, l’entourage doit garder à l’esprit que la conscience est préservée : le patient ne dort pas. Avoir le réflexe de le retenir pour éviter la chute et le placer dans une position confortable. Afin de faciliter la prise en charge en cas de crise, le patient doit toujours porter sur lui sa carte de soins et d’urgence, remplie par le médecin, avec notamment les médicaments prescrits. Les hallucinations nocturnes et paralysies du sommeil peuvent être terrifiantes au point de susciter de l’appréhension. Avec le temps, les patients apprennent à relativiser ces épisodes d’une durée brève. Laisser la lumière allumée ou dormir à côté d’une autre personne peut rassurer.

Conduite automobile. Un patient narcoleptique dont la somnolence diurne est bien prise en charge peut obtenir un permis de conduire provisoire, valable entre 1 et 5 ans. Des précautions sont néanmoins à prendre : éviter de conduire si on se sent fatigué, savoir reconnaître les signes de somnolence au volant et s’arrêter le cas échéant pour faire une sieste (yeux qui piquent, bâillements répétés, etc.).

Alimentation et exercice physique. Une alimentation équilibrée (limiter les aliments sucrés et gras, favoriser les fruits et légumes) et une activité physique régulière limitent la prise de poids. La consommation d’alcool est vivement déconseillée car, d’une part, elle est très calorique et, d’autre part, elle favorise l’endormissement et les réveils nocturnes. En cas de traitement par Xyrem (à l’hôpital, voir page X), la prise d’alcool est contre-indiquée (potentialisation de ses effets dépresseurs centraux avec risque de détresse respiratoire). La prudence s’impose lors de certains sports pouvant s’avérer particulièrement dangereux en cas d’endormissement (natation, plongée, notamment).

Soutien psychologique. Il peut être nécessaire pour le patient ou son entourage en cas de difficulté à accepter la maladie ou le regard des autres. L’Association française de narcolepsie cataplexie et hypersomnies rares (ANC) propose des événements et rencontres entre patients narcoleptiques dans ses différentes antennes régionales.

A propos des traitements

Un suivi régulier, généralement tous les 3 à 6 mois au moins et 1 fois par an idéalement dans un centre de référence, permet d’adapter au mieux le traitement. Son arrêt expose à un rebond des attaques de somnolence ou de cataplexies. Ces dernières sont particulièrement sévères et prolongées en cas d’arrêt brutal des antidépresseurs qui nécessitent donc une observance rigoureuse.

Moment de prise. Les médicaments stimulant l’éveil (modafinil, pitolisant, méthylphénidate, solriamfétol) sont à prendre le matin, voire à midi, pour ne pas altérer le sommeil nocturne.

Contraception. Elle est recommandée avec tous les traitements. Le modafinil en particulier et le pitolisant sont susceptibles de diminuer l’efficacité d’une contraception hormonale. Une autre méthode doit donc être utilisée en alternative (DIU au cuivre) ou en complément (préservatif).

Effets indésirables : le risque d’hypertension artérielle et d’augmentation de la fréquence cardiaque doit être surveillé sous modafinil, solriamfétol et méthylphénidate. D’une manière générale, l’apparition ou l’aggravation de troubles psychiatriques (anxiété, syndrome dépressif, manies, par exemple) nécessitent d’alerter le médecin.

Automédication : tous les médicaments pouvant engendrer une somnolence, tels que les anti-H1 sédatifs, sont déconseillés. Attention également au millepertuis, inducteur enzymatique, avec le pitolisant.

Sportifs. Le modafinil, le solriamfétol et le méthylphénidate sont des stimulants interdits en cas de compétition sportive (risque de contrôle antidopage positif).

L’ESSENTIEL À RETENIR/LA NARCOLEPSIE

La pathologie

La narcolepsie est une maladie neurologique chronique appartenant au groupe des hypersomnolences rares d’origine centrale. Deux entités sont distinguées : la narcolepsie de type 1 (NT1) et la narcolepsie de type 2 (NT2).

La narcolepsie de type 1, anciennement nommée narcolepsie avec cataplexie, est liée à la déficience quasi complète d’un neurotransmetteur, l’hypocrétine (ou orexine), par destruction des neurones la synthétisant. Elle se caractérise par des accès de sommeil irrésistible, des cataplexies (pertes brutales de tonus musculaire en pleine conscience, déclenchées par des émotions) et d’autres symptômes plus ou moins prononcés : sommeil de nuit de mauvaise qualité (instable, fragmenté), hallucinations au moment de l’endormissement, etc. Un surpoids ou une obésité est souvent présent.

La narcolepsie de type 2 partage les mêmes symptômes sauf les cataplexies. Les symptômes sont moins marqués et, à la différence du type 1, des rémissions sont parfois possibles.

Le traitement

Les traitements sont symptomatiques. Ils permettant de diminuer la fréquence et la sévérité de la somnolence diurne excessive et, dans la narcolepsie de type 1, les crises de cataplexie.

Les traitements stimulants l’éveil sont le modafinil (médicament d’exception), le pitolisant, le solriamfétol et le méthylphénidate (stupéfiant). Ils s’administrent en 1 à 2 prises journalières, généralement le matin et à midi et dans tous les cas à distance du coucher pour ne pas gêner le sommeil de nuit. L’oxybate de sodium, médicament stupéfiant hospitalier, se prend au coucher : en favorisant le sommeil nocturne, il réduit la somnolence diurne.

Les traitements les plus efficaces sur les cataplexies sont le pitolisant et surtout l’oxybate de sodium et les antidépresseurs utilisés hors autorisation de mise sur le marché : venlafaxine le plus souvent, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, voire tricycliques.

Des associations de plusieurs molécules sont parfois nécessaires pour contrôler l’ensemble des symptômes.

Tous les traitements requièrent une prescription initiale annuelle réservée à certains spécialistes.

Accompagner le patient

Des siestes préventives dans la journée, courtes (environ 15 minutes), permettent de restaurer la vigilance pour quelques heures et évitent les accès d’endormissement involontaires.

Les épisodes de cataplexies peuvent toucher une partie du corps (tête qui tombe, jambes qui se dérobent, par exemple) ou l’ensemble des muscles, exposant à des chutes graves. D’une durée de quelques secondes généralement, la conscience est préservée au cours de ces épisodes : le patient ne dort pas. L’entourage doit avoir le réflexe de le retenir pour éviter la chute et le placer dans une position confortable.

L’observance sous traitement antidépresseur est essentielle. Son arrêt brutal expose à un état de « mal cataplectique » caractérisé par des cataplexies particulièrement fréquentes et de longue durée.

Une contraception efficace est recommandée avec tous les traitements. Le modafinil et le pitolisant sont susceptibles de diminuer l’efficacité d’une contraception hormonale.

Agoniste inverse

Dexamphétamine

Test de maintien de l’éveil (TME)

Le 23 mars 2024

Pitolisant (Wakix) 18 mg : 1 comprimé le matin

QSP 1 mois

Rendez-vous dans 1 mois

Haute Autorité de santé (HAS)

Association française de narcolepsie cataplexie et hypersomnies rares

Question de comptoir

Je me sens somnolent et je fais souvent des siestes dans la journée : est-ce que ça pourrait être de la narcolepsie ?

Il faut bien évidemment en parler à votre médecin. En attendant, il est possible d’évaluer son degré de somnolence en journée grâce au test d’Epworth, un autoquestionnaire téléchargeable notamment sur le site du réseau Morphée (reseau-morphee.fr). Il évalue la probabilité de s’endormir dans huit situations de la vie courante. Un score supérieur à 10/24 oriente vers une somnolence diurne excessive et doit inciter à un avis médical. Dans la narcolepsie, il est souvent très élevé (supérieur à 15/24).

Point de vue

neurologue, cheffe du service des pathologies du sommeil de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris).

La narcolepsie de type 2 est-elle moins handicapante et plus simple à prendre en charge que celle de type 1 ?

Non, pas forcément, car chaque patient est différent. Les cataplexies peuvent être certes invalidantes mais restent le plus souvent partielles et ponctuelles. La lutte contre les accès irrépressibles de sommeil est, elle, quotidienne, et peut être aussi handicapante dans la narcolepsie de type 2 que dans celle de type 1. Les patients s’endorment plusieurs fois par jour, y compris dans les transports où certains se font voler leurs affaires ! Il faut garder en mémoire que les traitements ne diminuent que de moitié la fréquence ou la sévérité des symptômes. Même sous traitements, les patients doivent encore faire une ou plusieurs siestes par jour pour anticiper les accès de sommeil. En pratique, ils apprennent à gérer leur traitement. Ceux qui prennent un antidépresseur savent que l’observance est importante pour éviter des crises de cataplexies sévères au sevrage. Les autres traitements sont souvent diminués voire interrompus le week-end – par exemple 1 prise de modafinil au lieu de 2 – ou durant les vacances lorsque le besoin de rester éveillé est moins important.

Qu’en est-il du risque de mésusage ?

Je n’en ai quasiment jamais vu. Nos patients sont en général préoccupés par les effets indésirables et leur souhait est plutôt de prendre le moins de médicaments possible. Leur difficulté vient de toute la législation autour des médicaments qui oblige à des rendez-vous réguliers, tous les 28 jours pour l’oxybate de sodium (à l’hôpital) ou le méthylphénidate, d’ailleurs toujours prescrits sous une forme à libération prolongée, mieux tolérée (moins de tachycardie et d’épuisement en fin de dose). Ce qui pose problème en vacances notamment ou lors de changements de pharmacie puisque le nom de l’officine doit être indiqué sur l’ordonnance. Mais je propose toujours des solutions, au cas par cas, pour ne pas pénaliser les patients.

Des nouveaux traitements sont-ils à l’étude ?

Oui, de grands espoirs sont portés sur des agonistes oraux des récepteurs 2 de l’hypocrétine-1 (ou orexine). Les patients malades possèdent des récepteurs à l’orexine mais cette dernière fait défaut. Un essai de phase 2 versus placebo* a montré une efficacité spectaculaire au test de maintien de l’éveil par rapport aux traitements actuels, avec également une amélioration des cataplexies.

AUDREY, 38 ANS, DIAGNOSTIQUÉE NARCOLEPTIQUE DEPUIS 8 ANS

« Pendant de nombreuses années, je fus la cible de moqueries de mes camarades de classe : j’étais celle qui dormait tout le temps. Mes parents me reprochaient souvent d’être fainéante. Moi-même, je ne comprenais pas pourquoi je n’étais pas comme tout le monde, je me sentais constamment à l’écart. Au niveau professionnel, c’était difficile également : j’avais du mal à rester concentrée, ma productivité était inférieure à celle de mes collègues. Et puis, le diagnostic a été pour moi une libération : enfin une explication médicale à ma somnolence. Le traitement instauré (modafinil) m’a permis de retrouver une vie presque normale. »

Glossaire

Composé qui s’oppose à la fois à l’effet induit par la stimulation d’un récepteur et à l’activité de base de celui-ci qui existerait en l’absence de tout agoniste. L’activité de l’agoniste inverse est donc plus forte qu’un antagoniste.

Dérivé d’amphétamine prescrit dans le cadre d’une autorisation d’accès compassionnel en milieu hospitalier. Son profil d’effets indésirables importants (notamment cardiovasculaires, psychiatriques et digestifs) impose des bilans cardiovasculaires réguliers.

Il est réalisé en centre du sommeil, en journée. Placé dans des conditions propices au sommeil, le patient sous traitement doit lutter contre l’endormissement à 4 reprises pendant 40 minutes. Plus il y résiste, plus le traitement est efficace.

Vigilance

Certaines contre-indications sont à connaître :

Modafinil : hypertension modérée à sévère non contrôlée, arythmie cardiaque.

Pitolisant : insuffisance hépatique sévère.

Ritaline : hyperthyroïdie, troubles cardiovasculaires ou psychiatriques importants (hypertension artérielle sévère, insuffisance cardiaque, arythmies, antécédents de dépression sévère, manie, schizophrénie, etc.).

Solriamfétol : antécédents d’infarctus du myocarde dans l’année précédente, angor instable, hypertension non contrôlée, affections cardiaques graves.

En savoir plus

has-sante.fr

Le protocole national de diagnostic et de soins « Narcolepsie de types 1 et 2 », élaboré en 2021, peut être téléchargé sur le site de l’instance.

anc-narcolepsie.com

Le site propose de nombreuses informations sur la maladie et les traitements et offre la possibilité de contacter des correspondants locaux.

Lehna N. vous demande une boîte de préservatifs et vous questionne sur les méthodes de contraception. Le médecin a mentionné un dispositif intra-utérin (DIU) pour éviter tout oubli de pilule, mais Mme N. a une amie sous anneau contraceptif, ce qui lui conviendrait mieux. Que lui répondez-vous ?

1) Nuvaring est une option possible.

2) Mme N peut avoir recours au DIU hormonal.

3) Le mieux serait d’opter pour un stérilet au cuivre.

Réponse : une contraception efficace est nécessaire car, bien que l’on manque de données chez l’être humain, le pitolisant est tératogène chez l’animal. De plus, il existe un risque de diminution de l’efficacité des contraceptifs hormonaux par le pitolisant selon la monographie et le thésaurus des interactions médicamenteuses de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé du fait d’un effet inducteur enzymatique. Ainsi, le pitolisant est susceptible de diminuer l’efficacité d’une contraception hormonale, ce qui inclut l’anneau ou le patch contraceptif et les contraceptions progestatives comme la pilule ou le dispositif intra-utérin hormonal. Toutefois, le protocole national de diagnostic et de soins « Narcolepsie de types 1 et 2 » (septembre 2021) écarte ce risque d’interaction avec les contraceptifs hormonaux mais insiste sur les effets tératogènes et la nécessité d’une contraception sûre. L’anneau vaginal, comme la pilule, est associé à un risque d’oubli lors de son renouvellement. Dans ce contexte, le stérilet au cuivre est une méthode préférable. Vous recommandez à Mme N. d’en discuter avec son gynécologue ou son médecin traitant. En attendant, vous insistez sur l’importance d’éviter tout oubli de pilule et d’utiliser un préservatif à chaque rapport. Le préservatif féminin, désormais remboursé, peut aussi être une option. Il fallait choisir la troisième proposition.

Quatre jours plus tard, Lehna revient à la pharmacie. Son sommeil est toujours perturbé mais elle a aussi du mal à s’endormir. Elle se souvient avoir eu recours à Donormyl (doxylamine) qui fonctionnait bien et vous demande une boîte. Quelle est votre réaction ?

1) Vous lui recommandez de ne pas dépasser 5 jours de prise.

2) Vous lui conseillez plutôt des plantes à visée anxiolytique et sédative.

3) Vous lui proposez de la mélatonine.

Réponse. Les insomnies peuvent être un effet indésirable du pitolisant. Rappeler de bien prendre le médicament le matin au petit déjeuner. Les anti-H1 à action centrale, comme la doxylamine, sont à proscrire car ils peuvent diminuer l’effet du pitolisant qui exerce une action histaminergique au niveau cérébral. La mélatonine est parfois proposée en cas de mauvais sommeil chez des patients narcoleptiques, toutefois, la consultation du neurologue est préférable. En attendant un avis médical, la prise de plantes à visée anxiolytique ou de l’huile essentielle de lavande, traditionnellement utilisée dans les troubles du sommeil, peut être conseillé à Mme N. Il fallait choisir la deuxième proposition.

Centre du sommeil

Dr Lucien P.

Neurologue

Lehna N., née le 3 février 1999

1,70 m, 70 kg 

Le 23 mars 2024

Pitolisant (Wakix) 18 mg : 1 comprimé le matin

QSP 1 mois

Rendez-vous dans 1 mois

L’essentiel

– La narcolepsie est une maladie neurologique rare caractérisée par une hypersomnolence. On distingue la nacrolepsie de type 1 (NT1, avec cataplexie, c’est-à-dire perte brutale de tonus musculaire) et la narcolepsie de type 2 (NT2, sans cataplexie).

– Outre une somnolence diurne excessive, des endormissements irrépressibles, des hallucinations et des paralysies du sommeil altèrent la qualité de vie. Surpoids, obésité, syndrome d’apnées du sommeil sont fréquemment associés à la NT1.

– Globalement, l’hypersomnolence et les cataplexies tendent à s’améliorer avec le temps, en grande partie grâce aux traitements. Dans la NT2, le diagnostic et les traitements doivent être régulièrement réévalués.

Chiffres

– Maladie rare touchant environ 1 personne sur 2 000 en France.

– Deux pics d’incidence : dans la deuxième et la quatrième décennie.

– Délai de diagnostic : environ 8 ans.

  • Source : protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) « Narcolepsie de types 1 et 2 », septembre 2021.

L’essentiel

– Quatre traitements sont efficaces contre la somnolence diurne : trois traitements stimulants l’éveil (modafinil, pitolisant ou solriamfétol), indiqués dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie, et l’oxybate de sodium, médicament hospitalier sédatif, uniquement indiqué dans la narcolepsie avec cataplexie.

– Les traitements les plus efficaces sur les cataplexies sont le pitolisant, l’oxybate de sodium et des antidépresseurs utilisés hors AMM (venlafaxine, inhibiteur de la recapture de la sérotonine, voire tricycliques), rapidement efficaces sur les cataplexies.

L’essentiel

– Des siestes préventives dans la journée, courtes, sont nécessaires pour restaurer la vigilance et limiter les accès de sommeil. Si ces derniers ont lieu, il ne faut pas réveiller le patient car ils sont réparateurs.

– Lors de cataplexie se rappeler que le patient est conscient. Le retenir et le mettre dans une position de sécurité en cas de chute.

– La consommation d’alcool est vivement déconseillée, car elle favorise l’endormissement et les réveils nocturnes. Les traitements entraînant une somnolence sont à proscrire.