Délivrance Réservé aux abonnés

M. T. a un glaucome

Publié le 1 avril 2020
Par Nathalie Belin
Mettre en favori

M. T. est suivi pour un glaucome et un diabète depuis plusieurs années. Son ophtalmologiste a remplacé le latanoprost (Xalatan) par l’association bimatoprost-timolol et ajouté un traitement contre la sécheresse oculaire.

Ce que je dois savoir

Législation

Pas de problèmes particuliers.

Contexte

C’est quoi ?

M. T., outre son glaucome, est diabétique. Il est sous metformine et sulfamide.

• Le glaucome est une pathologie du nerf optique irréversible, évoluant progressivement. Cette neuropathie optique s’accompagne le plus souvent d’une augmentation de la pression intraoculaire (PIO) du fait d’un défaut d’évacuation de l’humeur aqueuse. Liquide apportant les éléments nutritifs aux structures de l’œil et éliminant les déchets, l’humeur aqueuse joue un rôle important dans la régulation de la pression oculaire. Son accumulation provoque une hyperpression intraoculaire à l’origine d’une détérioration du nerf optique. Il existe toutefois des glaucomes à PIO normale.

• Il existe deux formes de glaucome.

→ Le glaucome à angle ouvert, le plus fréquent en Occident et en Afrique, a pour principaux facteurs de risque l’âge, l’élévation de la PIO, une forte myopie, des antécédents familiaux, l’ethnie comme les personnes à peau noire. Diabète, hypertension artérielle et tabagisme sont des facteurs favorisants. Ce glaucome passe inaperçu durant de nombreuses années, puis le champ visuel se rétrécit peu à peu, avec risque d’évolution vers la cécité.

→ Le glaucome à angle fermé survient sur un œil prédisposé par un angle irido-cornéen étroit ; c’est le cas des hypermétropes. Il est plus fréquent chez les personnes d’origine asiatique.

Publicité

Quelle prise en charge ?

→ L’abaissement de la PIO est le seul facteur sur lequel il est possible d’agir. L’objectif est de stabiliser la maladie en visant une PIO « cible » propre à chaque patient, selon notamment la sévérité du glaucome et sa progression.

→ Une monothérapie est recommandée en première intention par analogues des prostaglandines ou bêtabloquants, les deux classes médicamenteuses les plus efficaces pour diminuer la PIO. Si ce traitement est insuffisant ou le devient, une bithérapie est indiquée, pouvant inclure d’autres classes, puis une trithérapie au besoin.

→ Une surveillance tous les six mois est recommandée.

Objectifs

La PIO a augmenté dans les deux yeux, le médecin a décidé d’instaurer une bithérapie. Il a ajouté un traitement contre la sécheresse oculaire, M.T. ayant les yeux irrités. Cette irritation peut être favorisée ou accentuée par le collyre antiglaucomateux, notamment les conservateurs comme le chlorure de benzalkonium. La prescription d’un antiglaucomateux en unidose sans conservateur, à la place du flacon Xalatan, permettra de limiter cet effet indésirable.

Médicaments

Ganfort

Association d’un analogue des prostaglandines, le bimatoprost, qui augmente l’élimination de l’humeur aqueuse, et d’un bêtabloquant, le timolol, qui diminue sa production.

Lacrifluid

Substitut lacrymal renfermant un polymère hydrophile de haut poids moléculaire, le carbomère 980, d’où une viscosité importante qui permet de réduire la fréquence des instillations quotidiennes à trois au lieu de six pour certains substituts lacrymaux.

Repérer les difficultés

• Vérifier que l’observance est correcte et qu’elle n’est pas en cause dans la hausse de la PIO.

• Détailler les modalités d’administration des deux collyres, présentés en unidose, un format que M.T. ne connaît pas.

• Avertir du risque d’interaction entre collyres.

• Alerter sur le risque d’hypoglycémie. Le bêtabloquant peut en masquer les signes chez ce patient diabétique.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Je vois que le médecin intensifie le traitement. Que vous a-t-il dit ? », « À quel moment mettez-vous votre collyre antiglaucomateux habituellement ? », « Pas trop difficile d’y penser ? » font le point sur les informations reçues et les éventuels problèmes d’observance.

« Pensez-vous à comprimer le coin interne de l’œil après instillation du collyre ? » vérifie le bon usage du collyre pour limiter les effets indésirables.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

• Ganfort : ce collyre renferme deux molécules qui agissent de manière complémentaire pour diminuer la pression dans l’œil. L’une appartient à la même famille que Xalatan.

• Lacrifluid : ce collyre agit comme des larmes artificielles mais de manière plus performante, en réhydratant l’œil durablement.

Mode d’administration

• Ganfort : une unidose permet d’instiller 1 goutte dans chaque œil le matin ou le soir, toujours à peu près à la même heure. M.T. peut conserver le même horaire que Xalatan, qui s’administrait le soir.

• Lacrifluid : 1 goutte en cas de gêne dans les deux yeux jusqu’à trois fois par jour. Il faut impérativement respecter un délai de 5 à 10 minutes au moins entre les deux collyres et terminer par le plus visqueux, donc Lacrifluid. M. T. peut utiliser le substitut lacrymal en journée et Ganfort au coucher.

Effets indésirables

• Ganfort : allongement des cils, modification de la couleur de l’iris, assombrissement de la paupière avec bimatoprost, mais M.T. supportait bien Xalatan. Le bêtabloquant peut être à l’origine d’effets indésirables systémiques tels que bradycardie, hypotension, bronchospasme, risque de masquage des signes d’une hypoglycémie chez le patient diabétique.

• Lacrifluid : fréquent trouble visuel passager après instillation. Il est limité en fermant les paupières et en bougeant l’œil lentement pour bien répartir la solution sur la surface oculaire.

J’accompagne

Bons gestes d’installation

Se laver les mains, instiller en tirant légèrement la paupière inférieure, puis fermer l’œil et appuyer sur la racine du nez durant une minute pour limiter le passage des molécules dans la circulation générale et les effets indésirables du bêtabloquant. Essuyer l’excédent de collyre qui a coulé avec une compresse humide pour éviter l’assombrissement des paupières. Jeter l’unidose une fois les deux yeux traités.

Observance

• Encourager le patient, qui pourrait baisser les bras par l’intensification du traitement. La maladie a certes progressé mais elle va être efficacement stabilisée par le nouveau traitement. Pour cela, la régularité des instillations est essentielle, chaque jour à la même heure.

• L’irritation et la sécheresse oculaire vont s’améliorer à la fois par le substitut lacrymal et le passage pour le collyre antiglaucomateux à une formule sans conservateurs.

Autosurveillance glycémique

• Alerter sur le fait que les signes d’hypoglycémie tels que palpitations et tachycardie risquent d’être moins ressentis.

• Renforcer les contrôles glycémiques les premiers jours.

• Vérifier à quand remonte la précédente consultation de suivi du diabète. Selon le cas, encourager à faire le point avec le médecin car l’aggravation du glaucome peut éventuellement être liée au déséquilibre du diabète.

Vente associée

Des compresses pour essuyer d’éventuelles gouttes de collyre sur la joue.

Dans le cadre du diabète, rappelez l’importance de bien prendre soin de ses pieds en recommandant une crème hydratante spécifique : Akildia, Alvadiem, PediMed, Bioderma Secure AToderm P-DI…

Prescription

Dr R., ophtalmologiste.

M. T., 66 ans.

Ordonnance

• Stopper Xalatan.

• Bimatoprost 0,3 mg/ml + timolol 5 mg/ml (Ganfort) unidoses

1 goutte dans chaque œil 1 fois par jour.

• Lacrifluid collyre unidoses

1 goutte dans chaque œil en cas de gêne, jusqu’à 3 fois par jour si besoin.

AR

Le patient me demande

« J’ai pris du Donormyl mais j’ai vu ensuite que la notice mentionnait contre-indiqué en cas de glaucome ! »

Certains médicaments, comme Donormyl, sont effectivement contreindiqués chez des patients ayant un risque de glaucome mais pas celui dont vous souffrez. Il s’agit d’un glaucome par fermeture de l’angle, pour lequel l’administration de certains médicaments(1) peut entraîner une hausse forte et brutale de la pression intraoculaire. L’œil devient rouge, dur, douloureux et il peut y avoir des céphalées et des nausées ou vomissements. C’est une urgence ophtalmique.

(1) Anti-H1 de première génération, tels sédatifs, antitussifs, antinaupathiques…, pseudoéphédrine, tricycliques, anticholinergiques…