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« Est-ce de la provocation ? »

Publié le 28 mars 2020
Par Adrien Thomas
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Je suis pharmacien dans le centre-ville de Mulhouse (Haut-Rhin), près du marché, non loin de l’hôpital, dans un quartier à forte population d’origine turque ou maghrébine. Ici, tout le monde a l’habitude de passer une bonne partie de la journée dans la rue. Tous les commerces sont ouverts tard. A la pharmacie, nous avons beaucoup de passage pour de petits achats.

Jusqu’au vendredi d’avant le confinement, l’activité était habituelle. On nous demandait juste beaucoup de thermomètres, de gels hydroalcooliques et de masques. Depuis une dizaine de jours, nous avions mis en place des barrières de protection au comptoir pour rester à un mètre des gens. A mon retour, mardi, tout avait basculé. Le matin, il y avait un attroupement devant la pharmacie. En termes sanitaires, ça a dû être catastrophique.

Dans l’officine, nous avons tous mis des masques FFP2. Nous avons des gants. Chacun est libre d’en porter ou pas. Moi, je préfère ne pas les porter et me laver les mains toutes les 10 à 15 minutes. Enfin, la clientèle attend dehors. Nous allons chercher les patients un par un. On leur prend leur température. Ceux au-dessus de 37,5 °C sont servis à un comptoir spécial, en faisant au plus vite et on leur explique comment ils doivent surveiller leur fièvre, se confiner, etc.

Le mardi, en arrivant, j’ai appris qu’une préparatrice avait les symptômes du virus. Mercredi, une deuxième était touchée. Jeudi, c’était la femme de ménage qui fait tout (la réception des colis, etc.). Alors, nous nous sommes adaptés. L’étudiante de l’été dernier est revenue. Le jeudi, lendemain de garde, l’équipe était constituée de la titulaire, de l’étudiante en pharmacie et de l’apprentie préparatrice. Ces deux dernières ayant besoin d’être vérifiées et contrôlées en continu, c’est dur de tenir le rythme ! Alors je suis retourné travailler l’après-midi. Le jeudi et le vendredi, nous étions tellement fatigués que nous avons décidé de prendre une pause de 2 heures 30 contre 1 heure 30 habituellement.

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Les gens viennent encore nous demander des masques, que nous n’avons pas, du gel, que nous n’avons plus. Parfois, quand ils viennent pour rien, on les engueule le matin, ils reviennent l’après-midi… Alors j’arrête de râler parce que je perds deux minutes à chaque fois.

Depuis le début du confinement, une personne vient tous les matins prendre son café pendant une vingtaine de minutes, assise sur le rebord de la fenêtre du commerce fermé, juste en face de la pharmacie. Je me demande si ce n’est pas de la provocation. Le premier jour, elle était avec d’autres personnes. Plus maintenant. De même, au début, dans la rue, je voyais quatre ou cinq groupes de quatre ou cinq personnes. Aujourd’hui, ils ne sont plus « que » deux/trois groupes, plus petits.

Par ailleurs, on reçoit des messages de l’Ordre, de l’ARS, des syndicats… Ils concernent les gestes « barrière », les masques, des fiches à remplir, etc. Je les trouve trop nombreux, trop longs et pas toujours assez clairs, alors qu’on n’a pas le temps de les lire. Finalement, chacun fait comme il veut, comme il peut.