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L’influence du coronavirus sur le bail commercial

Publié le 11 avril 2020
Par Francois Pouzaud
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Pour pouvoir postuler à la suspension des loyers commerciaux, la taille de l’officine risque de jouer un mauvais tour au titulaire. Hypothèses.

A la suite de l’ordonnance du 25 mars 2020, les très petites entreprises (TPE) susceptibles d’être éligibles au fonds de solidarité (voir Repères page 19) ne peuvent encourir ni pénalités financières, ni intérêts de retard, ni clause résolutoire, pénale, de déchéance, d’activation des garanties ni cautions en raison du non-paiement des loyers ou des charges locatives. Et ce, pour les échéances survenant après le 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Les clauses du bail s’y opposant sont sans effet.

Hypothèse n° 1 : la pharmacie de moins de 600 k € de chiffre d’affaires (CA) HT ne peut plus payer ses loyers. « Les officines éligibles au fonds de solidarité le sont également de plein droit à la suspension temporaire des loyers et charges facturés, indique Elise Gadrey, directrice technique juridique de Fiducial. La demande doit être faite au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), accompagnée des documents justifiant l’application de ce dispositif. »

Hypothèse n° 2 : la pharmacie a un CA HT de plus de 600 k € mais ne peut plus payer ses loyers. Elle n’est pas éligible au fonds de solidarité car son résultat d’exploitation (en moyenne 10 % du CA HT) est supérieur à 60 k €. « Elle doit payer ses loyers, le non-paiement ou le retard entraînant l’application de la clause résolutoire et, par conséquent, la résiliation du bail », précise Elise Gadrey.

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Ce que peut faire le titulaire dans ces deux cas

– Une demande de délai de paiement ou d’aménagement des modalités de paiement incluant la non-application des pénalités de retard et la suspension des effets de la clause résolutoire est possible. La force majeure est-elle invocable ? « Oui, répond Elise Gadrey, mais il appartiendra aux juges de confirmer sa recevabilité, et ce, en fonction des clauses du bail qui préciseraient ou limiteraient le cas de force majeure. » Une première décision rendue en matière de droit des étrangers vient de qualifier un risque de contagion par le Covid-19 de circonstance exceptionnelle et insurmontable revêtant le caractère de la force majeure (Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098). Un autre argument d’ordre factuel est invocable : Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, a demandé aux acteurs économiques de faire preuve de solidarité entre eux. La demande doit être faite par LRAR.

– Une demande de révision du loyer à la baisse sur le fondement de la théorie de l’imprévision (art. 1195 du Code civil) peut être déposée. « L’imprévision permet de demander la renégociation du contrat à condition qu’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat ne rende l’exécution du contrat particulièrement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque », explique-t-elle. Cette demande n’entraîne pour le co-contractant aucune obligation de renégocier.

« Pour les contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er octobre 2016, la renégociation du contrat par avenant peut s’appuyer sur la théorie de l’imprévision si celle-ci n’a pas été écartée ou limitée par une clause du bail, poursuit la directrice technique juridique. Pour les contrats antérieurs au 1er octobre 2016, une clause autorisant la renégociation pour imprévision doit être expressément prévue au contrat. » La demande de renégociation fondée sur l’imprévision n’a pas d’effet suspensif. « Il est impératif de demander la suspension du paiement et des effets de la clause résolutoire pendant la période de négociation », recommande-t-elle. Cette demande doit être opérée à l’aide des services d’un avocat.