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© Getty Images
Grossesse et substituts nicotiniques : guide de dispensation à l’officine
Je questionne
Préciser la demande. « Vous voulez arrêter immédiatement et complètement ? C’est une bonne initiative ! », questionne la motivation et encourage la décision. « Envisagez-vous de voir un médecin ou un tabacologue ? », sonde les intentions et le besoin d’accompagnement.
Rechercher certains critères. « Combien de cigarettes fumiez-vous avant la grossesse ? Roulées ou manufacturées ? », « Puis-je vous poser quelques questions sur vos habitudes de fumeuse ? » : ces questions permettent d’introduire le test de Fagerström, qui évalue la dépendance et la titration du substitut.
Guider le conseil. « Avez-vous déjà arrêté de fumer avec un substitut ? Avec quel succès ? », « Avez-vous des nausées actuellement ? », orientent le choix.
Le contexte
On estime qu’en France, 30 % des femmes fumaient avant leur grossesse et que 16 % d’entre elles continuent au troisième trimestre (source : « Évolution de la consommation de tabac à l’occasion d’une grossesse en France en 2016 », BEH, 2018).
Le tabagisme durant la grossesse expose à un risque accru de grossesse extra-utérine, fausse couche, prématurité… Pour le fœtus : surrisque de déficit pondéral, perturbation de la croissance pulmonaire, mort fœtale in utero… Chez le nouveau-né : surrisque d’infections respiratoires, d’asthme, de mort subite, de troubles de l’apprentissage et de l’attention…
J’évalue
Le besoin d’accompagnement. Associé ou non à un traitement, l’accompagnement par un professionnel de santé a démontré son efficacité dans tous les cas. Chez la femme enceinte, la Haute Autorité de santé (HAS)1 recommande une prise en charge par un médecin, un tabacologue ou une sage-femme formée à la tabacologie, mais si la patiente le désire, le pharmacien peut l’accompagner.
La dépendance. Le test de Fagerström (réalisable sur le site Tabac Info Service) évalue la dépendance et oriente la conduite à tenir.
À noter : la femme enceinte a tendance à réduire sa consommation, mais à compenser en « tirant » davantage sur sa cigarette, ce qui maintient une toxicité identique. L’évaluation doit donc se faire sur la consommation antérieure à la grossesse.
Le besoin d’un traitement nicotinique de substitution (TNS). La HAS1 recommande en première intention une prise en charge psychologique et/ou comportementale pour les femmes enceintes. En pratique, un TNS est souvent nécessaire d’emblée, afin d’optimiser les chances du sevrage qui revêt un caractère urgent.
Je passe en revue
La substitution nicotinique
Principe. Les TNS apportent de la nicotine, absorbée plus lentement que celle de la cigarette, sans effet « shoot » et sans la toxicité du tabac. Ils soulagent des symptômes du sevrage et limitent le risque de rechute. La nicotine passe la barrière placentaire, mais aucun effet fœtotoxique n’a été observé avec ces traitements.
Objectifs. L’objectif principal est l’arrêt total le plus tôt possible et le maintien de l’abstinence après la grossesse. À défaut, ils peuvent aider à une réduction de la consommation de tabac, toujours bénéfique.
Prise en charge. Les TNS sont pris en charge à 65 % (100 % en ALD) sur prescription d’un médecin, chirurgien-dentiste, infirmier, kinésithérapeute ou d’une sage-femme.
Les patchs
Ils diffusent lentement la nicotine par voie transdermique pour atteindre une nicotinémie stable en 1 à 2 heures, sur 16 heures ou 24 heures (voir tableau).
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En pratique : coller dès le lever, par exemple sur la face externe du bras, de la fesse, de l’omoplate (surface plane), sur une peau sèche et glabre, en pressant quelques secondes. Laisser en place 24 heures ou retirer au coucher (patch 16 heures).
Les formes orales
La nicotine est absorbée au niveau de la muqueuse buccale avec une action rapide (en moins de 2 minutes) mais ponctuelle. L’utilisation du spray buccal, qui contient de l’alcool, nécessite un avis médical au cours de la grossesse.
Gommes à mâcher. Elles ont une durée d’action de 30 à 60 minutes. Les formes dosées à 2 ou 4 mg libèrent respectivement 1 ou 2 mg de nicotine biodisponible.
En pratique : mâcher une fois et placer contre la joue 5 à 10 minutes. Ensuite, alterner lentement mastication et pause (une mastication par minute) en replaçant la gomme dans des zones différentes.
Comprimés et pastilles à sucer. Dosés de 1 à 4 mg, ils libèrent la nicotine lors de la dissolution, avec une action limitée de 20 à 30 minutes.
En pratique : sucer le comprimé sans croquer en le déplaçant dans la cavité buccale, ou laisser fondre les formes sublinguales sous la langue ou entre la joue et la gencive.
Inhaleur. Dosé à 10 mg, il contient une cartouche avec un tampon imprégné de menthol et de nicotine. L’inhalation dépose des microgouttes de nicotine dans la cavité buccale.
En pratique : aspirer en adaptant la fréquence et l’intensité aux besoins. Utiliser la cartouche dans les 12 heures (évaporation de la nicotine).
Autre traitement
Le bupropion et la varénicline sont contre-indiqués au cours de la grossesse.
Je choisis
La forme
Il n’y a pas de preuve d’efficacité d’une forme par rapport à une autre, les préférences de la patiente guident le choix.
Quand les patchs sont choisis, leur association à des formes orales pour répondre à la demande aux envies impérieuses de fumer est jugée plus efficace que le patch seul.
Les patchs peuvent être préférés en cas de nausées ou de perturbations gustatives ou olfactives, fréquentes en début de grossesse. Les références actives sur 16 heures peuvent être conseillées pour éviter l’accumulation nocturne de nicotine. Tant que l’envie irrépressible de fumer persiste au lever, un patch actif sur 24 heures est néanmoins préférable.
Les formes orales sans sucre sont à privilégier, notamment en cas de diabète gestationnel et pour limiter le risque de caries, accru lors de la grossesse.
Le dosage
Le dosage initial est évalué de façon approximative, via le test de Fagerström, et selon l’équivalence : 1 mg = une cigarette manufacturée ou 1/2 cigarette roulée. Chez la femme enceinte, ces équivalences sont moins applicables, la cinétique de la nicotine étant modifiée par l’hémodilution (augmentation du volume sanguin). Une dose plus forte qu’en population générale peut donc être nécessaire pour un même effet. Ne pas céder au réflexe d’un « petit » dosage, qui favorise le risque d’échec, mais commencer par un dosage au moins adapté à la consommation antérieure à la grossesse.
La dose d’entretien est obtenue par ajustement selon les signes éventuels de surdosage (palpitations, céphalées, bouche pâteuse, diarrhée, nausées, vertiges…) ou de sous-dosage (insomnie, irritabilité, anxiété, persistance d’envies irrépressibles de fumer…). Paradoxalement, la dose d’entretien peut avoir tendance à augmenter au fil de la grossesse, en raison de l’hémodilution plus importante et de l’arrêt des nausées. Ces fluctuations peuvent être gérées par les formes orales à la demande. Attention également à maintenir une dose adéquate après l’accouchement, y compris si la femme allaite.
J’explique
« L’arrêt du tabac est bénéfique pour vous et votre enfant, d’autant plus s’il est rapide et total. Les substituts nicotiniques augmentent vos chances de succès en luttant contre l’envie de fumer. Même si leur conditionnement comporte un pictogramme de danger durant la grossesse, ils n’ont pas de toxicité démontrée pour le fœtus et leur recours est validé par les autorités de santé. Ils n’ont pas les effets néfastes du tabac et sont, dans tous les cas, préférables au fait de fumer. »
Je conseille
Contre les effets indésirables
Changer le lieu de pose du patch chaque jour pour limiter le risque d’irritation locale.
Mâcher les gommes très lentement et, de façon générale pour les formes orales, ne pas déglutir trop vite la salive, afin d’optimiser l’absorption buccale et de limiter le risque de nausées, hoquet, toux…
Adaptation
Surveiller les signes de surdosage ou sous-dosage pour adapter la dose. Ne pas attendre qu’une envie de fumer soit forte pour prendre un substitut oral.
Au quotidien
Les patchs peuvent être gardés sous la douche en évitant de diriger le jet sur l’adhésif. On ne pas doit l’enlever quand on « craque » pour une cigarette. Quand la dose d’entretien du patch est atteinte, éviter de changer de marque (bioéquivalence non garantie).
Boire suffisamment, manger des fibres (céréales complètes, légumes verts…) et faire de l’exercice régulièrement, en cas de tendance à la constipation lors du sevrage. Pour limiter la prise de poids éventuelle, prendre un TNS oral en cas de fringale et avant les repas.
1. « Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence en premier recours », Recommandations pour la pratique clinique, Haute Autorité de santé, 2014.
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