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![Regroupements de pharmacies : un levier contre la désertification ?](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/11/groupementpharmacie-1040x660.jpg)
© Getty Images - Green pharmacy electric sign outside.
Regroupements de pharmacies : un levier contre la désertification ?
Les regroupements de pharmacie se sont multipliés ces dernières années. Peuvent-ils constituer une partie de la solution pour lutter contre la désertification pharmaceutique en marche, avec les fermetures des petites officines qui ne trouvent plus preneur ? Éléments de réponse…
En mai 2022, Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône) a été le théâtre d’une restructuration du réseau officinal inédite. Les titulaires des quatre pharmacies installées dans cette ville de 9 000 habitants ont réalisé un regroupement qui ramène de quatre à deux le nombre d’officines. « Nous avons, avec l’aide d’un cabinet d’avocats, mis en place un montage juridique octroyant 25 % des parts des deux officines restantes aux quatre cotitulaires » explique Thibault Gautier, l’un des pharmaciens ayant participé à cette opération.
Soussane Baghdadi et sa fille Sabrina Lechat, deux pharmaciennes installées à Alès (Gard), sont, elles, à l’origine du regroupement de trois officines du centre-ville, les pharmacies d’Avejan, du Théâtre et Nouvelle du Gardon. Regroupement qui, à la suite d’un transfert, a donné naissance à la Grande pharmacie Lafayette du Centr’Alès dans un bâtiment de 500 m² niché dans un quartier venant d’être rénové. Si ce montage a été possible, c’est parce que les cinq associés partageaient le même constat : « À Alès, nous avons une Pharmabest, qui est l’une des plus grandes pharmacies de France avec ses 1 500 m² de surface de vente, confie Sabrina Lechat. Nos officines faisant 1,2 million d’euros, 600 000 euros et 800 000 euros de chiffre d’affaires, nous avions tous conscience qu’en restant isolés dans nos rues piétonnes, sans possibilité de stationnement, et dans un cœur de ville qui était en train de péricliter, l’avenir était loin d’être assuré. »
Les vertus des regroupements
À Port-Saint-Louis-du-Rhône, Thibault Gautier et ses trois cotitulaires ont fait sensiblement le même cheminement. « Nos officines étaient toutes les quatre situées dans la même rue, note le pharmacien. Nous étions donc en concurrence frontale. Tout le monde a compris que cette opération n’avait que des vertus. Elle allait nous permettre de gagner en confort d’exercice et d’harmoniser l’offre de services. » Deux ans après les regroupements, la pharmacie du Port affiche un chiffre d’affaires (CA) de 2,9 millions d’euros, la pharmacie du Stade un CA de 3,2 millions d’euros. « Nous n’avons pas enregistré de déperdition de clientèle ni de CA », se félicite Thibault Gautier. Avec mon associé, nous exerçons désormais dans une pharmacie qui a été rénovée et qui emploie une pharmacienne assistante, quatre préparatrices, une rayonniste et une secrétaire administrative. Nous avons également eu les moyens d’installer des robots dans les deux officines. » La concorde qui règne entre les quatre associés les a incités à rejoindre le même groupement : Totum Pharmaciens. « Nous avons aussi harmonisé les horaires d’ouverture pour que la pharmacie du Port, la plus petite en CA, ne soit pas pénalisée », ajoute Thibault Gautier.
Sabrina Lechat dresse, elle aussi, un bilan plus que positif de l’opération. « Avec le recul, sans ce regroupement, ma pharmacie aurait probablement fait faillite avec la Covid-19. Nous n’aurions également jamais pu faire 100 à 150 tests anti-Covid par jour au plus fort de la pandémie. Aujourd’hui, nous sommes plus grands, plus forts, et nous avons pu investir dans toutes les nouvelles missions. Le fait d’être trois cotitulaires permet aussi de se réserver des plages de repos et de tourner sur les gardes de nuit. C’est donc beaucoup plus confortable… » Cinq ans après son ouverture, la Grande pharmacie Lafayette du Centr’Alès enregistre un CA de 3,7 millions d’euros et près de 400 clients par jour. Elle emploie une quinzaine de collaborateurs.
Impact positif, mais…
Lorsqu’on lui demande si le regroupement a permis de préserver le maillage officinal, Sabrina Lechat répond par l’affirmative : « Il a eu un impact positif car, sans compliquer l’accès aux médicaments pour la patientèle, il a permis de restructurer le réseau dans le centre-ville où trop de petites pharmacies étaient les unes sur les autres. » Même son de cloche du côté de Thibault Gautier : « Sans ce double regroupement, il est probable qu’une pharmacie, et peut-être même deux, auraient fini par fermer leurs portes. On peut donc considérer que cette opération a permis de préserver le maillage en créant deux pharmacies plus solides, qui seront aussi plus facilement vendables grâce à des CA très corrects. » Les instances de la profession sont partagées sur l’impact des regroupements sur le maillage pharmaceutique. « Ils vont dans le sens de l’histoire, reconnaît Bruno Maleine, le président de la section A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens. Pour assumer les nouvelles missions, les officines doivent avoir des tailles plus importantes. Depuis maintenant plus d’une dizaine d’années, le nombre de regroupements semble s’être accéléré, et c’est un des leviers qui a contribué à la restructuration du réseau officinal. » Mais pour Bruno Maleine, l’impact sur le maillage officinal se mesure au cas par cas. « Dans un village où il y a deux officines, cela peut avoir du sens de mutualiser les structures et les équipes. Idem dans des communes où des officines ont été ouvertes par voie dérogatoire avant 1999, sans répondre à un réel besoin de la population. En revanche, lorsque deux pharmacies de villages voisins se regroupent, cela n’a pas la même incidence. Dans le Centre-Val de Loire, c’est ce qui s’est passé dans deux communes situées à une dizaine de kilomètres. Avec le regroupement, l’une des deux a perdu son officine, et ses habitants doivent désormais faire 20 kilomètres aller-retour pour se rendre à la pharmacie la plus proche. »
Regroupements : pas d’incidence sur le maillage ?
Philippe Besset estime, lui, que les regroupements n’ont aucune incidence sur le maillage. « Quand deux confrères installés se regroupent, c’est une bonne chose car la nouvelle officine sera plus forte et plus facilement cédable, à l’heure où de plus en plus de petites officines de campagne n’arrivent plus à trouver preneur, rappelle le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Mais cela ne joue pas sur le maillage. En revanche, lorsque le regroupement s’effectue entre deux pharmacies de villages voisins, c’est un problème pour le maillage puisque l’un des deux se retrouvera sans pharmacie. » Alain Grollaud, le président de Federgy, considère, lui aussi, que les regroupements ne sont pas adaptés aux pharmacies seules au village. « Dans ce cas de figure, les antennes de pharmacies, que nous défendons depuis plus de dix ans à Federgy, et qui sont en train d’être expérimentées dans plusieurs régions, constituent à nos yeux une alternative beaucoup plus intéressante, explique-t-il. Elles permettent de maintenir une présence pharmaceutique dans le village. » Cette position est partagée par l’Ordre, l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). La FSPF est, elle aussi, favorable aux antennes, « mais reste dubitative », tempère Philippe Besset.
Quid des subventions ?
La proposition formulée par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM) d’accorder une aide de 20 000 euros par an au bénéfice des pharmacies en difficulté sur des territoires dits fragiles, est accueillie plutôt favorablement par l’Ordre. « Mais ce n’est pas cela qui poussera les jeunes pharmaciens à venir s’installer sur ces territoires », nuance Bruno Maleine. Pierre-Olivier Variot, le président de l’USPO se montre, lui aussi, réservé. « Si ces 20 000 euros peuvent servir à financer l’achat ponctuel d’un véhicule pour faire de la dispensation à domicile ou d’une borne de téléconsultation, cela me convient car cela rendra la pharmacie plus autonome. Si c’est pour placer ces pharmacies sous perfusion afin d’améliorer leur EBE [excédent brut d’exploitation, NDLR], le jour où cette aide cessera d’être versée, elles fermeront. » Laurent Filoche, le président de l’UDGPO, ne cache pas, lui, son opposition de principe à une telle mesure. « À l’UDGPO, nous sommes pour que toutes les officines puissent vivre décemment de leur travail, pas qu’elles soient subventionnées. Si les petites pharmacies de village ferment, c’est parce qu’elles ne sont plus assez rentables. Et ce n’est pas en leur accordant 20 000 euros de subventions que l’on incitera des repreneurs à s’installer dans ces officines. La solution passe donc par une revalorisation des honoraires de dispensation. » « Pour renforcer l’attractivité des petites officines de village, il faudra aussi leur permettre de devenir des hubs de santé pour pallier l’absence de médecins généralistes, ajoute Pierre-Olivier Variot. Dans les territoires très ruraux, les pharmaciens sont, par exemple, souvent amenés à faire de la dispensation à domicile, de la téléconsultation, de la téléexpertise, des gardes… Il faut que ces services, qui prennent un temps fou, soient rémunérés à leur juste valeur, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui… », conclut le président de l’USPO.
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