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“J’ai un aphte sous la langue !”

Publié le 1 septembre 2024
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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1 Je questionne

Évaluer le contexte

« Quand sont apparus les aphtes ? Quel âge a le patient ? Avez-vous déjà essayé de soulager la douleur et, si oui, comment ? » anglent le conseil.

Évaluer les critères de gravité

« Y a-t-il un ou plusieurs aphtes ? Quelle est sa taille ? Où est-il situé ? Y a-t-il eu d’autres poussées cette année et, si oui, combien ? » évaluent la prise en charge.

Rechercher d’autres causes

« Prenez-vous un traitement actuellement ? Avez-vous constaté d’autres symptômes comme de la fièvre, des ganglions, une diarrhée, une perte de poids, des lésions ailleurs que dans la bouche ? Voyez-vous votre dentiste régulièrement ? » orientent vers une autre piste.

2 J’évalue

La prise en charge

Seules les lésions qui présentent les caractéristiques d’un aphte vulgaire relèvent de l’officine. Les autres formes (étendues, miliaires…), la récurrence des crises et/ou la présence de symptômes associés (fièvre, diarrhées.) doivent inciter à consulter (voir Le contexte ci-dessous). Idem si l’aphte saigne ou si la douleur ne diminue pas, ou empire après quelques jours (risque de surinfection).

La stratégie

Les aphtes bénins cicatrisant spontanément, la prise en charge est symptomatique, pour soulager la douleur, éviter la surinfection, protéger la plaie et ainsi favoriser la cicatrisation naturelle. Elle comprend :

→ des mesures hygiéno-diététiques le temps de la crise et pour prévenir les récidives éventuelles ;

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→ si besoin, un ou des traitements locaux, voire un traitement oral antalgique ou modificateur de terrain.

3 Je passe en revue

Éviter les surinfections

Les antiseptiques(chlorhexidine, hexétidine…) en bain de bouche (Pluviax, Hexétidine Conseil, Hextril, Paroex…) ou associés à des anesthésiques locaux ont un effet antalgique mais surtout préventif des éventuelles surinfections.

Le lysozyme en comprimé à sucer est une enzyme naturelle à action antibactérienne et immunostimulante, associé à la pyridoxine (forme active de la vitamine B6, à action cicatrisante dans Lyso 6) ou à la chlorhexidine et à un anesthésique local (dans Cantalène).

Soulager localement

Antalgiques. Les salicylés (acide salicylique, choline salicylate…), antalgiques et anti-inflammatoires, se présentent en gel ou solution buccale pour application locale et sont réservés à l’adulte : Pyralvex (associé à des extraits de rhubarbe), Pansoral…

Anesthésiques locaux (tétracaïne, lidocaïne…). Ils permettent un soulagement rapide mais passager. En gel ou solution gingivale (Dynexangival, associé à du sulfate de zinc astringent dans Aftagel…), en pastilles à sucer associées à un antiseptique (Strepsil Lidocaïne, Drill, Humex Mal de gorge…), en collutoire pour une action ciblée (StrepsilSpray Lidocaïne, Eludril…). Ils sont réservés aux personnes de plus de 6 ans, voire à l’adulte selon références.

Filmogènes. À base de carboxyméthylcellulose, d’extraits de tamarin, de stévia, de mauve, d’acide hyaluronique… ils forment un film bioadhésif isolant qui protège, soulage et stimule le processus de cicatrisation. En gel, spray, bain de bouche : Aphtofix, Elgydium Clinic Cicalium, Gum AftaClear, Orosedal, Oroben, Bloxaphte, AphtAvea, Borostyrol, Hyalugel, Hyalugel Ado, Hyalugel Forte, Urgo Spray lésions buccales, SyntholOral…

Phyto-Aromathérapie

Certaines plantes et produits de la ruche sont traditionnellement utilisées pour leurs actions apaisantes, purifiantes et/ou cicatrisantes, notamment la camomille (Elgydium Repair Gel buccal, gamme SyntholOral…), la sauge (Weleda Gel gingival…), l’aloe vera (gamme AphtAvea…), la propolis (Pluviax Bain de bouche…), la rhubarbe (Pyralvex…), le calendula (teinture mère Boiron, Weleda…), les échinacées (Boceal Spray buccal…), le miel en application locale.

Les huiles essentielles de laurier noble, tea tree ou encore clou de girofle sont traditionnellement conseillées en unitaire pour application locale (1 goutte sur un coton-tige imbibé d’huile végétale) ou en formule (Buccarom Gel bucco-dentaire Pranarom…).

Par voie orale

Antalgiques. Privilégier le paracétamol pour sa tolérance à dose efficace la plus faible et sur la période la plus courte possible (< 5 jours sans avis médical).

Oligo-éléments. L’argent est notamment utilisé comme modificateur de terrain (Granions d’argent, réservés à l’adulte, 2 à 3 par jour durant la crise). Homéopathie. Borax et Mercurius solubilis, 5 granules de chaque en alternance 3 fois par jour, ou en spécialité en comprimés à sucer (Homéoaftyl).

4 Je choisis

Selon l’âge. Pas de produits contenant de l’alcool chez l’enfant et pas de bain de bouche, de comprimé à sucer, d’anesthésique local (risque de s fausse route), de produits contenant des dérivés terpéniques (menthol, par exemple, exposant à un risque de convulsion) avant 6 ans. Certains filmogènes sont utilisables dès 24 ou 30 mois (Bloxaphte Junior, AphtAvea, AftaClear, SyntholOral gel…).

Femme enceinte. Pas de produits contenant de l’alcool, de dérivés terpéniques. Éviter les huiles essentielles. Selon le Centre de référence des agents tératogènes (Crat), les anesthésiques locaux peuvent être utilisés. Privilégier un filmogène ou l’homéopathie (hors teinture mère, alcoolisée).

Douleurs intenses. Un anesthésique local éventuellement associé à un antalgique local.

Associations. Un antiseptique en bain de bouche ou comprimé à sucer, actif sur toute la cavité buccale, peut être associé pour une action complémentaire à un traitement local ciblé, en veillant à ne pas multiplier les molécules antiseptiques pour limiter le risque de déstabilisation de la flore.

5 J’explique

Le traitement soulage en attendant la cicatrisation naturelle de l’aphte. Si celle-ci n’intervient pas dans les deux à trois semaines, si la douleur s’accentue ou si d’autres lésions ou d’autres symptômes apparaissent, notamment ganglions et fièvre, il faut consulter le médecin. De même si les épisodes se répètent de façon rapprochée.

6 Je conseille

À propos des traitements. Leur utilisation doit être de courte durée, maximum 5 jours en respectant les posologies. Les gels s’appliquent en massage, les solutions à l’aide d’un pinceau ou d’un coton-tige. Ne pas appliquer d’anesthésique local juste avant un repas (risque de fausse route). Ne pas se rincer la bouche après application d’un traitement local et éviter de manger ou de boire dans l’heure suivante.

Règles hygiéno-diététiques. Une bonne hygiène buccodentaire évite les surinfections : au moins deux brossages par jour, avec une brosse à dents souple pour éviter d’irriter la muqueuse, et le passage quotidien de fil dentaire. Privilégier un dentifrice sans lauryl sulfate de sodium (agent moussant irritant) tel que Zendium, Gum Activital, Fluocaril Junior… Limiter les aliments irritants ou acides (épices, tomate, vinaigre…), privilégier les plats froids et mous (yaourts, glaces…). L’aphte, non infectieux, n’est pas contagieux, même via un baiser.

Prévenir les récidives. Rechercher et limiter les aliments potentiellement déclencheurs, maintenir les règles d’hygiène buccodentaire, consulter régulièrement son dentiste pour détartrer les dents et ajuster les prothèses éventuellement traumatisantes. Sans oublier de limiter les facteurs de stress.

Le contexte

L’aphte buccal est une ulcération douloureuse jaunâtre, ovale ou ronde à bords réguliers, entourée d’un halo inflammatoire érythémateux.

→ La forme commune ou « vulgaire », très fréquente, se caractérise par une ou plusieurs lésions de 1 à 10 mm, siégeant de préférence sur la muqueuse des lèvres, des joues ou sous la langue, plus rarement sur le palais ou les gencives. Bénigne, elle guérit spontanément en une dizaine de jours. Son origine reste inconnue mais des facteurs favorisants sont rapportés, comme des aliments (noix, agrumes, fromages à pâte cuite…), le stress, les variations hormonales (grossesse, règles, puberté…).

→ D’autres formes existent comme l’aphtose géante (lésions > 1 cm), herpétiforme ou miliaire (plusieurs dizaines de lésions conluentes), la cicatrisation pouvant être plus longue, voire laisser des séquelles. L’aphtose récidivante est la répétition pluriannuelle des poussées (en moyenne plus de 4 à 6 par an). Toutes doivent faire rechercher une cause sous-jacente : anémie par carence en fer, en folates ou vitamine B12, maladie de Behçet, neutropénie, iatrogénie (AINS, bêtabloquants, nicorandil, traitements anticancéreux…), maladies inlammatoires chroniques de l’intestin, maladie cœliaque, immunodéficience, soins dentaires défectueux…

→ Des signes associés peuvent également orienter vers un diagnostic différentiel : fèvre, adénopathies (faisant orienter vers une stomatite récidivante à herpès-virus, un syndrome pied-main-bouche…), induration (affection tumorale), ulcérations conjointes des organes génitaux et uvéite (maladie de Behçet), perte de poids (maladie cœliaque).