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La maladie d’Alzheimer

Publié le 1 septembre 2024
Par Maïtena Teknetzian
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La maladie d’Alzheimer est la maladie neurodégénérative la plus fréquente. Un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée et personnalisée visent à préserver le plus longtemps possible l’autonomie du patient et à soutenir l’aidant.

La maladie

Définition

• La maladie d’Alzheimer est une affection neurodégénérative du système nerveux central, entraînant une détérioration progressive et durable des fonctions cognitives ainsi que des troubles de l’humeur et du comportement. Elle doit son nom au psychiatre et neurologue allemand Aloïs Alzheimer, qui a été le premier à décrire cette pathologie en 1906.

• C’est le plus fréquent des troubles neurocognitifs majeurs du sujet âgé(70 % des cas), devant la démence vasculaire. En France, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées concerneraient 1,2 million de personnes. Les estimations actuelles portent ce chiffre à plus de 2,2 millions en 2050.

Physiopathologie

Des dépôts anormaux de protéines

La maladie dAlzheimer est caractérisée par l’apparition de deux types d’anomalies dans le cerveau : d’une part des plaques séniles (dépôts extraneuronaux constitués de protéine bêta-amyloïde A4), toxiques pour les neurones ; et d’autre part des dépôts intracellulaires de protéine Tau. Normalement constitutive du cytosquelette des cellules, la protéine Tau, phosphorylée dans la maladie dAlzheimer, désorganise la structure des neurones et concourt à la mort neuronale. Ces lésions sont déjà présentes depuis de nombreuses années dans le cerveau (environ quinze ans) quand les premiers symptômes apparaissent.

Un excès de glutamate

La présence en excès de glutamate (neuromédiateur excitateur) serait toxique pour les neurones et déclencherait les processus de phosphorylation de la protéine Tau.

Une insuffisance en acétylcholine

Ces anomalies concernent initialement les neurones cholinergiques de l’hippocampe, zone du cerveau impliquée dans les processus mnésiques (enregistrement, restitution et organisation des souvenirs) puis s’étendent progressivement au système limbique (régulant les émotions, l’appétit et le sommeil) et au cortex (commandant les fonctions cognitives et executives).

Facteurs de risque

La cause de la dégénérescence neuronale n’est pas exactement identifiée à ce jour, mais certains facteurs sont reconnus. La maladie d’Alzheimer est une pathologie multifactorielle complexe.

L’âge

L’âge est le principal facteur de risque. La maladie dAlzheimer touche en effet 0,5 % des personnes de moins de 65 ans, 2 à 4 % des plus de 65 ans et 20 % des plus de 80 ans.

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Autres facteurs

Des facteurs socioculturels (un faible niveau d’études) ou environnementaux (consommation d’alcool, tabagisme) ou encore certains facteurs de risques cardiovasculaires comme l’hypertension artérielle non contrôlée, les dyslipidémies et le diabète de type 2 non équilibré, ainsi que plusieurs épisodes de dépression majeure non traités ou le sexe (les femmes sont deux fois plus souvent atteintes que les hommes) jouent un rôle dans la survenue de la maladie. Par ailleurs, l’absence d’activité physique serait associée à une augmentation de la fréquence de survenue de la maladie et les microtraumatismes crâniens (survenant chez les boxeurs ou les joueurs de rugby) pourraient aussi constituer un facteur de risque.

Prédisposition familiale

Certains facteurs génétiques expliqueraient une prédisposition familiale : lorsqu’un parent du premier degré est atteint, le risque de développer la maladie est multiplié par 1,5 et par 2 si deux le sont (voir Info+ ci-contre).

Signes cliniques

La maladie dAlzheimer affecte les fonctions cognitives et se traduit par des troubles de la mémoire, du langage, de l’orientation, une difficulté à organiser sa pensée en raisonnement, menant petit à petit à une perte d’autonomie. Des troubles de l’humeur et du comportement s’y associent.

Troubles de la mémoire

• À court terme: ils font partie des premiers signes à apparaître. Par exemple, le patient ne se souvient plus de l’endroit où il a rangé ses clés ou son téléphone, où il a garé sa voiture et ce, d’une façon répétée, qui entraîne une gêne dans la vie quotidienne.

• À long terme: préservée au début, la mémoire à long terme est ensuite concernée par les troubles mnésiques affectant la mémoire épisodique (relative aux événements, aux souvenirs personnels du patient), sémantique (relative aux connaissances apprises et liée au niveau d’études) et procédurale (relative à certains gestes faits quasi automatiquement après un apprentissage comme tricoter, faire du vélo, conduire…).

Troubles des fonctions executives

Il s’agit de la perte de la capacité à adapter son comportement à un contexte donné. Le patient a des difficultés d’organisation et de planification qui le perturbent dans la réalisation de certaines tâches comme tenir son agenda, gérer sa prise de médicaments, préparer une valise, prendre les transports, se servir de son téléphone, remplir un chèque, préparer un repas…

Syndrome aphaso-apraxo-agnosique

• L’aphasie correspond à des troubles du langage dus à la perte de certains mots de vocabulaire, même courants. Le patient cherche ses mots et a du mal à comprendre et à tenir une conversation.

• L’apraxie est un trouble de la coordination motrice qui rend difficiles les actes de la vie quotidienne.

• L’agnosie est la difficulté à reconnaître les objets courants ou les visages (on parle de prosopagnosie) de personnes célèbres dans un premier temps puis de proches. De la même façon, le patient ne reconnaît pas ses troubles et donc ne se reconnaît pas comme étant malade (on parle d’anosognosie).

Désorientation spatiotemporelle

Le patient a du mal à se repérer dans le temps (il ne sait pas quel jour on est, ne se repère pas dans la saison et/ou l’année, peut confondre le matin et le soir) puis dans l’espace (il peut se perdre sur des trajets familiers).

Troubles de l’humeur et du comportement

• Anxiété, irritabilité, agitation, insomnie, dépression et apathie se manifestent souvent dès le début de la maladie et sont notés par l’entourage du patient. Ils sont non seulement dus aux atteintes neuronales, mais sont aussi l’expression d’une réaction aux troubles cognitifs.

• Une agitation motrice avec un besoin de déambulation (comportement répétitif de marche et de déplacements incessants) peut survenir, notamment en cas d’anxiété ou en réaction à une situation vécue comme un enfermement, comme la mise en institution.

• Des hallucinations visuelles, auditives et même tactiles, difficiles à traiter, peuvent survenir.

Diagnostic

Importance du diagnostic

D’après la Haute Autorité de santé (HAS)(1), « l’accès au diagnostic reste encore insuffisant. Les cas sont sous-diagnostiqués ou diagnostiqués à un stade évolué de la maladie. La question du diagnostic étiologique ne se poserait souvent qu’au moment où une entrée en institution est envisagée ».

Or, le diagnostic doit être le plus précoce possible et peut être réalisé sans attendre un stade démentiel. Il va permettre d’anticiper les stades avancés de la maladie, de préserver la qualité de vie, et d’aider l’entourage à mieux comprendre les changements de comportement du patient.

Certains signes peuvent alerter et faire suspecter des troubles cognitifs devant orienter le patient vers son médecin traitant ou une consultation mémoire de proximité en établissement de santé (dont la liste est disponible sur le site de la Fondation Médéric Alzheimer : Annuaire-med-alz.org/) afin de permettre un diagnostic précoce : perte itérative d’objets, oubli de rendez-vous ou d’événements récents, sautes d’humeur inhabituelles, perte de la notion du temps, perte de motivation, remplacement dans la conversation d’un mot par un autre, conduite automobile dangereuse, port de vêtements inadaptés au temps qu’il fait…

Une démarche graduée

Le diagnostic dAlzheimer se construit en plusieurs étapes. Les premiers tests peuvent être effectués par un médecin généraliste.

• Le Mini-Mental State Examination(MMSE, ou test de Folstein) est un test simple qui explore les fonctions cognitives grâce à différentes questions ou exercices (capacité à retenir trois mots durant quelques minutes, capacité de calcul et d’exécution d’ordres simples, orientation dans le temps et l’espace, capacité à écrire une phrase comportant au moins un sujet et un verbe…). Le diagnostic ne doit toutefois pas reposer sur ce seul test dont le résultat peut être faussé, notamment par le niveau socioculturel du patient, le stress, ou en cas de dépression sévère.

• Le test de l’horloge est un autre test court consistant à faire dessiner au patient un cadran de montre et à y indiquer une heure précise. Il permet de tester la mémoire sémantique et les fonctions exécutives.

• Les diagnostics différentiels : une hypothyroïdie ou un déficit en vitamine B12, une anémie, une hyperglycémie ou une dépression doivent être recherchés afin d’éliminer une autre étiologie.

• Les examens complémentaires : si les diagnostics différentiels sont exclus, le médecin généraliste oriente le patient vers une consultation mémoire pour confirmer le diagnostic de trouble neurocognitif et apprécier son autonomie (toilette, habillage, courses, confection des repas, prise des médicaments, utilisation du téléphone et des moyens de transport, gestion du budget), au moyen de l’échelle IADL (Instrumental Activities of Daily Life).

L’IRM met en évidence une atrophie hippo-campique et permet d’exclure d’autres diagnostics (comme la démence à corps de Lewy ou une démence vasculaire).

Un bilan neuropsychologique complet basé sur une batterie de tests durant trois heures permet d’apprécier la mémoire, le langage, l’orientation, la reconnaissance des objets et des personnes, le raisonnement et l’humeur du patient.

Pour les cas les plus complexes (patients de moins de 65 ans, symptomatologie atypique, formes rapides), une ponction lombaire permet de mesurer trois marqueurs de la maladie dans le liquide cérébrospinal : la protéine bêta-amyloïde A4, les protéines Tau et Tau phosphorylée.

Complications de la maladie

Évolution

L’évolution et la vitesse de progression de la maladie varient d’un patient à l’autre. La maladie évolue en effet sur plusieurs années et s’exprime différemment selon les personnes : certains symptômes pouvant être très marqués dès le début ou au contraire rester longtemps discrets.

Si la maladie dAlzheimer n’est pas directement mortelle, les complications liées à la maladie comme la dénutrition, les fausses routes ou les chutes consécutives à l’apraxie peuvent avoir des répercussions sur l’espérance de vie des patients. En moyenne, le décès survient huit à douze ans après l’apparition des symptômes.

Répercussions sur l’aidant

La majorité des malades vivent avec leur conjoint, leur fille ou leur bru (75 % des aidants enfants sont des femmes). On compte en France environ quatre millions d’aidants de personnes atteintes par la maladie dAlzheimer. L’âge moyen des aidants est de 76 ans. 70 % des aidants conjoints et 50 % des aidants enfants consacrent plus de six heures par jour au malade.

La durée moyenne de l’aide avant une mise en institution est de six ans. Être l’aidant d’une personne souffrant de troubles cognitifs représente une charge physique et psychologique très lourde (voir Info+ page ci-contre).

La fonction d’aidant est reconnue comme un facteur de risque de dépression (risque multiplié par trois selon l’étude Beeson de 2003), de défaut de résistance aux infections et même de décès prématuré (surmortalité de l’aidant de 63 % dans les quatre premières années selon l’étude Schulz and Beach de 1999).

Suivi

Un suivi global

Le suivi du patient est pluridisciplinaire (neurologue, psychiatre, gériatre, médecin traitant, orthophoniste, ergothérapeute, kinésithérapeute, psychomotricien, psychologue, infirmière.) pour apprécier ses besoins et maintenir le plus longtemps possible son autonomie. Des programmes d’éducation thérapeutique sont notamment proposés par l’association France Alzheimer Pour améliorer la prise en charge à domicile, le patient peut bénéficier de trois visites médicales longues par an (consultations réalisées au domicile par le médecin traitant permettant de mieux évaluer les besoins du patient et ajuster les aides nécessaires).

La capacité à la conduite automobile doit être appréciée (et la conduite interdite si le patient n’est pas jugé en capacité). De même, la capacité à gérer les finances est évaluée et des mesures de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle simple et renforcée, tutelle) éventuellement prises.

Le patient doit également bénéficier d’un suivi ophtalmique et auditif afin de corriger les déficiences sensorielles qui pourraient aggraver les troubles cognitifs et sensoriels. Au comptoir, l’équipe officinale doit vérifier que le patient fait bien l’objet d’un tel suivi.

Surveillance des traitements

La tolérance et l’efficacité des traitements médicamenteux des troubles cognitifs (anti-cholinestérasiques ou antagonistes NMDA) doivent être appréciées après six mois (MMSE, surveillances du poids et cardiaque notamment) et la pertinence du maintien du traitement discutée. Au bout d’un an de prescription, une nouvelle évaluation est nécessaire.

Son traitement

Principe de la prise en charge

La prise en charge, multidisciplinaire, ne s’appuie pas sur l’usage de médicaments spécifiques de la maladie (lesquels ne sont plus recommandés par la HAS du fait de leur efficacité modeste et de leurs effets indésirables, notamment cardiaques, et ne sont plus remboursés depuis 2018), mais sur des thérapies comportementales et adaptatives, qui visent à compenser le handicap, préserver les compétences restantes et maintenir le plus longtemps possible l’autonomie et le bien-être du patient. La prescription peut cependant être envisagée chez certains patients, en évaluant la pertinence au cas par cas.

Thérapies non médicamenteuses

Indispensable pour préserver au mieux le fonctionnement cognitif, psychologique, physique et social, la prise en charge non médicamenteuse est au centre de l’accompagnement des patients atteints de la maladie dAlzheimer. Elle fait intervenir différents professionnels : orthophoniste, ergothérapeute, kinésithérapeute, psychomotricien, éducateur sportif, psychologue…

Il existe différentes interventions non médicamenteuses comme l’activité physique adaptée, des thérapies basées sur l’art, la musique ou la danse, le jardinage, des interventions assistées par l’animal, des mesures de stimulation cognitive ou multisensorielle. Elles permettent de stimuler l’attention, les fonctions exécutives, les fonctions motrices, en particulier la motricité fine (notamment l’art thérapie), d’améliorer Equilibre et l’orientation spatiale (danse-thérapie) et temporelle (ateliers de stimulation cognitive, de réminiscence), de mobiliser des savoir-faire (hortithérapie, bricolage, cuisine, art-thérapie), de favoriser les émotions, de stimuler le langage, d’améliorer la communication verbale et non verbale et l’humeur du patient et de déclencher des souvenirs autobiographiques. La stimulation multisensorielle concerne la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat et le toucher, et favorise la relaxation. La thérapie par la réminiscence consiste à faire parler le patient de ses expériences passées à l’aide de photos, vidéos, chansons ou dobjets personnels.

Les interventions non médicamenteuses peuvent être proposées à titre individuel ou collectif à des patients institutionnalisés ou non. Pour les patients vivant à domicile, les thérapies peuvent être pratiquées dans le cadre d’un accueil de jour ou d’une halte relais, ou même au domicile dans le cadre d’une prescription d’intervention d’une équipe spécialisée Alzheimer (ESA). Cette dernière permet d’assurer l’intervention d’un ergothérapeute, d’un psychomotricien ou d’un assistant de soins en gériatrie qui se déplacent au domicile et y amènent du matériel : tablette tactile et jeux de société pour les exercices cognitifs, plots, ballons, élastiques pour les exercices physiques… Quinze séances annuelles peuvent être intégralement prises en charge par l’Assurance maladie.

Traitements médicamenteux

Traitement des troubles cognitifs

Les anticholinestérasiques

• Molécules : donépézil, galantamine, rivas-tigmine.

• Mode d’action : ils inhibent l’acétylcho-linestérase, enzyme détruisant physiolo-giquement l’acétylcholine dans les fentes synaptiques. Ils visent donc à augmenter les taux cérébraux d’acétylcholine, neuromédiateur impliqué dans les processus mnésiques.

• Indications : formes légères à modérément sévères de la maladie dAlzheimer

Effets indésirables : les plus fréquents sont les troubles digestifs (nausées, diarrhées, vomissements) avec risque d’anorexie et de perte de poids, rhume, hyperhidrose (voir Dico+ page ci-contre) et incontinence urinaire, hallucinations, confusion et vertiges ; plus rarement, des troubles neurologiques à type de convulsions ou de syndrome extrapyramidal (voir Dico+), mais aussi risque de bradycardie sinusale, d’allongement de l’intervalle QT à l’électrocardiogramme (notamment avec le donépézil) et de torsades de pointe (voir Dico+), justifiant la réalisation d’un ECG avant l’initiation du traitement et régulièrement pendant celui-ci. La rivastigmine peut en outre être responsable de réactions d’hypersensibilité cutanée.

• Contre-indications : la galantamine est contre-indiquée en cas d’insuffisance hépatique sévère ou de clairance de la créatinine < 9 ml/min.

• Législation : prescription initiale réservée aux neurologues, gériatres ou psychiatres, valable un an.

Les antagonistes des récepteurs NMDA

• Molécule : mémantine.

• Mode d’action : la mémantine bloque les récepteurs NMDA du glutamate et module les effets délétères sur les neurones d’un niveau excessif de glutamate dans le cerveau.

• Indications : formes modérées à sévères de la maladie d’Alzheimer.

• Effets indésirables : vertiges, hallucinations et confusions, somnolence, constipation et troubles vasculaires (hypertension et, plus rarement, thrombose veineuse).

• Législation : prescription initiale réservée aux neurologues, gériatres ou psychiatres, valable un an.

Traitement des troubles comportementaux

Les médicaments anticholinergiques (antidépresseurs imipraminiques, neuroleptiques phénothiaziniques, hypnotiques anti-histaminiques) sont à proscrire en raison non seulement de leurs effets indésirables sur les fonctions cognitives, mais aussi d’un risque d’interaction par antagonisme avec les médicaments anticholinestérasiques.

Les benzodiazépines à demi-vie longue sont également à proscrire du fait de leurs effets indésirables (risque prolongé de somnolence diurne, faiblesse musculaire, troubles mnésiques).

En cas de troubles du sommeil, il est préférable d’agir par des moyens non médicamenteux (exposition suffisante à la lumière en journée, limiter le temps de la sieste, promouvoir une activité physique…).

En cas de dépression, les antidépresseurs sérotoninergiques seront privilégiés. En cas d’hallucinations, une prise en charge psychocomportementale est indiquée en première intention.

Traitements à l’étude

Les recherches se portent notamment sur des anticorps monoclonaux anti-amyloïdes. L’aducanumab a reçu une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis mais, face à des résultats controversés, l’Agence européenne n’a pas suivi. Actuellement, des essais cliniques avec le lecanemab et le donanemab montrent des résultats prometteurs.

Les conseils aux patients

Traitements

Modalités d’administration

• Le donépézil se prend de préférence le soir au coucher.

• Les gélules de galantamine s’administrent en une prise de préférence le matin au petit-déjeuner.

• La solution buvable de galantamine, ainsi que les gélules et la solution buvable de rivastigmine

s’administrent matin et soir au cours des repas.

• Les patches de rivastigmine s’appliquent sur une peau propre, sèche, non lésée et glabre. Ils ne peuvent être découpés. Varier les sites d’application lors des changements de patch. Privilégier le dos, les bras ou la poitrine, mais éviter les seins. On observe une diminution de la biodisponibilité en cas d’application sur la cuisse ou le ventre. Les patches contiennent de l’aluminium et doivent être retirés avant une IRM (risque de brûlure).

• La mémantine s’administre en une seule prise quotidienne, toujours à la même heure, indifféremment pendant ou en dehors des repas.

Automédication

L’automédication est à déconseiller car elle peut aggraver les troubles cognitifs et les risques d’interaction avec les traitements de la maladie d’Alzheimer. Attention en particulier aux médicaments aux propriétés anticholinergiques contenues dans des spécialités disponibles sans ordonnance à visée antiémétique (diménhydrinate, diphénhydramine, méclozine, métopimazine), antirhume (chlorphéniramine, phéniramine, triprolidine), antitussive (oxomémazine) ou sédative (doxylamine).

Attention également aux laxatifs stimulants (bisacodyl, picosulfate et docusate de sodium, séné, cascara, bourdaine.) susceptibles d’entraîner une hypokaliémie qui majore le risque de survenue de torsades de pointe en cas de bradycardie notamment liée aux anticholinestérasique. Une vigilance s’impose également avec les laxatifs lubrifiants (huile de paraffine) qui sont contre-indiqués en cas de troubles de la déglutition.

Vie quotidienne

Donner des repères

Du fait de la désorientation spatiotemporelle, il est important de garder des horaires réguliers pour la toilette, les repas, le lever et le coucher. Il est recommandé de maintenir un itinéraire constant pour les promenades et de veiller à ce que les objets et les meubles restent à la même place dans la maison.

La mise en place de repères spatiotemporels est utile pour aider le patient à s’orienter et le rassurer : post-it de couleur rappelant les heures de visite des différents intervenants ou l’heure des repas, messages vocaux avec la voix de l’aidant, horloges parlantes pour donner l’heure, etc.

Maintenir l’autonomie

Afin de faciliter le quotidien, en l’adaptant au stade de la maladie et aux capacités du patient, il est conseiller de préparer les objets nécessaires à la toilette à l’avance, privilégier une garde-robe pratique et facile à mettre (éviter les chemises à boutons et les souliers à lacets), mais aussi laisser au patient l’autonomie de choisir ses vêtements (tout en limitant son choix pour ne pas le mettre en difficulté) en lui proposant deux tenues différentes, présenter les vêtements dans l’ordre de l’enfilage pour aider au séquençage de l’action, aider le patient à confectionner un repas en sortant les ustensiles et les ingrédients au fur et à mesure de la recette… Il est important de laisser au patient le temps de faire les choses par lui-même (l’habillage peut prendre trois fois plus de temps qu’à l’accoutumée). L’aidant ne doit pas chercher à faire à la place du malade, mais au contraire le laisser faire pour stimuler ses capacités.

Sécuriser l’environnement

Le domicile doit être (ré)aménagé avec l’aide d’un ergothérapeute afin de sécuriser l’environnement pour éviter les chutes et les accidents domestiques. L’entourage doit notamment être sensibilisé concernant certaines situations à risque comme une cuisinière à gaz ou des produits ménagers toxiques laissés à portée de main, des sanitaires inadaptés, des tapis mal fixés, des escaliers sans rampe de sécurité.

Alimentation

Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont fréquemment sujettes aux troubles de la déglutition, liés à l’apraxie.

• Pour prévenir les fausses-routes, il faut veiller à ce que le patient soit assis, dos droit, tête penchée en avant (l’épiglotte obture ainsi l’entrée de la trachée). La tête ne doit pas être penchée en arrière, ni en hyperextension.

• Privilégier les textures molles. Les aliments en petits morceaux et les textures filandreuses sont à éviter. Préférer les saveurs acides et salées (le sucré semble favoriser les fausses routes).

• Éviter les boissons tièdes. Privilégier les boissons chaudes, froides ou glacées, les eaux gazeuses ou aromatisées qui stimulent le réflexe de déglutition. En cas de troubles de déglutition aux liquides, gélifier l’eau (Magic Mix, Gelodiet).

• Utiliser une petite cuillère ou un verre avec une paille coudée qui favorise le bon positionnement de la tête.

Communication

Pour mieux communiquer avec le malade, certains conseils sont à prodiguer à l’aidant et à l’entourage du patient.

• Pour entrer en communication avec le malade, commencer par établir un contact visuel (en le regardant droit dans les yeux) ou tactile (par exemple en lui prenant la main doucement) ; lui sourire, se placer en face de lui, se mettre à son niveau (se baisser ou s’agenouiller si le patient est assis ou s’il est en fauteuil roulant, afin qu’il n’ait pas l’impression d’être dominé par son interlocuteur).

• Se présenter ou éventuellement rappeler qui on est ; rappeler au malade ce qu’on vient l’aider à faire (habillage, toilette, préparation ou prise d’un repas…).

Parler lentement, utiliser des phrases courtes avec du vocabulaire simple (mais pas enfantin), privilégier les questions à réponses fermées (auxquelles le patient peut répondre simplement par oui ou non) ; donner une information (ou poser une seule question) à la fois.

• Laisser au patient le temps de répondre sans essayer de répondre à sa place ; si le patient ne répond pas, observer sa réaction pour essayer de comprendre s’il répond par l’affirmative ou la négative.

• Utiliser la gestuelle pour rendre plus facile la transmission d’une information, désigner les objets dont on parle ou que l’on souhaite voir utiliser par le patient : par exemple, pour lui proposer de boire de l’eau, lui montrer le verre voire lui remettre en main ; de même, lui demander de montrer ce qu’il cherche à dire (il peut ainsi désigner une fenêtre qu’il souhaiterait que l’on referme, une carafe d’eau parce qu’il a soif, un gilet qu’il voudrait mettre sur les épaules…).

• Faire attention au timbre de la voix et à ses propres mimiques car le patient peut ressentir le non verbal. Ne pas hausser la voix et s’efforcer de rester patient, ne pas manifester d’agacement lorsque le patient pose plusieurs fois la même question à laquelle on a déjà répondu.

Gestion des déambulations

• Éviter de s’opposer à la déambulation car les situations de contrainte majorent le trouble. Suggérer plutôt une activité faisant diversion. S’efforcer de rechercher un facteur qui pourrait expliquer ce comportement (anxiété, non prise en compte de certains besoins comme la faim, la soif, l’envie d’uriner…) et le corriger.

• Promouvoir l’éveil diurne pour ne pas inverser le nycthémère (alternance jour/nuit) et éviter les sorties nocturnes.

• Mettre en place un système pour identifier le patient au cas où il se perdrait : bracelet, étiquettes cousues dans les vêtements comportant le numéro de téléphone de l’aidant (pour les patients à domicile) ou les coordonnées de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Soutenir l’aidant

Prévenir son épuisement

L’épuisement de l’aidant doit être prévenu car il peut malheureusement conduire à la maltraitance du malade.

Les plateformes d’accompagnement et de répit ont pour vocation la prévention de l’épuisement et de l’anxiété des aidants. Outre un soutien psychologique, elles proposent à ces derniers des solutions de répit comme des aides à domicile (garde de nuit, par exemple), l’accueil de jour (qui permet en outre au patient de bénéficier d’activités de stimulation cognitive et sensorielle), l’accueil de nuit ou l’hébergement temporaire en établissement. Les associations de patients ou les centres locaux d’information et de coordination gérontologiques (CLIC) ou encore le portail web pour-les-personnes-agees.gouv.fr de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) donnent des informations et les adresses de telles structures, ainsi qu’une expertise utile pour une prise en charge graduée.

Soutien financier

La maladie dAlzheimer est reconnue au titre d’affection de longue durée (ALD) permettant une prise en charge à 100 % des examens et des soins en rapport avec la pathologie. L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) délivrée par le Conseil général du département du patient, calculée en fonction des revenus du patient et des frais de dépendance, permet d’aider à la prise en charge financière des dépenses nécessaires au maintien à domicile (interventions d’infirmiers libéraux, d’équipes spécialisées Alzheimer ou ESA, service d’aides à domicile, etc.).

Le congé de proche aidant permet d’interrompre provisoirement son activité pour s’occuper d’une personne en perte d’autonomie. Il n’est pas rémunéré, mais permet de continuer à acquérir des droits à la retraite et compte pour la détermination de l’ancienneté professionnelle. L’aidant a la garantie de retrouver son poste (ou un poste équivalent dans l’entreprise) à l’issue du congé.

Certaines aides financières contribuent au financement de l’hébergement, comme l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou l’allocation logement (proposée par la caisse d’allocations familiales et calculée en fonction des revenus du patient et des frais d’hébergement) et la réduction d’impôts.

(1) Guide de parcours de soins des patients présentant un trouble neurocognitif associé à la maladie d’Alzheimer ou à une maladie apparentée, mai 2018.

Avec l’aimable participation du Dr Véronique Lefebvre des Noettes, psychiatre de la personne âgée au centre hospitalier Émile-Roux, à Limeil-Brévannes (94).

Info +

→ Les formes héréditaires de la maladie d’Alzheimer. Si la majorité des cas concernent des formes non héréditaires, dites « sporadiques », il existe une forme héréditaire transmissible de génération en génération selon un mode autosomique dominant, dite « familiale ». Rare, elle ne concerne que 1 à 2 % des cas (moins de 10 000 patients en France). Il s’agit d’une forme précoce survenant avant l’âge de 60 ans et se manifestant surtout par des troubles de la parole (aphasie).

Témoignage d’une aidante

Marie, 52 ans : « Toute la famille est mise à contribution ! »

« Ma mère, qui est atteinte de la maladie d’Alzheimer, vit chez moi. Elle ne se repère plus du tout dans le temps, alors il faut vraiment être là au moment des repas. Malgré mon travail, je rentre chaque midi pour m’en occuper. Je peux aussi compter sur l’aide de mes enfants lycéens, qui s’occupent parfois de faire déjeuner leur grand-mère. Comme elle confond les jours, elle ne peut gérer seule ses médicaments. C’est moi qui remplis son pilulier. Je fais très attention car elle prend des anticoagulants, donc je cache son semainier dans la bibliothèque pour éviter qu’elle ne reprenne son traitement par erreur. L’après-midi, je lui laisse des coloriages d’adulte pour qu’elle trouve le temps moins long en m’attendant. Parfois, mon fils rentre assez tôt et lui tient compagnie. Toute la famille est mise à contribution ! Ma mère a aussi beaucoup de mal à séquencer l’action, c’est donc difficile pour elle de faire sa toilette et de s’habiller, cela prend énormément de temps… Et c’est pénible au quotidien, surtout que le matin, je suis pressée ! Elle ne sait plus dans quel ordre il faut faire les choses, alors elle met parfois ses chaussures avant son pantalon et il faut tout recommencer… Heureusement, une auxiliaire de vie vient nous aider deux fois par semaine pour une grande toilette et un shampoing. »

Info +

→ Signes d’épuisement chez l’aidant. Selon la HAS, certains signes d’appel doivent faire craindre un épuisement chez l’aidant : troubles du sommeil, fatigue anormale, perte de poids, consommation élevée d’anxiolytiques ou d’alcool, négligence de sa propre santé, réduction des sorties… De tels signes doivent faire orienter l’aidant vers une consultation médicale en vue de la mise en œuvre d’un soutien adapté.

Comment prévenir la maladie d’Alzheimer ?

Selon le Haut Conseil de la santé publique, adopter une alimentation de type méditerranéenne, pratiquer une activité physique et lutter contre la sédentarité, promouvoir les interactions sociales, éviter la consommation de benzodiazépines et limiter celle de substances anticholinergiques, réduire les facteurs de risque cardiovasculaire (en limitant la consommation d’alcool, en ne fumant pas, et en dépistant et traitant efficacement l’hypertension artérielle et le diabète) permettrait de diminuer le risque de développer la maladie.

Dico +

→ L’hyperhidrose est une augmentation excessive des sécrétions sudorales.

→ Le syndrome extrapyramidal est un ensemble de signes cliniques moteurs (lenteur à l’initiation des mouvements, tremblements de repos, hypertonie, mouvements anormaux) mettant en cause les neurones du système extrapyramidal cérébral liés aux neurones dopaminergiques.

→ Les torsades de pointe constituent un trouble particulier du rythme cardiaque, potentiellement létal, avec tachycardie vent riculaire. La bradycardie et les troubles hydroélectrolytiques (hypokaliémie ou hypomagnésémie) en favorisent la survenue.

En savoir +

• L’association France Alzheimer

met en place des « cafés mémoire », des groupes de paroles et des séjours de vacances. Le site web francealzheimer.org propose des conseils pratiques destinés aux aidants. En partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), l’association a mis en place le site aides.francealzheimer.org qui présente les dispositifs d’aide pour le malade et pour l’aidant.

• La Fondation Médéric Alzheimer promeut sur son site fondation-mederic-alzheimer.org les nouvelles solutions d’accompagnement et publie un guide d’interventions non médicamenteuses.

Avis du spé

“À l’officine, les premiers messages à diffuser sont ceux de la prévention”

Dr Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre de la personne âgée au centre hospitalier Émile-Roux, à Limeil-Brévannes (94).

Comment l’équipe officinale peut-elle inter venir auprès des patients et des aidants ? Les premiers messages sont ceux de la prévention : il faut s’assurer que la personne âgée traitée pour une hypertension artérielle, un diabète ou une dépression prend correctement ses médicaments, qu’elle est bien suivie et que sa pathologie est contrôlée. Des conseils hygiénodiététiques sont également à promouvoir : régime crétois et marche. S’assurer que les troubles visuels ou auditifs sont corrigés et alerter sur les danger liés à une consommation abusive de benzodiazépines, pourvoyeuse de troubles mnésiques et de chutes. Ensuite, l’équipe officinale peut contribuer à évaluer les besoins du patient en posant quelques questions : avez-vous quelqu’un qui vous aide à la maison ? Comment cela se passe avec la prise des médicaments ?

Avez-vous eu des difficultés pour venir à la pharmacie ? L’efficacité des interventions non médicamenteuses est quant à elle prouvée par des méta-analyses. Elles sont bénéfiques pour le cerveau et le corps, elles permettent un moment de convivialité, améliorent la relation avec les autres et diminuent l’anxiété et le stress. L’équipe officinale peut transmettre des adresses d’ateliers ou d’activités proposés par les mairies et les centres communaux d’action sociale.

Que pensez-vous du déremboursement des médicaments contre la maladie d’Alzheimer ?

Personnellement, je trouve cela dommageable. Certes, ces médicaments ont peu d’effet sur la mémoire, mais ils ont un effet positif sur le sommeil, l’apathie et les hallucinations visuelles (notamment les patches d’Exelon qui permettent d’éviter de recourir aux neuroleptiques, délétères sur les troubles cognitifs). Ces médicaments permettaient de retarder les entrées en institution d’environ deux ans et demi ! Leur déremboursement est un parti pris économique contre lequel les différentes sociétés savantes se sont opposées, malheureusement sans obtenir gain de cause. On ne peut que le déplorer, d’autant qu’il n’y a pas d’alternative thérapeutique : l’aducanumab a reçu une autorisation de mise sur le marché américaine, mais il n’est pas autorisé en Europe. Ce médicament est très coûteux, a beaucoup d’effets indésirables et présente l’inconvénient de s’administrer en perfusion intraveineuse.