Les vertus du category management
Issu de la grande distribution, le « category management » est une stratégie marketing qui repense le libre accès aux produits, en définissant des linéaires rangés par catégories, pour développer le chiffre d’affaires et augmenter la satisfaction client.
« Cette approche commerciale est encore peu utilisée en officine et moins poussée qu’en grandes et moyennes surfaces », indique Aurélie Paquier, directrice générale de Vu Merchandising Identitaire. Mais elle est clairement vouée à se développer car, rappelons-le, la pharmacie est un commerce comme les autres, avec ses impératifs : « Fidéliser la clientèle, améliorer l’attractivité du point de vente et sa rentabilité, en augmentant le panier moyen », souligne Laure Rivaton, fondatrice d’Effygie, cabinet de conseil en merchandising pour les pharmacies. Des groupements de pharmacies tels Laf Santé, Healthy ou encore Apothical l’ont d’ailleurs adoptée. « Nous sommes partis du constat que les assortiments et les expositions linéaires étaient très souvent induits par les actualités produits et les politiques commerciales des laboratoires, conduisant à un empilement de produits, le plus souvent en blocs marques. Les clients se trouvaient face à des linéaires très denses qui manquaient de clarté. Or, on se retrouve, aujourd’hui, face à un consommateur pressé qui a besoin que son acte d’achat soit facilité », relève Laetitia Martel, directrice de la Stratégie d’Offre chez Healthy Group.
Les besoins du consommateur
Répondre aux besoins des consommateurs, en créant des univers de produits au-delà de l’approche par marques, telle est l’ambition du category management. Toutefois, tous les marchés de l’officine ne se prêtent pas de manière égale à ce découpage par catégories. Par exemple, la dermocosmétique répond encore et toujours à une logique de marques, dispatchées sur des descentes entières par bloc (Avène, La Roche Posay, etc.), attendue du consommateur. La logique est peu ou prou la suivante : « Quand une marque est forte, le consommateur sait ce qu’il veut et l’on facilite son acte d’achat en regroupant toutes les références de cette marque, segmentées par gammes (anti-âge, hydratante, anti-acnéique, etc.), en un seul point. Cette uniformité visuelle a un impact marchand », expose Joan Gauthier, category manager chez Pharmacie Lafayette. À l’inverse, d’autres marchés de la pharmacie répondent, plus volontiers, à une approche catégorielle, comme, par exemple, celui des compléments alimentaires : « Les patients arrivent en pharmacie avec une problématique (fatigue, stress, etc.) et cherchent une solution avant de penser à une marque », résume notre interlocuteur. Ces univers de produits sont alors travaillés d’après les besoins des consommateurs : « On ne se situe plus uniquement dans un univers de produits mais dans un univers de solutions, à 360°, que le patient associe à sa problématique », détaille Aurélie Paquier. Par exemple, sous la catégorie « jambes lourdes », pourront être regroupés les produits de contention, les veinotoniques et les topiques, quitte à casser les frontières habituelles de lectures des marchés. Le travail à mener est le suivant : « Être capable de définir chaque univers de consommation en répertoriant les marques qui y répondent, pour ensuite procéder à leur positionnement physique dans l’espace officinal. Pour chacun de ces univers, il faut avoir, au moins, une marque leader qui donne une image forte à la catégorie », souligne Laure Rivaton.
Vendre mieux pour vendre plus
L’objectif : vendre au consommateur plus de produits en lien avec sa problématique ; autrement dit, vendre mieux. Cette rationalisation de l’offre aura aussi pour effet de repenser l’assortiment de produits, en supprimant certaines références, copiées-collées d’autres produits. « Il n’y a pas d’intérêt pour le pharmacien à démultiplier, sur une même réponse, le nombre de références sauf à diluer son chiffre d’affaires », alerte Anaïs Delourme, category manager pour les pharmacies Anton & Willem. De quoi « libérer de l’espace pour communiquer auprès des patients : de cette façon, la communication de la pharmacie (PLV d’animation et explicatives de linéaire) prend le pas sur la communication des marques », fait remarquer Aurélie Paquier. Cette approche catégorielle peut déboucher sur une segmentation poussée : « Pour les catégories sur lesquelles la clé d’entrée principale est la promesse, nous construisons une recommandation par segments, puis par unités de besoins », détaille Laetitia Martel. On pourra, par exemple, retrouver des étagères allouées à la sphère ORL, dans un espace lui-même scindé par promesse (toux, maux de gorge, hygiène nasale…).
Compartiment première classe
Le bénéfice pour le consommateur : des linéaires clarifiés. « Le consommateur peut se repérer facilement », explique Laure Rivaton. « Il peut aisément comparer des produits équivalents. Cette organisation facilite son choix et lui fait gagner du temps. Il peut aussi demander conseil à son pharmacien qui l’orientera facilement », ajoute Anaïs Delourme. Quant au pharmacien, cette approche lui permet « de développer une vision experte transverse, de mieux connaître les tendances et les attentes des consommateurs, et de faire évoluer ses choix d’assortiments et ses linéaires, à partir de données chiffrées, en développant ou en réduisant telle ou telle part de linéaire, en soutenant telle marque plutôt que telle autre », explique Laetitia Martel.
Lever les derniers freins
Les outils du category manager – aussi baptisé « catman » – sont précis et imparables (plan merchandising ou « plannogramme », tableau de suivi des ventes) et « permettent de piloter les descentes en analysant la performance des ventes », résume Laure Rivaton. « Toutes nos pharmacies remontent leurs ventes et ces données nous permettent d’optimiser les assortiments », indique, quant à lui, Joan Gauthier. Reste que « certains laboratoires ne sont pas trop à l’aise avec ce genre de démarche et attendent plus de visibilité à travers la mise en place de blocs marques, ou encore demandent une double implantation, ce qui n’est pas réalisable dans les petites officines », observe Anaïs Delourme. Autre difficulté : « Arriver, lorsqu’un produit inédit est lancé, à créer une nouvelle catégorie, en dénichant d’autres marques sur cette tendance de consommation émergente, ou l’intégrer à une catégorie existante », ajoute Joan Gauthier.
80 %
Soit, en pourcentage, le chiffre d’affaires généré par la gestion des assortiments de produits
(source : Externis Group).
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