Fusion d’officines : principes fondamentaux

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Fusion d’officines : principes fondamentaux

Publié le 28 septembre 2024
Par Guy Tamboise
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Avant de réunir des sociétés pour en former une seule, il est essentiel de connaître les principes fondamentaux d’une telle opération et d’anticiper certains choix pour garantir le succès du projet. Voici quelques pistes pour franchir ce cap.

C’est une évidence, envisager de travailler avec des confrères, parfois un temps concurrents, est une révolution intellectuelle, un changement de paradigme. Si la solution miracle pour mener à bien une fusion n’existe pas, il n’empêche que le résultat final est souvent concluant. Avant toute autre chose, il est primordial de combattre une idée reçue selon laquelle les chiffres d’affaires ne se cumulent pas après une fusion. Autrement dit, que 1 + 1 ne fait pas 2 ! L’expérience montre, au contraire, que si les ambitions ne se limitent pas à de meilleures performances comptables (économie de charges), englobent également un élargissement de l’offre, le volume d’activité augmente. Si bien qu’il n’y a aucune mesure entre l’efficacité opérationnelle de deux officines regroupées et gérées par plusieurs titulaires collaborant efficacement et celle de deux officines en concurrence frontale.

Le temps des fiançailles

Un rapprochement conduit les futurs associés à définir un nouveau business model (compatibilité des dirigeants, stratégie de l’offre claire, choix de l’emplacement, etc.). Cette phase, qui est la plus importante, ouvre la période des fiançailles. Vient ensuite le temps où l’expert-comptable propose plusieurs scénarios, l’avocat sécurise le projet et le partenaire bancaire finance. Une fois ce marathon terminé et les officines regroupées, la phase opérationnelle du « travailler ensemble » va mettre à l’épreuve la gouvernance et les équipes. Il faut s’y préparer ! Pour Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdéquA, « la stratégie de l’offre est une composante essentielle de la valeur immatérielle d’une entreprise. L’activité hybride de la pharmacie, entre le secteur de la santé et celui du commerce, est évidemment concernée. Les titulaires doivent adopter des choix clairs en fonction de l’environnement et de leurs points forts, et s’assurer qu’ils soient compris tant de l’équipe que des patients. Une offre est ainsi constituée de quatre blocs : les produits, les services, les conseils et la relation avec le patient/client. Il n’existe pas de bonnes ou mauvaises stratégies, mais juste la nécessité d’en adopter une qui soit consciemment en adéquation avec son environnement et d’y affecter les moyens en cohérence. »

Augmenter la valeur de l’entreprise

Une fusion consiste à rapprocher deux entreprises sous une seule entité juridique et à additionner leurs bilans comptables après les avoir valorisées. « Un pharmacien propriétaire à 100 % de sa société d’exercice libérale (SEL) ne le sera plus après la fusion. Mais, en valeur, il ne perd rien ! », explique Laurent Cassel, autre expert-comptable du cabinet AdéquA. Par exemple, si deux SEL représentées par deux titulaires, Claude et Dominique, sont valorisées respectivement à 1,2 million d’euros et 300 000 € avant la fusion, ils détiendront respectivement 80 % et 20 % d’une société valorisée à 1,5 million d’euros après l’opération. « En réalité, même si une opération de fusion est souvent frayeuse – coût fiscal parfois, honoraires de conseils, frais induits par le déménagement, double loyer un temps, etc. – et énergivore pour les titulaires, la rentabilité visée sera en définitive meilleure ou préservée. Et qui dit “meilleure rentabilité” dit “augmentation de la valeur de l’entreprise” ! », ajoute-t-il. 

Une partie de Mastermind

Dans les faits, la disparité des situations financières de départ, l’hétérogénéité des activités, des valeurs et des endettements entre les entreprises, en décourage plus d’un. « Mais si le projet est sain et cohérent, il y aura toujours une solution technique de trouver. Même si, sur les plans financier et juridique, elle s’apparente parfois à une véritable partie de Mastermind », avoue un troisième expert du cabinet AdéquA, Laurent Fruleux. En cas de grande différence de valorisation entre les deux entreprises, qui peut augurer d’un risque de mésentente entre les associés, il est toujours possible d’envisager une égalisation de chaque participation après la fusion. « Dans ce cas, il sera proposé une série d’opérations portant sur le capital de leurs SEL. Il s’agira, d’abord, de faire perdre de la valeur à celle de Claude, en lui distribuant 700 000 € de dividendes. Ceux-ci- seront payés, en tout ou partie, par un emprunt bancaire prévu dans le plan de financement lors de la fusion. Si une société de participations financières de professions libérales (SPF-PL ) est interposée entre lui et les titres de sa SEL, la taxation sera en pratique inexistante. Les disponibilités pourront être investies dans d’autres SEL. La vocation de la SPF-PL de Claude est ici patrimoniale. Sa SEL vaut désormais 500 000 €. À l’inverse, pour que la SEL de Dominique prenne de la valeur avant la fusion, sa SPF-PL va emprunter 200 000 € afin de souscrire à une augmentation de capital dans sa SEL, portant ainsi sa valeur à 500 000 €. L’emprunt de sa SPF-PL sera remboursé avec les dividendes futurs remontés de la SEL après la fusion. La vocation de la SPF-PL de Dominique est de conforter sa prise de participation dans son outil de travail. Ainsi, les deux affaires sont prêtes à fusionner avec deux titulaires à égalité au niveau du capital et aussi de l’activité, objectif initialement recherché. Mais les scénarios conduiront parfois à des participations capitalistiques inégalitaires sans que cela soit un frein au projet de fusion », concluent les experts-comptables du cabinet Adéqua. 

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