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Les évolutions du marché pharmaceutique vues par Antoine Collet
À l’occasion des 30 ans du panel Iqvia Pharmastat, Antoine Collet, son directeur, revient sur l’évolution du secteur pharmaceutique en France. Il met en lumière l’importance croissante des données dans la transformation de la pharmacie, et l’impact des analyses statistiques sur les pratiques et les stratégies du marché.
Pharmastat fête ses 30 ans cette année, pouvez-vous revenir sur le parcours de ce réseau ?

Qu’est-ce que l’analyse de données apporte aux officines ?
Depuis que le mode de rémunération au niveau des officinaux a été revu, on est passé aux trois quarts sur une rémunération en honoraires de dispensation. Dans les officines, il est possible de suivre l’activité de dispensation grâce au reporting de Pharmastat. C’est pareil pour les nouveaux services en officine : on peut suivre les indicateurs sur la vaccination, les Trod, etc. Ce qui est intéressant par rapport aux logiciels métier, c’est que le panel permet d’obtenir une comparaison avec la zone de chalandise de la pharmacie, un secteur géographique ou la France entière. Cela permet de faire gagner du temps au pharmacien en termes de compréhension de son marché environnant. Nous constatons de plus en plus d’appétence pour la donnée. Aussi, en plus des feedbacks mensuels, nous avons développé une application complémentaire, MyPharmastat, davantage en temps réel et plus flexible pour les utilisateurs. Plus largement, nous travaillons avec l’ensemble de l’écosystème de la santé. Notre but est aussi d’aider les groupements à comprendre le marché, montrer aux pharmaciens et aux groupements qu’ils ne sont pas seuls. Sans le panel, on sait ce qu’il se passe dans notre officine ou notre groupement, mais pas forcément dans un environnement plus large.
À la lueur des données de Pharmastat, comment avez-vous vu évoluer le monde de la pharmacie ?
Déjà, on constate que le réseau officinal diminue, avec parallèlement des groupements qui s’étoffent et des regroupements de groupements qui se multiplient. Mais on assiste également à des changements avec l’arrivée de nouveaux services, et une pharmacie qui est de plus en plus perçue comme un hub de la santé. Depuis le 1er janvier 2015, le pharmacien ne se rémunère plus uniquement par une marge sur le prix des médicaments, mais aussi avec des honoraires de dispensation. Actuellement, ces honoraires représentent les trois quarts des rémunérations hors parapharmacie, ce qui a permis de valoriser tous les services rendus par les pharmaciens ainsi que leur expertise. Le Covid a eu l’effet d’un big bang aux conséquences multiples : certains marchés se sont tassés suite à la disparition de certaines pathologies hivernales, les tests sont arrivés en force, tout comme la vaccination – même si cet acte est moins pratiqué depuis la fin des campagnes massives. Depuis, nous avons constaté le retour d’un certain nombre de pathologies saisonnières ou encore mesuré l’impact inflationniste sur les pharmacies, un peu plus tardif que sur la grande consommation. Tout cela a pu mettre en difficulté certaines trésoreries d’officines. 2023 a été une année charnière avec la perte de l’activité Covid. En 2024, on constate un retour de la fréquentation plutôt positif. En parallèle, depuis septembre 2023, les nouvelles missions, et notamment la vaccination, ont pris dans les officines, avec une belle vitesse de croisière, au même titre que le protocole Trod cystite. Mais est-ce que cela compensera l’inflation ? Rien n’est moins sûr, il va falloir les perpétuer dans le temps. Ce qui est certain, c’est qu’il y a une demande des patients.
La data peut-elle être utile en termes de santé publique, pour suivre des épidémies et devenir lanceur d’alerte ?
Tout à fait. Nos algorithmes ont détecté l’explosion de la demande de Doliprane en période Covid : en deux jours, il y a eu une augmentation de 100 % de sa consommation. Cela nous a permis d’alerter les autorités. De la même manière, quand on entend parler de pénuries, on constate une explosion de la vente libre, par exemple dans le cas du Doliprane pédiatrique : les ventes prescrites restaient les mêmes mais il y a eu beaucoup d’achats d’automédication en parallèle.
Dans une logique prospective, comment voyez-vous l’évolution de la pharmacie ?
C’est une équation à plusieurs inconnues. Avec, déjà, toutes les questions liées aux nouvelles missions : comment les mettre en place, de quelle surface ai-je besoin ? Suis-je prêt à rogner sur du mètre linéaire ? Le sujet de la digitalisation va également se poser (Ségur 1, Ségur 2, e-prescription, etc.). Ce sont des sujets encore en phase de tests mais qui vont représenter de vrais enjeux. Et, bien sûr, la question de la vente en ligne, où le pharmacien va se positionner dans la défense du métier. Quant à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), elle va prendre de l’ampleur. Il ne s’agit pas là uniquement d’actions locales, surtout que c’est un sujet qui tient à cœur à la jeune génération. Autre évolution majeure, les deux pôles qui s’affrontent : d’un côté, la pharmacie qui se regroupe en coopérative, et de l’autre, la financiarisation. Mais quoi qu’il arrive, on constate que le patient a confiance en son pharmacien. Quand il vient dans l’officine, il sait qu’il vient chercher un conseil, une expertise, de la qualité. Aussi, le rôle du pharmacien de demain, à travers ses nouvelles missions, dans le parcours de soins, sera-t-il prédominant.
Bio express
2002 : Chargé de production des données pharmacies IMS Health
2008 : Manager du service clients Consumer Health IMS Health
2010 : Responsable des études de marché IMS Health
2018 : Directeur des études Iqvia France
2022 : Directeur des panels et partenariats Iqvia France
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