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© Getty Images/iStockphoto
3/7 – Adolescent fumeur : les arguments pour motiver à l’arrêt
Plus de 21 % des collégiens ont déjà expérimenté le tabac (chiffres de 2018). Au lycée, des données plus récentes montrent qu’en 2022, 46,5 % des adolescents de 17 ans avaient « essayé » la cigarette et 15,6 % fumaient quotidiennement. Une consommation qui a néanmoins tendance à diminuer.
Particularités
Une pratique pour « s’affirmer »
Les mineurs commencent généralement à fumer pour se rebeller, transgresser les règles dans une sorte de rite de passage à l’âge adulte, ou poussés par la pression sociale pour « faire comme tout le monde ». Certains s’initient au tabac pour réguler leur appétit – donc leur poids – ou pour se détendre.
Une mauvaise connaissance des risques
Pour les adolescents interrogés, le tabac est dangereux et induit une dépendance uniquement si l’on fume tous les jours, d’où l’illusion qu’une consommation occasionnelle est sous contrôle. Le tabac, dont le pouvoir addictif est supérieur à celui de l’alcool ou de l’héroïne, induit pourtant une dépendance avant son usage quotidien : il s’écoule en général moins d’un an entre la première cigarette et le tabagisme quotidien.
Des portes d’entrée multiples
Les adolescents peuvent avoir un attrait pour des pratiques plus « fun » ou moins chères que la cigarette classique. Perçues à tort comme moins dangereuses, elles sont en outre une porte d’entrée vers le tabagisme régulier. Le tabac à rouler, plébiscité pour son moindre coût et son image plus « naturel », est plus nocif que la cigarette manufacturée : son rendement en nicotine, goudrons et monoxyde de carbone est 3 à 6 fois supérieur. La chicha (pipe à eau, narguilé, etc.), qui consiste à fumer un mélange de tabac et de mélasse chauffé par du charbon, a été expérimentée par 1 jeune de 17 ans sur 3 en 2022. Attirés par les arômes agréables et l’aspect convivial, les adolescents ignorent généralement qu’ils inhalent lors d’une séance 125 fois plus de fumée et 2,5 fois plus de nicotine qu’avec une cigarette. Plus de 80 % d’entre eux expérimentent également la cigarette, l’effet passerelle étant démontré.
Effet émergent, le vapotage a été expérimenté par environ 1 jeune de 17 ans sur 2, mais le plus souvent de façon occasionnelle, les mineurs l’utilisant davantage comme outil de consommation de nicotine que moyen de sevrage. Le lien entre vapotage et entrée dans la consommation de tabac est jugé « possible » par le Haut Conseil de la santé publique. Les jeunes vapoteurs quotidiens sont dans 70 % des cas fumeurs de tabac. Le cannabis, essentiellement consommé avec du tabac, peut aussi être une porte d’entrée vers la dépendance à la nicotine et rend plus difficile son sevrage.
Un risque accru de dépendance
Des études montrent que le cerveau des adolescents serait plus sensible aux effets de la nicotine. Ils deviennent « accros » plus rapidement que les adultes et après une consommation moindre. Par ailleurs, le tabagisme à l’adolescence induirait des modifications épigéniques responsables d’une sensibilité du cerveau à d’autres substances psychoactives avec un risque accru de polyconsommation.
La prise en charge
La stratégie
Le conseil d’arrêt par tout professionnel de santé ou éducatif doit prendre en compte les autres formes d’usage du tabac (chicha, cannabis, etc.). La Haute Autorité de santé (HAS) recommande en premier lieu un soutien psychologique. Les spécialistes en addictologie ne cherchent pas tant à convaincre un mineur d’arrêter le tabac que de créer une alliance thérapeutique sécurisante, de développer ses compétences psychosociales pour qu’il apprenne à faire ses propres choix.
Si l’approche psychologique n’est pas suffisante, elle peut s’accompagner de traitements nicotiniques de substitution, dès 15 ans pour la HAS, certains comprimés sublinguaux pouvant être donnés à partir de 12 ans selon l’autorisation de mise sur le marché. La varénicline et le bupropion sont contre-indiqués chez les moins de 18 ans. Les adolescents étant des consommateurs souvent irréguliers, le test de Fagerström n’est pas toujours adapté. Le test de Honc, qui vise à dépister une perte de contrôle vis-à-vis du tabac, peut être un outil. La titration des traitements substitutifs s’appuie sur les équivalences habituelles, mais les usages étant souvent divers et la dépendance non toujours corrélée à la consommation, il est important d’enseigner aux jeunes les signes de surdosage et de sous-dosage, et les mesures de réajustement du traitement.
Les mineurs peuvent consulter un professionnel de santé sans en avertir leurs parents, mais leur consentement est nécessaire pour la mise en place d’un traitement.
Test de Honc
Le test de Honc (pour hooked on nicotine checklist, que l’on peut traduire par « questionnaire pour accro à la nicotine »), de Di Franza, est un test en 10 items qui permet de mettre en évidence la perte de contrôle vis-à-vis de la consommation de tabac. Cet outil est particulièrement adapté aux jeunes fumeurs.
1. Avez-vous déjà fait une tentative d’arrêt du tabac sans y parvenir ?
Non : 0 / Oui : 1
2. Fumez-vous actuellement parce qu’il vous est très difficile d’arrêter ?
Non : 0 / Oui : 1
3. Vous êtes-vous déjà senti « accro » au tabac ?
Non : 0 / Oui : 1
4. Avez-vous déjà ressenti un fort besoin de fumer ?
Non : 0 / Oui : 1
5. Avez-vous déjà senti que vous aviez réellement besoin d’une cigarette ?
Non : 0 / Oui : 1
6. Est-il difficile de rester sans fumer quand vous entrez dans les endroits où vous ne pouvez pas fumer (exemple : le lycée, un établissement) ?
Non : 0 / Oui : 1
Quand vous essayez d’arrêter ou que vous ne pouvez pas fumer pendant un certain temps, etc.
7. Est-il difficile de vous concentrer ?
Non : 0 / Oui : 1
8. Vous sentez-vous plus irritable ?
Non : 0 / Oui : 1
9. Ressentez-vous un fort besoin ou une pulsion à fumer ?
Non : 0 / Oui : 1
10. Vous sentez-vous nerveux, agité, anxieux ?
Non : 0 / Oui : 1
Interprétation du résultat
De 1 à 6 : perte d’autonomie liée à la consommation de tabac. Plus le total de points est élevé, plus le résultat fait évoquer une perte d’autonomie et donc une dépendance.
De 7 à 10 : forte dépendance à la nicotine.
Des motivations ciblées
Pour amener l’adolescent à changer son comportement, il est préférable d’avoir un discours en lien avec des préoccupations qui le touchent souvent davantage que la dégradation de sa santé, jugée trop lointaine. Cela peut être des préoccupations économiques (le tabac coûte cher, mieux vaut dépenser de l’argent pour passer le permis, partir en vacances, etc.), écologiques (la culture du tabac est très polluante), qui concernent la maltraitance animale (des animaux sont encore utilisés pour les tests de toxicité des substances présentes dans le tabac) ou encore l’industrie du tabac (financement des influenceurs des réseaux sociaux par les lobbys, etc.).
Les motivations individuelles doivent être recherchées : meilleure mine, moins de boutons, meilleure haleine, dents moins jaunes, performances sportives augmentées, etc.
Les ressources
Les parents. Les adolescents sont peu présents au comptoir, mais leurs parents peuvent s’inquiéter de la consommation de leur enfant. Santé publique France met à leur disposition une plaquette pour comprendre et aider leur adolescent à arrêter de fumer (« Tabac et ados », santepubliquefrance.fr). Elle suggère de le laisser s’exprimer sans culpabiliser, de mettre un cadre au domicile, de motiver sans interdire et si besoin de venir trouver l’accompagnement d’un professionnel de santé.
Les structures d’aide adaptées. Les consultations jeunes consommateurs (CJC), anonymes et gratuites, permettent aux adolescents et à leur entourage de faire le point avec des professionnels en présentiel sur les addictions, dont le tabac : écoute, soutien, évaluation et si besoin prise en charge médicamenteuse. La liste des centres en région est disponible sur drogues-info-service.fr. Fil santé jeune, non spécialisé sur les addictions, peut être une entrée avant une réorientation éventuelle vers une structure adaptée. L’appel est gratuit depuis un poste fixe et accessible tous les jours de 9 h à 23 h au 0800 235 236. Le programme Tabado, lancé en 2018 par l’Institut national du cancer (Inca) avec le financement du Fonds de lutte contre le tabac, accompagne de façon personnalisée et gratuite l’arrêt du tabac des jeunes en centre de formation d’apprentis (CFA) ou en lycée professionnel, avec deux fois plus de succès d’arrêt dans les établissements concernés (programmes et établissements sur tabado.fr).
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Avec l’aimable collaboration de Morgan Tocquer, infirmier diplômé d’État, tabacologue au centre hospitalier spécialisé Guillaume-Régnier de Rennes (Ille-et-Vilaine)
Article issu du cahier Formation du n°3514, paru le 18 mai 2024
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