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1/6 – Pathologie : la narcolepsie en 4 questions
Méconnue du grand public mais aussi des professionnels de santé, la narcolepsie serait sous diagnostiquée. Caractérisée par une somnolence diurne excessive, cette pathologie chronique entraîne une altération considérable de la qualité de vie.
Narcolepsie : de quoi s’agit-il ?
La narcolepsie, ou maladie de Gélineau (du nom du premier médecin à en donner une description en 1880), est une maladie neurologique chronique appartenant au groupe des hypersomnolences rares d’origine centrale. Deux entités sont distinguées : la narcolepsie de type 1 (NT1) et celle de type 2 (NT2). La NT1, anciennement nommée narcolepsie avec cataplexie, est bien caractérisée sur le plan physiopathologique. La NT2 partage les mêmes symptômes que la NT1 mais sans cataplexie. Les symptômes peuvent également être moins marqués : c’est le cas du sommeil de nuit, moins fragmenté que dans la NT1, et de la prise de poids, que la NT2 n’entraîne pas aussi souvent.
Rappel. Le sommeil normal se divise en 4 à 6 cycles par nuit d’environ 90 minutes, et se compose successivement, après l’endormissement (stade 1), du sommeil à ondes lentes (stade 2 : sommeil léger, stade 3 : sommeil profond), puis du sommeil paradoxal caractérisé par des ondes cérébrales rapides et saccadées. Cette chronologie est importante pour l’obtention d’un sommeil réparateur.
Chez les narcoleptiques, il est décrit des instabilités dans les transitions veille/sommeil et sommeil à ondes lentes/sommeil paradoxal : la nuit, le sommeil paradoxal apparaît rapidement après l’endormissement, et lors de la journée, le patient s’endort également en sommeil paradoxal. Les autres symptômes (tonus musculaire aboli – survenue des cataplexies –, période de rêves, d’hallucinations visuelles) correspondent également à ce qui est observé au cours du sommeil paradoxal.
Destruction auto-immune des neurones hypocrétinergiques. L’hypocrétine-1 (ou orexine A), produite par les neurones hypocrétinergiques au niveau de l’hypothalamus, régule la sécrétion d’autres neurotransmetteurs stimulant l’éveil et inhibant le sommeil paradoxal, parmi lesquels la dopamine, la noradrénaline, la sérotonine et l’histamine. Elle est aussi impliquée dans la stimulation de l’appétit. La narcolepsie de type 1 est liée à une perte des neurones à hypocrétine, vraisemblablement d’origine auto-immune et s’associant à l’allèle HLA DQB1*0602, retrouvée chez 98 % des patients narcoleptiques de type 1 contre 25 % en population générale.
Facteurs environnementaux. Le stress, les infections à streptocoques, la grippe H1N1 et un vaccin antigrippal avec adjuvant (Adjuvant System O3 dans Pandemrix) employé lors de la pandémie de 2009 pourraient être impliqués dans cette destruction auto-immune, irréversible. Certaines pathologies entraînant la destruction des neurones hypocrétinergiques sont parfois associées à une narcolepsie avec cataplexie, dont la sclérose en plaques et la tumeur cérébrale. On parle alors de narcolepsie secondaire.
Chiffres
- Maladie rare touchant environ 1 personne sur 2 000 en France.
- Deux pics d’incidence : dans la deuxième et la quatrième décennie.
- Délai de diagnostic : environ 8 ans.
Source : PNDS « Narcolepsie de types 1 et 2 », sept. 2021
Quels sont les signes cliniques ?
Hypersomnolence dans la journée. La narcolepsie est caractérisée par une somnolence diurne excessive avec des endormissements soudains, irrépressibles et réparateurs, pouvant se déclencher à n’importe quel moment de la journée. Leur durée varie de quelques secondes à plus de 1 heure. Ils surviennent souvent lors d’activités monotones, mais aussi, pour les formes les plus sévères, au cours d’une conversation, d’un repas, d’une tâche cognitive, etc.
Hallucinations. Visuelles, auditives ou sensitives, elles apparaissent au moment de l’endormissement ou du réveil. Non spécifiques de la maladie, elles sont néanmoins plus fréquentes voire plus effrayantes chez les patients narcoleptiques que dans la population générale.
Paralysies du sommeil. Elles ne caractérisent pas la maladie mais sont plus fréquentes et sévères chez les patients narcoleptiques. Il s’agit de pertes du tonus musculaire, durant quelques minutes, qui surviennent à l’endormissement ou au réveil et souvent associées à une hallucination. Le patient ne peut plus se mouvoir, parler, ou même ouvrir les yeux, alors qu’il est éveillé et parfaitement conscient.
Autres symptômes. Un mauvais sommeil de nuit (réveils fréquents, cauchemars) est courant, notamment dans la NT1. Un syndrome des jambes sans repos est également plus souvent observé dans la NT1 qu’en population générale. Une prise de poids est généralement présente, surtout dans la NT1. L’obésité concerne 30 % des adultes et jusqu’à 50 % des enfants souffrant de narcolepsie de type 1. Des comportements inadaptés à une situation – appelés comportements automatiques –, effectués dans un état semi-conscient avec amnésie du phénomène, surviennent parfois : paroles ou actes hors contexte, rangements insolites, délaçage de ses chaussures dans la rue, etc.
Cataplexie dans la NT1. La cataplexie est une perte brutale du tonus musculaire, sans altération de la conscience, qui survient en cas d’émotion forte (le plus souvent avec le rire, mais aussi, par exemple, la colère, la surprise). D’une durée de quelques secondes à quelques minutes, ces épisodes peuvent être rares (moins d’un par an) ou survenir plusieurs fois par jour. La cataplexie ne touche le plus souvent qu’une partie du corps (elle est dite partielle) : mâchoire s’affaissant, entraînant une expression étrange avec des difficultés à articuler, des bégaiements ; tête tombant vers l’avant ; genoux qui cèdent, etc. Plus rarement, elle touche l’ensemble des muscles exposant à des chutes. La cataplexie peut être absente au début de la maladie et survenir plus tard.
Chez l’enfant. Un besoin de reprendre régulièrement la sieste, pourtant abandonnée antérieurement, peut s’observer. Inversement, il arrive que l’enfant lutte contre la somnolence et présente des troubles comportementaux à type d’hyperactivité. Il est par ailleurs décrit un faciès cataplectique typique de l’enfant, avec un relâchement des muscles du visage et une protrusion de la langue. Une prise de poids brutale au début de la maladie ainsi qu’une puberté précoce sont également notées.
Comment diagnostiquer la narcolepsie ?
Le diagnostic, suspecté par le médecin généraliste, est établi par un médecin spécialiste du sommeil au cours d’un bilan réalisé le plus souvent dans un centre de référence maladies rares (CRMR) narcolepsie et hypersomnies. Dans le cadre d’une narcolepsie de type 2, la réévaluation du diagnostic et du traitement est à prévoir régulièrement.
Interrogatoire. Il caractérise la somnolence, recherche des cataplexies et des troubles du sommeil de nuit. Des autoquestionnaires sont utilisés pour définir la sévérité de la narcolepsie ou évaluer la somnolence dans différentes situations de la vie quotidienne (échelle d’Epworth). Un délai de 3 mois d’évolution de la somnolence est requis pour poser le diagnostic, sauf si des cataplexies suffisamment caractéristiques sont observées ou si l’enfant présente un faciès cataplectique.
Biologie. Un taux anormalement bas d’hypocrétine 1 dans le liquide céphalorachidien (moins de 110 pg/ml) fait partie des critères diagnostiques de la narcolepsie de type 1. Le génotypage HLA à la recherche de l’allèle DQB1*0602, gène de prédisposition de la NT1, peut être utile : son absence élimine le plus souvent une narcolepsie de type 1.
Examens de référence. Ils sont réalisés en centre du sommeil :
- La polysomnographie nocturne permet de mesurer durant toute une nuit divers paramètres (par électroencéphalogramme, électromyogramme, électrocardiogramme et appareil de mesure du rythme respiratoire) afin de détecter les anomalies du sommeil. Le lendemain de la polysomnographie, les capteurs sont laissés en place pour pouvoir réaliser le Tile.
- Le test itératif de latence d’endormissement (Tile) recherche en journée la présence d’endormissements anormaux en sommeil paradoxal et la « capacité » à s’endormir rapidement. Plusieurs tests sont réalisés au cours de la journée (pour ce faire, la personne est placée dans des conditions favorables au sommeil : au calme, allongée, etc.) et, en cas d’endormissement du patient, une sieste de 20 minutes au maximum est autorisée.
Interprétation. Deux endormissements en sommeil paradoxal le jour avec un délai d’endormissement inférieur ou égal à 8 minutes sont en faveur d’une narcolepsie. Le diagnostic est aussi établi en présence d’un seul endormissement de ce type en journée associé à un endormissement en sommeil paradoxal la nuit en moins de 15 minutes.
Autres. Des comorbidités sont recherchées : cardiovasculaires et métaboliques notamment (hypertension artérielle, troubles cardiaques, surpoids, diabète de type 2, dyslipidémie, entre autres) conditionnant le choix du traitement, mais aussi neuropsychiatriques (anxiété, syndrome dépressif, etc.), ainsi que d’autres causes de troubles du sommeil (syndrome d’apnées du sommeil en particulier) afin d’éliminer notamment d’autres pathologies (ou traitements) responsables de somnolence ou parfois associées à la narcolepsie.
Comment évolue la maladie ?
La somnolence diurne excessive est le premier signe clinique à apparaître, les autres symptômes surviennent au fil des années. Handicapante au quotidien, la maladie expose aussi à des accidents potentiellement mortels, notamment lors de la conduite automobile.
L’évolution de la narcolepsie est très variable d’un individu à l’autre. Dans la NT1, la somnolence et la cataplexie tendent à diminuer avec le temps grâce généralement aux traitements et/ou à l’apprentissage du contrôle des émotions pour les cataplexies. À l’inverse, le mauvais sommeil de nuit a tendance à s’aggraver au fil des années. Dans la NT2, l’hypersomnolence est d’intensité variable, voire réversible.
La maladie est associée à un plus grand risque de troubles anxieux et de dépression.
Témoignage : Audrey, 38 ans, diagnostiquée narcoleptique depuis 8 ans
« Pendant de nombreuses années, je fus la cible de moqueries de mes camarades de classe : j’étais celle qui dormait tout le temps. Mes parents me reprochaient souvent d’être fainéante. Moi-même, je ne comprenais pas pourquoi je n’étais pas comme tout le monde, je me sentais constamment à l’écart. Au niveau professionnel, c’était difficile également : j’avais du mal à rester concentrée, ma productivité était inférieure à celle de mes collègues. Et puis, le diagnostic a été pour moi une libération : enfin une explication médicale à ma somnolence. Le traitement instauré (modafinil) m’a permis de retrouver une vie presque normale. »
Avec la collaboration du Pr Yves Dauvilliers, neurologue, coordonnateur national des centres de référence maladies rares (CRMR) narcolepsies et hypersomnies rares, centre hospitalier universitaire de Montpellier (Hérault), et du Dr Pierre Escourrou, cardiologue, spécialiste du sommeil au Centre interdisciplinaire du sommeil (Paris).
Article issu du cahier Formation du n°3506, paru le 23 mars 2024
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