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Madame B. a une hypersomnie idiopathique

Publié le 27 août 2020
Par Caroline Bouhala
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Suite à une longue fatigue, Mme B., âgée de 30 ans, est orientée par son médecin vers un spécialiste du sommeil. Il diagnostique une hypersomnie idiopathique, prescrit du modafinil et lui conseille de voir un gynécologue.

Ce que je sais

Législation

Modafinil nécessite une prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux spécialistes en neurologie et/ou aux centres du sommeil, et sur une ordonnance d’exception pour sa prise en charge. Avant 2011, le modafinil était la seule molécule à bénéficier d’une AMM dans l’hypersomnie idiopathique. Suite à un rapport bénéfice/risque défavorable (troubles psychiatriques et cutanés graves et possibilité de survenue d’effets indésirables d’origine cardiovasculaire), l’AMM a été suspendue mais le modafinil demeure prescrit par les experts et sous leur responsabilité. Parfois, le médecin n’indique pas « Hors AMM » sur l’ordonnance afin de le faire passer en « remboursé ».

Les préservatifs Eden sont, eux, pris en charge dans la prévention des infections sexuellement transmissibles, mais pas dans la contraception. Rien n’étant indiqué sur l’ordonnance, le remboursement peut « passer ».

Contexte

C’est quoi ?

• L’hypersomnie idiopathique est une maladie neurologique rare de fréquence mal définie.

• Elle est caractérisée par un besoin excessif de dormir malgré un sommeil nocturne de bonne qualité. Il y a un temps de sommeil quotidien allongé et/ou une somnolence diurne excessive, avec des accès de sommeil parfois difficiles à contrôler. Le réveil est souvent compliqué, qualifié d’« ivresse du sommeil ». Les siestes sont longues et non récupératrices, avec la sensation de n’être jamais tout à fait bien réveillé.

• Contrairement à la narcolepsie, il n’y a pas de cataplexie – perte brutale plus ou moins totale du tonus musculaire. Il y a peu ou pas de sommeil paradoxal.(1)

• La maladie démarre le plus souvent avant l’âge de 30 ans, touchant davantage les femmes que les hommes. Les symptômes disparaissent au fil du temps dans 50 % des cas.

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• Son diagnostic est complexe du fait de l’absence de biomarqueurs et de l’hétérogénéité des symptômes. Il repose sur l’enregistrement du sommeil, ou polysomnographie, durant une nuit, voire 24 heures, et sur des tests répétés (dits itératifs) de latence d’endormissement. Les résultats montrent une durée de sommeil anormalement longue (plus de 11 heures) mais de qualité de plus de 6 heures, et en général une latence d’endormissement de moins de 8 minutes.

Quelle prise en charge ?

Aucun traitement curatif n’est disponible.

• Malgré l’absence d’AMM dans l’hypersomnie idiopathique, certains médicaments restent prescrits car la maladie peut fortement altérer la qualité de vie. Le traitement préconisé en première intention est le modafinil, en raison d’un large recul d’utilisation. Méthylphénidate, pitolisant ou l’oxybate de sodium sont aussi employés.

• Chez les femmes en âge de procréer, une contraception doit être associée, en raison du risque de malformation congénitale sous modafinil, également inducteur enzymatique. Un dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre, voire au lévonorgestrel, est recommandé.

Suivi

Une fois le traitement stabilisé, un suivi par le spécialiste du sommeil est réalisé tous les six mois à un an afin de réévaluer le traitement. Un bilan global est fait à cinq ans environ.

Objectifs

• Diminuer la somnolence diurne excessive avec le modafinil afin d’améliorer la qualité de vie du patient.

• Assurer la contraception mécanique avec Eden avant la pose d’un dispositif intra-utérin.

Médicaments

Modafinil

L’effet éveillant de ce psychostimulant proviendrait d’une amélioration de la transmission de dopamine et, de façon plus restreinte, de celle de noradrénaline, notamment dans les zones cérébrales impliquées dans la régulation de l’éveil, du sommeil, de la veille et de la vigilance. Ce n’est pas une amphétamine, donc il n’y a pas d’effet sur la pression artérielle, ni de pharmacodépendance, etc., mais un mésusage est possible, car il améliore la vigilance en général.

Préservatifs Eden

Ces dispositifs médicaux de classe II b sont en latex, avec réservoir, fins, de texture lisse, de couleur « naturelle » jaunâtre transparente, lubrifiés au polydiméthylsiloxane. Assurant une barrière mécanique imperméable lors de rapports sexuels, ils sont indiqués comme méthode contraceptive et de protection contre les infections sexuellement transmissibles.

Repérer les difficultés

• Plan de prise : le modafinil ne doit pas être pris le soir.

• Assurer une contraception efficace en démarrant le modafinil.

• Modalités pour conduire : attendre que le traitement soit équilibré, puis consulter un médecin agréé par le préfet de police pour évaluer l’aptitude à la conduite.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Avez-vous bien compris les explications du médecin ? » évalue le niveau d’information. « Avez-vous prévu un rendez-vous de suivi pour l’hypersomnie ? » s’assure que la patiente a bien compris la nécessité du suivi. « Avez-vous des questions sur la gestion du quotidien ? Si non, je reste à votre écoute, n’hésitez pas ! » Si la jeune femme a envie de parler du diagnostic, de ses appréhensions ou autre, elle le fera. « Avez-vous des questions sur l’utilisation des préservatifs et le type de lubrifiant à utiliser au besoin ? » permet d’aborder l’effet tératogène du modafinil également.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

• Le modafinil diminue la somnolence excessive dans la journée et stimule l’éveil, ce qui facilite le quotidien. Une fois la mise en place d’une contraception par stérilet effectuée, elle devra être poursuivie jusqu’à deux mois après l’arrêt du modafinil.

Mode d’administration

• Modafinil : la posologie correspond à la dose initiale recommandée de 200 mg par jour, à prendre en une prise le matin ou en deux prises matin et midi, selon l’avis du médecin et la réponse du patient, pendant ou hors repas.

• Eden : à mettre avant pénétration vaginale.

Effets indésirables

• Modafinil : chez un patient sur cinq, céphalée légère ou modérée, dose-dépendante, qui disparaît en quelques jours. Troubles digestifs et irritabilité sont possibles.

• Eden : irritation si lubrification insuffisante.

J’accompagne

Hygiène de vie

Rythme de sommeil régulier, siestes programmées, activité physique, etc. n’ont qu’un faible bénéfice, avec d’importantes variations selon les patients. Malgré tout, le traitement ne constitue pas un substitut au sommeil et une bonne hygiène de sommeil doit être maintenue.

• Les siestes sont à déconseiller si elles ne sont pas réparatrices.

• La luminothérapie semble un peu soulager les réveils difficiles.

• Le café peut être consommé, mais sans abus.

Vente associée

Proposer un gel lubrifiant aqueux ou avec silicone avec Eden.

(1) Phase du sommeil où l’activité cérébrale est proche de celle de la phase d’éveil et où le tonus musculaire est au repos. C’est une phase très propice aux rêves.

Prescription

Ordonnance 1 d’exception

Dr C., médecin du sommeil.

Madame Céline B., 30 ans, 1,75 m, 69 kg.

• Modafinil 100 mg 1 comprimé deux fois par jour.

Ordonnance 2

• Préservatifs Eden 1 boîte de 12, à renouveler, en attendant le rendez-vous chez le gynécologue.

Info +

→ Le test de maintien d’éveil (TME) évalue la capacité à rester éveillé dans des conditions propices à l’endormissement. Il est composé de quatre ou cinq tests de 40 minutes répartis sur une journée. Le patient, placé dans une pièce peu éclairée, en position semi-assise, doit rester éveillé le plus longtemps possible durant et entre les tests.

La patiente me demande

« Pourrai-je continuer à conduire ? »

Oui, mais sous conditions. La conduite n’est pas conseillée durant la période d’adaptation au traitement. Une fois stabilisé, votre risque de somnolence au volant est mesuré par un interrogatoire et un test (voir Info+). S’il ne montre pas de somnolence, vous prendrez rendezvous avec un médecin agréé par le préfet de police pour évaluer votre aptitude à la conduite. La visite, d’un coût de 36 € environ, n’est pas remboursée. S’il vous juge apte, le médecin vous délivrera un avis favorable pour deux ans. Toute personne avec une maladie risquant de compromettre la sécurité routière doit se déclarer. Sinon, en cas d’accident, elle ne sera pas couverte par son assurance. La voiture comme outil de travail et la conduite nocturne ne sont pas conseillées.

Remerciements au Pr Christelle Monaca-Charley, neurologue et spécialiste du sommeil au CHU de Lille (59).