2/7 – Pharmacologie : les différents antidépresseurs

© Getty Images

Les antidépresseurs Réservé aux abonnés

2/7 – Pharmacologie : les différents antidépresseurs

Publié le 30 septembre 2024 | modifié le 20 novembre 2024
Par Pierre-Ollivier Bétolaud
Mettre en favori

Mécanisme d’action, effets indésirables, contre-indications et interactions : le point sur les molécules utilisées pour traiter la dépression.

Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)

En plus de l’indication dans la dépression et selon les molécules, ils sont également indiqués dans le traitement de l’anxiété généralisée, des troubles paniques, de la phobie sociale, des troubles obsessionnels compulsifs, de la boulimie et de l’état de stress post-traumatique.

Mécanisme d’action : les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine empêchent la recapture de sérotonine par les neurones présynaptiques, permettent d’augmenter les concentrations en sérotonine dans les fentes synaptiques.

Effets indésirables : les effets indésirables les plus fréquents sont des troubles digestifs (nausées, diarrhées, constipation, vomissements, bouche sèche) et sexuels (diminution de la libido, impuissance), une transpiration excessive, des céphalées, de l’insomnie, de la fatigue, une somnolence, des vertiges et des tremblements. Plus rares, une hyponatrémie, des saignements (cutanés, gynécologiques ou gastro-intestinaux), un allongement de l’intervalle QT (avec le citalopram et l’escitalopram) ont été recensés, ainsi que des cas de colite microscopique sous sertraline, jusqu’à 2 mois après le début du traitement, avec un risque de diarrhées sévères et d’hypokaliémie, réversible à l’arrêt du traitement.

Contre-indications : le citalopram et l’escitalopram sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère et d’allongement congénital ou acquis de l’intervalle QT.

Interactions : les ISRS sont contre-indiqués avec les IMAO irréversibles (iproniazide, sélégiline, rasagiline) en raison du risque de syndrome sérotoninergique, et déconseillés avec les IMAO-A réversibles (linézolide, moclobémide). La prudence est recommandée en cas d’association avec les autres traitements sérotoninergiques (tramadol, triptans, lithium, millepertuis, etc.), qui est, selon les molécules, déconseillée ou à prendre en compte. Le citalopram et l’escitalopram sont contre-indiqués avec les médicaments susceptibles de donner des torsades de pointes (amiodarone, dompéridone, hydroxyzine, méthadone, mizolastine, notamment). Inhibitrice puissante du cytochrome P450 (CYP) 1A2, la fluvoxamine diminue le métabolisme hépatique de la duloxétine et de l’agomélatine et majore leur toxicité. Ces associations sont contre-indiquées. Inhibitrices du CYP 2D6, la paroxétine et la fluoxétine sont déconseillées avec le tamoxifène en raison du risque de baisse de son efficacité. L’association de la sertraline avec le jus de pamplemousse ou avec les inducteurs enzymatiques (antiépileptiques, rifampicine) est déconseillée également. Celle avec les antiagrégants plaquettaires, les anticoagulants ou les anti-inflammatoires peut augmenter le risque hémorragique.

Inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA)

En plus de l’indication dans la dépression et selon les molécules, ils sont également indiqués dans le traitement de l’anxiété généralisée, des troubles paniques, de la phobie sociale et, pour la duloxétine, dans la douleur neuropathique diabétique.

Mécanisme d’action : les inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline exercent une action double, afin de stimuler les transmissions sérotoninergiques et noradrénergiques.

Effets indésirables : les effets indésirables les plus couramment observés sont les nausées, les céphalées, la sécheresse buccale, la somnolence, la dysurie, la pollakiurie et les vertiges. Légers à modérés, ces effets indésirables apparaissent en début de traitement et s’estompent le plus souvent ensuite. Des troubles cardiaques (tachycardie, palpitations, hypertension, etc.) ont également été fréquemment rapportés. La duloxétine est associée à des cas plus rares d’atteinte hépatique et de colite microscopique.

Contre-indications : outre la contre-indication de la duloxétine en cas d’insuffisance hépatique et rénale sévère et celle du milnacipran en cas d’allaitement, ces deux molécules sont contre-indiquées lors d’hypertension artérielle non contrôlée.

Interactions : les IRSNA sont contre-indiqués avec les IMAO irréversibles (risque de syndrome sérotoninergique). La prudence est recommandée en cas d’association avec d’autres sérotoninergiques. La duloxétine est contre-indiquée avec les inhibiteurs puissants du CYP 1A2 (fluvoxamine, ciprofloxacine, par exemple). Inhibitrice du CYP 2D6, son association avec le tamoxifène est déconseillée.

Antidépresseurs tricycliques

En plus de l’indication dans la dépression et selon les molécules, ils sont également indiqués dans le traitement des douleurs neuropathiques, la prophylaxie des céphalées de tension, le traitement de fond de la migraine, l’énurésie nocturne, les troubles obsessionnels compulsifs ou en prévention des attaques de panique.

Mécanisme d’action : les antidépresseurs tricycliques (ou imipraminiques) inhibent la recapture présynaptique de la sérotonine, de la noradrénaline et éventuellement (selon les molécules) celle de la dopamine, augmentant ainsi leurs concentrations dans les fentes synaptiques. Ils exercent en outre une action postsynaptique sur des récepteurs histaminiques, adrénergiques, cholinergiques périphériques et parfois centraux, ce qui explique leurs nombreux effets indésirables.

Effets indésirables : les effets indésirables les plus courants sont les effets anticholinergiques centraux (confusion, agitation, troubles de la mémoire, hallucinations, convulsions, altération de la conscience voire coma en cas de surdosage) et périphériques (sécheresses buccales et oculaires, troubles visuels, rétention urinaire, tachycardie, constipation). Habituellement bénins, ils cèdent le plus souvent à la poursuite du traitement, mais ils peuvent requérir une réévaluation du traitement, voire l’ajout de correcteurs. Des effets adrénolytiques (hypotension orthostatique) et antihistaminiques (somnolence, sédation, prise de poids) ont également été fréquemment rapportés. Plus rares, des manifestations neurologiques comme des tremblements ou des crises convulsives sur terrain prédisposé peuvent survenir. Rares et potentiellement graves, des cas d’allongement de l’intervalle QT et d’arythmies ont été recensés, justifiant la réalisation d’un électroencéphalogramme avant mise sous traitement chez les patients de plus de 50 ans ou présentant des facteurs de risque cardiaque.

Contre-indications : les antidépresseurs tricycliques sont contre-indiqués en cas de risque de glaucome par fermeture de l’angle, d’infarctus du myocarde récent et de risque de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques (notamment adénome bénin de la prostate).

Interactions : l’association avec les IMAO irréversibles est contre-indiquée, celle avec les IMAO réversibles, déconseillée. L’association avec d’autres anticholinergiques doit prendre en compte le risque d’addition d’effets indésirables de même nature.

Inhibiteurs de monoamine-oxydase (IMAO)

Mécanisme d’action : les inhibiteurs de la monoamine oxydase inhibent la dégradation physiologique dans les fentes synaptiques des monoamines par les monoamines oxydases (MAO). L’iproniazide bloque de façon irréversible et non spécifique les MAO, tandis que le moclobémide est spécifique de la MAO-A et réversible en quelques heures.

Effets indésirables : le blocage de la MAO entraîne une inhibition de la dégradation des catécholamines (dopamine, noradrénaline, adrénaline) et de la tyramine. L’accumulation de dopamine et la stimulation des récepteurs dopaminergiques vasculaires sont susceptibles de provoquer une hypotension orthostatique. Des crises hypertensives peuvent survenir en cas de surdosage ou de consommation d’aliments riche en tyramine (précurseur des catécholamines présentes dans le fromage ou la bière, par exemple) par stimulation des récepteurs adrénergiques. On note aussi fréquemment des vertiges, des céphalées, une constipation, une rétention urinaire, une sécheresse de la bouche, des sueurs, des troubles du sommeil, une agitation, de l’anxiété, de l’irritabilité et des hépatites cytolytiques (avec l’iproniazide).

Contre-indications : le moclobémide est contre-indiqué chez l’enfant de moins de 15 ans et en cas d’états confusionnels aigus. L’iproniazide est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique et de phéochromocytome.

Interactions : l’association avec d’autres sérotoninergiques est contre-indiquée ou déconseillée (selon l’IMAO et la molécule impliquée). Il en est de même pour celle avec les vasopresseurs (comme les triptans ou les sympathomimétiques) en raison d’un risque de poussée hypertensive. Pour la même raison, l’association de l’iproniazide avec l’entacapone ou la tolcapone est contre-indiquée. 

Autres antidépresseurs

Mécanisme d’action : la miansérine et la mirtazapine augmentent les neurotransmissions noradrénergique et sérotoninergique centrales. Elles exercent également une action postsynaptique anti-H1, responsable de leurs propriétés sédatives souvent recherchées. La vortioxétine présente une activité multimodale sérotoninergique et probablement noradrénergique et possède des propriétés anxiolytiques.

Miansérine

Effets indésirables : les effets indésirables les plus fréquents sont la prise de poids, la somnolence, l’élévation des enzymes hépatiques et les œdèmes. Des cas exceptionnels d’agranulocytoses ont été recensés, principalement chez les sujets âgés.

Contre-indications : la miansérine est contre-indiquée en cas d’atteinte hépatique sévère.

Interactions médicamenteuses : l’association avec les inducteurs du CYP 3A4 (tels que la phénytoïne ou la carbamazépine) est déconseillée.

Mirtazapine

Effets indésirables : somnolence, sédation, sécheresse buccale, prise de poids, fatigue sont les plus fréquents. Plus rares, des toxidermies sévères à type de nécrolyse épidermique toxique ou de syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (Dress ; réaction médicamenteuse avec éosinophilie et signes systémiques) ont été signalées.

Interactions médicamenteuses : la mirtazapine est contre-indiquée avec les IMAO. La prudence est recommandée en cas d’association avec les autres traitements sérotoninergiques ou sédatifs.

Vortioxétine

Effets indésirables : les effets indésirables les plus fréquents sont les nausées qui cèdent le plus souvent à la poursuite du traitement.

Interactions : l’association avec les IMAO irréversibles est contre-indiquée, celle avec les IMAO-A déconseillée.

Avec l’aimable relecture de Claire Pollet, pharmacienne praticienne hospitalière, établissement public de santé mentale (EPSM) Lille-Métropole (Nord) et des Flandres, Emmanuelle Queuille, pharmacienne praticienne hospitalière, centre hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux (Gironde), et Laurence Schadler, pharmacienne praticienne hospitalière, centre hospitalier Esquirol, Caen (Calvados), toutes membres du réseau Psychiatrie Information Communication (PIC).

Article issu du cahier Formation du n°3507, paru le 30 mars 2024