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2/6 – Stratégie thérapeutique : traiter les épilepsies de l’enfant et de l’adolescent
La prise en charge repose sur 2 axes. Tout d’abord, il s’agit de prévenir la survenue d’une nouvelle crise avec la mise en place d’un traitement ad hoc et d’un projet d’accueil individualisé. Puis, parallèlement à la recherche de la cause, de discuter d’un traitement de fond pour éviter les récidives.
Objectifs de la prise en charge
L’objectif est d’améliorer la qualité de vie de l’enfant et de limiter les conséquences de l’épilepsie sur sa scolarité. La prise en charge globale et multidisciplinaire implique la recherche et le traitement (si possible) de la cause de l’épilepsie, la prévention ou correction des facteurs favorisants, mais aussi d’éventuelles complications et comorbidités (dépression, trouble déficitaire de l’attention, troubles des apprentissages, troubles du sommeil). Elle nécessite l’éducation thérapeutique des parents et de l’enfant (selon son âge), la mise en œuvre de mesures non médicamenteuses, et si nécessaire, un soutien psychologique. Le traitement médicamenteux vise l’absence de crise ou à défaut une diminution de la fréquence et de l’intensité des crises, associée à la meilleure tolérance possible aux médicaments.
Traitement de fond
Initiation
- L’initiation d’un traitement doit se faire sur recommandations d’un neurologue, d’un neuropédiatre ou d’un médecin formé à l’épileptologie.
- Lorsqu’un traitement est nécessaire, il est proposé après la deuxième crise d’épilepsie si les symptômes sont invalidants et présentent un risque pour le patient (perte de conscience, chute, etc.). Il peut dans certains cas être initié dès la première crise, selon l’étiologie de celle-ci (tumeur par exemple), ses manifestations, ses séquelles ou selon les anomalies à l’électroencéphalogramme (EEG) ou à l’imagerie.
- La marge thérapeutique étroite des antiépileptiques et leur effet dose-dépendant imposent une titration (augmentation progressive des doses pour arriver à la dose optimale et efficace avec la meilleure tolérance). Celle-ci peut être plus ou moins longue selon les molécules (plusieurs mois pour la lamotrigine et le topiramate).
Principe du traitement de fond
Une monothérapie est toujours utilisée en première ligne. Si elle est inefficace ou mal tolérée, elle est remplacée par une autre monothérapie. Les antiépileptiques les plus utilisés en monothérapie sont la carbamazépine, la lamotrigine, le lévétiracétam et le valproate.
L’échec du contrôle complet des crises par deux monothérapies successives conduit à une bithérapie. Si la bithérapie n’est pas efficace ou mal tolérée, le patient doit être adressé à un centre expert (lieu de référence avec une équipe spécialisée en épileptologie).
Choix du traitement
De nombreux facteurs influent le choix du traitement. Le syndrome épileptique, le type de crise, l’âge du patient, son sexe (du fait des effets tératogènes et fœtotoxiques de certaines molécules), ses comorbidités, l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des molécules, leurs effets indésirables, la fréquence de prise, l’avis du patient et de ses parents.
Données d’efficacité chez l’adulte. Elles sont souvent extrapolées à la population pédiatrique en raison des difficultés éthiques et méthodologiques des études chez l’enfant. Cette méthode peut ne pas être applicable aux présentations spécifiques de la petite enfance telles que le syndrome de West. Ainsi, dans certaines épilepsies graves, en l’absence de galénique adaptée et d’études pédiatriques, la prescription d’un antiépileptique se fait souvent hors AMM.
Épilepsie à pointes centrotemporales et apparentées. Aucun traitement de fond n’est recommandé d’emblée pour cette épilepsie car elle est généralement d’expression transitoire et d’évolution bénigne. Si les crises sont fréquentes ou longues, un avis spécialisé est nécessaire. La carbamazépine est à éviter car elle peut aggraver les crises.
Crises focales. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), les méta-analyses et les AMM ne permettent pas de promouvoir, à l’heure actuelle, certaines molécules en particulier par rapport à d’autres. Elles seront choisies en fonction de l’âge, du sexe de l’enfant et des effets indésirables potentiels.
Épilepsie myoclonique juvénile. D’après la HAS, les molécules recommandées en première intention sont la lamotrigine, le lévétiracétam ou chez le garçon, le valproate. En cas d’échec, une autre molécule de première intention est essayée. L’échec des monothérapies conduit à une bithérapie qui associe deux molécules ayant prouvé leur efficacité dans les crises généralisées, comme notamment le lévétiracétam, la lamotrigine, le valproate, le pérampanel et le topiramate. Les myoclonies sont aggravées par la carbamazépine, l’oxcarbazépine, la vigabatrine.
Épilepsies d’absences de l’enfant. Une monothérapie par éthosuximide est recommandée en première intention par la HAS, puis en cas d’échec, par lamotrigine. L’utilisation du valproate doit tenir compte des limitations dues à son potentiel tératogène chez la fille et le garçon. En cas d’insuffisance d’efficacité, on fait appel à une bithérapie combinant l’éthosuximide, le valproate ou la lamotrigine. Les traitements aggravant les crises d’absences sont la phénytoïne, la carbamazépine, l’oxcarbazépine, la gabapentine, la prégabaline (qui en outre, n’a pas d’AMM en pédiatrie) et la vigabatrine.
Épilepsies d’absences de l’adolescent. Les molécules recommandées en première intention par la HAS sont la lamotrigine ou chez le garçon, le valproate. L’échec d’une monothérapie conduit à essayer une autre molécule de première intention. Une monothérapie par éthosuximide n’est en revanche pas indiquée car il est inefficace sur les crises tonicocloniques généralisées. Par la suite, si la deuxième monothérapie ne permet pas de contrôler les crises convulsives généralisées tonicocloniques associées aux absences, on aura recours à une bithérapie associant valproate, lamotrigine ou lévétiracétam. Si la deuxième monothérapie ne permet pas de contrôler les absences, mais contrôle les crises convulsives généralisées tonicocloniques, alors le traitement est maintenu et renforcé par l’éthosuximide.
Syndromes rares mais graves. Les syndromes de Lennox-Gastaut, West et Dravet doivent être pris en charge par un centre expert où l’on peut avoir recours à des antiépileptiques de dernière intention et/ou d’indications limitées. Le felbamate (Taloxa, réservé à l’usage hospitalier), le rufinamide (Inovelon), le cannabidiol (Epidyolex, à prescription initiale hospitalière annuelle) peuvent être proposés, en association avec d’autres antiépileptiques dans le cas d’un syndrome de Lennox-Gastaut non contrôlé. La vigabatrine (Sabril, Kigabeq) est utilisée dans le syndrome de West, le stiripentol (Diacomit, à prescription initiale hospitalière semestrielle) et le cannabidiol dans le syndrome de Dravet, en association avec du clobazam (Urbanyl, Likozam, dont la prescription hospitalière est limitée à 12 semaines).
Arrêt du traitement
Après une période raisonnable sans crise et en fonction du syndrome épileptique, la poursuite du traitement est discutée avec les parents et l’enfant, tout comme son arrêt progressif. Il n’y a pas de consensus sur la période de stabilité nécessaire avant l’arrêt. Les résultats de plusieurs études amènent les praticiens à envisager une décroissance après une période sans crise variant de 2 à 5 ans.
Traitement des crises généralisées
En cas de crise tonicoclonique généralisée supérieure à 5 minutes, une benzodiazépine d’action rapide est administrée. On utilise le midazolam en solution buccale (Buccolam) aux doses recommandées de 2,5 mg pour les enfants âgés de 3 mois à 1 an, 5 mg de 1 à 5 ans, 7,5 mg de 5 à 10 ans et 10 mg à partir de 10 ans. Chez les nourrissons de 3 à 6 mois, il doit être administré en milieu hospitalier. C’est un assimilé stupéfiant à prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie ou en pédiatrie. La solution de diazépam (Valium) administrée par voie rectale à 0,5 mg/kg est moins utilisée de nos jours car d’usage plus complexe.
Si cette première dose de benzodiazépine s’avère inefficace, il faut appeler le service médical d’urgence (en composant le 15). Une deuxième dose de benzodiazépine peut être administrée. En cas d’échec, on a recours en urgence à l’administration intraveineuse de benzodiazépine, puis de valproate ou de phénytoïne, léviracétam, phénobarbital.
Un projet d’accueil individualisé (PAI), précisant le protocole d’urgence, doit être établi par le médecin à destination de la famille et des lieux d’accueil de l’enfant en accord avec le médecin scolaire, en vue de permettre l’administration du traitement de crise.
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Profils particuliers
Filles en âge de procréer
Un grand nombre d’antiépileptiques sont tératogènes ou associés à des troubles neurodéveloppementaux des enfants exposés in utero. Ainsi, dès l’instauration d’un traitement antiépileptique chez une fille en âge de procréer, il est indispensable de l’informer (ainsi que son représentant légal) des risques encourus en cas de grossesse et de la nécessité d’une contraception efficace. De même, les prescripteurs (et les pharmaciens) doivent s’assurer que les parents d’une jeune fille déjà sous traitement ont compris l’importance de contacter le neurologue dès ses premières menstruations, en vue d’une réévaluation du traitement.
Les risques les plus élevés sont observés avec le valproate et le topiramate, qui sont soumis à des règles de prescription et de délivrance particulières (voir encadré). Le valproate expose à un risque important (11 %) de malformations (anomalies cardiaques et de fermeture du tube neural, fente labiale, dysmorphie faciale, etc.), ou de troubles du développement estimés à 30-40 % (retard d’acquisition de la marche et du langage, troubles autistiques). Il ne doit pas être utilisé chez les filles et les femmes en âge de procréer, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux autres traitements. Le topiramate expose à un risque de malformations majeures multiplié par 3 par rapport à la population générale, mais aussi de troubles du spectre autistique et de déficience intellectuelle.
Les molécules recommandées en première intention chez une jeune fille après la puberté dans l’épilepsie focale sont la lamotrigine, le lévétiracétam et l’oxcarbazépine. L’utilisation de la carbamazépine doit tenir compte d’un risque malformatif multiplié par 2 ou 3. Dans l’épilepsie généralisée, la lamotrigine est à privilégier, ou le lévétiracétam (hors AMM).
Garçons après la puberté
En raison d’un risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants dont le père a été traité par valproate dans les trois mois qui précèdent la conception, une contraception est recommandée ainsi que la poursuite de celle-ci au moins trois mois après l’arrêt du traitement, d’après l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, octobre 2023).
Le point de vue du Dr Norbert Khayat, épileptologue à l’hôpital Médipôle de Lyon (Rhône) et vice-président d’Épilepsie France
Les crises fébriles sont-elles un facteur de risque de développer une maladie épileptique ?
Chez certains enfants, les crises fébriles sont liées à une immaturité cérébrale et à une prédisposition familiale. Dans la grande majorité des cas, il n’y a pas d’évolution vers une maladie épileptique et dans 80 % des cas, les enfants ne font qu’un seul épisode de crise fébrile. Il faut donc dédramatiser et rassurer les parents. Mais il faut faire la distinction entre une crise fébrile se manifestant par des mouvements de tout le corps, survenant chez un enfant entre 9 mois et 4 ans au développement psychomoteur normal, et une crise ne concernant qu’un seul côté du corps, survenant chez un nourrisson de 3 mois ayant des antécédents de souffrance à l’accouchement, d’accident vasculaire cérébral néonatal, avec un développement psychomoteur anormal. Ce second cas doit interpeller car il peut être le signe d’une maladie épileptique.
Quel message vous semble-t-il important que les pharmaciens diffusent au comptoir ?
Un message très important à faire passer est que l’épilepsie photosensible concerne moins de 10 % des cas. En outre, dans cette forme d’épilepsie, ce qui pose problème, c’est le passage du noir au blanc. Ainsi, si les écrans cathodiques pouvaient être incriminés il y a quelques années, ce n’est plus le cas des écrans plats et des smartphones. La lumière bleue n’est pas mise en cause. En revanche, en cas d’épilepsie photosensible, les stroboscopes des boîtes de nuit peuvent être un facteur de crise. De même, la réverbération de la neige ou certains tissus à damier noir et blanc peuvent être mal tolérés par les patients. Étant lyonnais, je me réjouis qu’à l’occasion de la dernière Fête des lumières, les messages d’information ne stipulaient une mise en garde que pour les épileptiques photosensibles, et non pour tous les épileptiques en général. Il ne faut pas oublier que dans 90 % des cas, les épileptiques ne sont pas concernés par la photosensibilité !
Avec l’aimable relecture du Dr Norbert Khayat, épileptologue à l’hôpital Médipôle de Lyon (Rhône) et vice-président d’Épilepsie France.
Article issu du cahier Formation du n°3511, paru le 26 avril 2024
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