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Covid-19, une maladie à double détente

Publié le 3 octobre 2020
Par Yolande Gauthier
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Alors que la menace d’une « deuxième vague » épidémique est dans tous les esprits, certains patients atteints au printemps par le Covid-19 n’ont toujours pas complètement récupéré. Le point sur les principales complications à long terme.

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dans une synthèse préliminaire de la littérature mise en ligne le 25 septembre, a dressé une liste des principales séquelles et manifestations cliniques persistantes observées après une infection par le Sars-CoV-2. Des complications cardiaques ont été signalées dès les premiers mois de l’épidémie en Chine. Touchant de 7 à 22 % des patients ayant une forme grave, elles se manifestent par des atteintes myocardiques aiguës ischémiques, des myocardites aiguës, des troubles du rythme par fibrillation auriculaire, des troubles de la conduction ou une tachyarythmie. « Le Covid-19 peut aggraver une insuffisance cardiaque par divers mécanismes : processus ischémique ou infarctus, augmentation des besoins en oxygène, embolie pulmonaire, libération massive de cytokines pro-inflammatoires… », note le HCSP. Les experts en profitent pour rappeler que les patients atteints d’une cardiopathie chronique ne doivent absolument pas interrompre leur traitement habituel, en particulier par IEC/ARA2. S’il est encore trop tôt pour se faire une idée exacte de l’importance et de la prévalence des séquelles cardiaques post-Covid-19, le HCSP recommande qu’un bilan comprenant au moins un électrocardiogramme sur 24 heures, une échographie cardiaque, un test cardiopulmonaire et/ou une IRM cardiaque soit réalisé chez tous les patients infectés ayant des manifestations cardiaques, quelle que soit la sévérité de la maladie. Un programme de réhabilitation cardiaque sera envisagé dès que possible chez les patients qui ont eu un syndrome coronarien aigu, une revascularisation ou une insuffisance cardiaque.

Au niveau respiratoire

Le poumon est l’organe le plus fréquemment atteint en phase aiguë de Covid-19, et la maladie peut laisser des anomalies pulmonaires plusieurs mois après l’infection. Avec des retentissements non négligeables sur l’état fonctionnel et la qualité de vie. La capacité pulmonaire totale est souvent réduite au moment de la sortie de l’hôpital, et des lésions typiques de fibrose pulmonaire peuvent persister plusieurs semaines. Une étude autrichienne, présentée début septembre au congrès virtuel de l’European Respiratory Society, souligne néanmoins que ces anomalies tendent à s’atténuer avec le temps. La fonction respiratoire s’améliore 12 semaines après la sortie de l’hôpital et les zones d’opacités en verre dépoli visibles au scanner thoracique régressent également. Comme pour la fonction cardiaque, la mise en place d’un programme de réhabilitation respiratoire précoce est recommandée. Une étude française a ainsi démontré que l’amélioration sur la marche, la respiration et la force musculaire était d’autant plus rapide et efficace que la réhabilitation débutait tôt après le passage en réanimation, et durait plus longtemps.

Sur les nerfs

Un nombre croissant de cas fait état de complications neurologiques touchant le système nerveux central comme le système nerveux périphérique. Outre une anosmie et une agueusie, fréquents au cours de l’infection et qui peuvent en être l’unique symptôme, une encéphalopathie, une encéphalite ou un syndrome de Guillain-Barré ont été signalés. De même que des accidents vasculaires cérébraux ischémiques survenant dans un contexte d’hypercoagulabilité pro-inflammatoire, ou des hémorragies intracérébrales. « Dans l’ensemble, la proportion des manifestations neurologiques est faible en comparaison des manifestations respiratoires. Cependant, la poursuite de la pandémie et l’absence d’immunité croisée suggèrent que le nombre global de patients avec atteintes neurologiques pourrait devenir important », estime le HCSP.

Les manifestations neuropsychologiques sont également très courantes : anxiété, dépression, syndrome de stress post-traumatique, fatigue, insomnie, troubles de l’humeur, trouble panique, troubles compulsifs obsessionnels… Pour l’Académie de médecine, les patients sortant de réanimation avec ventilation assistée et sédation profonde sont intensément marqués et nécessitent « un soutien psychologique leur permettant de retrouver un travail et une vie sociale normale ». Mais elle souligne également que « ceux qui ont guéri spontanément en ont aussi parfois besoin, lorsqu’ils souffrent de troubles divers et mal étiquetés ».

Affections immunitaires

L’impact du nouveau coronavirus sur la survenue de désordres immunitaires reste encore à déterminer. Des cas de syndrome des anticorps antiphospholipides, de cytopénie auto-immune et de syndrome de Kawasaki ont été rapportés durant l’infection ou à distance de celle-ci. 125 cas de formes graves spécifiques à l’enfant, dénommées « syndrome d’inflammation multisystémique » et se traduisant, à des degrés divers, par de la fièvre, des signes de syndrome de Kawasaki atypique, une atteinte cardiaque de type myocardite, une inflammation des membranes séreuses et des signes biologiques inflammatoires, ont ainsi été signalés en France.

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D’une manière générale, le HCSP estime que les données disponibles ne permettent pas, dans la majorité des situations, d’établir une corrélation entre les complications décrites et la gravité initiale de la maladie. « Elles ne permettent pas non plus d’identifier les facteurs prédictifs de leur survenue », ajoute le Haut Conseil. Les travaux doivent donc se poursuivre pour que l’instance puisse se prononcer sur la prise en charge des complications à distance du Covid-19. En attendant, les experts recommandent d’inclure les patients hospitalisés dans une cohorte de suivi post-Covid-19 (une cohorte observationnelle nationale dénommée French Covid a déjà été mise en place fin janvier), et prônent une standardisation du recueil des informations lors des consultations post-Covid-19. Car plus les connaissances sur les séquelles de l’infection progresseront, meilleure sera la prise en charge des patients qui peinent à retrouver leur vie d’avant le coronavirus.