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Réussir les nouveaux entretiens anticancéreux oraux
Les anticancéreux oraux occasionnent des difficultés dans l’administration et l’observance, souvent en lien avec leurs effets indésirables. Les patients, qui oscillent entre une prise en charge hospitalière et ambulatoire, peuvent désormais être suivis par les officines selon un protocole défini. Mode d’emploi d’une nouvelle mission essentielle.
C’était une piste sur laquelle l’Assurance maladie et les syndicats de pharmaciens s’étaient engagés à travailler lorsqu’ils ont signé, en juillet 2017, l’avenant conventionnel n° 11. Trois ans plus tard, les entretiens pour patients sous anticancéreux oraux sont entérinés par l’avenant n° 21, publié le 30 septembre 2020 au Journal officiel. L’Assurance maladie n’a pas fixé d’objectifs chiffrés, mais elle estime à 500 000 le nombre de patients qui reçoivent ces médicaments. Ce suivi n’est pas en soi une révolution. De nombreuses officines le pratiquaient déjà de leur propre initiative en dehors de ce nouveau cadre formalisé, dont la procédure administrative est calquée sur les accompagnements existants (anticoagulants oraux, corticoïdes inhalés). Point essentiel : la séquence d’entretiens et le montant facturé (désormais par le biais d’un code acte pour tous types d’accompagnements) varient selon que le patient prend un traitement au long cours (hormonothérapie, méthotrexate, etc.) ou d’autres médicaments anticancéreux oraux, dont ceux appartenant à la classe très fournie des inhibiteurs de tyrosine kinase. Le premier cycle comprend trois entretiens sur une année. Un entretien d’évaluation des connaissances du patient sur son traitement et d’information sur les modalités de prise doit d’abord être réalisé. Suivent deux entretiens dits « thématiques ». Le premier est orienté sur les difficultés de la vie quotidienne et les effets indésirables du traitement. Le second porte sur l’appréciation et l’amélioration de l’observance. Ces entretiens thématiques seront réitérés au cours des années suivantes (voir page 24).
Un cadre à s’approprier
Voilà pour le protocole issu de l’avenant. Un protocole à adapter à la situation de chacun. Pour commencer, « la commande du médicament est l’occasion de programmer, s’il est d’accord, un temps d’échange avec le patient », propose Margaux Mensier, adjointe spécialisée en oncologie à Halluin (Nord). La plupart des patients reçoivent cette proposition de manière positive : ils ont besoin de faire le tri dans les informations reçues en consultation et aussi issues de leur navigation sur Internet… Après adhésion du patient, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) recommande de lui remettre une carte de prise de rendez-vous et de l’appeler la veille pour confirmer le premier entretien. L’avenant ne le mentionne pas mais ce suivi doit s’effectuer dans un espace de confidentialité. « Nous avons fait en sorte qu’il soit confortable, qu’il n’ait pas de connotation hospitalière pour que le patient puisse justement poser les questions restées en suspens. » Lors du premier échange, pendant 20 à 30 minutes, la pharmacienne s’enquiert de la façon dont la pathologie est appréhendée et de ce que le médecin en a dit. « Il y a une idée reçue et pas toujours exprimée qui est qu’un médicament à prendre par voie orale serait moins efficace que s’il est injecté. Il faut alors rectifier et mobiliser, voire remobiliser des patients déjà traités sur ce nouvel espoir d’efficacité thérapeutique », préconise Frédéric Chauvelot, pharmacien praticien hospitalier à Morlaix (Finistère) en charge d’une formation pour les officinaux délivrée par le Collège des hautes études en médecine. « Au terme de l’entretien initial, remettez au patient un plan de prise personnalisé et présentez-lui la suite de l’accompagnement, ainsi que la coordination que vous allez instaurer avec son médecin », conseille l’USPO. La suite, c’est une présentation des effets indésirables les plus fréquents. « Cela permet de s’y préparer psychologiquement, de ne pas être surpris, rapporte le pharmacien hospitalier, qui estime à une bonne demi-heure le temps passé à ces explications. Il ne faut pas tarder pour en parler. Les éruptions cutanées, par exemple, surviennent entre 8 et 10 jours après le début du traitement. Alors un patient qui n’ose pas contacter le service d’oncologie peut décider de lui-même de prendre le médicament à dose réduite. » Autres sujets essentiels : la gestion du traitement en fonction des repas et l’attitude à adopter en cas d’oubli de prise. Dans l’officine d’Halluin, un document technique sur un médicament en particulier, avec plan de prise et principaux effets indésirables, est remis aux patients et ceux qui en éprouvent le besoin sont contactés par téléphone une semaine plus tard. Une brochure de présentation des soins de support aux couleurs de l’officine est proposée avec le même objectif de valoriser un accompagnement personnalisé.
Créer le lien avec le service hospitalier
Sans exiger de formation, l’avenant mentionne la nécessité d’entretenir ses connaissances. « Sur les traitements, le pharmacien peut prendre ses informations par lui-même. Mais sur l’approche psychologique, il faut une formation spécifique. Par exemple, ne parlez pas de cancer si le patient n’utilise pas ce terme. De même, ne vous laissez pas déborder par des patients qui nécessitent un soutien psychologique », recommande Margaux Mensier. « Il faut laisser place aux questions, n’en fuir aucune et y répondre de manière factuelle, à l’exception de celles qui porteraient sur les chances de survie », préconise Frédéric Chauvelot. Au-delà des termes de l’avenant, les officinaux seront amenés à traiter des questions sur l’état général et l’alimentation du patient. « Le cancer est une maladie évolutive très liée à l’environnement et aux conditions de vie, rappelle Sophie Sergent, en charge de la commission pharmacie clinique et exercice coordonné à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Le patient passe obligatoirement chez son médecin et son pharmacien. C’est à leur niveau qu’il faut détecter ces difficultés. » Le texte conventionnel mentionne à plusieurs reprises la nécessité de prendre contact avec le service d’oncologie et le médecin traitant, mais aussi le pharmacien hospitalier ou l’infirmière au domicile. En amont du suivi, « cela permet de connaître les informations transmises au patient, d’obtenir des précisions sur le schéma thérapeutique ou d’échanger sur les risques d’interactions médicamenteuses », indique l’avenant. Intégrer un dispositif d’exercice coordonné n’est pas requis pour mener ces entretiens. « Cependant, il est intéressant pour les réseaux de soins en oncologie de savoir si le patient peut retrouver dans sa prise en charge en ambulatoire une structure comme une communauté professionnelle territoriale de santé », relève Sophie Sergent. La survenue d’effets indésirables doit donner lieu à un échange avec le prescripteur hospitalier ou le médecin traitant. « On s’adresse à l’un ou à l’autre en fonction de la situation. Il y a parfois des médecins généralistes qui ne sont pas informés de cette prescription. Et des services d’oncologie très disponibles et avec une forte volonté d’échanges », poursuit la représentante syndicale. Ayant noué des contacts privilégiés avec le service hospitalier, Margaux Mensier l’interroge sur l’opportunité d’un complément alimentaire ou la conduite à tenir si, par exemple, des vomissements deviennent trop fréquents. « Plus disponible que le médecin traitant, je peux aussi être l’interlocutrice qui relaie les questions du patient auprès de l’hôpital et qui peut obtenir une réponse dans l’heure qui suit. Aux yeux des patients, nous sommes la pièce manquante du puzzle. » Autre constat formulé par Jean-Michel Foiret, promoteur d’une formation à l’union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens des Hauts-de-France : « Lorsque la structure hospitalière est organisée et habituée à communiquer en son sein, le patient en sort mieux informé et le contact avec la ville est plus facile. » Selon ce titulaire à Mons-en-Baroeul (Nord), le lien avec les hospitaliers va se construire progressivement. « Et lorsque le bénéfice et les retours positifs des patients seront là, cela va avancer encore plus vite. »
SUIVEZ LE GUIDE !
Les pharmaciens sont eux-mêmes accompagnés pour mener ces entretiens. Une fiche de suivi élaborée par l’Institut national du cancer (Inca) est mise à disposition par l’Assurance maladie. « C’est une trame d’échanges avec le patient. Elle doit être considérée comme un fil conducteur des entretiens et non comme un verbatim précis des questions à poser », indique l’avenant n° 21. Et permet d’organiser les entretiens selon leur thème. Parmi les exemples de questions : « Quel est votre ressenti par rapport à la voie d’administration de votre traitement ? » dans l’entretien initial ; « Avez-vous des rendez-vous réguliers avec les services hospitaliers ? » dans l’entretien sur la gestion des effets indésirables et la vie quotidienne. Ou encore : « Avez-vous déjà été en panne de médicaments ? » pour l’entretien d’observance.
À RETENIR
– Les pharmacies d’officine peuvent réaliser des entretiens pour les patients sous anticancéreux oraux depuis la parution officielle de l’avenant n° 21 à la convention pharmaceutique, le 30 septembre 2020.
– Ce suivi peut s’effectuer pendant plusieurs années et pour deux catégories de médicaments distinctes, ce qui donne lieu à une facturation différente.
– L’accompagnement requiert une approche spécifique aux patients atteints de cancer, ce qui nécessite d’y être formé. Il est également indispensable d’établir un contact et des échanges avec le service d’oncologie.
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