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Les tests antigéniques en questions

Publié le 7 novembre 2020
Par Magali Clausener, Anne-Hélène Collin et Francois Pouzaud
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Les pharmaciens sont autorisés à titre exceptionnel à réaliser des tests antigéniques rapides de dépistage du Sars-CoV-2 avec prélèvement nasopharyngé. Règles, mise en pratique, organisation, sécurité… Toutes les réponses aux questions que vous vous posez.

Les pharmaciens – volontaires – peuvent réaliser des tests antigéniques de dépistage du Sars-CoV-2 chez des populations cibles (voir page 28) avec l’aide de leur équipe (pharmaciens adjoints et préparateurs). Petite révolution : il n’est pas nécessaire de faire confirmer les résultats obtenus par un laboratoire de biologie médicale, et c’est donc le pharmacien qui établit le diagnostic. Mais cette « nouvelle mission », proposée à titre exceptionnel, impose de revoir l’organisation de l’officine.

Qui peut réaliser le test antigénique ?

Il faut distinguer les deux étapes : le prélèvement nasopharyngé et la réalisation du test en lui-même (voir page 28). Le pharmacien peut mener l’examen dans sa totalité (prélèvement et test). Les préparateurs et les étudiants en médecine, en pharmacie, en maïeutique ou en odontologie ayant validé leur première année d’étude ne peuvent que réaliser le prélèvement, sous la responsabilité du pharmacien, et à la condition d’être volontaires. Tous doivent être formés, mais les modalités restent floues. « Nous avons interrogé le ministère de la Santé afin d’obtenir des précisions quant aux modalités de formation », indiquait l’Ordre des pharmaciens le 30 octobre sur son site. « Pour se former au prélèvement nasopharyngé, tout est ouvert : se former auprès des URPS, ou avec l’aide des biologistes, des hospitaliers et des infirmiers rodés au geste, s’entraîner au sein de la pharmacie entre collègues… », explique quant à lui Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Dans tous les cas, la prescription médicale n’est pas nécessaire.

Un test chez les enfants ?

La réglementation fixe une limite d’âge maximale (65 ans inclus), mais ne donne pas de précision chez les enfants. Toutefois, la Société française de microbiologie (SFM) recommande que chez l’enfant de 3 ans ou moins, le prélèvement nasopharyngé soit effectué par un biologiste ou un infirmier expérimenté, ou encore par un pédiatre, un médecin ORL ou un médecin généraliste maîtrisant ce type de prélèvement chez le jeune enfant.

Peut-on réaliser des tests chez les patients hors cible ?

Non. La réglementation fixe précisément le cadre des patients éligibles (voir page 28) et, de fait, exclut les autres catégories. Le pharmacien ne peut donc réaliser des tests antigéniques chez les patients hors cible. Et ce même s’il ne présente pas l’acte au remboursement et fait régler le patient.

Où faire le test ?

Dans l’officine, dans l’espace de confidentialité, ou à l’extérieur de la pharmacie (exemples : barnum, parking de la pharmacie, cour intérieure, lieu partagé entre les professionnels de santé, etc.). Mais pas n’importe où. « Un barnum doit être attenant à la pharmacie, pas à 100 mètres », précise Gilles Bonnefond. Quoi qu’il en soit, « le lieu de dépistage doit présenter des garanties suffisantes de qualité et de sécurité sanitaire et répondre aux mêmes exigences que celles qui s’appliquent dans les locaux de l’officine », précise l’arrêté du 26 octobre 2020. S’il n’est pas nécessaire de demander une attestation à l’agence régionale de santé pour réaliser ces tests dans la pharmacie, l’autorisation de les pratiquer dans des lieux extérieurs à l’officine, qu’ils soient publics ou privés, doit être demandée au préfet. S’ils sont publics, une demande préalable d’occupation du domaine public doit être effectuée auprès de la mairie. A noter : les syndicats sont en attente d’une confirmation du ministère de la Santé pour le prélèvement en mode « drive ».

Même les dimanches et jours fériés ?

L’article L.5125-22 du Code de la santé publique prévoit qu’une pharmacie peut rester ouverte pendant tout le service concerné, même si elle n’est pas de garde. Rien n’interdit donc de proposer la réalisation de tests antigéniques un jour où la pharmacie est habituellement fermée. Il est toutefois conseillé d’en avertir les confrères de garde de son secteur.

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Comment organiser le local ?

Le Haut Comité qualité officine, qui regroupe les principaux représentants de la profession, a élaboré une procédure et des fiches pratiques, téléchargeables sur le site demarchequaliteofficine. fr. Dans son local de confidentialité, dans les barnums ou dans les autres lieux éligibles, le pharmacien doit disposer d’une chaise permettant au patient de s’asseoir pour la réalisation du test, d’un point d’eau pour le lavage des mains ou de solution hydroalcoolique. D’autre part, le pharmacien doit veiller à mettre en place un marquage au sol pour accéder à l’espace de confidentialité, prévoir une file d’attente ou un espace d’attente pour un accompagnateur et s’assurer que, dans le même espace, des patients soumis au test antigénique ne croisent pas les autres patients et que leur temps de présence dans l’officine soit limité.

Quelles obligations de désinfection et d’aération ?

Avant de réaliser un test, il convient de nettoyer les surfaces avec du matériel et des consommables permettant leur désinfection en respectant la norme de virucide 14476. Les locaux doivent être aérés. La désinfection et l’aération sont à effectuer entre chaque patient.

Comment s’organiser au sein de l’équipe ?

Tout dépend évidemment du nombre de pharmaciens et de préparateurs dans l’équipe. Une certitude : la profession préconise de fixer des créneaux horaires ou d’organiser des rendez-vous par téléphone ou par e-mail pour les patients éligibles voulant se faire tester. Les pharmaciens ont aussi la possibilité de proposer les tests durant les heures de fermeture de l’officine, par exemple le matin avant l’ouverture ou entre 12 et 14 heures. La profession recommande également de travailler en binôme. Le pharmacien peut donc faire appel aux préparateurs pour, outre réaliser le prélèvement, intervenir en amont pour la prise des rendez-vous, la vérification des critères d’éligibilité des patients, l’information des personnes, la préparation des locaux et des matériels. « Le préparateur peut quasiment tout faire, observe Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Mais, comme pour la délivrance des médicaments sur ordonnance, sous la responsabilité du pharmacien. »

L’attente des résultats et leur remise doit être pensée en amont. Pas question de faire attendre des patients pouvant être positif au Covid-19 au sein de l’officine ni même dehors en cette période automnale. Le pharmacien peut donc demander aux personnes testées de retourner à leur domicile. Quels que soient l’organisation et les processus adoptés, la profession conseille de rédiger une procédure d’assurance qualité.

Comment annoncer le résultat ?

Seul le pharmacien est habilité à annoncer le résultat du test. Il peut transmettre à son patient le résultat par téléphone ou e-mail, l’officinal n’ayant pas l’obligation de lui remettre les résultats en main propre. Un document de traçabilité est disponible sur le site demarchequaliteofficine.fr.

Le test est positif : que faire ?

Le pharmacien délivre alors au patient les 30 masques qui lui sont nécessaires (conformément aux modalités de facturation des masques) et lui recommande de s’isoler. Le patient contacte alors son médecin pour une prise en charge médicale et le recensement de ses personnes contacts. Si le résultat est négatif, rappeler l’importance de respecter les gestes barrières et la nécessité de se faire tester en cas d’apparition de symptômes de Covid-19.

Comment tracer les résultats ?

Tout résultat, positif ou négatif, devra impérativement être enregistré dans le système d’information de dépistage (SI-DEP), recueillant l’ensemble des résultats de tests, et « disponible prochainement », selon la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam). Dans l’attente, les résultats – et les positifs en priorité – sont transmis par messagerie sécurisée de santé ou, à défaut, en contactant le 09 74 75 76 78 (de 8 h 30 à 17 h 30 du lundi au dimanche) à l’Assurance maladie qui enclenchera sans délai le contact tracing. Les informations à transmettre sont les nom et prénom du patient, son numéro d’inscription au répertoire (NIR), la date de prélèvement, le code postal de son lieu de résidence et son numéro de téléphone (portable de préférence).

Que faire des déchets ?

Les déchets d’activité de soins à risques infectieux (Dasri) peuvent être déposés dans les boîtes jaunes de Dastri. Les syndicats pharmaceutiques négocient avec l’éco-organisme et le ministère de la Santé pour assurer l’élimination de ces déchets sans coût supplémentaire pour la pharmacie. Lorsque ces boîtes jaunes sont jetées dans les cartons, l’USPO invite les pharmaciens à prendre une photo avec la date afin d’avoir un justificatif pour l’élimination de ces déchets. Quant aux équipements de protection individuelle (EPI), ils doivent être placés dans une poubelle fermée hermétiquement pendant 24 heures avant d’être jetés dans les déchets ménagers.

Peut-on faire intervenir d’autres professionnels de santé habilités ?

« Sur autorisation du préfet, les médecins et les infirmiers pourraient réaliser le prélèvement en officine et laisser au pharmacien la réalisation de l’analyse, sous réserve de l’acceptation par le pharmacien », explique la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) dans sa foire aux questions. Mais, bien que l’arrêté sous-entende cette possibilité, pour l’instant, le Code de déontologie l’interdit. « L’Ordre des pharmaciens s’interroge sur la compatibilité de cette dérogation avec les dispositions du Code de la santé publique prohibant l’intervention d’un professionnel de santé tiers dans l’officine et a alerté le ministère de la Santé en ce sens afin de mettre la réglementation en conformité », complète la FSPF.

Même interrogation du côté des infirmiers. « Déjà, les infirmiers ne peuvent pas effectuer des actes au sein d’une officine. Ensuite, si cela était possible, avec quelle officine travailler ? Par exemple, mon cabinet travaille avec six officines. Je serais bien en peine de choisir une pharmacie, commente Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). La configuration sera possible dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), par exemple. Sur le terrain, des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), des MSP, des équipes de soins primaires ont d’ailleurs commencé à réfléchir pour s’organiser. »

Quid de l’assurance ?

La règle est de toujours veiller à ce que sa garantie responsabilité civile couvre les conséquences de toutes les erreurs commises par l’ensemble de l’équipe officinale dans le cadre de l’activité normale du pharmacien (y compris des nouvelles missions). Comme pour la vaccination à l’officine, il faut informer son assureur, afin que les risques liés à la réalisation de tests antigéniques à l’officine soient garantis. Cette information n’entraînera pas, en toute logique, une surprime mais simplement une mise à jour du contrat.

Quels sont les tarifs ?

Le pharmacien sera rémunéré, pour le prélèvement et l’analyse du test antigénique, 26 € (TVA 0 %) ou, par dérogation, 16,20 € (TVA 0 %) pour l’analyse seule si le prélèvement est réalisé par un médecin ou un infirmier. Une majoration (coefficient de 1,05) est appliquée pour les départements et régions d’outre-mer. Quant au test, le pharmacien le facture à l’Assurance maladie au prix maximum de 8,49 € TTC (TVA 5,5 %). Au total, l’officinal perçoit donc 34,49 € s’il réalise le prélèvement et l’analyse du test. Attention, ces tarifs sont applicables jusqu’au 31 décembre 2020.

Comment facturer ?

Les consignes de l’Assurance maladie sont les suivantes : transmettre un code PMR à 26 € (prix en métropole) ou à 27,30 € (pour les départements d’outre-mer et Mayotte) incluant d’une part le prélèvement, d’autre part l’analyse. L’acte est exonéré de TVA. Si le prélèvement nasopharyngé est délégué à un autre professionnel de santé, le pharmacien retranche de sa facture le coût du prélèvement (9,80 €) et facture uniquement un PMR à 16,20 € (en métropole) ;

– transmettre un code PMR à 8,49 € TTC (TVA à 5,5 %) pour la facturation d’un test en métropole (et à un prix majoré dans les départements et régions d’outre-mer ou Drom) ;

– s’identifier en tant que prescripteur et exécutant ;

– renseigner le NIR du patient. Si le patient n’a pas de NIR (patient sans droit ou étranger), et afin d’assurer la gratuité de la réalisation du test, renseigner le NIR anonyme spécifique 1 55 55 55 CCC 023 (dans lequel CCC correspond au numéro de la caisse de rattachement de l’officine), ainsi que la date de naissance 31/12/1955 ;

– renseigner systématiquement le code exonération EXO 3. Si l’assuré présente sa carte Vitale, l’utiliser afin de télétransmettre la facture en Sesam-Vitale. En cas d’utilisation du NIR spécifique générique, transmettre la facture en Sesam sans Vitale (mode dégradé).

Combien de tests délivrer aux autres professionnels habilités ?

Les médecins et infirmiers peuvent s’approvisionner gratuitement en tests auprès des pharmaciens, sur présentation d’un justificatif de la qualité du professionnel (carte professionnelle avec n° RPPS ou Adeli). Le fait de ne pas réaliser de tests antigéniques dans l’officine n’interdit pas d’en distribuer à ces deux professionnels de santé. La distribution et la facturation des tests ne sont possibles que dans la limite d’une boîte par jour et par professionnel, sans la déconditionner, lorsque la boîte contient plus de 15 tests, et dans la limite de deux boîtes par professionnel de santé et par jour lorsque celles-ci en contiennent moins de 15. Cette règle est valable également pour une boîte utilisée pour son officine. Dans tous les cas, il faut facturer une boîte entière de tests.

A facturer aux professionnels ou à l’Assurance maladie ?

La facturation du test à l’Assurance maladie est faite au prix maximum de 8,05 € HT par test, soit 8,49 € TTC. La pharmacie facture un code PMR à 8,49 € multiplié par le nombre de tests compris dans la boîte dispensée.

Pour facturer, renseigner tout d’abord le NIR spécifique générique 1 55 55 55 CCC 025 (dans lequel CCC correspond au numéro de la caisse de rattachement de l’officine) et la date de naissance 31/12/1955. Puis renseigner le numéro Assurance maladie du professionnel de santé, médecin ou infirmier, en tant que prescripteur.

Si celui-ci ne dispose pas d’un numéro Assurance maladie (numéro Finess), il faut alors utiliser le numéro Assurance maladie fictif 29199143 8. Enfin, le pharmacien doit renseigner systématiquement le code exonération EXO 3 et établir la facture en télétransmission Sesam sans Vitale.

Et à l’étranger ?

En Suisse, les pharmaciens ont également obtenu l’autorisation de pratiquer des tests antigéniques. Le 28 octobre, la Confédération a, en effet, annoncé l’intégration des tests rapides antigéniques à sa stratégie de tests. Reste à concrétiser cette nouvelle disposition.

PharmaSuisse, qui regroupe 1 500 officines sur les 1 800 que compte le pays, est en contact avec les sociétés cantonales, les chaînes et les groupements et avec l’Officine fédéral de la santé publique (OFSP) pour travailler à l’élaboration des bases nécessaires à la conduite des tests en pharmacie. Un recensement des pharmacies disposant de l’aménagement spatial et des ressources personnelles nécessaires pour proposer la prestation est également en cours dans les cantons. « Il est en outre déterminant que les autorités cantonales s’impliquent dans la répartition des tests. Du côté de l’OFSP, les tests sont retenus jusqu’à ce que leur répartition soit définie », explique-t-on à PharmaSuisse.

Les tests seront gratuits pour les patients qui remplissent les conditions d’éligibilité. Les sujets symptomatiques doivent répondre à quatre critères : ils ont des symptômes depuis moins de quatre jours ; ils ne font pas partie des personnes vulnérables ; ils ne travaillent pas dans le secteur de la santé en contact direct avec des patients ; ils sont traités en ambulatoire. Les personnes asymptomatiques potentiellement exposées au Sars-CoV-2 doivent avoir reçu une notification par l’application SwissCovid ou une prescription médicale dans le cadre d’une investigation autour d’un cluster.

Au Québec, les pharmaciens n’ont pas, pour le moment, l’autorisation d’effectuer les tests antigéniques. « Il est possible qu’un arrêté ministériel leur en donne l’autorisation, mais l’objectif ne serait pas de prévoir des cliniques de dépistage à même les pharmacies. Ce serait plutôt pour permettre à des professionnels retraités, par exemple, ou temporairement non employés de réaliser les tests dans un cadre balisé », explique l’Ordre des pharmaciens du Québec.

UN FORFAIT D’AMORÇAGE DE 300 €

Ce forfait « d’amorçage » sera versé par l’Assurance maladie à chaque pharmacie qui réalise des tests et en délivre aux professionnels de santé autorisés (conditions cumulatives). Un texte (publication à venir) précisera le seuil de déclenchement de cette prime (nombre minimum de tests à réaliser par la pharmacie).

Les médecins et les infirmiers mieux rémunérés ?

Les médecins et les infirmiers sont rémunérés différemment des pharmaciens. Les médecins qui réalisent un test à leur cabinet ou à domicile touchent 46 €. Si le patient est testé positif, le médecin perçoit une majoration de 30 € pour l’explication de l’ensemble des mesures à prendre (isolement, gestes barrières, points sur les traitements nécessaires, évaluation des situations devant faire l’objet d’une vigilance particulière) et l’initiation du contact tracing.

Chez les infirmiers, la rémunération de l’acte est déclinée en trois cotations selon les conditions de réalisation des tests. Elle s’élève à 19,21 € pour le dépistage collectif, par exemple dans le cadre d’un cluster ou d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à 26,15 € pour le dépistage individuel réalisé en cabinet et à 29,93 € pour le dépistage individuel à domicile.

Les médecins et infirmiers ne payent pas les tests : ce sont les pharmaciens qui font l’avance et se font directement rembourser par l’Assurance maladie.