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ON GAGNE ET ON PERD EN ÉQUIPE

Publié le 1 décembre 2020
Par Yves Rivoal
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Depuis quelques temps, des tensions apparaissent entre vos collaborateurs. L’absentéisme est en progression, et pour remplacer son collègue malade, on ne se bouscule plus au portillon… Bref, la solidarité au sein de vos troupes s’érode et il faut vite réagir pour renforcer l’esprit d’équipe…

L’esprit d’équipe, c’est l’une des premières choses que le client perçoit en poussant les portes d’une pharmacie. Les sourires, la bonne ambiance ou l’absence de stress lui donneront une bonne image et l’envie d’y revenir. Ce qui n’est pas le cas quand tout le monde fait la tête ou que les tensions entre collaborateurs rejaillissent sur l’accueil des clients », selon la présidente de Pharmazen Conseil, société de coaching en officine, Caroline Bouriaux. Elle rappelle pourquoi le fameux esprit d’équipe, si cher aux sports collectifs, conditionne en partie la performance d’une entreprise. D’ailleurs, Eric Delavallée, directeur d’IM Conseil & Formation, un cabinet spécialisé dans la transformation des organisations et le développement managérial, n’hésite pas à pousser la comparaison avec le milieu du sport, pour illustrer l’importance de l’intelligence collective dans les organisations. « Au football, vous pouvez avoir les onze meilleurs joueurs du monde dans votre équipe et perdre contre un adversaire présumé plus faible, parce que la performance collective n’est jamais égale à la somme des performances individuelles. Pour gagner, vos onze joueurs doivent se comporter en équipe. D’où la nécessité de construire un vrai collectif. Et ce qui est vrai dans le sport, l’est aussi en entreprise. »

Créer une vraie cohésion.

Lorsqu’il intervient sur le sujet, Éric Delavallée s’appuie sur un outil de vision d’équipe impliquant de travailler sur cinq axes. « La première priorité, c’est de définir tous ensemble, titulaire et collaborateurs, la mission de l’entreprise, explique le consultant. Il faut ensuite déterminer sa vocation, son utilité sociale, les valeurs qui vont lui permettre de remplir cette vocation, et les règles de vie que chacun devra respecter. » Si l’on veut développer l’intelligence collective, mieux vaut donc inscrire l’esprit d’équipe, la coopération, la solidarité ou la transversalité comme valeurs cardinales, plutôt que l’expertise individuelle, le cloisonnement ou la bureaucratie.

Un seul et même objectif.

Pour mener à bien ce travail de réflexion, Éric Delavallée conseille de déléguer le chantier à un ou deux membres de l’équipe. « Le fruit de ce travail devra in fine être affiché sur les murs du back-office, en fond d’écran sur les ordinateurs ou dans l’officine, afin que chacun se rappelle pourquoi il est là et son engagement … » Caroline Bouriaux est sur la même longueur d’ondes. « La co-construction, la délégation ou la participation aux prises de décisions importantes sont des éléments essentiels dans la construction d’un collectif, car elles permettent de renforcer le sentiment d’appartenance et la motivation. »

Une fois ce cadre posé, Pascale Hauet, coach et formatrice au sein de Pragmatic RH, un cabinet spécialisé dans le management des officines, invite les titulaires et leurs équipes à se fixer un objectif commun pour l’année à venir. « Pour que cela fonctionne, tout le monde doit y trouver son compte et s’approprier la contribution personnelle qu’il devra apporter à cette ambition commune », ajoute cette pharmacienne diplômée. Celle-ci doit donc être déclinée sur le plan individuel. « Le titulaire doit expliquer clairement à chacun quel sera son rôle, ses objectifs personnels, tout en laissant une totale autonomie sur le choix des moyens à déployer pour les atteindre », précise la coach. Pour s’assurer que toute l’équipe reste en phase avec la feuille de route, il faut organiser des réunions mensuelles pendant lesquelles chacun présentera ses progrès ou ses éventuelles difficultés, ce qui permettra aux autres de lui venir en aide et de nourrir un peu plus l’esprit d’équipe. »

Créer une bonne ambiance.

Les moments de récréation comme le repas de Noël, la célébration des anniversaires, ou une soirée karting ont eux aussi vocation à renforcer la solidarité. « Toutes ces opérations de team building ont une double vertu : elles soudent les équipes et permettent aux collègues de mieux se connaître en dehors du cadre de travail », rappelle Caroline Bouriaux. Sans pour autant rendre antinomique esprit d’équipe et management. Eric Delavallée met en garde les titulaires : « Dans une organisation, vous pouvez tout à fait développer la solidarité au sein d’un collectif, mais il y aura toujours des N et des N + 1. Si je devais reprendre une analogie avec le sport, les collaborateurs constituent l’équipe, le titulaire est l’entraîneur, celui qui doit prendre les grandes décisions, organiser le travail de son équipe, et assumer la plupart des responsabilités… » La posture du titulaire conditionne bien souvent la réussite du projet. « Celui-ci doit investir pleinement son rôle de manager en organisant des réunions d’équipe, mais aussi en se ménageant des moments d’échanges plus intimes avec chaque collaborateur pour montrer qu’il est à l’écoute et qu’il s’intéresse aussi à leur vie personnelle. C’est en connaissant ses collaborateurs et ce qui les fait avancer que l’on peut vraiment les impliquer. »

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Trouver les mots justes.

Pour Pascale Hauet, la communication du titulaire doit aussi être franche et sincère. « Quand les choses vont bien, ou quand cela fonctionne moins bien, il faut le dire. En faisant comprendre aux collaborateurs qu’ils ont le droit à l’erreur et qu’il n’y aura pas de conséquences pour eux. » Il ne faut pas non plus hésiter à valoriser les uns et les autres après une réussite. « Mais attention, afin de préserver l’équité, il faut éviter de toujours le faire auprès des mêmes, car cela pourrait créer des tensions avec les autres », note la coach. Ce volontarisme doit aussi s’appliquer en cas de conflits, ou lorsque quelqu’un sème la zizanie au sein des troupes. « Dans ce cas, le titulaire doit essayer de trouver, avec cette personne, une solution satisfaisante pour l’ensemble des parties. Et quand cela s’avère impossible, il ne faut pas hésiter à s’en séparer, afin de préserver la cohésion au sein de l’équipe », conseille Caroline Bouriaux. Une cohésion qui se mesure à travers des indicateurs très simples, comme le rappelle Éric Delavallée. « Dans une équipe soudée, lorsqu’un collègue tombe malade ou est en difficulté, il y a toujours quelqu’un pour le remplacer ou l’aider. Il y a aussi moins d’absentéisme, d’erreurs de délivrance, de commandes ou de rangement, et l’ambiance au travail est dynamique et agréable. Au final, cela donne un collectif plus performant, motivé et efficace », conclut le consultant.