Pharmacies rurales : mais qu’est-ce qui est passé par la tête des sénateurs ?

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Pharmacies rurales : mais qu’est-ce qui est passé par la tête des sénateurs ?

Publié le 12 avril 2024
Par Véronique Hunsinger et Sana Guessous
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Le Sénat a adopté en première lecture jeudi 11 avril la proposition de loi sur l’accès aux pharmacies dans les communes rurales dans sa version initiale. Les syndicats sont excédés.

Depuis le début, la profession est vent debout contre la proposition de loi de deux sénatrices RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) visant à assouplir les transferts et les regroupements des pharmacies en milieu rural. Mais après de nombreux échanges et heures de travail avec des sénateurs spécialistes de la question, « nous étions en phase sur un texte d’équilibre », rappelle Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutqiues de France.

Un vote incompréhensible

Surprise : jeudi 11 avril 2024, les sénateurs ont adopté la première version du texte proposée par Maryse Carrère, députée des Hautes-Pyrénées et Guylène Pantel, députée de Lozère. « C’est incompréhensible car quand nous avons rencontré la sénatrice, elle était d’accord pour trouver une solution », relate Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) lors d’une conférence de presse, vendredi 12 avril. Philippe Besset analyse ce coup de force de « la majorité du Sénat, la majorité LR en l’occurrence. Ce vote a généré une fracture au sein du groupe majoritaire : ceux qui avaient porté le dossier ne sont pas contents, le gouvernement et nous, syndicats professionnels, pas davantage ».

Inutile d’ouvrir de nouvelles pharmacies, il s’agit de soutenir les existantes !

Motif de la discorde : le texte ouvre la possibilité de créer une officine par voie de transfert ou de regroupement dans une commune de moins de 2 500 habitants. « Comme nous l’expliquons depuis le début, le sujet n’est pas d’ouvrir de nouvelles pharmacies en milieu rural mais de maintenir et de préserver celles qui font leur travail aujourd’hui, d’assurer la transmission des pharmacies qui existent », note Philippe Besset. En outre, le texte d’origine a été amendé, inquiétant encore davantage la profession. Il précise ainsi : « dans le cas où aucune antenne n’est créée par un pharmacien titulaire d’une officine d’une commune limitrophe ou de l’officine la plus proche, l’autorisation peut être élargie à un pharmacien titulaire d’une officine d’une commune non limitrophe ou plus éloignée ». Selon Pierre-Olivier Variot, de telles dispositions peuvent se révéler dangereuses. « Mettre une pharmacie sur des territoires trop petits peut déstabiliser le réseau ». Le président de l’USPO a ainsi rappelé les vagues de dérogations déjà accordées dans les années 80.

Une proposition qui peut avoir l’effet inverse de celui escompté

« De trop petites pharmacies n’auront pas les moyens financiers de remplir leurs missions. Une officine, ce n’est pas comme un cabinet de biologie médicale, il faut des bras pour remplir toutes les nouvelles missions ». Autre crainte de la profession : la constitution de réseaux de plusieurs antennes par des grosses pharmacies, dévoyant l’esprit originel du dispositif. « Le but, c’était de créer, par la proximité géographique, une structure à deux points de vente avec une même équipe », rappelle le président de l’USPO.

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Où est le décret tant attendu ?

Quant au décret sur la définition des territoires fragiles permettant, à terme, des aides conventionnelles, il aurait dû être présenté aux syndicats ce vendredi 12 avril 2024 mais la réunion a été… annulée. La proposition de loi doit, à présent, être examinée à l’Assemblée nationale, probablement pas avant l’automne prochain. « Nous allons donc pouvoir réexpliquer au maximum de monde que ce texte doit être modifié, qu’il faut revenir à la version de la commission du Sénat », a déclaré Philippe Besset.