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La chirurgie de l’obésité

Publié le 18 janvier 2021
Par Nathalie Belin
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La chirurgie permet à des patients atteints d’obésité sévère de bénéficier d’une perte de poids importante et d’améliorer leurs comorbidités et leur qualité de vie. La chirurgie de l’obésité, ou bariatrique, nécessite cependant un profond changement de ses habitudes et un suivi à vie.

La maladie

Obésité

Définition

• L’obésité est l’état d’un individu qui a un excès de poids dû à une accumulation excessive de masse grasse, pouvant entraîner des effets néfastes sur la santé et réduire l’espérance de vie. L’obésité est une maladie chronique selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

• Son diagnostic est clinique. Il repose sur la détermination de l’indice de masse corporelle, IMC = poids (en kg)/taille2 (en m), qui identifie plusieurs seuils chez l’adulte (voir ci-dessous). Chez l’enfant et l’adolescent, le diagnostic est posé en fonction des courbes de corpulence de référence tenant compte du sexe et de l’âge.

Facteurs favorisants

• Déséquilibre de la balance énergétique. L’obésité est la conséquence d’apports énergétiques supérieurs aux dépenses dues au métabolisme de base, à la thermogénèse (effet thermique des aliments) et à l’activité physique. Les excès d’apport peuvent être liés à une alimentation déséquilibrée et hypercalorique, des troubles du comportement alimentaire… Des facteurs environnementaux, tels les carences de sommeil, le travail nocturne…, et biologiques, avec des altérations du tissu adipeux (voir plus loin), interviennent également.

• Plus de 250 gènes impliqués dans la prise de poids, l’obésité sévère et/ou les complications de l’obésité ont été identifiés. Ces gènes de susceptibilité ont un effet individuel modeste, mais leur modulation par des facteurs environnementaux comme le rythme de vie, les habitudes alimentaires ou le travail de nuit peut impacter la balance énergétique.

• Autres : des médicaments, tels les neuroleptiques, les corticoïdes au long cours…, des troubles endocriniens, notamment hypothyroïdie et hypercorticisme, peuvent concourir à la survenue de l’obésité.

Physiopathologie

Résistance à l’amaigrissement

L’obésité résulte d’un processus complexe qui évolue en phases : constitution, entretien de l’excès de poids et fluctuations pondérales, appelé « effet yo-yo », favorisées par les nombreux régimes alimentaires restrictifs.

Altération du tissu adipeux

• Le tissu adipeux sécrète des hormones et des cytokines, nommées adipokines, qui interagissent au niveau cérébral, par exemple pour contrôler la prise alimentaire, produire des œstrogènes et des molécules inflammatoires, et au niveau métabolique sur la sensibilité à l’insuline, la dépense énergétique…

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• Le tissu adipeux des individus obèses est caractérisé par une inflammation chronique de bas grade, principalement liée à l’infiltration et à la prolifération de cellules immunitaires pro-inflammatoires, macrophages, lymphocytes T… Cet état inflammatoire est associé à une production anormale d’adipokines et d’autres molécules inflammatoires, contribuant à générer des complications fonctionnelles locales et systémiques qui vont jouer un rôle dans les comorbidités, avec athérosclérose, hypertension artérielle, résistance à l’insuline, puis diabète, mais aussi troubles articulaires, hépatiques… De plus, l’inflammation peut contribuer à la mise en place d’une fibrose au sein du tissu adipeux, facteur de résistance à la perte de poids.

Le microbiote intestinal serait impliqué dans les altérations du tissu adipeux, avec un rôle dans le processus de l’inflammation via une modification de la barrière intestinale.

Diagnostic

• En plus de l’IMC, le diagnostic de l’obésité prend en compte la mesure du tour de taille car elle est corrélée à l’excès de graisse péri-viscérale – abdominale -, elle-même associée au développement de complications métaboliques et cardio-vasculaires. En Europe, les seuils retenus sont une valeur supérieure à 80 cm chez la femme et à 94 cm chez l’homme. « La mesure du tour de taille a toutefois peu d’intérêt clinique en cas d’IMC > 35 kg/m2 », remarque le professeur Sébastien Czernichow, chef du service de nutrition du centre spécialisé de l’obésité, à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris.

• L’interrogatoire recherche les antécédents familiaux d’obésité et de pathologies métaboliques ou cardio-vasculaires, les circonstances de la prise de poids (âge de début, variations de poids, thérapeutiques, prises de médicaments…), évalue les connaissances diététiques, le comportement alimentaire, les habitudes de vie et la motivation quant aux changements comportementaux indispensables à la perte de poids.

• La recherche d’une pathologie endocrinienne favorisant l’obésité est recommandée, hypothyroïdie et hypercorticisme. Un bilan exhaustif des comorbidités cardio-vasculaires, métaboliques ou respiratoires est réalisé.

Complications

L’obésité entraîne des complications mécaniques (difficultés de locomotion…), métaboliques, inflammatoires, en plus de répercussions psychologiques et sociales. En cas d’obésité sévère ou massive, ces complications et le risque de mortalité augmentent de façon importante.

• Cardio-vasculaires et métaboliques. L’obésité avec excès de masse grasse au niveau abdominal, encore appelée obésité androïde, accroît le risque d’asthme, de syndrome d’apnées obstructives du sommeil, de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, d’insuffisance coronarienne et cardiaque, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral.

• Digestives et hépatiques. Favorisées aussi par l’obésité androïde, elles incluent le reflux gastroœsophagien, les lithiases biliaires et la stéatose hépatique – accumulation de graisse au niveau du foie. Celle-ci peut évoluer vers la stéatohépatite non alcoolique, ou NASH (voir Dico+), « une complication fréquente et préoccupante », souligne le Pr Czernichow, plus rarement vers la cirrhose, voire le carcinome hépatocellulaire.

• Ostéo-articulaires et veino-lymphatiques. Il s’agit d’arthrose, de lymphœdème, d’insuffisance veineuse chronique pourvoyeuse d’ulcères de jambe, de thrombose veineuse profonde.

• Psychologiques. Des troubles anxieux, de l’humeur, du comportement alimentaire, favorisés par les régimes répétés, sont légion.

• Cancers. « L’obésité augmente le risque et la mortalité des cancers, en particulier hormonodépendants : sein en post-ménopause, mais aussi côlon-rectum, œsophage », précise l’expert.

• Autres complications : baisse de la fertilité, complications gestationnelles, cutanées, avec mycoses, infections…, augmentation de la morbi-mortalité per- et post-opératoire.

Suivi

• Quels spécialistes ? Le suivi du patient en surpoids ou obèse est multidisciplinaire. Il se fait initialement par le médecin généraliste, conjointement avec un diététicien, un médecin nutritionniste et, selon le cas, par ceux qui prennent en charge les comorbidités associées.

• Le parcours. Si une perte de poids est obtenue, un suivi au long cours est nécessaire pour la stabiliser et limiter toute reprise. Si les règles hygiéno-diététiques ne réduisent pas l’excès de poids après six mois à un an, d’autres professionnels de santé sont consultés : psychologue et/ou psychiatre, professionnels des activités physiques adaptées, chirurgien de l’obésité… Dans une situation d’échec, il est judicieux de les orienter vers un centre spécialisé (voir cidessous), gage de sécurité pour poser à bon escient l’indication d’une intervention chirurgicale et garantir un suivi adapté.

• Les centres spécialisés de l’obésité (CSO), labellisés par l’État, regroupent des professionnels de santé experts dans la prise en charge des patients présentant une obésité sévère. Liste sur le site de l’Association française d’étude et de recherche sur l’obésité (afero.fr) et sur solidarites-sante.gouv.fr > Soins et maladies > Prises en charge spécialisées > Obésité > L’obésité. La Société française et francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques attribue aussi un label à des centres, dont la liste figure sur son site : soffcomm.org.

La prise en charge

Strategie therapeutique

Généralités

• La prise en charge médicale de l’obésité comprend en particulier une alimentation équilibrée et structurée, une activité physique optimale et adaptée, une régulation du rythme de vie, un accompagnement psychologique, avec parfois des thérapies cognitivo-comportementales.

• L’orlistat (Xenical et génériques) est le seul médicament ayant une AMM pour traiter l’obésité. C’est un inhibiteur puissant et spécifique et d’action prolongée des lipases gastro-intestinales. Les triglycérides alimentaires ne peuvent plus être hydrolysés, et donc absorbés. L’orlistat est à l’origine de douleurs abdominales, de selles grasses ou abondantes, mais aussi de pancréatites et d’hépatites potentiellement graves. Du fait de ces effets indésirables sérieux, du risque d’interactions médicamenteuses, car il modifie l’absorption de nombreux médicaments, et de son efficacité modeste, il n’est pas recommandé par la Haute Autorité de santé (HAS).

Place de la chirurgie

La chirurgie de l’obésité, appelée chirurgie bariatrique (voir Info+ p.28), s’adresse à des patients pour lesquels la prise en charge médicale s’est avérée insuffisamment efficace pour atteindre et maintenir un poids adapté.

En plus d’une perte de poids, cette chirurgie contrôle et améliore de nombreuses comorbidités et diminue la mortalité liée à l’obésité et à ses risques cardio-vasculaires et cancéreux.

Patients éligibles à la chirurgie

• Chez l’adulte. La Haute Autorité de santé a défini en 2009(1) les critères d’éligibilité à la chirurgie bariatrique. Il s’agit de patients adultes en échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant au moins six mois et avec un IMC ≥ 40 kg/m2, ou un IMC ≥ 35 kg/m2 associé à une comorbidité susceptible d’être améliorée par la chirurgie : hypertension artérielle, diabète de type 2, dyslipidémie, atteinte ostéo-articulaire invalidante, syndrome d’apnées du sommeil, stéato-hépatite non alcoolique…

Par ailleurs, les patients doivent avoir compris et accepté la nécessité d’un suivi médical et chirurgical à long terme.

• Chez l’enfant et l’adolescent, les rares situations pour lesquelles la chirurgie bariatrique se discute avant 18 ans ont été précisées par la HAS en 2016(2), notamment avoir au moins 15 ans, voire 13 ans, avoir atteint un stade de croissance osseuse et de puberté suffisant et une maturité psychologique permettant de tolérer et de maintenir dans le temps les frustrations liées aux changements alimentaires à mettre en œuvre.

Bilan pre-operatoire

Il est le même quelle que soit la technique utilisée. À l’issue du bilan pré-opératoire, la décision de recourir à la chirurgie bariatrique et le type d’intervention seront discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire. Il comporte en particulier les éléments suivants.

• Des bilans biologiques : lipidique, hépatique, d’hémostase…, ainsi qu’un bilan nutritionnel et vitaminique complet, avec dosages d’albumine, d’hémoglobine, statut ferrique, calcémie, vitamines D, B1, B9, B12…, d’autant que les patients obèses présentent souvent des déficits ou des carences du fait d’une alimentation à faible densité nutritionnelle pauvre en fruits et en légumes.

• Des examens : fibroscopie œso-gastro-duodénale pour identifier une éventuelle lésion gastrique ou œsophagienne, rechercher une infection à Helicobacter pylori par biopsie ; échographie abdominale en quête de lithiases vésiculaires ou d’une stéatose hépatique ; dépistage d’un syndrome d’apnées du sommeil ou d’un trouble ventilatoire ; consultations spécialisées multiples de chirurgien, endocrinologue, nutritionniste, psychiatre, psychologue, diététicien… afin de dépister et/ou anticiper des troubles susceptibles d’induire des complications à la chirurgie ou de compromettre le suivi, comme les compulsions boulimiques, les vomissements provoqués…

• Une éducation thérapeutique : le but est d’amorcer une perte de poids pré-opératoire et d’acquérir les connaissances qui permettront, en amont de la chirurgie, de la maintenir à terme.

• La mise en route d’une contraception chez les femmes : elle est recommandée dès que la décision d’opérer est prise et doit être poursuivie dans les douze à dix-huit mois suivant l’intervention. Ce délai d’au moins douze à dix-huit mois est recommandé avant d’envisager une grossesse en raison de complications possibles, notamment nutritionnelles.

Techniques chirurgicales

Quatre options chirurgicales sont préconisées par la HAS, d’autres sont en cours d’étude (voir Avis de spé ci-dessous). Sont distinguées principalement les techniques restrictives, qui réduisent la quantité d’aliments ingérées, et les techniques mixtes, dites aussi malabsorptives, qui induisent à la fois une restriction alimentaire et une malabsorption. Quelle que soit la technique, l’intervention se fait par voie cœlioscopique (voir Dico+ p.33), avec des durées d’hospitalisation d’un à cinq jours selon les techniques.

Techniques restrictives

Anneau gastrique ajustable

• Description. Modulable et réversible, cette technique simple consiste à mettre en place un anneau gonflable autour de la partie proximale de l’estomac. Cela ralentit le passage des aliments et conduit à une sensation de satiété précoce. L’anneau peut être resserré ou desserré par injection ou retrait de sérum physiologique via un boîtier sous-cutané relié à l’anneau. Ces ajustements visent à obtenir un bon compromis entre la perte de poids et le confort alimentaire du patient.

• Principales complications : reflux gastro-œsophagien, dysphagie (difficultés à avaler), vomissements liés à une dilatation de la poche gastrique ou de l’œsophage quand l’anneau est trop serré… Des migrations intra-gastriques de l’anneau et des complications liées au boîtier à type d’infection sont possibles.

Sleeve gastrectomie

• Description. Encore appelée gastrectomie longitudinale ou « en manchon », la sleeve – manche en anglais – gastrectomie est actuellement la technique la plus pratiquée. Irréversible, elle consiste à réséquer verticalement l’estomac de manière à réaliser une poche représentant environ un tiers de son volume initial. La partie de l’estomac retirée comporte le fundus, principal site de production de la ghréline, hormone orexigène – qui ouvre l’appétit -, ce qui favorise une baisse de l’appétit. « Ce mécanisme hormonal s’ajoute à la restriction alimentaire pure et rend cette technique intéressante », souligne le Dr Tigran Poghosyan, du service de chirurgie viscérale et digestive, à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris.

• Principales complications : il s’agit d’un risque de saignement sur la ligne d’agrafes et, plus grave, d’une fistule gastrique (voir Dico+) induisant une fuite du contenu de l’estomac les jours suivant l’intervention, parfois plus tardivement, et pouvant se compliquer de péritonite. Tachycardie, fièvre, douleur irradiant dans l’épaule gauche et troubles respiratoires doivent alerter. Un reflux gastro-œsophagien est très fréquent et peut être à l’origine, à long terme, d’un endobrachyœsophage (voir Dico+ p.33), pouvant luimême dégénérer en cancer de l’œsophage.

Techniques mixtes ou malabsorptives

Bypass gastrique en Y

• Description. En théorie réversible car, contrairement à la sleeve, l’estomac est conservé, le bypass gastrique en Y consiste à créer une poche gastrique à laquelle est anastomosée une anse de l’intestin grêle permettant de courtcircuiter sa partie initiale (voir Dico+ p.33). Les sécrétions biliaires et pancréatiques sont ainsi « dérivées », ce qui entraîne une malabsorption en plus d’une réduction de la quantité d’aliments ingérés. « Il s’agit d’une technique présentant une très bonne efficacité à long terme sur la perte de poids et la résolution des comorbidités, avec un taux de complications acceptable », indique le Dr Poghosyan.

• Principales complications : fistules au niveau des anastomoses, hémorragies ; plus tardivement, ulcère au niveau de la poche gastrique, occlusions intestinales suite à une hernie interne conséquence du court-circuit intestinal et de l’amaigrissement, et risque de calculs biliaires. Outre le risque de carences nutritionnelles au long cours, le bypass peut induire un « dumping syndrome » (voir Complications médicales).

Dérivation bilio-pancréatique

Peu réalisée en France, cette technique combine une gastrectomie longitudinale à une dérivation intestinale importante limitant fortement l’absorption des nutriments. Très efficace sur la perte de poids et les comorbidités, elle induit en revanche un risque de carence nutritionnelle fréquent et plus sévère que le bypass. Le court-circuit digestif est plus important et le transit, souvent accéléré.

Criteres de choix

Ce sont principalement l’IMC, l’âge, les antécédents médicaux et chirurgicaux, ainsi que les pathologies chroniques et les traitements en cours du patient.

Selon l’efficacité

• La sleeve et le bypass gastrique sont les techniques les plus pratiquées en raison de leur efficacité et d’une balance bénéfice/risque favorable. L’anneau gastrique ajustable est une technique moins invasive, mais également moins efficace, conduisant à une reprise du poids plus fréquente qu’avec les autres. Elle exige une hygiène alimentaire stricte compte tenu du blocage mécanique induit car les aliments ne passent plus, difficile à respecter pour certains patients. « Elle garde un intérêt chez des personnes âgées chez qui on souhaite éviter une technique malabsorptive ou chez des patients jeunes car elle est réversible », note le Dr Poghosyan.

• La dérivation bilio-pancréatique est réservée aux obésités les plus sévères avec un IMC > 50.

Autres critères

• Une technique malabsorptive peut modifier la pharmacocinétique de certains médicaments du fait d’une modification de leur absorption intestinale, comme les hormones thyroïdiennes, les anti-épileptiques… « ce qui nécessite de peser soigneusement ce risque », souligne le professeur Czernichow.

• La sleeve gastrectomie est évitée chez les patients qui souffrent d’un reflux gastro-œsophagien sévère car elle est elle-même pourvoyeuse de RGO.

Suivi

• Le suivi post-opératoire médical, nutritionnel et biologique, avec bilans lipidique, hépatique, hématologique, dosages de micronutriments, etc., a plusieurs objectifs :

→ prévenir les complications liées à la chirurgie ou à ses conséquences (reflux, vomissements…) ;

→ adapter la posologie des traitements en cours ;

→ surveiller la cinétique de l’amaigrissement et éviter la reprise pondérale ;

→ prévenir et traiter les carences en micronutriments.

• La Haute Autorité de santé recommande au moins une consultation tous les trois mois la première année, puis une à deux fois par an. Selon l’Assurance maladie(3), sur les 50 000 patients opérés chaque année, environ un sur deux est perdu de vue deux ans après l’intervention ou fait l’objet d’un mauvais suivi. Seuls 14 % des patients ont un bon suivi à cinq ans.

• Un bilan nutritionnel et biologique est recommandé à trois et six mois après l’intervention, puis au moins une fois par an.

Complications chirurgicales

Elles peuvent être :

• précoces et sévères : fistules liées à une mauvaise cicatrisation des tissus pour la sleeve et le bypass, saignement, occlusion intestinale… ;

• ou plus tardives : migration intra-gastrique de l’anneau…

Complications médicales

Outre les complications thrombo-emboliques post-opératoires, certaines liées à la technique chirurgicale sont fréquentes et/ou invalidantes.

• Vomissements : liés à des erreurs diététiques, avec un bol alimentaire trop important mais pouvant signer une complication mécanique telle que sténose, ulcère, hernie…

• Reflux gastro-œsophagien : il nécessite la prescription systématique d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) tel que oméprazole, etc., les trois ou quatre premiers mois, quel que soit le type d’intervention. Après une sleeve gastrectomie, le reflux est particulièrement gênant et persistant, ce qui nécessite souvent de prolonger la prescription.

• Dumping syndrome précoce : il touche principalement les patients ayant bénéficié d’un bypass. Apparaissant dans les semaines ou mois, parfois années, suivant l’intervention, il est lié à la consommation rapide d’aliments très gras

et/ou très sucrés. L’arrivée de ce bol hyperosmolaire dans l’intestin grêle cause un appel d’eau dans la cavité intestinale, un afflux de sang au niveau intestinal et, par conséquent, une diminution du volume sanguin dans la circulation générale à l’origine des symptômes : flush, palpitations, hypotension, sueurs et douleurs abdominales parfois suivies de diarrhées.

• Dumping syndrome tardif ou hypoglycémie hyperinsulinique tardive : plus rare mais plus invalidant, il survient en général à partir de la deuxième année après un bypass, y compris chez des patients suivant les recommandations alimentaires. Il résulte à la fois d’une réponse insulinique inadaptée et d’une modification de la sensibilité à l’insuline. Survenant typiquement une à quatre heures après un repas, il associe pâleur, sueurs, palpitations, fatigue, flou visuel, confusion, avec un risque de perte de connaissance. Compliqué à traiter, il peut nécessiter de « démonter » le bypass dans les cas extrêmes.

Carences nutritionnelles

Le risque dépend de l’importance de la perte de poids, du type d’intervention, de l’équilibre alimentaire et de l’observance des suppléments nutritionnels prescrits.

• Les carences sont plus fréquentes après une chirurgie malabsorptive faisant recommander une supplémentation systématique à vie en multivitamines, sous forme de compléments alimentaires, et en fer, calcium, vitamines D et B12 notamment. Selon le cas, un apport en vitamine B1 en cas de vomissements importants et B9 en cas de grossesse est aussi recommandé.

• Une supplémentation est préconisée quelle que soit l’intervention, durant toute la période d’amaigrissement rapide, au moins douze à dixhuit mois.

Adaptation des traitements

Suite à l’amélioration des comorbidités, les posologies des antidiabétiques, des antihypertenseurs et de certains traitements dont l’absorption peut être modifiée par le montage chirurgical doivent être réévaluées.

• Antihypertenseurs : encourager l’autosurveillance tensionnelle. Une fatigue importante, des chutes de tension ou des malaises au lever nécessitent un avis médical rapide afin de diminuer ou même stopper le traitement. Les patients étant à risque de déshydratation les semaines suivant la chirurgie, du fait d’une réduction des prises alimentaires, dont les boissons, les antihypertenseurs susceptibles d’altérer la fonction rénale comme les diurétiques et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion nécessitent en particulier une grande vigilance.

• Antidiabétiques : une adaptation très rapide des doses dans les jours puis mois suivant l’intervention est nécessaire, et la surveillance doit être régulière. L’insuline est parfois rapidement sevrée et les antidiabétiques oraux sont supprimés. L’autosurveillance glycémique, si elle n’est pas déjà effectuée, doit être mise en place.

• Contraception : après une chirurgie malabsorptive comme le bypass, un risque d’échec d’une contraception orale, y compris d’urgence, est possible en raison de la baisse de l’absorption intestinale des œstrogènes et progestatifs. D’autres contraceptifs peuvent être envisagés, type implant progestatif ou dispositif intra-utérin au cuivre ou hormonal en première intention, ou, après prise en compte du risque cardi-ovasculaire, des œstroprogestatifs non oraux en patch ou anneau vaginal. Après une chirurgie restrictive pure, anneau, sleeve et gastrectomie, les contraceptifs oraux peuvent être utilisés mais nécessitent une vigilance en cas de vomissements.

• Autres traitements : la chirurgie malabsorptive peut aussi induire une diminution de l’absorption des antivitamines K, des hormones thyroïdiennes ou de certains anti-épileptiques.

Les conseils aux patients

Observance

Suivi

• L’observance des suppléments nutritionnels prescrits est essentielle même si les analyses sanguines ne révèlent aucun déficit. Arrêter expose à des carences qui surviennent parfois plusieurs années après l’intervention mais peuvent être très graves, avec anémie, troubles neurologiques irréversibles en cas de carence en vitamine B1… Fatigue, chute des cheveux et/ou anomalies unguéales liées à des déficits nutritionnels sont moindres et s’amenuisent plus rapidement avec la supplémentation.

• Le suivi est primordial : tous les trois mois la première année, puis au moins une ou deux fois par an avec des bilans nutritionnels réguliers. Les bénéfices les plus importants sont observés chez les patients ayant un suivi médico-chirurgical rigoureux, respectant les recommandations nutritionnelles et d’hygiène de vie avec une activité physique régulière notamment. Vérifier que des rendez-vous sont programmés pour adapter les posologies de certains traitements : antihypertenseurs, antidiabétiques, mais aussi hormones thyroïdiennes, contraceptifs, AVK après chirurgie malabsorptive.

• Un suivi psychologique s’avère parfois nécessaire pour de multiples raisons : déficits en micronutriments pouvant avoir des répercussions sur l’humeur, difficultés à accepter les changements corporels, sentiment d’échec en cas de reprise pondérale…

Signes d’alerte

• En post-opératoire, douleurs abdominales d’installation brutale ou s’aggravant, fièvre, sang dans les selles ou vomissements font suspecter une complication : fistule, ulcère, hémorragie… Elles nécessitent un avis médical en urgence.

• Des vomissements répétés favorisant aussi des lésions de l’œsophage, ou une dysphagie (difficultés à avaler) inhabituelle requièrent également un avis médical car ils font suspecter une sténose, une hernie, un déplacement de l’anneau… Des vomissements occasionnels, liés en général à des erreurs alimentaires, doivent être signalés pour apprendre à les corriger et les limiter.

Automedication

• Les médicaments gastrotoxiques comme les AINS ou l’aspirine sont déconseillés en automédication, tout comme le tabac, car ils exposent à un risque d’ulcère gastrique, la muqueuse étant fragilisée.

• Les médicaments effervescents sont à éviter, tout comme les boissons gazeuses (voir Alimentation). En cas de nécessité de recourir à ces formes galéniques, proposer de remuer suffisamment le médicament dans l’eau afin que le gaz s’échappe.

Vie quotidienne

La chirurgie bariatrique induit une perte de poids importante mais elle ne fait pas tout (voir Avis du spé p. 31).

Le patient doit avoir compris la nécessité de modifier ses habitudes à vie en termes d’alimentation et d’activité physique afin de maintenir la perte de poids dans le temps.

Alimentation

Les changements radicaux d’habitudes alimentaires perturbent la reprise de la vie sociale et nécessitent grande rigueur et motivation pour être poursuivis au long cours. Les repas conviviaux peuvent par exemple être difficiles à gérer, avec une prise alimentaire rapide, une moindre écoute des signaux digestifs de satiété…

L’objectif est d’éviter tout volume trop important à l’origine de reflux et de vomissements, tout en assurant une couverture nutritionnelle optimale. Les grands principes en sont les suivants.

• Texture. En post-opératoire, la reprise alimentaire se fait très progressivement, d’abord sous une forme liquide puis mixée, avec compotes, yaourts…, puis moulinée et enfin hachée ou pâteuse. L’alimentation « normale » n’est généralement permise que trois à quatre semaines après l’intervention.

• Fractionnement. Au moins trois repas par jour sont recommandés, davantage en post-opératoire, parfois associés à une ou deux collations avec fruits, yaourts. L’utilisation d’une assiette à dessert, plus petite, au début de la réalimentation limite le volume des aliments.

• Manger lentement permet de mieux ressentir la satiété et évite des sensations de blocage avec l’impression que les aliments ne « passent » plus. La durée d’un repas doit être au minimum de 20 à 30 minutes. Recommander de stopper la prise alimentaire dès les premières sensations de satiété à type de pesanteur ou de tiraillements.

• Proscrire les aliments gras et sucrés, boissons sucrées, sodas, glaces, pâtes à tartiner… Très caloriques et peu intéressants sur le plan nutritionnel, ils favorisent les reflux et un « dumping syndrome » caractérisé par des sueurs, des nausées, des palpitations, des vertiges et des douleurs abdominales.

Apport suffisant en protéines : au moins 60 g par jour préservent la masse musculaire, indispensable à l’activité physique, et aident à la perte de poids (voir ci-dessous). Si la viande est mal tolérée telle quelle, elle peut être mixée ou remplacée par du poisson, des œufs ou des produits laitiers. En gros, 100 g de bœuf, de poulet ou deux œufs apportent 25 g de protéines.

• Boissons à distance des repas pour ne pas impacter la quantité d’aliments ingérés, en petite quantité mais régulièrement afin d’éviter toute déshydratation. Les boissons gazeuses sont à éviter car elles favorisent la dilatation de l’estomac. La consommation d’alcool doit elle aussi être modérée, surtout après une chirurgie malabsorptive, car l’ivresse survient plus rapidement avec des doses moindres.

Activité physique

• L’activité permet le maintien de la masse musculaire, donc limite la fatigue et optimise la perte de poids car plus la masse de muscles est importante, plus les dépenses énergétiques liées au métabolisme de base de l’organisme sont augmentées.

• Encourager à marcher dès les premières semaines après l’intervention, 15 puis 30 minutes par jour, puis davantage. En revanche, pas de port de charges lourdes ni de baignades avant cicatrisation complète, soit au moins trois à quatre semaines après une intervention par cœlioscopie.

Désir de grossesse

Un délai d’au moins douze à dix-huit mois est recommandé avant d’envisager une grossesse. Le suivi nutritionnel est primordial avant la conception puis tout au long de la grossesse pour éviter toute carence, et une surveillance étroite est instaurée en raison de complications potentielles : occlusion intestinale, hernie…

Chirurgie réparatrice

Les modifications corporelles rapides induites par la chirurgie, comme les excès cutanés, peuvent être mal vécues. L’indication d’une chirurgie réparatrice est discutée en équipe pluridisciplinaire, sous certaines conditions : un délai de douze à dix-huit mois après la chirurgie doit être respecté, le poids doit être stable depuis quelques mois, et toute carence nutritionnelle doit avoir été écartée. Par ailleurs, la prise en charge par l’Assurance maladie est soumise à certains critères. Pour l’abdominoplastie, par exemple, le tablier abdominal doit recouvrir le pubis.

(1) Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte , Haute Autorité de santé, janvier 2009.

(2) Chirurgie de l’obésité pour les moins de 18 ans : à n’envisager que dans des cas très particuliers, Haute Autorité de santé, mars 2016.

(3) Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses , Propositions de l’Assurance maladie pour 2018.

Avec l’aimable collaboration du professeur Sébastien Czernichow, chef du service de nutrition, centre spécialisé de l’obésité, hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, et du Dr Tigran Poghosyan, chirurgien dans ce même centre.

Info +

→ Bariatrique est un adjectif relatif à l’obésité. Il vient du grec « baros », qui signifie pesanteur, poids, et « iatros », médecin. Il s’utilise accolé à chirurgie, et désigne la chirurgie consacrée aux soins des personnes obèses.

Dico +

Stéatohépatite non alcoolique, ou NASH, pour Non-alcoholic steato-hepatitis : stéatose hépatique associée à une inflammation du foie, sans lien avec une prise élevée d’alcool. Elle est associée à un risque accru de fibrose hépatique pouvant conduire à la cirrhose.

Avis de spé

La difficulté est de maintenir la perte de poids”

Professeur Sébastien Czernichow, chef du service de nutrition, centre spécialisé de l’obésité, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.

La chirurgie bariatrique suffit-elle seule à la perte de poids ?

La chirurgie bariatrique suffit-elle seule à la perte de poids ? Les patients perdent environ 30 à 35 % de leur poids avec le bypass dans les deux années qui suivent l’intervention. La difficulté est de maintenir dans le temps cette perte de poids en suivant les recommandations alimentaires car, petit à petit, l’organisme tolère un volume de nourriture plus important. En l’absence de suivi des consignes nutritionnelles, souvent associé à un relâchement de l’activité physique, la reprise de poids est fréquente. Il faut également surveiller l’apparition de troubles du comportement alimentaire. Le suivi et l’accompagnement sont donc essentiels.

Info +

→ Le rapport bénéfice/ risque de la chirurgie bariatrique au-delà de l’âge de 60 ans est difficile à établir. Aussi, après 60 ans, l’indication est posée au cas par cas en fonction aussi des comorbidités associées(1).

Dico +

→ Fistule : connexion anormale entre deux organes qui ne devraient pas communiquer.

Avis de spé

“L’endosleeve intéresserait les obésités modérées”

Dr Tigran Poghosyan, chirurgien, centre spécialisé de l’obésité, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.

Qu’apportent les nouvelles techniques de chirurgie bariatrique actuellement en cours d’étude ?

Trois techniques sont aujourd’hui réalisées dans le cadre d’essais cliniques en France qui seront évalués par la Haute Autorité de santé. La SADI-sleeve est une technique qui se situe entre le bypass et la dérivation biliopancréatique. Les essais cliniques auxquels je participe sont encourageants avec, a priori, une plus grande efficacité que le bypass et moins de complications. On a supprimé le dumping syndrome par exemple, mais c’est une opération qui demeure plus compliquée et plus longue qu’un bypass. La sleeve avec bipartition du transit associe, elle, une sleeve à une dérivation du transit mais seule une partie du bol alimentaire est déviée, ce qui limite la malabsorption. Enfin, l’endosleeve est une technique endoscopique qui consiste à réaliser des sutures de l’estomac pour le réduire. Réversible, cette technique restrictive pure pourrait présenter un intérêt pour des patients ayant une obésité modérée, actuellement non éligibles à la chirurgie bariatrique.

Dico +

L’endobrachyœsophage, encore appelé œsophage de Barrett, correspond à l’apparition d’une muqueuse métaplasique – transformation du tissu en un autre tissu différencié, ici de la muqueuse malpighienne en une muqueuse glandulaire – au niveau de la partie distale de l’œsophage consécutive à un reflux des acides et enzymes gastriques.

Anastomoser : faire communiquer, réunir deux structures afin qu’elles communiquent entre elles.

Cœlioscopie : technique chirurgicale consistant à pratiquer de petites incisions dans la paroi abdominale afin que le chirurgien accède et intervienne dans la cavité abdominale. Du gaz carbonique, insufflé via un cathéter ou une aiguille sous l’ombilic, va soulever la paroi abdominale et repousser l’intestin afin de visualiser l’intérieur. À travers les incisions, différents instruments sont aussi introduits.

Info +

Le risque de suicide après chirurgie bariatrique serait quatre fois plus élevé que dans la population générale.

Source : C. Peterhansel, D. Petroff, G. Klinitzke, Risk of completed suicide after bariatric surgery : a systematic review, Obesity Reviews 2013 (14).

Contre-indications à la chirurgie bariatrique

Définies par la HAS(1), certaines peuvent être temporaires :

→ troubles sévères cognitifs, mentaux ou du comportement alimentaire, non stabilisés ;

→ incapacité prévisible du patient à participer à un suivi médical prolongé ;

→ dépendance à l’alcool et aux substances psycho-actives licites et illicites ;

→ absence de prise en en charge médicale préalable identifiée ;

→ maladies mettant en jeu le pronostic vital à court et moyen termes, contre-indications à l’anesthésie générale.

En savoir +

→ Société française et francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques

Le site Internet de la Soffcomm comporte un onglet destiné aux patients, dans lequel sont détaillées les différentes chirurgies bariatriques et les complications, ainsi que la liste des chirurgiens spécialisés.

www.soffcomm.org

→ Association française d’étude et de recherche sur l’obésité

L’onglet « Ressources documentaires » du site de l’Afero regroupe notamment les recommandations de la HAS pour l’adulte et l’enfant. Les 37 centres spécialisés de l’obésité en France y sont référencés.

www.afero.fr

À lire

Obésité – Quand et comment avoir recours à la chirurgie bariatrique ?, de Sébastien Czernichow, éd. Marabout, 2018.

À RETENIR

SUR L’OBÉSITÉ

→ Multifactorielle, l’obésité, définie par un IMC ≥ 30 kg/m2, est une pathologie chronique associée à de nombreuses complications : cardio-vasculaires, métaboliques, digestives, hépatiques, gestationnelles, psychologiques, cutanées… et à un risque augmenté de certains cancers.

→ L’obésité sévère et massive (35 ≤ IMC < 40 kg/m2 et IMC ≥ 40 kg/m2) sont à l’origine d’une morbi-mortalité importante.

SUR LA CHIRURGIE

→ La chirurgie bariatrique s’adresse à des patients atteints d’obésité sévère associée à au moins une comorbidité, ou d’obésité massive, en échec d’une prise en charge médicale bien conduite durant au moins six mois. Elle améliore significativement le poids, les comorbidités associées et l’espérance de vie.

→ On distingue les techniques restrictives pures avec anneau, sleeve gastrectomie, induisant une diminution de la quantité d’aliments ingérés, et les techniques mixtes (bypass), induisant en plus une malabsorption.

SUR LES SUITES

→ Une modification profonde des habitudes alimentaires et une activité physique adaptée sont indispensables pour maintenir la perte de poids.

→ Un suivi rigoureux clinique et biologique est effectué la première année, puis une à deux fois par an. Une supplémentation en micronutriments est systématique, et à vie pour le bypass.

→ Après chirurgie malabsorptive, l’absorption de médicaments est diminuée : AVK, hormones thyroïdiennes, contraception orale… Des adaptations posologiques sont à prévoir.