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La maladie de Verneuil
Cette dermatose inflammatoire chronique est marquée par des abcès récidivants au niveau des plis. La maladie de Verneuil touche 1 % de la population mais reste méconnue des professionnels de santé.
Qu’est-ce que c’est ?
• La maladie de Verneuil est une dermatose inflammatoire chronique selon la Société française de dermatologie (SFD). Elle se caractérise par des nodules, des abcès douloureux évoluant vers la suppuration – écoulement de pus -, la fistulisation (voir Dico+), et des cicatrices.
• La maladie porte le nom du chirurgien Verneuil, qui l’a décrite pour la première fois en 1854. Elle est aussi appelée hidradénite suppurée ou hidrosadénite suppurée, du grec hidrôs, « sueur », et adénos, « de la glande ». Le suffixe -ite signifie « inflammation » et suppurée vient du latin suppurare, de sub = sous, et de pus, puris = pus.
• Elle touche les régions des grands plis, zones du corps où sont présentes les glandes sudorales apocrines qui produisent la sueur.
• La maladie évolue par poussées douloureuses, entrecoupées de phases de rémission.
• La physiopathologie n’est pas complètement connue. Il y a une inflammation initiale de l’unité pilo-sébacée et des glandes sudorales apocrines, un dysfonctionnement du système immunitaire, et des modifications du microbiote cutané, avec notamment des germes anaérobies. Il existe un terrain génétique prédisposant. Environ un cas sur trois relève d’une forme familiale. Le ou les gènes responsables ne sont pas identifiés.
• Cette maladie systémique implique un dysfonctionnement de l’immunité innée, elle-même responsable d’une auto-inflammation. De nombreuses comorbidités sont associées : maladies folliculaires, diabète, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, rhumatismes inflammatoires… Plus de deux tiers des patients sont en surcharge pondérale et 80 % sont fumeurs(1).
Est-elle fréquente ?
• Environ 1 % de la population française est touchée, ce qui en fait une maladie relativement courante. Les femmes sont trois à quatre fois plus concernées que les hommes(2), parfois dès l’adolescence, à la puberté. La maladie tend à disparaître à la ménopause, ce qui suggère une influence des hormones sexuelles féminines.
• Certains facteurs environnementaux ont été identifiés comme aggravants. Il s’agit essentiellement du tabac et du cannabis, du surpoids et de certains facteurs nutritionnels, dont une alimentation carnée, riche en produits laitiers et en sucres rapides appelée « Western diet ».
Quels signes cliniques ?
• La maladie se caractérise par :
→ des lésions typiques : des nodules profonds, douloureux, voire abcédés (voir Dico+), des fistules, des cicatrices fibreuses ;
→ une localisation dans les plis : axillaires, mais aussi inguinaux, mammaires, fessiers…;
→ un caractère chronique et récidivant des lésions, avec au moins deux poussées en six mois selon les critères de la SFD.
Les lésions sont douloureuses, inesthétiques et parfois même malodorantes à cause du pus. La surinfection bactérienne est secondaire aux lésions, et survient en raison des défauts immunitaires innés et acquis. Les bactéries présentes au niveau de la flore cutanée, notamment les germes anaérobies, colonisent les lésions.
• Il existe une grande hétérogénéité de situations cliniques selon le type de lésions, leur localisation, leur nombre ou leur évolution. Les formes dites atypiques folliculaires donnent des lésions très différentes de la forme « classique » décrite précédemment, avec une atteinte possible du visage, de la nuque, des épaules, du dos et des lombaires, avec des lésions papulo-nodulaires et des cicatrices particulières dites « en pont » ou « en corde », avec une couche fibreuse qui vient recouvrir la lésion et des cicatrices « vermoulues » qui se développent en profondeur, formant un trou.
• Ce n’est pas une maladie contagieuse et elle n’est pas due à un manque d’hygiène. Ce n’est pas une maladie mortelle, mais son impact sur la qualité de vie des patients est souvent majeur, aux niveaux familial et professionnel.
Quel diagnostic ?
• Le diagnostic est clinique. Il ne nécessite aucun examen complémentaire.
Le score de Hurley est un score clinique qui permet au dermatologue de distinguer trois niveaux de sévérité ou grades de la maladie de Verneuil, avec :
→ grade I : formes légères, avec un ou plusieurs abcès sans fistules ni cicatrices fibreuses. Il concerne 75 % des patients ;
→ grade II : formes modérées, avec présence de fistules et de cicatrices hypertrophiques mais les lésions restent encore bien séparées les unes des autres. Cela concerne 24 % des patients ;
→ grade III : formes sévères observées chez 1 % des patients. L’atteinte est diffuse, les fistules sont interconnectées et il y a des abcès sur toute la zone atteinte.
Attention, il ne s’agit pas de trois stades évolutifs. Un patient atteint d’un stade III l’est souvent dès le départ, sans passer par les stades I et II.
• La découverte d’une maladie de Verneuil chez un patient doit amener le praticien à rechercher les autres maladies et comorbidités potentiellement associées à l’hidradénite.
• Il existe un important retard de diagnostic. En moyenne, les patients attendent plus de huit ans et consultent plus de six médecins avant que le diagnostic soit posé ! En cause, un manque de formation des médecins non spécialistes, la forte prévalence des formes légères, ou la confusion avec d’autres affections dermatologiques.
Quels traitements ?
La prise en charge de la maladie de Verneuil est médico-chirurgicale. La classification de Hurley et le nombre de poussées annuelles, moins de quatre ou quatre et plus, sont à la base de l’algorithme de prise en charge proposé par la Société française de dermatologie en 2019.
• Quels objectifs ? Les objectifs des traitements médicamenteux sont bien plus modestes que ceux du psoriasis ou de la dermatite atopique par exemple. L’éradication des lésions n’est pas envisageable avec les seuls traitements médicamenteux.
• Quels médicaments ? Essentiellement des antibiotiques oraux avec amoxicilline + acide clavulanique ou pristinamycine durant les poussées sur sept jours, doxycycline ou lymécycline ou cotrimoxazole en traitement de fond sur au moins six mois, parfois des rétinoïdes oraux tels que isotrétinoïne, acitrétine, alitrétinoïne dans les formes folliculaires. En cas d’échec, des médicaments biologiques sont possibles, comme l’adalimumab, non remboursé dans cette indication (anti-TNF, Humira et biosimilaires), avec une réévaluation dans les trois à six mois. L’infliximab (anti-TNF, Remicade et biosimilaires, à l’hôpital) et l’ustekinumab (anti-IL12 et 23, Stelara) sont également utilisés mais hors AMM.
• Quelles interventions ? L’incision permet le drainage de la lésion mais ne la supprime pas, d’où une récidive quasi systématique à cet endroit. Elle vise à soulager rapidement la douleur. À l’inverse, l’exérèse large supprime la maladie localement, en particulier dans les formes axillaires, mais la pathologie peut encore s’exprimer à d’autres endroits. Le patient subit parfois plusieurs interventions par an, ce qui est très lourd en termes d’hospitalisation, d’anesthésie et de soins infirmiers à domicile.
• En cas d’atteinte sévère (grade III), une réunion de concertation pluridisciplinaire médico-chirurgicale est recommandée. Le traitement antibiotique initial dure de quinze à vingt et un jours et repose sur d’autres molécules : ceftriaxone, métronidazole, clindamycine, lévofloxacine…
• Pour tous les patients, une prise en charge de la douleur, un soutien psychologique et un arrêt du tabac le cas échéant sont mis en place. Un diabète est recherché. Une perte de poids et une bonne hygiène de vie sont préconisées.
Comment en parler ?
Environ un tiers des patients s’auto-diagnostiquent en consultant Internet !
• Au comptoir, la présence d’un nodule ou d’un abcès dans un grand pli, axillaire, inguinal, mammaire…, doit faire suspecter une maladie de Verneuil. Poser un diagnostic est toutefois interdit car cela s’apparenterait à un exercice illégal de la médecine. Il est cependant possible d’orienter un patient en situation d’errance diagnostique et thérapeutique vers des associations spécialisées (voir En savoir+) afin de bénéficier d’une prise en charge adaptée et de rompre l’isolement.
• Une fois le diagnostic posé, l’officinal participe au bon usage des antibiotiques. Attention à l’automédication ! Déconseillez les AINS et des corticoïdes à visée antalgique, au risque de complications infectieuses, ainsi que les antibiotiques locaux et les antiseptiques, en préconisant un lavage à l’eau et au savon. Incitez également le patient à ne pas inciser lui-même ses lésions.
• En cas de suppuration importante, des pansements hydrocellulaires ou hydrofibres, voire au charbon, améliorent la qualité de vie en absorbant les exsudats et en atténuant les odeurs.
Avec l’aimable participation des Dr Stéphanie Mallet et Isabelle Nicol, dermatologues à l’hôpital de la Timone, à Marseille (13). Le Dr Nicol est membre du groupe HS-France (hidrosadénite suppurative) au sein de la Société française de dermatologie.
(1) Prise en charge de la maladie de Verneuil : quels objectifs réalistes aujourd’hui ? , Réalités thérapeutiques en dermato-vénérologie, septembre 2020.
(2) Prise en charge de l’hidradénite suppurée, Centre de preuves de dermatologie, recommandations de bonnes pratiques.
Dico +
→ Abcès : amas de pus collecté dans une cavité.
→ Excrétion apocrine : forme d’excrétion par apocytose. Le produit d’excrétion, par exemple la sueur ou le lait du mamelon, est excrété entouré par la membrane de la cellule glandulaire.
→ Fistule : canal d’où s’écoule un liquide.
→ Fistulisation : formation de galeries sous-cutanées inflammatoires et abcédées (= où s’est formé un abcès).
→ Nodule : formation cutanée arrondie, solide et saillante.
→ Papule : lésion cutanée légèrement saillante qui dessèche sans cicatrice.
En savoir +
→ Solidarité Verneuil
Cette association de patients créée en 2009 vise à améliorer la prise en charge des patients et à rompre leur isolement.
→ ResoVerneuil
Fondée en 2015, cette association de professionnels de santé regroupe plus de 200 praticiens. Un annuaire de ces spécialistes et de multiples informations claires sur la maladie et ses traitements sont proposés.
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