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Le séquençage prend une nouvelle allure
La France est en retard en matière de décryptage – ou séquençage – du génome du Sars-CoV-2. Santé Publique France et l’ANRS maladies infectieuses émergentes sont en train de déployer en urgence un projet national de surveillance génomique. Objectif affiché : améliorer la détection de nouveaux variants pour pouvoir les combattre au plus vite.
Avec moins d’une séquence publiée pour 1 000 cas déclarés, la France faisait pâle figure un peu avant Noël dans la base de données Gisaid (pour Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data). La plateforme internationale de partage de données recense le nombre de séquences du Sars-CoV-2 publiées par chaque pays rapporté au nombre de cas. En Europe, le Danemark (93 séquences pour 1 000) ou le Royaume-Uni (56) figuraient, eux, dans le peloton de tête des nations qui séquençaient le plus. La publication le 24 décembre d’une étude anglaise annonçant que la souche britannique était de 50 à 74 % plus contagieuse a sonné la mobilisation générale. A la demande du ministère des Solidarités et de la Santé, Santé publique France et l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) maladies infectieuses émergentes ont conçu un dispositif national de surveillance génomique. « Les tests par reverse transcription-polymerase chain reaction (RT-PCR) ne faisant qu’indiquer une suspicion de variant [voir encadré], le séquençage constitue le seul moyen de les identifier avec certitude, d’avoir une idée de leur niveau de circulation, et d’être en capacité de détecter l’apparition de mutants potentiellement plus contagieux, virulents ou résistants aux vaccins », rappelle Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses à Santé publique France.
Plateformes haut débit
Afin d’obtenir rapidement une photographie de la situation, une première enquête flash a été conduite les 7 et 8 janvier auprès de 135 laboratoires, 234 ayant participé à la seconde le 27 janvier. « Dans ces études, réalisées toutes les deux ou trois semaines, les tests RT-PCR positifs enregistrés sur une journée sont criblés systématiquement. L’ensemble des prélèvements ressortant avec une suspicion de variant est ensuite séquencé, explique Bruno Coignard. Nous avons ainsi pu déterminer que la circulation du variant britannique a progressé, mais pas explosé comme au Royaume-Uni. Il était en effet responsable de 3,3 % des cas de Covid-19 diagnostiqués par RT-PCR les 7 et 8 janvier, et d’environ 14 % le 27 janvier, tous les résultats n’étant pas encore disponibles. » Un séquençage systématique, cette fois sur des cibles données, a également été décidé. « Nous allons surveiller les patients en réanimation, les clusters, les cas qui surviennent chez des personnes ayant déjà été vaccinées et les malades immunodéprimés qui constituent un terrain favorable à l’apparition de nouvelles mutations », détaille Jean-Michel Pawlotsky, chef du service biologie-pathologie à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne).
Quatre plateformes, les deux laboratoires du centre national de référence (CNR) au sein des hospices civils de Lyon (Rhône) et de l’Institut Pasteur à Paris, l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne) et l’institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille (Bouches-du-Rhône), ont été désignées pour assurer ce séquençage haut débit. Une trentaine de laboratoires appartenant à un réseau coordonné par l’ANRS maladies infectieuses émergentes, ainsi que les laboratoires hospitaliers ou hospitalo-universitaires ont également la possibilité de réaliser des séquences. Directeur de l’Institut européen de génomique du diabète à Lille (Nord), Philippe Froguel s’engage, par exemple, à en pratiquer 800 par semaine avec ses équipes. « Le problème, c’est que nous n’avons encore reçu aucun échantillon. Du coup, nous allons commencer à travailler à partir de prélèvements transmis par des laboratoires privés de biologie médicale, confie ce généticien qui note également que les kits de séquençage ont mis trois semaines à arriver, alors qu’habituellement il faut quatre jours. La priorité accordée à ces quatre plateformes nationales de virologie semble aboutir pour les autres à une forme de pénurie. Alors que si l’on veut répondre aux enjeux qui sont énormes, puisque pour bien faire nous devrions séquencer 5 % des cas diagnostiqués, il faudrait davantage associer les laboratoires de recherche en génétique. » Cet objectif sera très vite att eint, assure de son côté Bruno Coignard : « La semaine dernière, l’ensemble du réseau a réalisé 3 100 séquences. En mars, nous prévoyons d’en générer, en rythme de croisière, 4 000 à 5 000 par semaine. Si l’on considère qu’il y a 20 000 cas par jour, nous ne serons pas loin des 5 %. »
Changement de méthodes
Pour Jean-Michel Pawlotsky, cett e priorité accordée aux quatre plateformes est légitime. « La plupart des laboratoires de virologie utilisent la technique de séquençage Sanger qui nécessite une seconde PCR sur un petit fragment du génome, en général sur la région Spike. Mais comme cett e méthode ne caractérise pas l’intégralité de la séquence, elle ne permet pas d’identifier de nouveaux variants, ni de décrire l’intégralité des variabilités sur le génome. » Pour faire cela, il faut utiliser le next generation sequencing qui implique d’investir dans des séquenceurs nouvelle génération beaucoup plus coûteux, dont disposent les quatre plateformes nationales…
Le projet national de surveillance génomique implique aussi un gros travail d’optimisation des flux en amont et en aval, comme le reconnaît Bruno Coignard. « Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas reçu l’ensemble des séquences à analyser de la deuxième enquête flash réalisée le 27 janvier dernier. Par conséquent, nous n’avons publié les résultats que sur un tiers des séquences programmées. » A l’autre bout de la chaîne, les délais de publication donnent aussi du grain à moudre. D’après le Gisaid, il se passe en moyenne 48 jours en France entre le prélèvement et la publication d’une séquence. Au Royaume-Uni, ce délai n’est que de 21 jours… « Ce retard n’est pas lié à un manque de capacité à séquencer. Il est dû à des problèmes logistiques, de centralisation et de traitement de l’information, souligne Bruno Coignard. Nous sommes donc en train de mett re en place l’infrastructure de bio-informatique qui centralisera l’ensemble des résultats et permett ra aux plateformes de produire plus rapidement les données qui alimenteront les travaux de surveillance de Santé Publique France et de recherche de l’ANRS maladies infectieuses émergentes. »
Ce projet de surveillance génomique du Sars-CoV-2 devrait tourner à plein régime d’ici deux ou trois mois. « Avec 200 000 séquences par an, nous aurons une meilleure vision des variants en circulation et serons en capacité d’identifier l’apparition de mutants qui émergeraient sur notre territoire, affirme Bruno Coignard. Ces informations de séquençage, croisées avec les données épidémiologiques, participeront enfin utilement à l’orientation des mesures de contrôle et aux arbitrages politiques. Elles ont par exemple aidé à orienter le choix du gouvernement de ne pas reconfiner. Demain, elles contribueront peut-être à la décision d’instaurer un nouveau confinement… » Les premiers eff ets de cett e stratégie commencent en tout cas à se répercuter dans le Gisaid. La France publie actuellement près de 1,47 séquence pour 1 000 cas déclarés contre 0,94 fin décembre…
CRIBLAGE, MODE D’EMPLOI
Le criblage est un test plus simple qui intervient en amont du séquençage. Il consiste à eff ectuer sur un échantillon ressorti positif après un test antigénique ou PCR, une RT-PCR de 2e intention afin de classer d’un côté les échantillons en suspicion de variant anglais, de l’autre les sudafricain ou brésilien. Le résultat doit être inscrit dans un délai de 36 heures au maximum dans le système d’information national de dépistage populationnel (SI-DEP). Pour confirmer la présence d’un variant et identifier la nature exacte de la souche dans un échantillon, celui-ci doit faire l’objet d’un séquençage. Une procédure plus lourde puisque les laboratoires ayant effectué le prélèvement reçoivent les résultats en moyenne après 4 à 6 jours. Pour un criblage, le délai n’est que de 1 à 3 jours.
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