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Il faut toujours prévoir le grain de sable !

Publié le 13 mars 2021
Par Francois Pouzaud
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Des événements imprévus peuvent venir contrarier le développement de l’officine acquise. Antoine Grimaldi et Henri Voillot, installés en centre-ville de Rouen depuis plus d’un an, en parlent en connaissance de cause.

Diplômés depuis 2015, Antoine Grimaldi et Henri Voillot sont tombés sous le charme de l’architecture de Rouen (Seine-Maritime), de son centre médiéval et de ses rues pavées. Ils ont « craqué » pour la pharmacie du Vieux Marché, l’une des deux officines historiques de la ville, située en face de l’église Sainte-Jeanne-d’Arc. Le 1er juillet 2019, ils ont racheté cette belle affaire de 2 M€ de chiffre d’affaires à un pharmacien septuagénaire. Le lieu est également réputé pour son offre spécialisée en dermocosmétologie.

L’achat d’une première officine étant un acte fondamental dans la construction d’une carrière, ces deux associés d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) de pharmacie ont souhaité sécuriser cette transaction en passant par Gilles Andrieu, gérant du cabinet Espace (groupe PSP), transactionnaire bien implanté sur la région Normandie.

Car le centre-ville de Rouen ne déroge pas à la règle des métropoles : la concurrence est vive et les pharmacies « commerciales » attirent le chaland à grands coups de promotions. « Mais avant de s’intéresser à la concurrence, il faut d’abord se regarder soi-même, ainsi que le projet de développement que l’on souhaite porter », considère Antoine Grimaldi.

Le projet de ces deux jeunes pharmaciens est justement celui d’une pharmacie de services à l’écoute de ses clients, tout en conservant un positionnement fort sur la dermocosmétique. « Nous avons conforté ce point fort en formant deux de nos salariées, avons développé un rayon bébé et femme enceinte mais aussi micronutrition, investi dans des étiquettes électroniques… », indique Henri Voillot. Ils ont élargi l’offre de l’officine à de nouvelles gammes en rapport avec les besoins du marché actuel et misent sur leur dynamisme pour booster le chiffre d’affaires.

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Des vents contraires

Une succession d’événements va bouleverser le business plan et les prévisions. Tout d’abord, la ville a entrepris un vaste chantier de restauration des espaces publics au cœur de la ville, notamment des quartiers du Vieux-Marché et de la cathédrale. « Des places de stationnement ont été supprimées et les travaux ont été bloqués pendant deux mois », déplorent les deux associés. Le chantier du centre-ville a démarré en septembre 2019 pour finir début mars 2020. Six mois de travaux entrecoupés dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019 par l’incendie de l’usine Lubrizol aux conséquences à la fois sanitaires et économiques pour de nombreux secteurs d’activité, dont le tourisme. Les promeneurs n’avaient plus envie de flâner place du Vieux-Marché.

Si les travaux ont ralenti l’activité du centre-ville, c’est le premier confinement lié à la crise sanitaire qui l’a ensuite paralysée. « Le début du confinement a coïncidé avec le lendemain de la réouverture de notre rue », en sourit encore Antoine Grimaldi.

La pharmacie du Vieux Marché a donc payé un lourd tribut. « Nous n’avons pas encore retrouvé le chiffre d’affaires réalisé au moment de l’acquisition », confie Henri Voillot.

Ces imprévus (sans compter les manifestations des « gilets jaunes ») ont contraint les cotitulaires à demander un différé de remboursement d’un trimestre auprès de la banque concernant à la fois le prêt contracté par la société de participation financière de professions libérales (SPF-PL dans laquelle ils sont à égalité de parts), qui a racheté les parts de la SELARL de leur vendeur, et le prêt de cette société « fille » qui a été restructuré (réétalement) de manière que les dividendes remontés à la SPF-PL couvrent ses échéances trimestrielles auprès de la banque. « En revanche, hormis celle de l’Assurance maladie, nous n’avons pas souhaité solliciter les aides de l’Etat », précise Antoine Grimaldi.

Ces deux pharmaciens avaient été prévoyants. Heureusement. Leur plan de financement avait prévu, par prudence, une marge de sécurité en cas de baisse d’activité. Sa fourchette basse n’a pas été atteinte et le plus dur est maintenant derrière eux.