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L’assureur doit payer les pertes d’exploitation
Si, en cette période de crise sanitaire, les pharmacies sont globalement moins durement touchées que d’autres entreprises, certaines ont pu connaître une chute de leur activité. A leur assureur d’assurer. Comme pour d’autres secteurs.
LES FAITS
Le 23 août 2017, la société P. signe avec l’assureur A. un contrat d’assurance multirisque professionnel pour son activité de restauration rapide. Ce contrat comporte une garantie « perte d’exploitation suite à fermeture administrative pour cause d’épidémie ». Cette garantie est cependant accompagnée d’une clause d’exclusion stipulant que « sont exclues les pertes d’exploitation, lorsqu’à la date de la décision de fermeture au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique ». Face au refus de son assureur, le dirigeant de la société P. saisit la justice pour obtenir l’application du contrat sur la période du 15 mars au 2 juin 2020.
LE DÉBAT
Le dirigeant de la société P. demandait notamment au juge l’application des articles 1171 du Code civil et L.113-1 alinéa premier du Code des assurances. Ces textes précisent respectivement que « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite » et que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Ainsi, la société P. estime que la clause d’exclusion crée un déséquilibre significatif entre les deux parties, et que sa rédaction n’est pas précise. Le 15 octobre 2020, le tribunal de Marseille (Bouches-du-Rhône) accepte les arguments du dirigeant de la société P. L’assureur fait appel de la décision. Il souligne avoir fait parvenir à l’assuré, le 28 octobre 2020, un avenant précisant les termes du contrat. Ce dernier avait refusé de le signer.
LA DÉCISION
Le 25 février 2021, la cour d’appel d’Aix-en-provence (Bouches-du-Rhône) confirme la décision du tribunal de Marseille. Les magistrats estiment que le contrat liant la société P. et l’assureur A. prévoit une indemnisation des pertes d’exploitation dues à une fermeture administrative pour cause d’épidémie. Ce contrat ne définit pas la population visée par l’épidémie, ni la notion d’épidémie elle-même. L’avenant n’ayant pas été signé par l’assuré, il ne peut pas lui être appliqué. Dès lors, l’obligation essentielle de l’assureur est donc d’indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies à la suite de la fermeture administrative en raison d’une épidémie. Les juges rejettent l’application de la clause d’exclusion en considérant qu’elle reviendrait à « priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie ». Les magistrats appliquent un principe de jurisprudence établi depuis des décisions de 1996, dites « Chronopost », interdisant aux parties à un contrat de contredire la portée de leur engagement via une clause limitant leur responsabilité.
La clause d’exclusion est donc réputée non écrite et l’assureur est tenu d’indemniser la société P. Les magistrats rappellent également que les stipulations contractuelles doivent obligatoirement être interprétées au bénéfice de l’assuré.
Face à des pertes d’exploitation, le pharmacien doit se référer à son contrat et signaler le sinistre dans le délai imparti. A défaut, il pourrait ne pas être garanti, et ce même si le contrat est imprécis ou des clauses réputées non écrites.
Source : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 27 février 2021, n° 20/10357.
À RETENIR
Un contrat ne peut pas prévoir de clause permettant à une des parties de ne pas exécuter son obligation essentielle.
Une clause d’exclusion doit être rédigée de façon précise avec une définition des mots-clés.
En cas d’interprétation du contrat d’assurance, le doute doit bénéficier à l’assuré.
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