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L’allègement des traitements anti-VIH en ligne de mire
Pandémie de Covid-19 oblige, la Conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes (CROI) s’est tenue en ligne et a offert une large place au Sars-CoV-2. Elle a toutefois permis de confirmer que, face au virus du sida, l’allègement de la charge médicamenteuse est un mouvement de fond, en préventif comme en curatif.
Grâce aux trithérapies antirétrovirales (TARV) actuelles, l’espérance de vie des patients atteints du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est équivalente à celle de la population générale. Désormais, l’objectif est de réduire le fardeau du traitement, et les risques liés à sa tolérance ou à son inobservance. La Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections (CROI), qui s’est tenue du 6 au 10 mars en mode virtuel, a été l’occasion de prendre conscience de l’ampleur de cette dynamique face au virus du sida (concurrencé cette année dans le programme du CROI par le Covid-19) : nouvelles associations, nouvelles molécules, traitements intermittents… « D’ici quelques années, les patients atteints du VIH auront le choix entre des traitements oraux moins lourds et des traitements intramusculaires ou sous-cutanés espacés de plusieurs semaines à plusieurs mois, résume Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis à Paris. Les administrations s’espaceront, ce qui facilitera l’observance, réduira la stigmatisation et améliorera la confidentialité des patients ».
En réalité, cette évolution est déjà enclenchée, avec une première bithérapie injectable. Elle repose sur deux nanoformulations, l’une de cabotégravir (Vocabria), un nouvel inhibiteur de l’intégrase (INI), et l’autre de rilpivirine (Rekambys). Leur administration se fait par voie intramusculaire. L’étude Atlas-2M, présentée à la CROI 2021, a montré que cette bithérapie permettait de contrôler efficacement la charge virale, que les injections aient lieu toutes les quatre ou toutes les huit semaines. Ces deux formulations ont été autorisées par l’Agence européenne des médicaments (EMA) fin 2020. Une autre molécule, dont le développement est moins avancé, pourrait, elle, être injectée de façon semestrielle en sous-cutané, en association à d’autres antirétroviraux (ARV). Il s’agit du lénacapavir, premier représentant de la classe des inhibiteurs de capside du VIH-1. Dans une étude de phase 2/3, ce nouveau médicament a en effet permis à la plupart des participants, qui étaient pourtant lourdement prétraités et présentaient un VIH multirésistant, d’avoir une charge virale indétectable 26 semaines après la première administration. L’allègement thérapeutique est aussi une voie d’optimisation des TARV actuelles. L’idée est alors d’aménager des jours sans prise de traitement. Après deux années de suivi, l’étude Quatuor vient par exemple de montrer que basculer vers un rythme d’administration quatre jours sur sept est une solution alternative envisageable chez des patients qui prenaient jusque-là une TARV de façon continue.
PrEP : une question de choix
Si la prophylaxie préexposition (PrEP) à la demande est aujourd’hui une réalité, la recherche se poursuit pour la rendre encore moins lourde à utiliser. Jean-Michel Molina explique : « C’est l’étude randomisée Ipergay qui avait montré l’efficacité de la PrEP intermittente chez des hommes à risque ayant des relations sexuelles avec des hommes. Mais il fallait s’en assurer dans la vraie vie. C’était l’objectif de l’étude ouverte Prévenir, que j’ai coordonnée et dans laquelle les participants choisissaient ce qu’ils préféraient entre la PrEP continue ou à la demande. Le suivi à trois ans que j’ai présenté cette année montre que les cas d’infection sont inférieurs à 1 pour 1 000 lorsque les participants respectent bien le schéma qu’ils ont choisi. Il y a eu seulement trois infections à VIH dans chacun des deux groupes, et tous concernaient des personnes qui avaient arrêté le traitement. » L’étude est aujourd’hui prolongée sur cinq années supplémentaires. Elle se penchera notamment sur des approches visant à réduire le risque lié aux autres infections sexuellement transmissibles, dont l’incidence est restée significative durant l’étude. « Ce sera aussi l’occasion de tester la PrEP via des molécules à longue durée d’action, explique Jean-Michel Molina. Il y a un engouement majeur des laboratoires pour la prévention du VIH. Désormais, les nouvelles molécules sont évaluées en curatif, mais encore plus souvent en préventif ». La CROI 2021 a d’ailleurs été l’occasion de présenter certaines d’entre elles : ainsi, les injections mensuelles de cabotégravir auraient une efficacité supérieure à la PrEP orale. D’autres options moins avancées se dessinent aussi, comme l’injection de lénacapavir tous les six mois ou l’administration orale d’islatavir tous les mois. Ce dernier est le premier inhibiteur nucléosidique de la translocation (INTTI). Il a une demi-vie extrêmement longue, de près de 190 heures, après une simple prise orale. D’où son intérêt dans des schémas de prise espacés en traitement préventif (pré ou postexposition) ou en curatif. Un implant annuel sous-cutané est même en développement. « A terme, comme pour la contraception, la PrEP devrait se présenter sous de multiples formes parmi lesquelles les personnes choisiront », résume l’infectiologue.
L’immunothérapie se précise
Les ARV ne permettent pas de guérir l’infection, car le réservoir de cellules où le virus est latent leur reste inaccessible. Mais les chercheurs ont appris du suivi des contrôleurs d’élite, ces patients qui maîtrisent naturellement la réplication du virus sans TARV sur de longues périodes. Ces enseignements ont contribué au développement récent de deux nouvelles approches d’immunothérapie : la première repose sur le recours à des anticorps monoclonaux humains neutralisants à large spectre (bNAbs pour broadly neutralizing antibodies). De structure spécifique, ils sont orientés contre des sites de vulnérabilité de l’enveloppe virale, très conservés d’une souche de VIH-1 à l’autre. Après s’y être fixés, les bNAbs recrutent – comme leur nom l’indique – un large spectre de médiateurs de l’immunité qui permettraient à la fois de bloquer l’infection des cellules cibles et de détruire celles qui sont infectées, et donc les réservoirs du VIH. Pour l’heure, les données sont préliminaires mais plusieurs ont déjà atteint le stade d’évaluation clinique en préventif comme en curatif, à l’image du VRC0, l’un des plus avancés.
La vaccination thérapeutique est le second pan des approches d’immunothérapie. De premiers résultats cliniques ont été présentés concernant un vaccin expérimental (Aelix). Il s’articule sur trois différents vecteurs viraux ou non viraux comportant des séquences d’ADN codant pour des régions du VIH, qui sont injectés à différents temps du protocole. Les résultats montrent la très bonne immunogénicité du produit dans une petite cohorte de sujets récemment infectés, et la possibilité pour certains d’entre eux d’arrêter la TARV jusqu’à 22 semaines après les injections. Malheureusement, la plupart avaient une charge virale faible mais détectable, interrogeant sur les risques associés de transmission. « Il s’agit de données préliminaires qui demandent la plus grande prudence », insiste Jean-Michel Molina. Quoi qu’il en soit, à défaut d’un vaccin prophylactique, ces approches d’immunothérapie offrent un espoir supplémentaire pour contribuer à l’allègement du fardeau pharmacologique actuel des personnes séropositives.
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