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Les antiasthmatiques

Publié le 24 avril 2021
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EFFETS INDÉSIRABLES

Thomas souhaite un bain de bouche

Thomas B., 19 ans, est asthmatique depuis l’adolescence. Alors qu’il bénéficiait uniquement d’un traitement pour les crises, une augmentation de leur fréquence depuis son déménagement a conduit son nouveau pneumologue à commencer un traitement de fond par Asmanex Twisthaler 400 µg/dose (mométasone), 1 bouffée matin et soir. Aujourd’hui se plaignant d’enrouement et évoquant des dépôts blanchâtres dans la bouche, Thomas vient acheter à la pharmacie « de quoi faire des bains de bouche et des gargarismes ».

Analyse du cas

• Les corticoïdes inhalés, telle que la mométasone, peuvent être responsables de raucité de la voix, de dysphonie et parfois même de mycoses oropharyngées ou buccales liées à la diminution locale des défenses immunitaires favorisant la prolifération de germes fongiques, notamment de Candida albicans. Ces effets indésirables peuvent être prévenus par un rinçage soigneux de la bouche après l’administration des corticoïdes inhalés. En pratique, il est conseillé de se brosser les dents après la prise ou de se gargariser la bouche avec de l’eau puis de la recracher. L’ajout de bicarbonate de sodium à l’eau de rinçage (une demi-cuillère à café dans un demi-verre d’eau) peut contribuer à diminuer le risque de mycose.

• Si la raucité et l’enrouement sont des effets indésirables banals, la présence – plus rare – de dépôts blanchâtres peut traduire une mycose et nécessite une consultation médicale.

Attitude à adopter

• Le pharmacien s’assure que Thomas connaît les mesures de prévention des effets indésirables locaux liés aux inhalations de corticoïdes et les pratique. Il explique à Thomas que les dépôts blanchâtres évoquent probablement une mycose buccale liée à son traitement. Pour autant, il insiste sur la nécessité de poursuivre la corticothérapie afin d’éviter la résurgence des crises d’asthme.

• Le pharmacien explique qu’un bain de bouche antiseptique n’est pas adapté et qu’au contraire, en déséquilibrant les flores locales, il pourrait aggraver la mycose. Il oriente Thomas vers un médecin pour confirmer le diagnostic de candidose et le cas échéant mettre en place un traitement antifongique.

À RETENIR

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Les corticoïdes inhalés peuvent être responsables de raucité de la voix et de mycose buccale. Pour prévenir ces effets indésirables, un rinçage soigneux de la bouche après administration est recommandé. La constatation de dépôts blanchâtres dans la bouche doit faire suspecter une mycose qui nécessite une consultation médicale.

Une rentrée au collège mal vécue

Théo, 10 ans, est traité par Seretide Diskus 100 µg/50 µg (fluticasone/salmétérol), 1 inhalation 2 fois par jour. Des exacerbations ont justifié l’ajout de montelukast (1 comprimé à croquer le soir). Aujourd’hui, sa maman vient demander conseil : elle explique que depuis plusieurs semaines, Théo lui paraît très agité, il a du mal à se concentrer sur ses devoirs et se réveille souvent la nuit en proie à d’horribles cauchemars. Elle pense que c’est la rentrée en 6e qui le rend nerveux et souhaiterait un médicament à base de plantes pour l’aider à se relaxer. Ces symptômes retiennent l’attention du pharmacien.

Analyse du cas

• Le montelukast est un antileucotriène indiqué en traitement additif de l’asthme léger à modéré insuffisamment contrôlé par la corticothérapie inhalée. Cette molécule est, peu fréquemment voire très rarement, associée au risque de modification du comportement (rêves anormaux, cauchemars, somnambulisme, agitation, troubles de l’attention ou compulsifs) et de l’humeur (agressivité, dépression, idées suicidaires).

• Bien qu’ils soient mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP), l’établissement d’un lien entre la survenue de tels effets indésirables neuropsychiques et le montélukast est parfois tardif, retardant la réévaluation du traitement. Ainsi en février 2020, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié un point d’information recommandant aux professionnels de santé « d’être attentifs à toute apparition de troubles neuropsychiques faisant suite à la prise de montelukast, afin de limiter le retard de diagnostic et d’instaurer une conduite adaptée ».

Attitude à adopter

Le pharmacien encourage à prévoir une consultation médicale rapide afin de signaler les troubles de Théo et de réévaluer le traitement par montelukast.

À RETENIR

Le montelukast peut induire des troubles neuropsychiques. En cas de modification du comportement ou de l’humeur, le prescripteur doit être tenu rapidement informé pour réévaluer le traitement et instaurer un suivi adapté.

Une prise de poids inexpliquée

Mme A., 41 ans, souffre d’asthme allergique persistant sévère. Plusieurs épisodes d’exacerbations ayant nécessité la prescription de Solupred oral (prednisolone) ont conduit, il y a quelques mois, le pneumologue qui la suit à ajouter Xolair 150 mg (omalizumab), 2 injections sous-cutanées chaque mois, à son traitement de fond par Sérétide (fluticasone 500 µg/salmétérol 50 µg), 2 bouffées matin et soir. Mme A. a reçu sa cinquième série d’injection de Xolair il y a environ 10 jours. Aujourd’hui, elle vient chercher conseil à la pharmacie : elle n’a pas changé ses habitudes alimentaires, mais elle a pris plus de 6 kg en quelques mois.

Analyse du cas

• Cette prise de poids non expliquée par le comportement alimentaire peut faire suspecter une origine iatrogène. La corticothérapie orale peut induire une rétention hydrosodée, des œdèmes, et une prise de poids, cependant cela s’observe surtout lors des traitements longs. La corticothérapie inhalée peut certes provoquer des effets systémiques, en particulier lors des traitements à fortes doses et au long cours. Mais selon le RCP de la fluticasone, la survenue de ces effets reste moins probable qu’au cours d’une corticothérapie orale.

• Cette prise de poids semble coïncider avec le nouveau traitement injectable. Le RCP de l’omalizumab, anticorps monoclonal anti-immunoglobuline E (IgE), mentionne effectivement une prise de poids dans les effets indésirables (peu fréquente). Or la posologie de l’omalizumab est déterminée en fonction du taux d’IgE circulantes mesurées avant le début du traitement, mais aussi du poids corporel de la patiente.

Attitude à adopter

La pharmacienne conseille à Mme A. de continuer à surveiller son poids. La prochaine consultation étant prévue dans 15 jours, Mme A. devra signaler sa prise de poids au pneumologue afin de savoir si la posologie est toujours adaptée, si le traitement doit être réévalué et discuter de la pertinence d’un suivi diététique.

À RETENIR

Les patients sous Xolair (omalizumab) doivent surveiller leur poids : les doses doivent être ajustées en cas de variations de poids corporel.

Jules a la bouche sèche

Jules S., 8 ans, est atteint d’asthme sévère. Ayant présenté l’année dernière plusieurs exacerbations, son pneumologue a décidé, il y a 1 mois, d’ajouter Spiriva Respimat (bromure de tiotropium) 2,5 µg 2 bouffées en 1 prise par jour à son traitement de fond. Aujourd’hui, sa maman vient chercher le renouvellement de son traitement et signale au pharmacien que Jules se plaint d’avoir la bouche sèche.

Analyse du cas

• Le tiotropium est un antagoniste des récepteurs muscariniques, notamment M3, situés sur les muscles lisses bronchiques, qui inhibe les effets de l’acétylcholine, provoquant ainsi une relaxation bronchique.

• Du fait de son mode d’action anticholinergique, le tiotropium est susceptible d’induire des effets atropiniques. La survenue de sécheresse buccale est fréquemment décrite, faisant par ailleurs l’objet de mise en garde : en effet, elle peut à long terme favoriser la survenue de caries dentaires, de glossite et de stomatites.

Attitude à adopter

• Le pharmacien évoque l’éventuelle responsabilité du nouveau traitement bronchodilatateur dans la sécheresse buccale dont se plaint Jules. Pour autant, ce traitement ne doit pas être arrêté car il est nécessaire au bon contrôle de l’asthme de Jules.

• Le pharmacien conseille à Mme S. d’augmenter les apports hydriques de Jules pour maintenir une bonne hydratation buccale. Il rappelle qu’un brossage biquotidien et sérieux des dents est nécessaire pour éviter la survenue de caries.

À RETENIR

De par son action anticholinergique, le bromure de tiotropium peut induire une sécheresse buccale, potentiellement responsable de caries dentaires. Ces effets indésirables doivent être prévenus par une hydratation suffisante et une bonne hygiène buccodentaire.

OBSERVANCE ET BON USAGE

De plus en plus de Ventoline

M. R., 79 ans, souffre d’asthme persistant traité par Innovair solution (béclométasone 100 µg et formotérol 6 µg), 1 bouffée matin et soir, et Ventoline (salbutamol), si besoin. Il n’a pas revu son pneumologue depuis près de 2 ans. C’est son médecin généraliste qui lui renouvelle les prescriptions de ce traitement. Aujourd’hui, Linda, son aide ménagère, vient demander un flacon de Ventoline en dépannage. Elle explique que depuis quelques semaines, M. R. a recours de plus en plus souvent à Ventoline, notamment la nuit. Pourtant, il n’oublie pas de prendre 2 fois par jour Innovair. Il a même installé une alarme sur son téléphone pour y penser. Linda, qui est arrivée ce matin plus tôt que d’habitude au domicile de M. R., l’a d’ailleurs vu prendre son traitement. « Quand il a fait son inhalation, j’ai vu de la fumée sortir de sa bouche, mais je ne sais pas si c’est normal », s’interroge Linda. Ces mots alertent la pharmacienne.

Analyse du cas

• Le recours de plus en plus fréquent à Ventoline (salbutamol), bronchodilatateur d’action rapide, signe un mauvais contrôle de l’asthme et une inefficacité du traitement de fond, qui doit faire rechercher en premier lieu une mauvaise observance du traitement ou une mauvaise utilisation des dispositifs d’inhalation.

• Dans le cas présent, M. R. respecte apparemment les deux administrations quotidiennes d’Innovair. Mais la « fumée » observée signe une fuite de produit lors de l’inhalation et une mauvaise utilisation du dispositif, probablement due à une difficulté de synchronisation main-poumon, fréquente chez les personnes âgées. Le RCP de la spécialité Innovair précise que « si un nuage sort de l’inhalateur ou de chaque côté de la bouche au cours de l’administration du produit, l’inhalation devra être recommencée ».

Attitude à adopter

• La pharmacienne explique à Linda qu’on ne doit pas voir de fumée sortir par le dispositif, ni par la bouche du patient. Elle suggère que M. R. passe à la pharmacie pour revoir avec lui la manipulation du dispositif d’inhalation et lui proposer de l’inclure dans le dispositif d’entretien pharmaceutique des patients asthmatiques.

• Pour pallier le problème de coordination main-poumon, la pharmacienne pourra conseiller l’utilisation d’une chambre d’inhalation (AeroChamber Plus). Il pourra aussi être envisagé en concertation avec le médecin de remplacer Innovair solution par Innovair Nexthaler, dispositif à poudre de même dosage, dont la prise est déclenchée par l’inspiration et ne nécessite pas de synchronisation main-poumon. Il existe aussi des dispositifs à poudre ou des aérosols autodéclenchés (Autohaler) de salbutamol.

• Une consultation chez le pneumologue est de toute façon impérativement à encourager pour évaluer la fonction respiratoire de M. R. et réévaluer son traitement.

À RETENIR

Une consommation anormalement élevée de bronchodilatateur d’action rapide est le signe d’un contrôle insuffisant de l’asthme et amène à rechercher un problème d’observance du traitement ou un mésusage des dispositifs d’inhalation.

OBSERVANCE ET BON USAGE

Mme J. ne veut pas de corticoïde

Mme J., 30 ans, est traitée par Flixotide 250 µg (fluticasone), 2 bouffées par jour, Sérévent 50 µg (salmétérol), 1 bouffée matin et soir, et Ventoline (à la demande). Elle vient aujourd’hui chercher son renouvellement de prescription, mais précise qu’elle ne veut pas Flixotide, car le mois dernier, elle a eu une mycose buccale qui a nécessité un traitement et préfère attendre un peu avant de reprendre la corticothérapie. Elle ajoute : « L’important, c’est Serevent qui me semble plus efficace de toute façon que Flixotide ! »

Analyse du cas

• Selon la Global Initiative for Asthma (Gina, l’Initiative mondiale de lutte contre l’asthme), au moins 50 % des asthmatiques ne prennent pas leur traitement de fond de la façon qui leur est prescrite. La méconnaissance des traitements par les patients, de leur utilité, de leur délai d’action, et la crainte d’effets indésirables peut en effet conduire à des défauts d’observance, préjudiciables à l’évolution de la maladie.

• Les corticostéroïdes inhalés, aux propriétés anti-inflammatoires, constituent le traitement de fond antiasthmatique de référence. Celui-ci ne guérit pas de l’asthme, mais améliore les symptômes, permet de diminuer le nombre de crises et leur sévérité. Sa bonne observance quotidienne est indispensable. Par ailleurs, l’amélioration clinique est lente : le délai d’action des corticoïdes inhalés est de quelques jours à quelques mois, avec une pleine efficacité à 3 mois. Les patients non avertis peuvent croire, à tort, que leur traitement est inefficace et inutile.

• A contrario, les β-agonistes de longue durée, aux propriétés bronchodilatatrices, exercent un effet rapide (moins de 20 minutes) et intense, et procurent un confort immédiat aux patients. Leur action bronchodilatatrice persiste une douzaine d’heures. Ils sont utilisés en traitement de fond de l’asthme persistant lorsque les corticostéroïdes inhalés ne sont pas suffisants pour contrôler la maladie. Pour autant, l’utilisation seule de β-agoniste d’action longue n’est pas recommandée. Selon une publication de la Food and Drug Administration (FDA, l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) datant de 2010, elle augmenterait le risque d’exacerbation sévère, d’hospitalisation et de mortalité. Ainsi, un β-agoniste de longue durée doit toujours être utilisé avec un corticostéroïde inhalé. Cette association améliore les capacités pulmonaires du patient et diminue le nombre d’exacerbations.

Attitude à adopter

• Le pharmacien prend le temps de réexpliquer à Mme J. l’importance de suivre scrupuleusement son traitement pour un contrôle optimal de la maladie. Il insiste sur le fait qu’il doit être pris quotidiennement même en l’absence de symptômes. Il lui précise que l’usage seul du salmétérol est péjoratif et peut mener à un asthme aigu grave.

• Il lui rappelle que le risque de mycose peut être prévenu en se rinçant correctement la bouche après administration. L’usage d’une chambre d’inhalation peut aussi être utile pour réduire le risque de mycose, en diminuant le dépôt oropharyngé de principes actifs.

À RETENIR

Lors des renouvellements, il est indispensable de vérifier que le traitement de fond est correctement observé. L’utilisation de β-agoniste longue durée sans corticoïde expose au risque d’asthme aigu grave car elle n’empêche pas l’aggravation de l’inflammation bronchique.

PHARMACOLOGIE

L’asthme et sa prise en charge

→ Touchant près de 4 millions de Français, l’asthme est une maladie respiratoire inflammatoire chronique multifactorielle (terrain atopique, prédisposition génétique, facteurs hormonaux tels que la ménopause dans le cas des formes d’apparition tardive, polypose nasosinusienne, etc.). Cependant une origine allergique est retrouvée dans 60 % des cas chez l’adulte et 95 % chez l’enfant, induisant la stimulation de lymphocytes B et une production inappropriée d’IgE. Ces derniers provoquent une dégranulation des mastocytes avec libération chronique de diverses molécules impliquées dans les phénomènes inflammatoires comme les leucotriènes, les cytokines et les prostaglandines.

→ Il s’ensuit une hyperréactivité bronchique à différents stimuli (allergènes, polluants, tabac, substances irritantes, stress, exercice physique, froid, etc.). L’exposition à ces facteurs provoque alors une hypersécrétion de mucus, un spasme des muscles lisses bronchiques et une bronchoconstriction, se traduisant par une crise d’asthme (accès paroxystique de dyspnée, durant entre quelques minutes et quelques heures, réversible spontanément ou sous l’effet de β-2-agonistes).

→ L’asthme est dit intermittent lorsque le malade a moins d’une crise par semaine et ne requiert généralement pas de traitement de fond. Il est considéré comme persistant lorsque le patient fait plus d’une crise par semaine, et nécessite dans ce cas un traitement de fond.

→ La prise en charge de l’asthme repose avant tout sur l’éviction des facteurs déclenchants. Lorsque ces mesures s’avèrent insuffisantes, un traitement médicamenteux est instauré. Il vise à lutter contre l’inflammation et à prévenir (ou lever) le bronchospasme.

→ Le traitement de crise est un traitement de secours qui vise à dilater rapidement les bronches pour soulager les symptômes aigus. Il fait appel aux β-2-agonistes de courte durée d’action éventuellement associés aux anticholinergiques inhalés. Un traitement à la demande associant un corticoïde inhalé avec un β-2-stimulant dont le délai d’action est rapide (budésonide et formotérol) peut aussi être utilisé.

→ Le traitement de fond permet de maîtriser l’asthme, d’espacer les crises et de réduire leur gravité. C’est un traitement d’entretien qui est prescrit quand le patient fait plus d’une crise par semaine (asthme persistant), et qui doit être pris quotidiennement. Le traitement de fond dépend de la sévérité de la maladie et peut associer différentes molécules.

• Il fait appel en première intention aux corticoïdes inhalés pour diminuer l’inflammation des bronches. Le montelukast (Singulair), qui diminue l’obstruction et l’inflammation bronchique, peut être utilisé seul ou en association aux corticoïdes. Si les corticoïdes sont insuffisants, la dose de corticoïde peut être augmentée et des β-2-agonistes de longue durée peuvent être associés.

• Les anticholinergiques de longue durée d’action renforcent l’effet relaxant bronchique des β-2-agonistes et sont indiqués en traitement additionnel continu chez les patients asthmatiques sévères non contrôlés par l’association corticoïdes + β-2-agonistes d’action longue.

• Dans les formes plus sévères d’asthme non contrôlé malgré une bonne observance des traitements, la théophylline (bronchodilatateur) peut être utilisée en association aux corticoïdes et aux β-2-agonistes de longue durée.

• L’omalizumab (Xolair) est un anticorps anti-IgE qui peut être proposé chez certains patients dans le cas d’asthme allergique grave et d’inefficacité des traitements classiques.

Les antiasthmatiques

TRAITEMENT DE LA CRISE

Les β-2-agonistes d’action courte

Ils provoquent généralement en quelques minutes une bronchodilatation qui perdure pendant 4 heures environ. → Effets indésirables : céphalées, tremblements, tachycardie (notamment en cas d’utilisation répétée) et plus rarement crampes musculaires. Ces substances sont considérées comme dopantes pour les sportifs de haut niveau.

Les anticholinergiques inhalés d’action courte (ipratropium)

→ L’action de l’ipratropium est rapide et dure 4 à 6 heures, mais la bronchodilatation est inférieure à celle exercée par un β-2-agoniste, c’est pourquoi les anticholinergiques ne doivent pas être utilisés en première intention en cas de crise et doivent être associés à un β-2-agonistes d’action courte.

→ Effets indésirables : possibles effets atropiniques à type de rétention urinaire, constipation, mais surtout sécheresse buccale, irritation buccopharyngée et troubles visuels (dilatation de la pupille et risque de glaucome par fermeture de l’angle) en cas de projection accidentelle dans les yeux.

TRAITEMENT DE FOND

Les corticoïdes inhalés

→ C’est le traitement de fond de référence de l’asthme persistant. Ils permettent de diminuer l’inflammation bronchique. Leur délai d’action varie de quelques jours à quelques semaines.

→ Effets indésirables : ils sont essentiellement locaux ; mycose buccale, raucité de la voix pouvant être prévenues par un soigneux rinçage de la bouche après administration et éventuellement par l’usage d’une chambre d’inhalation. Des effets indésirables généraux sont possibles, du fait d’un passage systémique des principes actifs, mais rares.

Les β-2-agonistes de longue durée d’action

→ Ce sont des bronchodilatateurs dont l’action perdure une douzaine d’heures. Ils s’administrent sous forme inhalée ou orale (bambutérol, Oxéol) toujours associés à un corticoïde inhalé. La forme orale présente un moins bon rapport bénéfice/risque que les formes inhalées et est moins prescrite. Elle présente cependant un intérêt en cas de difficulté à utiliser les inhalateurs.

→ A noter : le délai d’action rapide (3 à 5 minutes) du formotérol, proche de celui du salbutamol, permet son utilisation, en association fixe avec un corticoïde inhalé (dans Formodual, Innovair ou Symbicort turbuhaler), comme traitement de fond mais aussi en cas de besoin, en doses supplémentaires, pour soulager les symptômes de l’asthme.

→ Effets indésirables : tachycardie, tremblements et à fortes doses, hypokaliémie et/ou élévation de la glycémie. Ces médicaments peuvent induire une réaction positive lors des tests de contrôle antidopage.

→ Contre-indications : le bambutérol est contre-indiqué chez l’enfant de moins de 15 ans, ainsi qu’au cours de la grossesse et chez la femme allaitante.

Les anticholinergiques longue durée (tiotropium)

Le tiotropium bloque les récepteurs bronchiques muscariniques M3, s’opposant à l’effet bronchoconstricteur de l’acétylcholine. Son effet persiste plus de 24 heures, car il se dissocie beaucoup plus lentement des récepteurs M3 que l’ipratropium.

→ Effets indésirables : sécheresse buccale principalement, favorisant à long terme la survenue de caries, et plus rarement, constipation, augmentation de la pression intraoculaire, dysurie.

Le montelukast

Le montelukast (Singulair) bloque les effets des leucotriènes (molécules impliquées dans la bronchoconstriction, la sécrétion de mucus et l’inflammation bronchique).

→ Effets indésirables : céphalées et troubles digestifs essentiellement, ainsi que de rares troubles de l’humeur et du comportement (nervosité, insomnie, cauchemars, voire hallucinations et agressivité) qui doivent être signalés au médecin.

La théophylline

→ La théophylline est un bronchodilatatateur administré par voie orale (Dilatrane, Tédralan, Théostat). L’adaptation de la posologie individuelle nécessite un dosage de la théophyllinémie.

→ Effets indésirables : troubles du sommeil, excitation, tachycardie.

→ Principales interactions : du fait de sa marge thérapeutique étroite, la théophylline est impliquée dans de nombreuses interactions médicamenteuses. Elle est notamment contre-indiquée avec le millepertuis (risque de diminution de l’efficacité de la théophylline par augmentation de son métabolisme). Son association avec l’érythromycine est déconseillée (risque de surdosage en théophylline par diminution de son élimination hépatique, plus particulièrement dangereux chez l’enfant).

→ Contre-indications : la théophylline est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 30 mois.

L’omalizumab

→ L’omalizumab (Xolair) est indiqué dans le traitement de l’asthme allergique sévère à partir de 6 ans. Il est utilisé par voie sous-cutanée. La dose et la fréquence des injections sont déterminées en fonction du poids du patient et du taux d’Ig E. C’est un médicament d’exception, à prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux médecins spécialistes en pneumologie, en pédiatrie et également en dermatologie et en médecine interne.

→ Effets indésirables : fièvre, réaction au point d’injection, éruption cutanée, et plus rarement, prise de poids, thrombopénie et choc anaphylactique.

OBSERVANCE ET BON USAGE

Le traitement de Chloé s’intensifie

Aujourd’hui, Mme I. présente à la pharmacie une ordonnance pour sa fille, Chloé, 4 ans, asthmatique traitée depuis 1 an par Bécotide (béclométasone) 250 µg, une bouffée matin et soir, et Ventoline (salbutamol) en cas de crise. Le pneumologue a décidé d’intensifier son traitement de fond en ajoutant Serevent (salmétérol) 25 µg, deux bouffées matin et soir. Mme I., visiblement inquiète, confie à la pharmacienne ne pas avoir bien suivi les explications du pneumologue et a beaucoup de questions quant à l’administration des médicaments. Chloé utilise une chambre d’inhalation Babyhaler. Mme I. voudrait savoir par quel produit commencer et comment administrer les deux bouffées de Serevent.

Analyse du cas

• Chez les jeunes enfants, les personnes âgées souffrant de troubles de coordination main-poumon ou encore les sujets dépendants auxquels les médicaments sont administrés par un aidant, les chambres d’inhalation sont spécialement indiquées. Elles ne peuvent être utilisées qu’avec les dispositifs aérosols doseurs. La plupart des chambres sont compatibles avec tous les types d’aérosols doseurs, mais la chambre Babyhaler ne l’est qu’avec les aérosols commercialisés par le laboratoire GSK.

• La chambre d’inhalation est constituée d’un réservoir avec un embout buccal (utilisable à partir de 6 ans) ou un masque utilisable.

• Il a longtemps été tenu comme préférable d’administrer le β-2-agoniste, à l’effet bronchodilatateur, en premier, considérant que la bronchodilatation facilitait la distribution locale du corticoïde administré ensuite. En réalité, d’après un énoncé de position du comité scientifique du Réseau québécois de l’asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique de février 2012, aucune étude ne prouve que la bronchodilatation améliore la cinétique des corticoïdes. En outre, le β-2-agoniste d’action longue met une vingtaine de minutes pour agir. L’ordre de prise n’a donc a priori pas d’importance. Toutefois, certains pédiatres préconisent d’administrer le bronchodilatateur en premier et le corticoïde après, par commodité, puisqu’il est recommandé de rincer la bouche de l’enfant après l’administration de ce dernier, voire de lui laver le visage en cas d’administration avec masque pour éviter les mycoses buccales et les érythèmes cutanés.

• Les deux bouffées de Serevent par prise ne doivent pas être administrées simultanément : en effet, quand deux doses sont prescrites il convient de les administrer une à une pour une efficacité optimale.

Attitude à adopter

Mme I. peut garder sa chambre d’inhalation qui reste compatible avec le nouveau médicament prescrit. Les deux bouffées de Serevent ne doivent pas être pulvérisées ensemble dans la chambre mais être inhalées successivement. L’ordre d’administration des produits n’a pas d’importance.

À RETENIR

En cas d’utilisation d’une chambre d’inhalation, si la prescription comporte deux bouffées par prise, il convient de commencer par une pulvérisation et faire respirer le patient dans la chambre, puis de renouveler l’opération pour la deuxième bouffée.

Tous les soirs, c’est la sarabande !

Mme G. souhaite acheter « un sirop pour faire dormir Léa, qui en ce moment fait la sarabande tous les soirs ! ». Ces problèmes de sommeil sont apparus depuis la récente exacerbation de l’asthme de Léa, 6 ans, qui nécessite une cure courte de corticoïde par voie orale, Solupred (prednisolone) 20 mg, soit 1,5 comprimé orodispersible le matin pendant 5 jours.

Analyse du cas

• Lorsqu’ils sont administrés par voie générale, les corticoïdes peuvent induire des troubles neuropsychiques de type nervosité, euphorie, agitation, anxiété, insomnie. Ces signes sont réversibles à l’arrêt du traitement. De tels effets ont également été décrits avec les corticoïdes inhalés lorsqu’ils sont utilisés à des doses élevées.

• Dans le RCP de Solupred, l’euphorie, l’insomnie et l’excitation sont fréquemment décrites. Ainsi, est-il préférable d’administrer les corticoïdes oraux le matin, non seulement pour respecter la sécrétion physiologique de cortisol, mais aussi pour prévenir d’éventuels troubles du sommeil.

Attitude à adopter

• La pharmacienne interroge Mme G. pour savoir si elle respecte bien le mode d’administration de Solupred. Mme G. avoue avoir des difficultés à donner à sa fille ce médicament, car « Léa le trouve très mauvais ». Elle attend le soir et le retour de son mari pour le lui faire prendre, car « avec son père, Léa fait moins de comédies ! », indique-t-elle.

• Il reste encore 2 jours de traitement avant que Léa n’ait terminé sa cure orale de corticoïdes. La pharmacienne insiste sur l’importance du bon respect de l’ordonnance et conseille de déliter les comprimés dans de l’eau, en ajoutant éventuellement du sirop de grenadine sans sucre pour en faciliter la prise.

À RETENIR

Les corticoïdes oraux doivent être pris le matin, pour respecter la chronophysiologie du cortisol et prévenir les troubles du sommeil.

INTERACTION MÉDICAMENTEUSE

Les plantes ne font pas de mal !

Monique O., la soixantaine, est une patiente dont l’asthme persistant s’est aggravé au fil des années, notamment depuis sa ménopause. Le pneumologue qui la suit a donc décidé d’instaurer, il y a 6 mois environ, un traitement de fond par théophylline orale. A la retraite depuis peu, Monique s’ennuie, déprime et s’inquiète pour sa santé. Aujourd’hui, elle vient acheter des gélules de millepertuis dont une amie lui a vanté les vertus sur le moral. « Au moins, avec les plantes, pas de risque d’interférer avec mon traitement pour l’asthme ! », assure Monique.

Analyse du cas

• Le millepertuis est inducteur de cytochrome P450 susceptible de potentialiser le métabolisme hépatique des médicaments qui lui sont associés, de diminuer leurs concentrations plasmatiques et donc d’en réduire l’efficacité.

• Or la théophylline est fortement métabolisée par le foie. Son association au millepertuis est contre-indiquée en raison d’un risque de baisse de son efficacité, voire d’annulation de son effet avec en conséquence la survenue d’un trouble ventilatoire obstructif grave.

• En cas d’association fortuite, il ne faut pas interrompre brutalement la prise de millepertuis, mais gérer l’arrêt sous contrôle médical avec surveillance des concentrations plasmatiques de la théophylline et de son efficacité clinique, avant puis après l’arrêt du millepertuis.

Attitude à adopter

La pharmacienne déconseille formellement l’achat de gélules de millepertuis en expliquant à Monique que cette plante peut diminuer l’effet de la théophylline et en lui précisant que les plantes ne sont pas toutes sans nocivité. Elle encourage une consultation pour apprécier l’état psychologique et les besoins thérapeutiques de Mme O.

ATTENTION !

L’association théophylline-millepertuis est contre-indiquée en raison d’un risque de sous-dosage en théophylline.

CONTRE-INDICATION

Asthme et β-bloquant ?

M. P. est un patient hypertendu traité par indapamide. Une hausse tensionnelle confirmée à plusieurs reprises a conduit son médecin à ajouter du céliprolol à son traitement diurétique. M. P. présente donc à Solène, étudiante en pharmacie, une ordonnance mentionnant indapamide 1,5 mg par jour et céliprolol 200 mg par jour. En consultant l’historique médicamenteux, Solène s’aperçoit que la pharmacie délivre de temps en temps du salbutamol (Airomir) à M. P. Ayant appris en cours que les â-bloquants sont contre-indiqués chez l’asthmatique, Solène s’interroge et va trouver le pharmacien.

Analyse du cas

• Les β-bloquants sont des antagonistes β-adrénergiques. Si certains, dits cardiosélectifs (acébutolol, aténolol, bétaxolol, bisoprolol, céliprolol, métoprolol, nébivolol), agissent sélectivement sur les récepteurs β-1 cardiaques, d’autres bloquent aussi les récepteurs β-2 situés sur les vaisseaux et les bronches.

• Les molécules non sélectives sont bradycardisantes (par blocage des récepteurs β-1), et aussi vasoconstrictrices et bronchoconstrictrices (par blocage des récepteurs β-2). Elles peuvent de ce fait provoquer un bronchospasme et une dyspnée, susceptibles d’aggraver un asthme ou une BPCO. Les β-bloquants non sélectifs sont donc formellement contre-indiqués en cas d’asthme ou de BPCO, y compris lorsqu’ils sont administrés sous forme de collyre.

• Si en théorie, les β-bloquants cardiosélectifs n’agissent pas (ou très peu) sur les récepteurs β-2 bronchiques, en pratique, le blocage d’un très petit nombre de récepteurs β-2 suffit à limiter la dilatation des bronches. Par ailleurs, la cardiosélectivité n’est que relativement protectrice vis-à-vis des effets indésirables bronchiques, car elle se perd à posologies élevées en raison d’une saturation des récepteurs cardiaques à fortes doses. C’est pourquoi les β-bloquants cardiosélectifs sont aussi contre-indiqués en cas d’asthme et de BPCO, mais dans leurs formes sévères uniquement.

• Dans le cas présent, M. P. n’a pas de traitement de fond de l’asthme. Il souffre d’asthme intermittent (non sévère). Par ailleurs, le céliprolol est un antagoniste β-1 cardiosélectif qui possède en outre une activité β-2-agoniste, expliquant l’absence d’effet indésirable bronchoconstricteur. Selon le RCP, il est néanmoins contre-indiqué en cas de poussée asthmatique et de BPCO, dans leurs formes sévères.

Attitude à adopter

Le pharmacien prend le temps de bien expliquer que le céliprolol, de par son profil thérapeutique particulier, peut être utilisé chez ce patient dont l’asthme n’est pas sévère. Toutefois, si sa consommation d’Airomir venait à augmenter, il faudrait impérativement le signaler au médecin.

ATTENTION !

Un traitement β-bloquant, quelle que soit sa voie d’administration, peut provoquer des bronchospasmes et aggraver un asthme. C’est pourquoi les β-bloquants sont contre-indiqués chez l’asthmatique. Néanmoins, les β-bloquants cardiosélectifs ne sont contre-indiqués que dans les formes sévères.

PROFILS PARTICULIERS

Faut-il arrêter le traitement ?

En pleine pandémie de Covid-19, Mme V. vient demander conseil à la pharmacie : elle a entendu dire que les corticoïdes devaient être évités pendant l’épidémie. Elle s’inquiète pour son mari asthmatique traité par montélukast et Qvar Autohaler (béclométasone). Elle se demande s’il n’a pas intérêt à arrêter la béclométasone et à ne prendre que le montélukast.

Analyse du cas

• Les infections respiratoires constituent la principale cause d’exacerbation de l’asthme. Par ailleurs, l’infection au coronavirus Sars-CoV-2 peut conduire à un syndrome de détresse respiratoire aigu potentiellement létal, faisant redouter un risque majoré de formes graves chez le patient asthmatique.

• Or, les corticoïdes ont des propriétés immunomodulatrices (liées à la diminution des cytokines et à la redistribution des cellules immunologiques du sang vers les tissus) et de ce fait des effets indésirables immunosuppresseurs. Ainsi, certaines sources ont effectivement suggéré que les corticoïdes devaient être évités pendant l’épidémie de Covid-19.

• Cependant, selon la Fédération française d’allergologie, s’il est bien contrôlé, l’asthme ne serait pas un facteur de risque de développer des formes plus sévères de Covid-19. La Société de pneumologie de langue française (SPLF) recommande ainsi de ne pas interrompre un traitement de fond, notamment les corticoïdes inhalés, ce qui exposerait au risque d’aggravation potentiellement dangereuse de l’asthme.

• La SPLF recommande aussi, même en période de circulation du Sars-CoV-2, l’utilisation sans retard d’une corticothérapie systémique pour le traitement de l’exacerbation de l’asthme.

Attitude à adopter

Le pharmacien encourage impérativement la poursuite du traitement et réitère les conseils pour prévenir l’infection par coronavirus.

À RETENIR

Les corticoïdes inhalés n’augmentent pas le risque infectieux. Le traitement doit être poursuivi pendant l’épidémie de Covid-19, car un asthme bien contrôlé n’est pas un facteur de risque de développer des formes sévères de Covid-19.

L’asthme de Widal

Mme H., 34 ans, est une patiente asthmatique traitée par Seretide Diskus 250/50 µg. Souffrant de lombalgie, son médecin traitant lui a prescrit en début de semaine naproxène 550 mg, 1 comprimé matin et soir, paracétamol 1 g, 1 comprimé 3 fois par jour, pendant 7 jours et une ceinture de soutien lombaire. Elle vient aujourd’hui acheter en dépannage un flacon de Ventoline : « En ce moment, j’ai le nez qui coule et je tousse beaucoup la nuit. J’ai d’ailleurs eu recours plusieurs fois à Ventoline ces derniers jours ».

Le pharmacien se demande si cette récente aggravation d’asthme n’est pas liée au naproxène.

Analyse du cas

• Les AINS peuvent être à l’origine de manifestations d’intolérance asthmatiformes liées à leur mode d’action. En effet, les AINS, en inhibant la métabolisation de l’acide arachidonique en prostaglandines par les cyclooxygénases, promeuvent la métabolisation de l’acide arachidonique par la lipooxygénase et la synthèse de leucotriènes. Les leucotriènes sont des médiateurs de l’allergie aux effets bronchoconstricteurs et pro-inflammatoires des voies respiratoires. Ainsi, la formation accrue de leucotriènes peut, chez un sujet au terrain prédisposé, s’exprimer par des manifestations cutanées (urticaire, angioœdème) ou respiratoires (rhinorrhée, obstruction nasale, bronchospasme).

• Les patients présentant un asthme associé à une rhinite chronique, une sinusite chronique ou une polypose nasale ont un risque accru de manifestation sous AINS les exposant à des bronchospasmes graves. Les autres facteurs prédisposants sont l’âge (30-40 ans) et le sexe féminin.

Attitude à adopter

Le pharmacien, suspectant un asthme de Widal, lui suggère alors que l’aggravation de son asthme pourrait être liée à son traitement par AINS. Il lui enjoint de consulter rapidement un médecin et préconise en attendant l’arrêt immédiat du naproxène.

À RETENIR

Le syndrome de Widal associe la triade : asthme, polypose nasosinusienne et intolérance croisée à l’aspirine et aux AINS. Un antécédent d’asthme à l’aspirine ou à un AINS contre-indique toute utilisation ultérieure de ces molécules.

Noémie souhaite un enfant

Noémie, 28 ans, est une patiente dont l’asthme persistant est traité par Symbicort Turbuhaler 200/6 µg (budésonide, formotérol), une bouffée matin et soir, et Bricanyl Turbuhaler 500 µg (terbutaline) en cas de crise. Profitant d’être au calme dans la cabine d’orthopédie pour essayer des bas de compression, Noémie se confie à la pharmacienne et lui fait part de son désir d’enfant. Elle aimerait arrêter la pilule, mais se demande si son traitement antiasthmatique est compatible avec une grossesse.

Analyse du cas

• Selon le groupe femme et poumon de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), l’asthme est la maladie chronique la plus fréquente pendant la grossesse (en raison de sa prévalence élevée dans la population jeune). Il doit être traité aussi efficacement qu’en dehors de la grossesse, car un asthme mal contrôlé peut avoir des effets délétères sur l’évolution de la grossesse et le fœtus : risque de retard de croissance, de prématurité, augmentation du risque d’accouchement par césarienne et d’hypertension artérielle chez la mère.

• Par ailleurs, la grossesse peut en elle-même avoir des répercussions sur l’asthme. En effet, dans un tiers des cas, l’asthme s’aggrave au cours de la grossesse du fait notamment des modifications hormonales (la progestérone augmente la sensibilité du centre respiratoire au CO2 et a tendance à provoquer une hyperventilation). En outre, le mode évolutif de l’asthme pendant la grossesse est le plus souvent reproductible lors des grossesses suivantes, d’où l’intérêt de prévenir une aggravation lors de la première grossesse.

• Dans un tiers des cas l’asthme reste stable et dans le dernier tiers, il s’améliore au cours de la grossesse. Malgré tout selon la SPLF, 17 % des patientes stables et 8 % des patientes améliorées ont recours aux urgences pour une crise d’asthme.

• Ainsi pendant la grossesse, l’objectif du traitement antiasthmatique est triple : maintenir – sans iatrogénie – une fonction respiratoire maternelle normale, prévenir les épisodes aigus, et éviter l’hypoxie et la détresse fœtale. Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), les formes inhalées doivent être dans la mesure du possible privilégiées du fait de leur faible passage systémique.

• L’utilisation de β-2 mimétiques inhalés (d’action longue ou rapide) ne présente pas de problème au cours de la grossesse.

• Les corticoïdes inhalés constituent la pierre angulaire du traitement de fond, permettant de diminuer de 75 % le risque d’exacerbations. Le choix se porte sur le budésonide, qui est le mieux évalué. La béclométasone, la fluticasone ou la mométasone peuvent aussi être utilisées, selon le Crat.

• On manque de données sur l’utilisation des anticholinergiques inhalés, du montélukast et de l’omalizumab (qui, d’après le RCP, traverse la barrière placentaire). Cependant, selon le Crat, les anticholinergiques inhalés et le montélukast peuvent être employés s’ils sont nécessaires à l’équilibre de l’asthme.

• La théophylline n’est pas tératogène. Mais elle passe le placenta et sa demi-vie d’élimination est d’environ 30 heures chez le nouveau-né, exposant ce dernier à un risque de tachycardie, d’agitation et de trémulation, du fait d’une métabolisation de la théophylline en caféine. Si elle est nécessaire au cours de la grossesse, son utilisation requiert donc une surveillance étroite de la théophyllinémie maternelle.

• Si une corticothérapie systémique est nécessaire, la prednisone, la prednisolone et la méthylprednisolone, inactivées à 90 % par le placenta, seront préférées à la bétaméthasone et à la dexaméthasone, qui traversent facilement le placenta.

Attitude à adopter

• La pharmacienne rassure Noémie : son traitement est compatible avec une grossesse et l’asthme n’est pas délétère pour son bon déroulement, à condition qu’il soit bien contrôlé.

• Elle l’encourage cependant à prévoir une consultation médicale préconceptionnelle

À RETENIR

Chez la femme enceinte, l’asthme doit être traité aussi efficacement qu’en dehors de la grossesse, pour ne pas avoir d’effet délétère sur le fœtus. Les traitements inhalés, aux doses minimales efficaces, sont à privilégier.

PRÉVENIR L’IATROGÉNIE

LES ANTIASTHMATIQUES

LES QUESTIONS À SE POSER LORS DE LA DISPENSATION

LE PATIENT A-T-IL COMPRIS LE RÔLE DE SES MÉDICAMENTS ?

• Le traitement de crise est un traitement de secours pour soulager les symptômes aigus. Veiller à ce que le patient l’ait toujours à disposition, à portée de main.

• Le traitement de fond permet de contrôler l’asthme, d’espacer les crises et de réduire leur gravité. C’est un traitement quotidien, prescrit en cas d’asthme persistant. Il est principalement constitué de corticoïde et de β-2-agonistes de longue durée.

• Les corticoïdes inhalés ont un délai d’action de quelques jours à quelques mois, avec une pleine efficacité à 3 mois. En avertir le patient afin qu’il ne se décourage pas et reste observant.

• Si les corticoïdes sont insuffisants, des β-2-agonistes de longue durée peuvent être ajoutés. Leur effet est rapidement ressenti par les patients. Ils ne doivent jamais être utilisés seuls mais toujours associés aux corticoïdes inhalés.

Y A-T-IL DES INTERACTIONS ?

La théophylline est un médicament à marge thérapeutique étroite, impliqué dans de nombreuses interactions médicamenteuses. Elle est notamment contre-indiquée avec le millepertuis et déconseillée avec l’érythromycine.

LE PATIENT SAIT-IL MANIPULER LES DISPOSITIFS D’INHALATION ?

• Lors de la première délivrance, mais aussi lors des renouvellements, il est important de s’assurer que le patient a compris comment utiliser les dispositifs d’inhalation.

• Vérifier régulièrement la technique, en faisant manipuler le patient. Utiliser des dispositifs de démonstration (en période de Covid-19, demander au patient de venir avec son dispositif) pour repérer les erreurs et pouvoir les corriger.

• En cas de mauvaise synchronisation main-poumon (jeunes enfants, personnes âgées), veiller à ce que le dispositif soit adapté ou conseiller l’emploi d’une chambre d’inhalation.

QUELS PEUVENT ÊTRE LES PRINCIPAUX EFFETS INDÉSIRABLES ET COMMENT LES GÉRER ?

• Sous corticoïdes inhalés, candidose buccale et raucité de la voix peuvent être prévenues en se rinçant la bouche après administration. L’emploi d’une chambre d’inhalation diminue le dépôt de particules médicamenteuses sur la cavité buccale.

• Lever les corticophobies en expliquant que la voie inhalée permet le contrôle de l’asthme par l’utilisation de faibles doses de corticoïdes et une action ciblée limitant les effets systémiques. En revanche, en cas de mauvais contrôle, les exacerbations nécessiteraient de fortes doses de corticoïdes.

• La survenue (rare) de troubles du comportement ou d’hallucinations sous montelukast doit être rapportée au médecin.

• Les prises de poids (peu fréquentes) sous omalizumab doivent également être signalées, car la posologie est adaptée en fonction du poids corporel notamment.

• Le tiotropium expose principalement au risque de sécheresse buccale favorisant à long terme la survenue de caries qui doivent être prévenues par une hygiène buccodentaire rigoureuse.

QUELS SONT LES SIGNES DE MAUVAIS CONTRÔLE DE L’ASTHME ?

• Le recours au traitement de crise plus de 2 fois en 1 semaine est un signe d’aggravation qui nécessite d’orienter le patient vers une consultation médicale.

• La présence de symptômes nocturnes réveillant le patient et la limitation dans les activités physiques doivent alerter.

COMMENT EXPLIQUER LE MAUVAIS CONTRÔLE ?

Outre un défaut d’observance du traitement de fond ou un mauvais contrôle de l’environnement domestique ou professionnel avec persistance d’exposition aux facteurs déclenchants (acariens, moisissures, pollens, agents irritants ou allergènes, tabac, etc.), une aggravation de l’asthme doit faire rechercher une cause iatrogène : traitement par β-bloquant (bronchoconstricteur), prise d’antitussifs (dépresseurs respiratoires), d’AINS ou d’aspirine (susceptibles de provoquer une bronchoconstriction chez certains asthmatiques).

BON USAGE DES DISPOSITIFS D’INHALATION

→ Aérosol doseur : agiter le dispositif et ôter le capuchon. Tenir le flacon verticalement (le fond de la cartouche vers le haut). Expirer profondément et placer l’embout buccal à l’entrée de la bouche. Inspirer lentement et profondément en pressant la cartouche (nécessité d’une bonne synchronisation main-poumon). Retenir la respiration pendant 10 secondes à la fin de l’inspiration.

→ Aérosols autodéclenchés (Autohaler et Easi-Breathe) : expirer profondément placer l’embout buccal entre les lèvres, puis inspirer. La bouffée est autodéclenchée par le début de l’inspiration (pas de nécessité de coordination main-poumon). Il faut poursuivre l’inspiration après le déclenchement. Retenir la respiration pendant 10 secondes à la fin de l’inspiration.

→ Jet : l’aérosol est couplé à une chambre d’inhalation de petit volume. Ce dispositif permet de lever le problème de synchronisation main-poumon. Après expiration hors de l’appareil, inspirer le contenu de la chambre en une seule fois. Retenir la respiration pendant 10 secondes à la fin de l’inspiration.

→ Dispositifs à poudre : il existe différents dispositifs, certains constitués de blisters circulaires contenant les unidoses de poudre, d’autres nécessitant une mise en place et la perforation des gélules avant administration (rappeler que les gélules ne sont pas destinées à la voie orale) ou l’insertion de cartouches. Expirer hors de l’appareil, puis inspirer rapidement et vigoureusement à travers le système d’inhalation. Retenir la respiration 10 secondes.

Certaines poudres contiennent du lactose délivrant un goût sucré lors de la prise. Par ailleurs certaines gélules sont transparentes, ce qui permet de confirmer visuellement la prise après l’inhalation.

ÉVALUATION DE LA MAÎTRISE DES SYMPTÔMES DE L’ASTHME

→ Les signes de mauvais contrôle de l’asthme sont :

Un test de contrôle de l’asthme, en 5 questions, permet d’évaluer rapidement le niveau de contrôle de la maladie des patients âgés de plus de 12 ans. Il est téléchargeable à partir du catalogue du Cespharm sur cespharm.fr.

→ D’après les recommandations du Gina, il existe 3 niveaux de contrôle de l’asthme :

– asthme maîtrisé : sans aucun signe de mauvais contrôle ;

– asthme partiellement maîtrisé : avec 1 ou 2 signes de mauvais contrôle ;

– asthme non maîtrisé : avec 3 ou 4 signes de mauvais contrôle.

Comment agissent les antiasthmatiques ?

→ Le traitement de l’asthme fait appel à :

• des bronchodilatateurs utilisés, selon les molécules, lors des crises ou en traitement de fond :

– les β-2-agonistes sont des agonistes sélectifs des récepteurs b2-adrénergiques bronchiques qui provoquent un relâchement de la musculature lisse bronchique ;

– les anticholinergiques sont des antagonistes compétitifs des récepteurs bronchiques M3, qui exercent une bronchodilatation ;

– la théophylline relâche les fibres musculaires lisses bronchiques et exerce une action bronchodilatatrice.

• des anti-inflammatoires et antiallergiques utilisés en traitement de fond :

– les corticoïdes pénètrent dans les cellules bronchiques et activent les récepteurs intracytoplasmiques des glucocorticoïdes, ce qui a pour effet d’inhiber la synthèse de molécules pro-inflammatoires et bronchoconstrictrices ;

– le montelukast est un antagoniste des récepteurs aux leucotriènes CysLT1

– l’omalizumab se fixe aux IgE libres, réduisant ainsi la quantité d’IgE circulantes, susceptibles de déclencher une réaction allergique.

BON USAGE DES CHAMBRES D’INHALATION CHEZ L’ENFANT

→ Utilisation : installer l’enfant au calme, de préférence en position semi-assise (en position allongée le passage des particules vers l’arbre bronchique se fait moins bien). Oter le capuchon de l’aérosol et le secouer avant de l’introduire dans la chambre.

En fonction de l’âge, placer le masque facial sur le visage de l’enfant en veillant à une bonne étanchéité, ou demander à l’enfant de pincer les lèvres sur l’embout buccal et de se pincer le nez (pour qu’il ne soit pas tenté de respirer uniquement pas le nez). Presser l’aérosol. Maintenir la chambre à l’horizontale et laisser l’enfant respirer dans la chambre (le nombre d’inspiration, dépend de l’âge de l’enfant, de l’amplitude des inspirations et de la longueur de la chambre). La respiration ne doit pas être rapide. Ne pas parler pendant l’inhalation. S’assurer que les valves bougent à chaque respiration.

→ Entretien : laver le masque après chaque utilisation à l’eau tiède savonneuse. Démonter la chambre et la laver 1 fois par semaine en la trempant dans de l’eau tiède savonneuse. Si la chambre est en polycarbonate (AeroChamber Plus, L’Espace) ou en plastique (Able Spacer, Babyhaler, Tips-haler), il ne faut pas la rincer pour éviter l’adhérence ultérieure des principes actifs sur la paroi de la chambre et optimiser ainsi l’efficacité du traitement. Les chambres en aluminium (Vortex) ou en silicone (Itinhaler) ne sont pas électrostatiques et peuvent être rincées. Laisser sécher à l’air libre sans essuyer pour éviter l’électrostatisme.

ATTITUDE À TENIR À L’OFFICINE EN CAS DE MAUVAIS CONTRÔLE DE L’ASTHME

→ Etre vigilant face aux demandes réitérées de β-2-stimulant d’action rapide, signe de mauvais contrôle de la maladie.

→ Suspecter une inobservance du traitement de fond : oubli, incompréhension du traitement, mauvaise utilisation des dispositifs d’inhalation (vérifier régulièrement la technique, demander au patient d’en faire la démonstration sur des dispositifs placebo pour repérer les erreurs), corticophobie.

→ Revoir avec le patient les conseils pour contrôler l’environnement : lutter contre le tabagisme (y compris passif), maintenir la température de la chambre entre + 18 et + 19 °C, aérer quotidiennement pendant 15 minutes l’habitat, dépoussiérer avec un chiffon humide, privilégier le carrelage, laver fréquemment les sols à l’eau de javel diluée (effet antimoisissure) et les aspirer (filtre Hepa, à haute efficacité pour les particules aériennes), utiliser des couettes et oreillers sans plumes avec des housses antiacariens, éviter les plantes d’intérieur et les produits en sprays dont les gaz sont irritants (laques, déodorants, produits ménagers), etc.

→ S’assurer que les comorbidités (reflux gastro-œsophagien, rhinite allergique, sinusite, obésité) soient recherchées et traitées.

→ Avoir le « réflexe iatrogénique », suspecter une cause iatrogène à l’altération du contrôle de l’asthme : â-bloquants (même en collyre), antitussifs, prise d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez un intolérant à ces molécules (asthme de Widal).

→ Orienter le patient vers un médecin pour réévaluer le traitement et éventuellement l’intensifier.

ANTIASTHMATIQUES ET ALLAITEMENT

– Les formes inhalées doivent être autant que possible privilégiées chez la femme allaitante.

– Les corticoïdes inhalés sont bien tolérés et peuvent être utilisés au cours de l’allaitement, de même que les β-2 mimétiques inhalés d’action courte ou longue.

– Les corticoïdes oraux passent en quantité minime dans le lait maternel. Cependant selon le Crat, à des doses supérieures à 60 mg/j pendant une durée supérieure à 1 semaine de corticothérapie orale (ou après une injection par voie intraveineuse de méthylprednisolone), il est préférable d’attendre 4 heures entre la prise du corticoïde et la tétée.

– Le montélukast ne sera utilisé que si nécessaire (manque de données).

– La théophylline passe dans le lait maternel et peut être responsable d’irritabilité et nervosité du nourrisson.

– Pour l’omalizumab et les bronchodilatateurs anticholinergiques, les données sont divergentes : selon le Crat, leur utilisation est envisageable si nécessaire, mais selon les RCP, ils ne sont pas recommandés.