« Quand notre petite officine a fermé ses portes »
Figures de leur quartier, Fabienne Hourquet et Pauline Fovet ont été contraintes de mettre la clé sous la porte dans le quartier de Montmartre à Paris. Souvenirs teintés de mélancolie.
C’est une page de la vie parisienne et de l’exercice officinal qui s’est tournée en décembre 2019. Au cœur de la capitale, les petites pharmacies sont en voie de disparition. Comme celle des Trois-Frères, sur la butte Montmartre. « La raison du plus fort est toujours la meilleure », interpellaient ironiquement sur un bandeau en vitrine ses deux titulaires. Fabienne Hourquet a toujours vécu dans ce quartier où son père, puis son frère sont libraires. Elle a fait pharmacie, option industrie, et son métier la pousse à la mobilité. « A la naissance de mon premier enfant, on m’a soufflé l’idée de reprendre cette petite pharmacie en haut d’une rue. » Elle s’y installe en 1993 et accueille dans un espace de vente d’une vingtaine de mètres carrés une clientèle d’habitués. « J’ai pris une apprentie puis embauché une préparatrice, mais sans grande perspective de développement. Je savais que j’aurai juste de quoi vivre. »
Culminant à 400 000 € de chiffre d’affaires et contrainte aux horaires d’ouverture, la pharmacienne retrouve du souffle en 2006 en s’associant avec Pauline Fovet, rencontrée à une réunion de parents d’élèves. Les titulaires ont la même vision du métier, orientée vers l’écoute, le conseil et le lien social. « J’étais capable de cuisiner régulièrement pour une grande tablée alors il y avait toujours une ratatouille ou un potage pour les personnes âgées qui ne pouvaient pas se faire à manger », raconte Pauline Fovet. A l’officine, des patients laissent leur clé d’appartement au cas où ils deviendraient incapables de se déplacer pour ouvrir à un médecin ou aux pompiers.
Sonnette d’alarme
Pendant une dizaine d’années, l’activité se développe. Les pharmaciennes adhèrent à une coopérative, entreprennent des formations. Des idées de regroupement ne se concrétisent pas. Environ trois ans avant la fermeture, le comptable tire la sonnette d’alarme : la marge est en berne, charges et cotisations sont devenues galopantes. Pour ne rien arranger, des travaux de rénovation sont engagés à proximité. Des médecins quittent le quartier sans être remplacés et la maison de santé promise par la municipalité n’a pas encore posé sa première pierre. La situation s’aggrave encore un peu plus avec l’ouverture à l’automne 2018 d’une pharmacie mégastore, à quelques centaines de mètres en contrebas. « Nous-mêmes y allions pour dépanner quelques clients. » Les pharmaciennes comprennent qu’il va falloir jeter l’éponge. L’activité cesse aux derniers jours de l’année 2019. Une fête réunit dans un café voisin plusieurs générations de riverains et habitués de l’officine. « Ces petites pharmacies, ce sont des unités de vie en soutien de la population et en particulier des personnes âgées. Leur disparition est un sujet tabou pour la profession, qui mise sur la solidité économique des entreprises », estiment les titulaires.
BIO Fabienne Hourquet et Pauline Fovet
1993 Installation de Fabienne Hourquet à la pharmacie des Trois-Frères (Paris 18e)
2006 Association avec Pauline Fovet
2019 Cessation d’activité de l’officine en décembre
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