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La conquête de Paris
Pour des questions d’image et de notoriété, Paris constitue un terrain de conquête privilégié pour les groupements. Mais, sur un marché ultra-concurrentiel et très spécifique, les stratégies déployées pour gagner de nouvelles parts de marché visent à ne pas altérer la cohérence des réseaux…
Depuis l’inauguration de l’imposant flagship Pharmabest de 2 050 m2, au cœur du Forum des Halles, en septembre dernier, le mercato qui se joue entre les groupements, à Paris, s’intensifie. Apothical a, ainsi, attiré dans son giron la pharmacie de la République et la pharmacie Eiffel, transfuge du groupe Monge. « Lorsque j’ai pris mes fonctions en septembre 2020, l’un de mes premiers objectifs a été de construire une belle représentation sur Paris », confie Véronique Orillard, directrice générale de ce groupement, qui compte désormais trois adhérents dans la capitale sur les 66 officines de son réseau. Chez Boticinal, qui a signé en début d’année la pharmacie de l’Opéra, la ville lumière fait aussi partie des principaux axes stratégiques de développement. « A court terme, nous aimerions à Paris, comme en province, doubler notre présence afin de couvrir toutes les grandes zones de chalandise », souligne Alexandre Aunis, le directeur marketing de ce jeune groupement où deux des vingt officines sont installées dans Paris intra-muros.
D’ABORD LA FRANCE, PUIS PARIS.
Chez Aprium, où 40 % des 380 adhérents sont déjà implantés dans Paris intra-muros et en Ile-de-France, la stratégie de développement se concentre sur l’ensemble du territoire. L’Est et l’Ouest ont respectivement accueilli une quinzaine d’officines supplémentaires. « Paris reste toutefois très important pour nous, car c’est le bastion historique de notre enseigne qui est née avec Paris Pharma, rappelle le Dg, Laurent Keiser. Avec nos 65 pharmacies intra-muros, nous sommes, et de loin, leader en parts de marché. Mais, cela ne nous empêche pas de rester conquérants dans la capitale, notamment dans Paris Sud-Est, à l’Ouest et l’Est où nous avons encore des possibilités de croissance ». Chez Giphar, Paris n’est pas une obsession : « En tant que groupement national, qui ambitionne de devenir l’enseigne de pharmacie préférée des Français, notre principal objectif reste de développer le réseau sur l’ensemble du territoire, note Pierre des Champs de Verneix, le directeur commercial. Le groupement, qui compte 1 350 adhérents, aimerait franchir le cap des 1 500 d’ici à trois ans. Ceci étant dit, avec une vingtaine d’officines dans Paris, nous sommes en retard en termes de parts de marché. Nous sommes donc, là aussi, en phase active de prospection. Idéalement, nous devrions avoir une quarantaine d’adhérents dans la capitale dans les trois ans à venir ».
LES ATOUTS DE LA CAPITALE.
Priorité ou pas, Paris suscite bel et bien les convoitises, la ville lumière constituant pour les groupements une formidable vitrine. « Dans notre secteur, c’est à Paris que tout se joue, constate Pierre des Champs de Verneix. C’est là que sont les instances de la profession, nos laboratoires partenaires, les médias… Alors, lorsque vous devez organiser une opération de communication, c’est beaucoup plus simple et efficace de la faire sur Paris. Et si nous devions ouvrir demain un flagship pour mettre en avant notre programme Giphar Santé XL, qui fédère aujourd’hui 120 officines à forte commercialité (+ de 2,5 M€ de C.A), c’est à Paris que nous le ferions… ». Avec près de 40 millions de visiteurs annuels, Paris se distingue aussi par son aura internationale. « Lorsque vous êtes en train de construire une enseigne, avec des produits à votre marque, et que vous avez l’ambition d’exporter votre modèle hors de France, une exposition parisienne constitue un “plus” indéniable, estime Alexandre Aunis. Les touristes qui ressortiront de la pharmacie de l’Opéra, après avoir vécu une expérience client différenciante, avec des tables expérientielles et du testing produit avec un expert en cosmétique, la partageront sur les réseaux sociaux. C’est comme cela que se construit une notoriété qui dépasse les frontières ». Aprium reconnaît d’ailleurs, de son côté, s’être appuyé sur sa visibilité parisienne pour bâtir son réseau national. « Sans cette vitrine, nous n’aurions jamais pu nous déployer en région aussi rapidement », assure Laurent Keiser. Pour Hervé Jouves, le président du groupe Laf Santé, une faible présence dans la capitale ne constitue toutefois pas un handicap rédhibitoire. « Si l’on se réfère à la dernière enquête réalisée par Iqvia en mai 2020, Pharmacie Lafayette était l’enseigne la plus connue des Français, loin devant Giphar et PharmaVie, rappelle-t-il. Or, nous avons construit cette image avec une implantation parisienne limitée, puisqu’à l’instar d’enseignes comme Conforama ou Decathlon, nous avons choisi de développer en premier notre présence en province, avant d’attaquer le marché parisien. Notre ambition étant de permettre à chaque Français d’avoir accès à une pharmacie Lafayette en moins de 30 minutes ».
CONTRAINTES ET SPÉCIFICITÉS DE PARIS.
Les ambitions des groupements dans la capitale se heurtent toutefois aux contraintes d’un environnement très spécifique, qui rend souvent les projets plus longs et plus complexes qu’ailleurs. « Sur Paris, la forte densité des pharmacies, qui sont collées les unes aux autres, se traduit par un marché beaucoup plus concurrentiel, mais aussi très intéressant pour proposer un concept différenciant », rappelle Jérôme Escojido, le fondateur de Mediprix. « Les 950 pharmacies intra-muros sont généralement plus petites qu’ailleurs, observe Laurent Keiser. A Paris, la moyenne des surfaces commerciales au sein de notre réseau est de 80 m2, alors qu’en région, nous sommes entre 140 et 160 m2. Et on retrouve le même différentiel sur le C.A moyen, qui est de 2,8 M€ sur Paris, contre plus de 3,5 M€ en région ». « Lorsque vous avez trouvé le bon projet, il faut que la pression locative, qui est à Paris beaucoup plus élevée qu’ailleurs, soit digérable par le titulaire », ajoute Hervé Jouves. Enfin, les officines de la capitale se distinguent par une masse salariale souvent plus élevée. « En région, elle représente 12 % du C.A, alors que dans l’hyper centre de Paris, on est plutôt sur du 14 %, voire 16 %. Cette différence s’explique par un besoin de personnel plus important pour conseiller une clientèle plus exigeante et offrir une amplitude horaire plus importante qu’en province puisqu’à Paris, les officines sont en général ouvertes de 8h30 jusqu’à 21h00 », détaille Laurent Keiser. Résultat, à Paris, les petites pharmacies ont du mal à tirer leur épingle du jeu, comme le constate Pierre des Champs de Verneix. « Beaucoup travaillent en sous-effectif, avec des titulaires très présents au comptoir, et affichent une santé financière fragile. Plus souvent qu’ailleurs, nous sommes donc amenés à refuser des dossiers, parce que l’équilibre économique de la pharmacie se révèle trop précaire ». « Dans le commerce, c’est l’emplacement qui prime !, renchérit Georges Duarte, associé et fondateur du réseau Anton&Willem. Rue Mouffetard, la surface de vente est de 55 m2, alors que nous sommes habituellement implantés sur 70, 80 m2. Mais, notre visibilité est très forte ».
JOUER LA COHÉSION NATIONALE.
Dans ce contexte, les velléités de conquête affichées sur Paris s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie qui vise à préserver la cohérence des réseaux. « Pour nous, il est effectivement essentiel de construire un maillage homogène, que ce soit en termes d’enseigne, de taille de pharmacies, et d’emplacements, confirme Alexandre Aunis. Nous appliquons donc, à Paris comme ailleurs, des critères ultra sélectifs, en ciblant des officines disposant des surfaces de vente de 200 à 500 m2, installées sur des emplacements premium, et dotées d’un potentiel de développement qui doit leur permettre d’atteindre 10 M€ de C.A ». C’est aussi par souci de cohérence que Mediprix a, depuis sa création il y a quatre ans, refusé toutes les demandes d’adhésion parisiennes. « Nous avons toujours considéré qu’il fallait d’abord développer le réseau en province, innover, puis disposer d’un concept capable de faire rayonner notre marque avant de s’installer à Paris, indique Jérôme Escojido. Ces deux ingrédients étant désormais réunis, nous recherchons activement notre première implantation dans la capitale. Mais rien ne presse, si cela ne se fait pas cette année, ce sera dans un ou deux ans ».
infos clés
1 La capitale constitue une formidable vitrine pour des réseaux en quête de notoriété, en France et à l’international.
2 Les ambitions des groupements sur Paris se heurtent à un marché ultra-concurrentiel, où la taille des surfaces commerciales, la pression locative, et le poids de la masse salariale rendent les dossiers plus compliqués qu’ailleurs.
3 Dans ce contexte, les groupements déploient des stratégies de conquête, mais, tout en veillant à ne pas mettre en péril la cohérence de leur réseau.
En plusPas de course aux méga pharmacies
L’ouverture du flagship Pharmabest, au Forum des Halles, aurait pu déclencher une course aux méga pharmacies dans la capitale. A en croire les groupements que nous avons sollicités, il n’en sera rien. « Ce serait aller à contre-courant, car le commerce est en train de faire machine arrière, résume Hervé Jouves, le président du groupe Laf Santé. Après avoir beaucoup misé sur l’accroissement des surfaces commerciales, les enseignes reviennent sur des superficies plus raisonnables, le principal enjeu étant la proximité avec le client. Et les pharmacies n’échappent pas à ce phénomène ». D’ailleurs, cette quête de la proximité dicte les choix d’Apothical. « Nous essayons toujours de privilégier les officines cultivant une vraie relation avec la clientèle locale, confirme Véronique Orillard, la directrice générale. Les pharmacies parisiennes fondant l’essentiel de leur activité sur les touristes ne nous intéressent pas. C’est ce credo qui nous a conduits à cibler la pharmacie Eiffel, car au sein du groupement Monge, elle affichait un bon équilibre entre clientèle française et internationale ».
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