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L’odyssée Moderna
Pour agrandir l’offre de vaccins anti-Covid-19 en ville, dépositaires, grossistes-répartiteurs et pharmaciens d’officine ont dû relever le double défi des contraintes de transport et de conservation du vaccin Moderna. Pari réussi.
Le vaccin Moderna, troisième vaccin anti-Covid-19 disponible en Europe, a obtenu son autorisation de mise sur le marché le 6 janvier 2021. Les premières livraisons, peu volumineuses par rapport aux autres vaccins disponibles, ont été effectuées à une fréquence bimensuelle. Aujourd’hui, les volumes sont plus conséquents et la France est approvisionnée chaque semaine. « L’intégralité des doses est réservée à la ville depuis le 24 mai, sauf pour les deuxièmes injections prévues en centre de vaccination », précise le ministère des Solidarités et de la Santé. « Les exigences requises pour le transport des vaccins sont celles de la traçabilité totale et de la vérification complète du strict respect de la chaîne du froid. Cela passe par l’installation de sondes de température dans les colis, monitorées en temps réel et doublées d’une alarme en cas de rupture de la chaîne du froid », détaille la Direction générale de la santé (DGS).
Ces exigences de traçabilité se retrouveront à chaque étape de livraison, jusqu’à l’officine. Car les vaccins Moderna sont conservés dans des chambres froides à – 20 °C pendant le stockage, explique-t-on chez Arvato, l’un des dépositaires. Ces dépositaires, organisées par zones géographiques, jouent un rôle de premier ordre dans la distribution des vaccins anti-Covid-19. Ils réceptionnent les marchandises dans la chambre de congélation, contrôlent la qualité et la quantité des produits, puis entrent les données dans le système d’information ad hoc. Ce sont eux qui reçoivent l’ordre de Santé publique France (SPF) de préparer les commandes pour les envoyer aux grossistes-répartiteurs et enregistrent les données dans le système d’information pour la traçabilité. Ils se préoccupent également des quantités de vaccin à sortir et de leurs emballages, planifient les transports pour remettre celles-ci aux grossistes-répartiteurs. Le tout dans le respect des exigences réglementaires et des bonnes pratiques de distribution.
En ce qui concerne le temps de préparation de commande, « tout dépend des quantités et de la volumétrie des commandes », explique Laure Brenas, présidente du conseil central C de l’Ordre national des pharmaciens. Et du nombre de grossistes sur la liste : « Ce n’est pas le même temps de préparation d’envoyer l’ensemble de la commande à un seul grossiste ou un flacon à plusieurs grossistes ». Pour ce faire, les dépositaires ont reçu une formation adaptée. « A partir du moment où il y a une opération spécifique, nous veillons à la formation des équipes avec vérification systématique des acquis », ajoute-t-elle. Une exigence partagée aussi par la « répartition ».
Voyage de Star
Les doses sont ensuite transportées dans des camionnettes sous température dirigée sous froid actif jusqu’aux agences de répartition. Les chargements bénéficient d’un suivi géographique. Par exemple, Star Service, un prestataire d’Arvato spécialiste du « dernier kilomètre », a mis en place des outils digitaux qui assurent non seulement la géolocalisation des véhicules, mais aussi la traçabilité des températures en temps réel. Cela permet également de restituer une courbe de températures précise aux clients finaux. En fonction de l’urgence de la livraison et de la destination, il peut s’écouler entre 12 heures et quelques jours entre la réception du vaccin et l’acheminement jusqu’à l’étape suivante.
Ce sont également les dépositaires qui décommissionnent les flacons en application du système européen d’authentification du médicament (sérialisation). « Les doses sont arrivées par boîtes de 10 flacons de 10 doses. Pour des raisons de sécurité (traçage numérique au niveau européen, lutte contre les contrefaçons), chaque boîte est sérialisée : il faut donc scanner chacune d’entre elles, ce qui prend du temps », souligne la DGS, qui, fin mai, recevait des commandes hebdomadaires de l’ordre de 450 000 doses (45 000 flacons).
Les grossistes-répartiteurs peuvent alors recevoir ces vaccins Moderna. A – 20 °C. L’opération est traitée de manière prioritaire. « C’est une nouvelle activité que de s’occuper de produits à températures négatives », explique Jean Brévilliers, directeur des affaires pharmaceutiques de la Confraternelle d’exploitation et de répartition pharmaceutique (Cerp) Rhin Rhône Méditerranée et trésorier de la section C de l’Ordre national des pharmaciens. Une nouvelle activité et un exercice de rapidité. Le temps maximal de transfert vers l’enceinte à – 20 °C est de l’ordre de 5 minutes en environnement non réfrigéré. « Dans les faits, les flacons ne restent stockés qu’un jour ou deux. Dès le jour même, au plus tard le lendemain de la réception, nous préparons les commandes à destination des officines, explique Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Deux scénarios peuvent se dérouler : soit Santé publique France, par l’intermédiaire des dépositaires, nous assure une livraison de la commande suffisamment tôt le matin et celle-ci est envoyée à l’officine dans l’après-midi ; soit nous réceptionnons les vaccins seulement l’après-midi, la commande est donc stockée à – 20 °C et partira en pharmacie le lendemain après-midi ».
1 minute chrono
La préparation de commande s’effectue en chambre froide en 1 minute à 1 minute 15. « Les préparateurs de commande sont à l’intérieur ou à l’extérieur, mais le produit est, lui, toujours à l’intérieur de la chambre froide », décrit Jean Brévilliers. Le préparateur contrôle la température des vaccins, organise la mise en place du transfert et assure l’entrée des informations dans le dispositif de traçabilité. La préparation est individuelle, en fonction de quantités indiquées par Santé publique France. Le répartiteur est amené à déconditionner. « Si le nombre de flacons à remettre à chaque officine n’est pas un multiple de 10, il faut sortir les 10 flacons de chaque boîte, ajoute la DGS. A ce stade, la livraison se fait en flux tiré, c’est-à-dire que les commandes sont préparées en fonction des doses commandées par les officines » en début de semaine sur le portail de télédéclaration de l’Agence régionale de santé. Le vaccin est immobilisé dans une caisse isotherme par une mousse protectrice et des objets de calage.
Arrive l’étape de la décongélation. « C’est une opération sensible. Elle consiste à faire passer le vaccin de – 20 °C à entre + 2 et + 8 °C », souligne Jean Brévilliers. Cette décongélation a lieu pendant le temps de transport entre l’agence de répartition et l’officine. « L’intérêt est de ne pas trop tarder pour l’expédition afin de maintenir une durée maximale en pharmacie », ajoute-t-il, car le vaccin Moderna ne se conserve que 30 jours à température comprise entre + 2 et + 8 °C. « Nous effectuons une opération qui consiste à attribuer à chaque flacon une nouvelle étiquette avec le numéro de lot du vaccin, la date et l’heure de décongélation et la nouvelle date de péremption », complète Emmanuel Déchin, délégué général de la CSRP. La nouvelle date de péremption, celle qui intéresse le pharmacien et les effecteurs de la vaccination, correspond à la date de sortie du congélateur + 29 jours.
Et comme si les contraintes n’étaient déjà pas suffisantes, une fois le vaccin décongelé, la durée de transport cumulée ne doit pas dépasser 12 heures. Et avec une conduite en douceur, s’il vous plaît : il faut en effet éviter les secousses, les vibrations pouvant détruire l’ARNm. L’expérimentation avec le vaccin Moderna en Moselle a montré que la durée de transfert de l’agence de répartition principale pour approvisionner les agences mosellanes était de 1 heure, puis le temps de transport entre l’agence de répartition et l’officine de 3 heures au maximum, ce qui laissait 8 heures pour le trajet entre l’officine et cabinet de l’effecteur. Dans ses recommandations, la DGS estime que les répartiteurs ont 7 heures pour remettre les doses aux officines, ce qui laisse 5 heures pour le trajet entre la pharmacie et le cabinet de l’effecteur. Si la durée du transport vers l’officine est amenée à dépasser 7 heures, l’agence en charge de la livraison doit communiquer auprès de l’officine le nouveau temps de transport résiduel. Pour un temps de transport vers l’officine court (inférieur à 2 h 30), il est possible que les flacons arrivent encore congelés. L’officine les place alors à une température située entre + 2 et + 8 °C pour achever leur décongélation avant l’envoi aux effecteurs.
Arrivée en caisse
La livraison des vaccins à l’officine est réalisée lors de la tournée habituelle. S’il n’a pas été demandé de les faire voyager dans une caisse de transport particulière, les grossistes-répartiteurs utilisent toutefois un contenant isotherme pour produits thermosensibles avec un marquage spécifique afin de l’identifier rapidement ou une « caisse de froid » avec identification au moyen soit d’un affichage soit d’une couleur de caisse ou de couvercle différente. « Chacun décline avec ses moyens les exigences du cahier des charges », note Laure Brenas. « C’est un service, mais pas une obligation », complète Jean Brévilliers.
L’arrivée de Moderna dans le circuit de ville « immobilise des volumes de caisse et de plaques isotherme et peut provoquer des tensions sur le matériel », fait remarquer Jean Brévilliers, dans un contexte où il y a pénurie de matières premières pour fabriquer des eutectiques.
Une fois le vaccin livré à l’officine, le pharmacien contrôle la température, appose une nouvelle étiquette fournie par le grossiste-répartiteur et conserve les doses au réfrigérateur. Charge à lui de les utiliser pour vacciner ses patients ou de fournir les autres effecteurs : médecins, infirmiers, sages-femmes. Depuis le 19 avril, il est à noter que les notices de vaccins sont dématérialisées. « Comme pour le vaccin d’AstraZeneca, il faut compter un délai d’une semaine entre la livraison des doses sur le territoire national et leur réception dans les officines de ville », calcule la DGS.
Les dépositaires et les grossistes-répartiteurs ont su et savent faire preuve d’agilité. L’officine aussi. Voilà qui est de bon augure pour que l’autre vaccin à ARNm autorisé à ce jour, celui de Pfizer/BioNTech, qui vient d’ailleurs de voir ses contraintes de conservation s’assouplir, soit distribué en ville par le même circuit.
Livrer les vaccins n’est pas tout !
Les grossistes-répartiteurs livrent également le matériel d’injection (seringues, aiguilles, etc.) et les poches de glace qu’ils reçoivent eux-mêmes… d’autres dépositaires. Sept plateformes sont chargées de cette mission. « C’est Santé publique France qui calcule le nombre de seringues envoyées aux officines », explique Jean Brévilliers, directeur des affaires pharmaceutiques de la Cerp Rhin Rhône Méditerranée et trésorier de la section C de l’Ordre national des pharmaciens. Chaque semaine, les grossistes reçoivent les consignes de livraison dans une base de fichiers transmis par Santé publique France via la CSRP. Les seringues étant conditionnées en boîte de 100 unités, les officines sont approvisionnées en fonction du flux de doses qu’elles ont commandées et de celles déjà utilisées.
Les 4 temps Moderna
Fabrication en Europe
Moderna ne dispose d’aucune usine en propre et fait appel exclusivement à des sous-traitants répartis sur 6 sites.
Température du vaccin : – 20 °C
Dépositaires de Santé publique France
3 dépositaires sélectionnés : Alloga, Geodis et Arvato
Température du vaccin : – 20 °C
Grossistes-répartiteurs
185 agences de répartition
Température du vaccin : – 20 °C
Officine
Plus de 21 000 pharmacies ont passé commande de vaccins
Température du vaccin : + 2 à + 8 °C
Chaud devant chez les grossistes-répartiteurs
Dès le 23 mars, les grossistes commençaient à se mettre en place. Tous ne possédaient pas les congélateurs requis. « Les 185 établissements ont vocation à s’équiper d’un congélateur spécifique pour être en capacité de stocker les vaccins à ARNm », expliquait alors Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Début mai, c’est chose faite. Coût d’un congélateur de 600 litres : 3 500 € HT.
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