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DANS LE GRAND BAIN DES TROD

Publié le 26 juin 2021
Par Matthieu Vandendriessche
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LE DÉPISTAGE DU COVID-19 A PROPULSÉ LA PRATIQUE DES TESTS RAPIDES D’ORIENTATION DIAGNOSTIQUE (TROD) EN PHARMACIE. LEUR USAGE CONSTITUE UN APPUI POUR DE NOUVELLES PRISES EN CHARGE DU PATIENT PAR LES OFFICINAUX. RETOUR EN ARRIÈRE ET PERSPECTIVES D’APPLICATION.

Des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) à l’officine, cela n’a rien de nouveau. Un arrêté en date de juin 2013 leur ouvre la voie, mais cette autorisation est suspendue en 2015 pour vice de forme. Dans l’intervalle, en 2014, plusieurs centaines de pharmacies expérimentent la pratique du « test angine » à l’initiative de l’union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens d’Ile-de-France. Les résultats après six mois ont montré l’efficacité de l’initiative : les trois quarts des cas positifs se sont orientés vers un médecin.

En août 2016, un nouvel arrêté réintroduit ces tests qui ciblent le diabète, l’angine et la grippe.

Début 2020, le lancement des tests oropharyngés de l’angine pris en charge par l’Assurance maladie est stoppé net à l’arrivée de l’épidémie de Covid-19. A leur tour, en octobre, les tests antigéniques de détection du Sars-CoV-2 font leur entrée en pharmacie. Ou plutôt le plus souvent sous des barnums implantés devant les officines. Pharmaciens et, sous leur responsabilité, préparateurs et étudiants sont en capacité de réaliser ces tests. Réclamée par la profession, cette pratique est mise en place dans des délais record. « Les pharmaciens se sont lancés dans un contexte anxiogène et avec la nécessité de s’approprier un nouveau geste technique, pointe Olfa Jouini, urgentiste et médecin du travail qui a assuré des formations pour Le Moniteur des pharmacies. Le prélèvement nasopharyngé est invasif et les pharmaciens ont été conscients que, s’il est mal réalisé, le risque est pour le patient lui-même et aussi de ne pas être efficace dans la lutte contre la transmission du virus. » Selon la formatrice, les pharmaciens ont eu besoin dans les premiers temps de trouver leur légitimité vis-à-vis d’autres professionnels comme les infirmiers ou les biologistes médicaux. Sur le plan pratique, il a fallu revoir l’organisation de la circulation des patients dans l’officine et s’assurer de leur accompagnement dans l’interprétation des résultats. « Il faut bien rappeler que la fiabilité du test n’est pas totale, qu’il y a 30 % de faux négatifs. »

Des évolutions au-delà du cadre légal actuel

La pratique de ces tests va s’amplifier. Les Trod de dépistage des angines bactériennes font actuellement leur grand retour, à tel point qu’ils pourront être réalisés à l’initiative des pharmaciens à compter du 1er juillet prochain. Pharmaciens qui pourront également, après l’été, en effectuer sur ordonnance conditionnelle du médecin prescrivant des antibiotiques et le test, puis délivrer les antibiotiques en cas de résultat positif.

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D’ici fin juin devraient être publiés au Journal officiel deux textes réglementaires portant notamment sur les bonnes pratiques et les conditions de formation.

Les tarifs applicables sont de 6 € HT (matériel inclus, dont prix de cession de 1 € HT) lorsque le patient se rend directement en officine, sans ordonnance ; 6 € HT + délivrance des antibiotiques sur ordonnance conditionnelle avec résultat de Trod positif ; et 7 € HT sur ordonnance conditionnelle avec résultat négatif.

La prescription conditionnelle accompagnée d’un arrêté est donc l’autre événement à venir. « Le médecin a prescrit de l’amoxicilline car il suspecte une angine. Il autorise le pharmacien à délivrer l’antibiotique si le Trod qu’il effectue s’avère positif », illustre Fabrice Camaioni, titulaire à Revin (Ardennes) et président de la commission métier pharmacien à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Selon lui, les officinaux pourraient, de leur propre initiative, proposer un Trod angine remboursé à un patient qui se plaint d’un mal de gorge. « S’il est négatif, il y a délivrance d’un médicament symptomatique. S’il est positif, le patient est orienté vers la consultation médicale. » Cette démarche rejoint le modèle de la dispensation sous protocole, qui consiste à délivrer sous conditions certains médicaments de prescription médicale, notamment dans le cadre de l’odynophagie (douleur pharyngée ou œsophagienne). Mission qui doit cependant s’inscrire dans une structure d’exercice coordonné. « Cela devrait pouvoir se faire selon un modèle plus simple, par exemple dans un échange avec le médecin par le biais d’une messagerie sécurisée », estime Fabrice Camaioni. Le représentant syndical voit d’autres évolutions possibles dans la manipulation des Trod et des tests d’évaluation. Tout d’abord, rétablir la réalisation du dépistage du diabète au-delà du cadre légal actuel, soit dans un contexte de campagnes de santé publique. Et puis aller plus loin en s’impliquant dans le dépistage en officine de l’hépatite C ou de celui du cancer du côlon, tel qu’il a été expérimenté respectivement en Occitanie et en Corse.

TRIO DE TROD

L’arrêté du 1er août 2016 paru au Journal officiel du 5 août autorise la réalisation de trois types de Trod et d’évaluation par les pharmaciens d’officine :

– le test capillaire d’évaluation de la glycémie, destiné au repérage d’une glycémie anormale dans le cadre d’une campagne de prévention du diabète ;

– le Trod oropharyngé des angines à streptocoque A, visant l’orientation diagnostique en faveur d’une angine bactérienne ;

– le Trod oropharyngé de la grippe, permettant l’orientation diagnostique en faveur d’une grippe.

Pour rappel, les Trod ne se substituent pas au diagnostic réalisé avec un examen de biologie médicale. Le patient en est explicitement informé par le pharmacien qui le réalise. Celui-ci adresse le résultat du test au médecin avec le consentement du patient.

TESTS SÉROLOGIQUES COVID-19 AVANT VACCINATION : UNE NOUVELLE MISSION EN STAND-BY

Le test sérologique recommandé par la Haute Autorité de santé (HAS) au momment de la première injection d’un vaccin contre le Covid-19 est une nouvelle opération de santé publique à laquelle les pharmaciens pourraient être associés ou non. Annoncée pour la semaine du 21 juin, l’utilisation des Trod sérologiques en parallèle de la primovaccination contre le Covid-19 est bloquée au stade de la négociation du tarif de prise en charge et de la rémunération du pharmacien. Pourtant, les chiffres préliminaires de l’expérimentation menée à l’Hôtel-Dieu à Paris sont « bons » : sur 20 à 25 % des personnes présentant un résultat positif, 15 % avaient déjà une preuve d’infection, et ce sont « 7 à 8 % qu’on rattrape à travers les Trod sérologiques », note le ministère de la Santé. Les livraisons de Trod dans les centres de vaccination ont démarré.