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Les nouvelles molécules dans le cancer prostatique
L’hormonothérapie est une thérapie utilisée dans certains cancers dits hormonodépendants. Ce mois-ci, place à l’hormonothérapie dans le cancer de la prostate, avec un focus sur les médicaments de deuxième génération par voie orale tels qu’Erleada, Zytiga, Xtandi et Nubeqa.
Un cancer hormonodépendant
• Comme celui du sein (voir Porphyre n° 575, juin 2021), le cancer de la prostate est un cancer dit hormonodépendant ou hormonosensible car des hormones jouent un rôle dans la multiplication des cellules cancéreuses. Cette prolifération maligne est ici sous la dépendance des androgènes(1) : testostérone, DHEA, androstènedione et dihydrotestostérone.
• Les androgènes sont essentiellement synthétisés par les testicules et les glandes surrénales, et accessoirement par le tissu adipeux, le foie et la peau.
Hormones et cancer de la prostate
• La croissance des cellules tumorales prostatiques est stimulée par la testostérone d’origine testiculaire pour 95 % et surrénalienne pour 5 %(2).
• Pour annihiler cet effet « stimulant » de la testostérone, on réalise une suppression ou « castration » androgénique, soit chirurgicalement avec une pulpectomie, qui consiste à vider les testicules de leur tissu, soit le plus souvent au moyen de médicaments d’hormonothérapie. Le but est d’obtenir un taux de testostérone inférieur ou égal à 0,5 ng/ml.
• Deux types de médicaments d’hormonothérapie peuvent être associés dans le cancer de prostate.
→ Ceux qui suppriment la production d’hormones, ou ADT pour Androgen Deprivation Therapy. Les agonistes et antagonistes de la GnRH (ou LHRH, lire Porphyre n° 574, mai 2021) ciblent l’axe hypothalamo-hypophysaire. L’acétate d’abiratérone (Zytiga) inhibe une enzyme capitale dans la biosynthèse des androgènes (voir plus loin).
→ Ceux qui bloquent les récepteurs hormonaux par compétition afin d’inhiber l’action des hormones sur les récepteurs cytosoliques des cellules tumorales. Il existe aussi un freinage hypophysaire par rétrocontrôle négatif. La première génération de ces anti-androgènes comprend l’acétate de cyprotérone (Androcur), le bicalutamide (Casodex, Ormandyl) et le nilutamide (Anandron). Ceux de deuxième génération sont l’apalutamide (Erleada), le darolutamide (Nubeqa) et l’enzalutamide (Xtandi).
Phases de sensibilité et de résistance à la castration
• Le traitement de première ligne du cancer de la prostate fait appel aux agonistes et antagonistes de la GnRH.
• Comme la production extratesticulaire d’androgènes est indépendante de l’axe hypothalamo-hypophysaire, les analogues de la GnRH n’interrompent pas totalement la fabrication d’androgènes. Il est donc parfois nécessaire d’agir sur le récepteur des androgènes pour réaliser un « blocage androgénique complet » en ajoutant le bicalutamide (Casodex…) ou le nilutamide (Anandron).
• Parfois, après un certain temps, on constate que, malgré un taux bas de testostérone, la tumeur progresse. Cette phase dite de résistance à la castration ne signifie pas que les cellules tumorales ne sont plus hormonodépendantes, mais il y a des modifications du récepteur aux androgènes ou des sécrétions locales d’androgènes car certaines cellules tumorales peuvent produire les enzymes nécessaires à la synthèse des androgènes. Les hormonothérapies de nouvelle génération telles que l’apalutamide (Erleada), l’enzalutamide (Xtandi) et l’acétate d’abiratérone (Zytiga) contournent ces mécanismes de résistance.
Comment agissent ces nouvelles hormonothérapies ?
• L’acétate d’abiratérone (Zytiga) est un inhibiteur oral de l’enzyme CYP-17, capitale dans la synthèse des androgènes. Il inhibe la biosynthèse des androgènes au niveau des testicules, mais aussi des glandes surrénales et des tissus tumoraux prostatiques. Il empêche la synthèse de DHEA, puis de l’androstènedione, nécessaires à la production de testostérone dans tout l’organisme.
Il inhibe aussi la voie des corticoïdes, ce qui entraîne l’accumulation de métabolites en amont, et donc une hausse de la production de minéralocorticoïdes et de l’hormone adrénocorticotrope (ACTH). D’où la nécessité d’associer un corticoïde prednisone (Cortancyl et génériques) ou la prednisolone (Solupred et génériques) à la prise d’abiratérone.
• L’apalutamide (Erleada), l’enzalutamide (Xtandi) et le darolutamide (Nubeqa, voir Nouveaux produits p. 14) inhibent la liaison des androgènes au récepteur, mais ils sont plus puissants que les anti-androgènes de première génération. L’enzalutamide (Xtandi) bloque également la liaison du récepteur à l’ADN.
Comment sont-elles utilisées ?
• Le traitement du cancer de la prostate est choisi selon le risque d’évolution des tumeurs, basé entre autres sur l’analyse histologique : tumeur localisée à faible risque d’évolution, à risque intermédiaire ou à haut risque.
• Les options thérapeutiques diffèrent selon le niveau de risque d’évolution, le stade métastatique ou non, et les patients : prostatectomie (ablation de la prostate), radiothérapie externe et curiethérapie, hormonothérapie.
• Les nouvelles molécules d’hormonothérapie sont utilisées en majorité dans les cancers métastatiques hormonorésistants, associées aux GnRH, de façon à obtenir un taux de testostérone proche de 0.
• L’hormonothérapie est maintenue tant que la maladie est stabilisée et que les effets indésirables sont tolérés.
Quels sont les effets indésirables des nouvelles molécules ?
• Abiratérone : l’hyperaldostéronisme provoque une hypertension, une hypo-kaliémie, des œdèmes des membres inférieurs, d’où la nécessité d’un ionogramme sanguin toutes les deux semaines durant les trois premiers mois, puis tous les mois, et de surveiller pression artérielle et poids durant tout le traitement. Le risque d’atteintes hépatiques requiert un dosage des transaminases tous les quinze jours les trois premiers mois, puis mensuellement. Autres effets indésirables : troubles cardiaques (arythmie…), fractures, diarrhée.
• Pour les anti-androgènes non stéroïdiens en général : bouffées de chaleur, gynécomasties, tensions mammaires, galactorrhées, cancers du sein, ostéoporose et fractures, troubles cardio-vasculaires et diabète de type 2.
→ Enzalutamide : hypertension, troubles neurologiques (vertiges, anxiété, insomnies), prurit et rash, bouffées de chaleur.
→ Apalutamide et enzalutamide : pneumopathies interstitielles. Orienter vers le médecin tout patient présentant dyspnée, toux, fatigue et perte de poids.
→ Darolutamide : fatigue ou asthénie, cardiopathie ischémique, insuffisance cardiaque, éruption cutanée, douleurs dans les extrémités ou musculo-squelettiques, fractures.
À savoir. Pour abiratérone, enzalutamide, apalutamide et darolutamide, si l’activité sexuelle est encore possible malgré la castration chimique, il faut utiliser un préservatif en cas de rapports sexuels avec une femme enceinte. Et préservatif et contraception efficace chez les femmes en âge de procréer jusqu’à trois mois après l’arrêt du traitement pour l’enzalutamide et l’apalutamide.
(1) Pharmacie clinique pratique en oncologie, Éd. Elsevier Masson, 2016.
(2) Le traitement hormonal du cancer de prostate, La Revue du praticien Médecine générale, n° 1048, octobre 2020.
notre experte“Il faut être attentif à l’hypertension artérielle et à son suivi”
Françoise de Crozals, pharmacienne gérante à l’Institut du cancer Avignon-Provence Sainte-Catherine, à Avignon (84)
Comment parler aux patients sous hormonothérapie ?
Ces traitements sont utilisés au long cours, d’où l’importance de sensibiliser les patients à la notion de durée et aux effets secondaires car ils ne voient l’oncologue que tous les trois mois en moyenne. Il faut les stimuler pour qu’ils respectent la prise, même si la plupart des patients, qui sont âgés, relativisent… Si un patient ne vient pas renouveler son traitement, il faut savoir lui demander ce qui se passe. Reprécisez : « Si vous l’oubliez un jour sur deux, le traitement ne marchera pas. Il est efficace si vous respectez les prises ».
Quelles précautions donner en délivrant ?
Il faut que ces patients soient attentifs à l’hypertension artérielle car ces médicaments, bien qu’ils soient bien tolérés en général, font augmenter la tension. Les interroger sur le suivi de la pression artérielle, qui est à surveiller. On peut leur proposer de le faire à l’officine au besoin. Xtandi entraîne des céphalées et des troubles de la mémoire mais c’est patient-dépendant. Les avertir d’être vigilants. Quelques patients sont intolérants et font des réactions allergiques cutanées, ont des démangeaisons et se grattent.
Il faut aussi penser à demander régulièrement aux personnes traitées si elles tolèrent leur traitement. Avertir les patients sous Xtandi d’être vigilants sur quelques troubles neurologiques, comme les vertiges et les céphalées. Sous Zytiga, qui fait baisser certains oligo-éléments (potassium, phosphore et magnésium), certains hommes peuvent avoir des crampes et des douleurs musculaires. Dans ce cas, on dosera ces oligo-éléments et le médecin pourra les supplémenter en magnésium et en phosphore. Zytiga est associé à un corticoïde. Attention de ne pas l’oublier. C’est pour ça que, chez un patient diabétique, le médecin s’interrogera pour savoir laquelle de ces hormones sera utilisée. Vérifier enfin les moments de prise, à jeun ou pas. Ainsi, Zytiga se prend à distance des repas, soit au coucher, soit le matin à jeun.
Les interactions médicamenteuses sont-elles nombreuses ?
Le risque d’interactions médicamenteuses est important. Les vérifier sur les fiches Oncolien via le site de la Société française de pharmacie oncologique (SFPO) : oncolien.sfpo.com
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