Un CQP pour se spécialiser en matériel médical

Il arrive quasi en catimini, mais il arrive bel et bien. Un nouveau certificat de qualification professionnelle (CQP), dénommé Dispensation de matériel médical à l’officine, ouvre une autre voie de spécialisation aux préparateurs en pharmacie et aux pharmaciens. Créé et délivré par la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle de la pharmacie d’officine (CPNE-FP), ce CQP est confié, pour une phase expérimentale de deux ans au moins, aux seuls CFA qui mettent en œuvre le CQP Dermo-cosmétique pharmaceutique (voir encadré). L’objectif est louable puisqu’il s’agit de peaufiner les enseignements, d’enrichir le contenu et de faire un point sur ce qui va ou pas. Vingt et un CFA sont sur le coup. « Nous avons souhaité être CFA pilote parce que c’est un domaine dans lequel il y a beaucoup de choses à faire à l’officine. Il est intéressant de lancer ce CQP pour former les préparateurs à une spécialisation qui leur permettra de prendre des responsabilités », avance Jean-Louis Grillet, directeur de la formation continue au CFA de Marseille (13), qui lancera le CQP le 18 novembre. « C’est un “plus” de former des personnes avec un diplôme reconnu au bout. C’est une reconnaissance pour les préparateurs et un défi de passer un examen oral de cette qualité », renchérit Florence Florentin, responsable de la formation continue au CFA de Paris, qui ouvrira pour sa part le CQP le 28 octobre (lire aussi Formation p. 36).

Supplémentation en compétences

À la différence d’une formation sur le maintien à domicile classique, ce CQP est centré sur le matériel médical et les dispositifs médicaux(1). Du lit médicalisé aux sondes, en passant par l’oxygénothérapie, les tirelait ou les dispositifs de la perfusion, tout sera abordé à partir du « matériel ». « La compétence principale de cette formation est la dispensation de matériel médical à l’officine. Cela signifie que nous allons mettre les personnes en situation, avec des cas de comptoir en permanence », explique Jean-Louis Grillet. Analyse d’une demande de matériel et de l’environnement, choix, délivrance dans la réglementation, explications et démonstration au patient ou à l’aidant, suivi, dont désinfection et gestion des pannes, sans oublier la communication et le travail en interprofessionnalité et, non des moindres, la facturation et l’administratif. « La tarification est l’un des point importants parce que, derrière, il en va de la rentabilité de l’activité pour la pharmacie », analyse Jean-Louis Grillet.

Examen sous forme orale

Autre originalité, les modalités de contrôle. Qui dit formation basée sur le médico-technique et la communication, dit examen basé sur une mise en situation et une présentation orale. Une heure de préparation pour une heure de présentation sur une étude de cas. « Ce n’est pas un examen écrit de cinquante pages dans une salle. Ce sera un cas pratique parce que nous sommes dans une formation pratique », revendique Philippe Denry, pharmacien titulaire et président de la CPNE-FP. « La seule compétence validée sera la capacité de dispensation du matériel médical à l’officine », précise Jean-Louis Grillet. C’est pour cela que les enseignants aiguisent leurs cas de comptoir et prennent langue avec des prestataires pour que tous les matériels soient décrits, touchés et utilisés par les apprenants lors de la formation. Du concret, on a dit !

Une longue gestation

Du concret, les CFA aimeraient en avoir davantage du côté de la prise en charge. Si cela fait presque quatre ans que ce CQP est dans les tuyaux, le référentiel leur est parvenu au début du mois de mai sans que les prises en charge ne soient fixées. « Tout s’est fait un peu dans la précipitation, mais nous avons de l’expérience avec le CQP de dermo, tempère Jean-Louis Grillet. Le but était de lancer la formation avant la fin de 2021, de façon aussi que les aides aux employeurs soient possibles », en faisant référence aux aides des contrats de professionnalisation de 8 000 €. Oui, le CQP sera pris en charge mais, du côté de l’Opco-EP, organisme qui accompagne la branche dans ses besoins en formation et qui finance, il reste à fixer le montant de la prise en charge du salaire ou du coût horaire de la formation. Au 17 septembre au moment de boucler ce numéro, ce n’était pas encore le cas. Cela devrait être communiqué à la fin septembre.

Une bonification à discuter

Autre sujet pratique qui mérite réponse aussi, mais cette fois de la part des partenaires sociaux de la branche pharmacie, une éventuelle bonification à la grille pour les futurs détenteurs de cette spécialisation. Alors que les titulaires du CQP Dermo-cosmétique pharmaceutique reçoivent une prime forfaitaire d’un montant mensuel brut égal à trente fois la valeur du point conventionnel de salaire – sous réserve de pratiquer les activités associées à cette qualification -, rien n’a été prévu pour ce CQP par les syndicats représentatifs, comme le concède Philippe Denry : « Nous n’en n’avons pas encore discuté. Et la demande d’une éventuelle bonification ne figure pas sur les prochains ordres du jour ». Gageons que, là aussi, un montant sera fixé pour valoriser la mise en œuvre des compétences des officinaux détenteurs de ce CQP. Il reste le temps de cette formation pour aboutir sur ce point. Handicaps, maladies chroniques, retour à domicile après hospitalisation, ou vieillissement(2), les situations nécessitant du matériel médical sont nombreuses. Il serait dommage de se priver de gens formés à cette intention…

(1) La majorité des matériels dispensés en officine sont des dispositifs médicaux (DM) et relèvent d’une réglementation européenne. Le matériel regroupe tout ce qui n’est pas DM : aides aux repas et à la toilette (fourchette adaptée, barre de douche…) par exemple.

(2) Au 1^er janvier 2020, il y avait en France 13,8 millions de personnes âgées de 65 ans et plus (20,5 % de la population). En 2040, une personne sur quatre aura plus de 65 ans. Source : Tableaux de l’économie française, édition 2020 , Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Les CFA agréés

→ Sont agréés au CQP Dispensation de matériel médical à l’officine (DMMO), les établissements des organismes de formation qui préparent au BP de préparateur en pharmacie et qui proposent le CQP Dermocosmétique pharmaceutique. Au 17 septembre, il s’agit des vingt et un CFA suivants : Besançon (25), Bétheny (51), Brest (29), Caen (14), Douai (59), Épinal (88), Groisy (74), Guilherand-Granges (07), Juvisy-sur-Orge (91), Lorient (56), Lormont (33), Lyon (69), Marseille (13), Metz (57), Mont-Saint-Aignan (76), Nantes (44), Paris (75), Perpignan (66), Poissy (78), Poitiers (86) et Troyes (10).

D’autres demandes sont en cours de traitement et la liste devrait s’allonger dans les semaines à venir.

Les compétences du CQP « DMMO »

La formation, d’une durée de 180 heures, s’articule autour de six modules.

→ 1. Connaissance de l’environnement professionnel, réglementaire et de l’approche tarifaire.

→ 2. Obligations professionnelles, règles de déontologie et de bonnes pratiques, qualité et matériovigilance.

→ 3. Rappels physiopathologiques et thérapeutiques des principaux handicaps ou maladies ou situations de vie nécessitant le recours à du matériel médical ou des dispositifs médicaux.

→ 4. Connaissances médicotechniques des matériels et dispositifs médicaux.

→ 5. Accompagnement, relation d’aide et communication adaptés à une personne malade ou en situation de handicap et à ses proches.

→ 6. Communication professionnelle et dans le cadre d’un exercice interprofessionnel coordonné ou en réseau pluridisciplinaire.