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Un grain de SEL dans la déclaration d’impôt

Publié le 4 mai 2024
Par Anne-Charlotte Navarro
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Depuis le 1er janvier 2024, pour les revenus perçus dans l’année, les règles de déclaration des revenus du dirigeant ont changé. François Gillot, expert-comptable au sein du cabinet CAAG, revient sur les conséquences pratiques de cette modification.

 

Quelle est la nouvelle règle d’imposition des revenus perçus par un dirigeant de société d’exercice libéral (SEL) ?

La nouvelle doctrine de l’administration fiscale considère que « les rémunérations des associés dirigeants ou non de société d’exercice libéral à forme anonyme (Selafa), société d’exercice libéral par actions simplifiée (Selas), société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) et société d’exercice libéral en commandite par actions (Selca), allouées en raison de l’exercice de leur activité libérale dans ces mêmes sociétés sont en principe imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). En revanche, lorsqu’il est établi qu’un lien de subordination existe entre l’associé et la société au titre de l’exercice de cette activité, ces rémunérations sont imposées dans la catégorie des traitements et salaires ».

Par exemple, un pharmacien qui a perçu 70 000 € de rémunération annuelle en 2023 déclare ce montant dans la catégorie des traitements et salaires.

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Pour ses revenus 2024, ce même pharmacien devra procéder à une ventilation entre la rémunération de ses fonctions de direction de l’entreprise et celles de pharmacien. Cette dernière sera imposée sous le régime des BNC.

Pourquoi un tel changement ?

En 2013 et 2017, deux décisions de jurisprudence ont remis en cause les règles d’imposition des rémunérations perçues par les dirigeants. Alors que Bercy considérait que celles liées à des prestations techniques, c’est-à-dire à l’exercice de l’activité de pharmacien, perçues par les associés d’une SEL, étaient imposées dans la catégorie des traitements et salaires, le Conseil d’Etat avait estimé qu’au contraire elles devaient être imposées dans la catégorie des BNC.

Fin 2022, Bercy a aligné sa doctrine sur la jurisprudence. Les professionnels ont obtenu un report d’un an de ce changement. Il est donc applicable depuis le 1er janvier 2024 pour les revenus qui seront à déclarer au plus tard en mai 2025.

Quelle est la clé de ventilation des rémunérations ?

A ce jour, l’administration fiscale prévoit une quote-part forfaitaire de la fonction de direction, représentant 5 % de la rémunération totale. Si cette répartition peut être adaptée dans les structures traditionnelles, elle est biaisée dans les grandes pharmacies où les dirigeants ont vocation à « faire moins de comptoir » car ils se concentrent sur des fonctions de direction, d’achat et de stratégie. Le but de la rémunération pourra être précisé dans les conventions conclues entre la société et son associé, pour sortir de cette répartition.

Quelle est la conséquence financière ?

L’une des particularités de l’imposition en BNC est la perte de l’abattement de 10 % prévu dans la catégorie des traitements et salaires. En BNC, le pharmacien peut déduire des frais réels à condition de les avoir engagés personnellement. Il va donc probablement être imposé sur 10 % de plus.

Pourrait-il bénéficier du régime du micro-BNC ?

Ce régime permet au contribuable dont le chiffre d’affaires est inférieur à un seuil, fixé pour 2023 à 77 700 €, de déduire la somme forfaitaire de 34 % au titre des charges. Il s’applique automatiquement sur les deux premiers exercices d’exploitation.

L’administration fiscale a répondu en novembre 2023 que l’associé ne sera pas considéré comme créant une activité, il ne pourra donc pas bénéficier de l’application automatique.

Faut-il effectuer des démarches administratives particulières ?

Le régime des BNC prévoit des règles propres comme la tenue d’une comptabilité, l’ouverture d’un compte professionnel ou encore la facturation de la TVA. A priori, pour l’instant, l’administration dispense les dirigeants de SEL de ces formalités. En revanche, ils vont devoir ouvrir un compte au guichet unique pour être immatriculés.