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Les multiples facettes de l’intérêt économique de la substitution
Les aspects financiers restent toujours aussi importants pour l’économie de l’officine très générico-dépendante. Le poids des remises et des coopérations commerciales est en effet significatif.
Le droit de substitution, le système d’égalité des marges entre génériques et princeps (marge Gé = marge P), les remises et coopérations commerciales ont permis un véritable essor du marché des génériques en France.
Toute montée rapide du taux de substitution sur les spécialités génériques a un triple effet positif :
– un gain de marge important qui sera au minimum supérieur de 59 % par rapport au princeps pour un générique remisé à 40 % (pour un différentiel de prix fabricant hors taxe, c’est-à-dire PFHT, versus princeps de 60 %) ;
– des gains de trésorerie sans précédent, puisque l’achat d’un générique remisé à 40 % permet, mécaniquement, d’acheter le générique 4,3 fois moins cher que le princeps (pour un différentiel de PFHT versus princeps de 60 %). L’achat du générique induit, en effet, une économie de 77 % de la trésorerie qui aurait été nécessaire à l’achat du princeps ;
– empêcher le passage au tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) et ainsi éviter tout dommage collatéral irrémédiable.
Evolution du prix d’un princeps et de son groupe générique
Le Répertoire des génériques constitue le terrain de jeu de la substitution et l’instrument de contrôle du marché par l’Etat. La liste des médicaments génériques autorisés est disponible dans ce Répertoire présent sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Comme le stipule l’article R.5140 du Code de la santé publique, c’est le directeur de l’ANSM qui, après avis de la commission de la transparence, crée de nouveaux groupes génériques et y inscrit les spécialités de référence ou génériques.
Le droit de substitution peut s’exercer au sein d’un même groupe entre :
– deux spécialités de référence ;
– une spécialité de référence et une spécialité générique ;
– deux spécialités génériques ;
– une spécialité à base de plantes du groupe concerné.
A la commercialisation du premier générique inscrit dans un groupe générique, le prix est de 60 % inférieur à celui du princeps qui, dans le même temps, subit une décote de 20 %. Depuis 2006, le Comité économique des produits de santé (CEPS) a le choix des armes pour rapprocher le plus possible les prix entre princeps et génériques. Soit il applique les règles établies sur les TFR, soit il peut recourir à une solution alternative qui est de baisser administrativement les prix en appliquant une décote supplémentaire de 12,5 % sur le princeps et de 7 % sur le générique après 12, 18, 24 ou 36 mois.
Les demandes d’alignement de prix des princeps ne relèvent pas du Comité de suivi des génériques (CSG) qui ne gère que des baisses collectives de prix. Le CEPS est cependant tenu de prendre en compte les demandes individuelles de baisses de prix des laboratoires de princeps.
TFR et alignements de prix se traduisent par des pertes économiques immédiates liées à la réduction des marges sur le générique (calculées sur la base de celle du princeps) et à des remises accordées (plafonnées souvent à un niveau plus bas pour les génériques sous TFR). De plus, les molécules sous TFR sortent du champ conventionnel et de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) générique qui se réduit comme peau de chagrin.
Le plafond légal des remises sur les génériques
Depuis le 1er septembre 2014, ce plafond est de 40 % du PFHT. Auparavant de 17 %, ce relèvement a eu pour conséquence une augmentation du niveau des remises sur factures, qui peuvent atteindre le niveau maximal autorisé par la réglementation, et corrélativement une diminution des sommes allouées à l’occasion de contrats de coopération commerciale.
Acheter à PFHT moins 40 % aussi bien en direct que chez son répartiteur
Le prix grossiste hors taxe (PGHT) est le prix maximal auquel le répartiteur peut vendre les médicaments à ses clients officinaux. Il peut donc décider de renoncer à percevoir tout ou partie de sa marge s’il le souhaite et de vendre les spécialités génériques au PFHT. La législation en vigueur ne s’oppose pas à ce qu’un répartiteur décide de vendre des spécialités génériques au PFHT et de leur appliquer le montant maximum des avantages tarifaires, soit 40 % du PFHT. Un pharmacien peut en conséquence acheter des spécialités génériques au PFHT moins 40 % auprès de son répartiteur, si la rétrocession de tout ou partie de sa marge de vente en gros correspond à sa politique commerciale. Celle-ci n’est pas prise en compte dans le calcul des plafonds prévus à l’article L. 138-9 du Code de la Sécurité sociale (CSS).
Coopération commerciale et services distincts
A côté des remises, la coopération commerciale vise toutes les actions qui tendent à favoriser la commercialisation des produits (publicité sur le lieu de vente, location de vitrine, mise en place d’affiches, de dépliants, etc.). En revanche, des réponses à des enquêtes, des remontées de statistiques et, d’une manière générale, toute action qui ne promeut pas la commercialisation des produits et relève des autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale sont classées dans ce que l’on appelle les ex-« services distincts ». Ceux-ci peuvent être rémunérés sous forme de réduction de prix ou de prestations de services, tout en restant dans les limites du plafond autorisé.
Les prestations de services convenues avec les laboratoires doivent être contractualisées avec les fournisseurs dans les conditions prévues par le Code de commerce, dans une convention annuelle. En effet, l’ensemble de la relation commerciale entre fournisseurs et distributeurs doit être formalisé dans un plan d’affaires qui regroupe les conditions de vente résultant de la négociation commerciale, les services de la coopération commerciale et les ex-« services distincts ». S’agissant des coopérations commerciales, il doit préciser la date de réalisation des prestations, leur objet, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels se rapporte le service. Cette convention doit être établie avant le 1er mars de chaque année. A défaut, une amende administrative (prononcée par l’Administration) de 75 k€ pour les personnes physiques ou de 375 k€ pour les personnes morales est encourue. Les titulaires d’officine doivent être particulièrement attentifs à ces conditions de contractualisation.
Des remises et coopérations commerciales très encadrées
Sur les génériques, les contrôles en pharmacie de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) visent notamment à s’assurer que les dispositions de l’article L.138-9 du CSS sont respectées. En clair, la Direccte vérifie que l’ensemble constitué des remises et des ristournes, ainsi que de tous les avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature, y compris les rémunérations de coopération commerciale, ne dépasse pas les plafonds légaux. L’article L.138-9 du CSS impose un plafond au montant de ces avantages, par an et par ligne de spécialités pharmaceutiques remboursables. Ce plafond est de 2,5 % pour les princeps et de 40 % pour les spécialités génériques.
Ainsi, si le montant des remises sur factures accordées sur les génériques atteint le plafond légal de 40 % par ligne de spécialités génériques remboursables, les pharmaciens ne peuvent pas accepter de rémunérations supplémentaires se rapportant à ces mêmes produits. Si, à l’inverse, les remises sur factures n’atteignent pas 40 %, des coopérations commerciales peuvent être réalisées pour le montant correspondant à la différence entre le plafond légal et le montant des remises accordées. Elles doivent être clairement prévues dans la convention annuelle.
Dépassements, quelles sanctions ?
Lors d’un contrôle, l’inspecteur de la Direccte va demander à l’officine de lui remettre l’ensemble des documents commerciaux échangés avec les fournisseurs en spécialités génériques (conditions générales de vente des fournisseurs, conventions annuelles, factures de produits, le cas échéant factures de coopération commerciale, etc.), afin de vérifier le respect des plafonds légaux.
Le taux de remise mentionné sur les factures n’est donc pas suffisant pour déterminer si le plafond légal est respecté. Il faut prendre en compte l’ensemble des sommes perçues par ligne de produits et par année civile.
A l’issue d’un contrôle simple, l’administration peut considérer qu’une infraction a été commise. Selon le type d’infraction concernée, celle-ci peut faire l’objet d’un rappel à la réglementation, de poursuites pénales, d’une injonction administrative ou encore d’une amende administrative.
Le dépassement d’un plafond est pénalement sanctionné. Toutefois, dans plusieurs affaires, le tribunal de police a jugé que l’article L. 138-9 du CSS incrimine le fait pour les laboratoires de « consentir » des avantages financiers dépassant les plafonds, mais que le fait d’« accepter » de tels avantages n’est pas expressément incriminé par le texte. En conséquence, les pharmaciens ne peuvent pas être condamnés sur le fondement de ce texte. Ces quelques décisions ne permettant pas de déduire une réelle tendance jurisprudentielle, les pharmaciens d’officine doivent toutefois rester très vigilants sur les avantages tarifaires et financiers qu’ils reçoivent de leurs fournisseurs en spécialités pharmaceutiques.
Ensuite, en contrepartie d’avantages financiers, les prestations de services doivent être effectivement exécutées par les pharmaciens. A défaut, il existe un risque pour que la Direccte considère qu’il s’agit d’« avantages » prohibés par la loi « anti-cadeaux ». Il convient de rappeler que l’article L. 4113-6 du Code de la santé publique prohibe tant le fait de proposer ou de procurer des avantages, que le fait pour le pharmacien de percevoir des avantages. Sur ce fondement, les pharmaciens d’officine peuvent être pénalement sanctionnés.
Rosp générique
La Rosp générique rémunère les pharmaciens pour leur engagement dans la substitution, permettant à l’Assurance maladie de réaliser des économies considérables. L’avenant Rosp générique précise les molécules suivies pour le calcul de la Rosp et celles incluses dans la stabilité de délivrance pour les personnes âgées. Il doit faire l’objet d’un arrêté publié au Journal officiel.
Pour l’année 2020, le dispositif prévu par l’avenant n° 22 (le dernier sur la Rosp générique signé par les acteurs de la vie conventionnelle le 20 août 2020, entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’Uncam, et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine, l’USPO), concernant les objectifs individuels du pharmacien, est fondé sur 16 indicateurs indépendants entre eux : 13 dans le Répertoire conventionnel, 2 sur des nouvelles molécules : solifenacine et clopidogrel + acide acétylsalicylique, 1 sur le « reste du Répertoire ».
Ces indicateurs sont optimisés par la mesure de bonus/malus introduite depuis 2016 par l’avenant 9 à la convention nationale (bonus de 10 à 20 % si taux entre 95 et 100 % en 2020). Pour rappel, l’objectif vise à inciter les pharmaciens à être performants sur l’ensemble des indicateurs de la Rosp et non uniquement sur certains d’entre eux : un score par indicateur est mis en place selon la position du taux d’arrivée par rapport au seuil bas et au seuil intermédiaire.
Un tableau récapitule les objectifs spécifiques pour chaque molécule ciblée en précisant le seuil de substitution bas, les seuils intermédiaires et les économies potentielles à la clé.
Le score final correspond à la somme des 16 scores calculés par indicateur et est appliqué à la rémunération initiale.
Concernant l’indicateur de stabilité, neuf molécules sont ciblées en 2020 et correspondent à des molécules utilisées dans le traitement de pathologies chroniques. Les mesures de bonus/malus qui s’appliquent à ces molécules sont reconduites pour 2020. Ainsi, le pharmacien pourra voir sa rémunération sur la molécule concernée majorée de 10 % dès lors qu’il atteint les 90 % de stabilité, et de 20 % à partir de 95 % de stabilité.
Le dernier objectif national fixé était d’atteindre 90 % de taux de substitution d’ici fin 2020. Ce qui a été chose faite par les pharmaciens qui ont surperformé puisque le taux de substitution atteint a été de 91,6 %.
Cependant, le principe de la Rosp générique a aujourd’hui du plomb dans l’aile. Dans l’hypothèse d’un alignement généralisé des princeps sur les prix de leurs génériques, la Rosp est même vouée à disparaître. Pour rappel, l’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) prévoit que le remboursement des patients exigeant le médicament princeps sans justification médicale se fasse sur la base du prix du générique. Indépendamment des conséquences de l’application de cet article, du fait même des baisses constantes de prix des médicaments et de la diminution de l’écart de prix entre princeps et génériques, la Rosp générique est vouée à une mort lente. Sauf à la réinventer.
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