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Sans accord, après l’heure, c’est plus l’heure

Publié le 16 octobre 2021
Par Anne-Charlotte Navarro
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On croyait qu’un salarié ne pouvait généralement pas refuser de réaliser des heures supplémentaires dans la limite de 150 heures par an. Un principe bousculé par une décision remettant les pendules à l’heure.

LES FAITS

En 1976, M. P. est engagé en qualité de peintre par la société M. suivant un contrat de travail à durée indéterminée. En 2008, le nouveau directeur de la société impose des changements d’horaires. M. P. doit réaliser 4 heures supplémentaires chaque semaine.

Le 7 novembre 2014, il est licencié pour faute grave à la suite de trois avertissements et une mise à pied disciplinaire pour non-respect des horaires collectifs de travail. La société M. lui reproche de ne pas avoir réalisé les heures supplémentaires imposées chaque semaine. Le salarié saisit la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation des diverses sanctions.

LE DÉBAT

Les heures supplémentaires constituent l’exécution du contrat de travail, relevant du pouvoir de direction de l’employeur. Cependant, M. P. arguait que les 50 minutes supplémentaires réalisées chaque jour modifiaient sa durée de travail. Cette durée, précisée dans son contrat, passait alors de 35 heures à 39 heures. Or le Code du travail dispose que la modification du contrat de travail ne peut être imposée au salarié. En réponse, la société M. considérait que le même code l’autorisait à fixer des horaires collectifs de travail que le salarié se devait de respecter à compter de la date de leur affichage. Le 21 mars 2019, la cour d’appel d’Orléans (Loiret) donne raison à M. P. Elle estime son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les magistrats considèrent que le non-respect de l’horaire collectif n’est pas fautif, car il avait pour cause la modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur : M. P. n’ayant pas donné son accord pour passer de 35 heures à 39 heures par semaine, il n’avait donc pas à respecter les nouveaux horaires collectifs. D’autant qu’ils l’obligeaient à effectuer 50 minutes d’heures supplémentaires chaque soir. L’employeur forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 8 septembre 2021, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Comme les magistrats de cette cour, ceux de la plus haute juridiction française estiment que le caractère systématique du recours à des heures supplémentaires augmentant la durée du travail du salarié modifie le contrat de travail. Ce changement impose à l’employeur de recueillir l’accord du salarié. Ils réaffirment que le refus de ce dernier ne constitue pas une faute. Toutefois, la Cour de cassation se distingue des raisonnements des premiers juges en considérant que « la cour d’appel n’a pas recherché si, nonobstant son droit de refuser d’accomplir des heures supplémentaires, le salarié respectait les contraintes liées à l’horaire collectif affiché qui s’imposait à lui ». Ainsi, une seconde cour d’appel aurait dû déterminer si M. P. respectait les contraintes de l’horaire collectif dans les limites de son droit à refuser des heures supplémentaires.

Quoi qu’il en soit, cette décision de la Cour de cassation pose une limite au pouvoir unilatéral de l’employeur d’imposer des heures supplémentaires : le caractère systématique des heures. Si chaque semaine ou chaque jour le salarié effectue des heures supplémentaires, il peut les refuser puisqu’elles ont pour effet d’augmenter la durée de travail prévue dans son contrat.

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Source : Cass. Soc., 8 septembre 2021, n° 19-16.908.

À RETENIR

Il appartient à l’employeur d’imposer la réalisation d’heures supplémentaires dans la limite de 150 heures par an et par salarié.

Si les heures supplémentaires sont systématiques, elles ont pour effet d’augmenter la durée de travail prévue au contrat et constituent donc une modification du contrat.

Le salarié est alors en droit de les refuser.