Vente en ligne : des règles encadrant la publicité bien encombrantes

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Vente en ligne : des règles encadrant la publicité bien encombrantes

Publié le 26 octobre 2021
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le 17 septembre 2021, la Cour d’appel de Paris a considéré que les articles du Code de la santé publique, interdisant aux pharmaciens de recourir à des procédés publicitaires contraires à la dignité professionnelle, ne s’appliquaient pas aux pharmacies en ligne situées dans un autre état membre de l’Union européenne faute de notification du ministère de la Santé français à la Commission européenne. Depuis cette date, une question se pose : pourquoi le gouvernement français ne notifie-t-il pas ?

Les représentants de plusieurs organisations syndicales dont la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO), l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) et Fédergy, se sont mobilisés pour solliciter une explication de la part du ministère de la Santé. Mais sans succès. « J’ai l’impression que le ministère cherche à gagner du temps. Lors d’un échange téléphonique, il y a quelques semaines, le cabinet du ministère de la Santé nous expliquait qu’il avait sollicité la Commission européenne pour connaitre la procédure à suivre. Tous les participants à cette réunion sont restés cois », révèle Cyril Tétard, membre de l’UDGPO. La raison de l’absence de notification pourrait aussi être d’ordre juridique…

Quand l’application de la loi pose problème

Dans leur décision, les magistrats de la Cour d’appel de Paris considèrent que « l’énoncé abstrait des dispositions du Code de la santé publique encadrant la publicité, ou leur inadéquation au commerce électronique ne permet pas de déterminer un cadre ou des obligations suffisamment concrets et précis et de nature à contrôler leur nécessité et la proportionnalité de leur objectif de santé publique à l’offre de médicaments non soumis à prescription de la société Shop Apotheke ». En d’autres termes, les juges considèrent que les règles encadrant la publicité ne sont pas assez précises et adaptées aux particularités du commerce électronique pour vérifier si elles sont justifiées au regard du droit européen.

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Il faut rappeler que le 1er octobre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a reconnu que chaque Etat membre pouvait mettre en place des règles dérogatoires aux principes européens, entre autres, de la libre circulation des marchandises à condition que ces règles soient nécessaires et proportionnées à l’objectif à atteindre, à savoir la protection de la santé publique. Les magistrats européens renvoyaient aux juges français la mission de contrôler la nécessité et la proportionnalité des règles.

Or, le 17 septembre, les magistrats ont jugé qu’ils ne pouvaient pas contrôler ces points car les règles n’étaient pas adaptées aux spécificités de la vente en ligne.

Ainsi, le ministère de la Santé et la profession se trouvent dans une impasse. Si le ministère notifie les règles dérogatoires, il est fort probable au final que celles-ci soient considérées comme disproportionnées au regard du droit européen, et inapplicables. S’il ne notifie pas, les pharmacies françaises se retrouvent en concurrence face à des pharmacies européennes en ligne qui ne respectent pas les mêmes règles du jeu.